Découverte d’une nouvelle station audoise de Viola lactea Sm. sur le piémont de la Montagne Noire
Title
Discovery of a new Audoise station of Viola lactea Sm. on piedmont plateau of Montagne Noire
Résumé
Une nouvelle station languedocienne de Viola lactea a été découverte en mai 2021 sur la commune d’Issel, dans l’Aude. Il s’agit de la deuxième mention pour le département depuis la découverte de la première station audoise en 2006. La présente note reprend la description de l’espèce, son écologie et sa répartition actuelle, ainsi que la description de la station découverte.
Abstract
A new station of Viola lactea for Languedoc was discovered in May 2021 in Issel (Aude department). This is the second mention ever of that species for that department, since its discovery in 2006. This note provides a short description of Viola lactea’s distinctive features, its ecology, its known distribution, and describes the setting of the newly discovered station.
1. Description et état des connaissances sur l’espèce
Viola lactea Sm., 1798 est une dicotylédone herbacée vivace et caulescente de la famille des Violaceae (photo 1). De taille moyenne (35 cm tout au plus), elle possède une tige dressée issue de la souche, sans feuilles développées à son collet.
Les feuilles constituent le premier critère de distinction de l’espèce avec Viola canina dont elle est proche (Moore, 1959 ; Tison et al., 2014). Chez V. lactea, le limbe est étroitement ovale, à bord crenelé, subaigu à l’apex (Tison & de Foucault, 2014) et cunéiforme à la base (photo 3 ; en forme de cœur et nettement échancré à la base chez V. canina). Les stipules sont cependant linéaires et frangées comme chez V. canina.
Les fleurs, deuxième élément distinctif, sont d’un bleu très pâle, presque laiteux (photo 2 ; nettement plus foncées chez V. canina, rarement blanches ; Lambinon et al., 2012 ; Tison et al., 2014) et s’épanouissent d’avril à juin. V. lactea présente par ailleurs un éperon généralement concolore à la corolle, parfois blanc-verdâtre. Chez les deux espèces, les fleurs sont solitaires et inodores ; leurs capsules (fruits) sont glabres (photo 4).
Viola lactea possède une répartition européenne eu-atlantique (von Raab-Straube & Henning, 2018). Elle est ainsi distribuée au sud des îles Britanniques, en Galice et tout le long des côtes portugaises de l’Estrémadure et du Beira litoral (Moore, 1958 ; Muñoz Garmendia et al., 2005). En Belgique, quelques stations isolées (provinces de Flandre occidentale et orientale) viennent compléter son aire de répartition (Stieperaere, 1985). En France, l’espèce a une distribution nettement occidentale, des Pyrénées-Atlantiques à la Bretagne et au Calvados (Plassart et al., 2016), atteignant vers l’est les anciennes régions Centre et Limousin, mais aussi dans l’ouest de l’Allier (CBNMc, 2021) jusqu’en Midi-Pyrénées, dans le Lot et en Haute-Garonne. Une localité isolée est enfin notée plus à l’est dans l’Aude, dans le massif des Corbières.
Hémicryptophyte héliophile, Viola lactea affectionne, dans la majeure partie des cas, les sables siliceux, à l’exception de quelques stations portugaises où elle se développe sur les roches granitiques de la Serra do Gerês (Moore, 1958). En fonction de ses localités européennes, ce taxon mésohygrophile occupe des secteurs aux gradients hygrométrique et trophique variables, avec une amplitude altitudinale allant du littoral atlantique à la base de l’étage montagnard (Saule, 2018).
Sa préférence va cependant toujours aux milieux ouverts : des escarpements siliceux aux landes hygrophiles à Molinia caerulea (Ulicion minoris Malcuit 1929), ourlets préforestiers oligotrophiles, acidiphiles à acidoclinophiles (Conopodio majoris-Teucrion scorodoniae Julve ex Boullet & Rameau in Bardat et al. 2004), landes à bruyères et pelouses mésophiles (Agrostion curtisii B. Foucault 1986). L’espèce semble également apprécier des contextes plus pionniers à moindre concurrence à l’image des pistes et des layons forestiers (Plassart et al., 2016 ; Cordier, 2019). Viola lactea apparaît par ailleurs sensible à la concurrence et semble largement tributaire du maintien de ses habitats ouverts par des facteurs d’érosion ou de pression biotique et abiotique, qui favorisent le maintien d’un couvert végétal ouvert.
2. Description de la station découverte
Comme explicité plus haut, Viola lactea, d’affinité atlantique, n’était jusqu’alors connue que du sud de l’Aude, dans les hautes Corbières centrales, où quelques individus ont été observés pour la première fois en 2006 par Dominique Barreau sur la commune de Massac, entre le col de Cédeillan et le Ramaret. Cinq ans plus tard (en 2011), l’espèce est de nouveau observée par D. Barreau (comm. pers.) dans le même secteur, sur la commune voisine de Soulatgé, aux environs de Combe Rasade, sur des bords de pistes forestières et de bandes coupe-feu.
À près de 70 km à vol d’oiseau de cette population des Corbières, une deuxième population de l’espèce vient donc d’être découverte dans l’Aude en juin 2021. Elle se trouve cette fois-ci au nord-ouest du département, sur la commune d’Issel, à la jonction de la plaine agricole du Lauragais et du piémont audois de la Montagne Noire. Elle est située au nord-est du ban communal, au lieu-dit le Faba, à une altitude d’environ 200 m. Dans la station, trois pieds ont été dénombrés sur une surface d’environ deux à trois mètres carrés (photo 5).
Les individus occupent des pelouses xérophiles acidiphiles à dominance de graminées (du Galio saxatilis-Festucion filiformis), avec notamment Avenella flexuosa, Briza media, Agrostis capillaris, Anthoxanthum odoratum, Micropyrum tenellum, mais aussi Luzula campestris, Jasione montana, Rumex acetosella, Hypericum humifusum, Simethis mattiazzii et Lavandula stoechas. Cette formation végétale ouverte à semi-ouverte (photo 6) se développe à la faveur de milieux secondaires en transition. Elle est liée à d’anciennes activités agricoles ou sylvicoles et se trouve en contact ou en mélange avec des systèmes de fourrés (Cytisetalia scopario-striati Rivas Mart. 1975) et de landes xérophiles le plus souvent paucispécifiques, à Cistus salviifolius, Ulex europaeus, Erica arborea, E. cinerea et Calluna vulgaris (Cisto salviifolii-Ericion cinereae Géhu in Bardat et al. 2004), colonisant et refermant progressivement les secteurs les plus ouverts.
Isolées et vulnérables, les populations de Viola lactea sont à ce jour très rares à l’échelle du département et sont susceptibles de disparaître par la fermeture des milieux et l’exploitation (notamment sylvicole) de leurs habitats. Cette nouvelle observation encouragera probablement la mise en oeuvre de prospections plus larges à l’échelle de la Montagne Noire et de ses piémonts audois et tarnais, sur un massif encore trop peu prospecté à ce jour.
Bibliographie
Cordier J., 2019. Clé de détermination des Violacées du Centre-Val de Loire. Compilation et adaptation, MNHN/CBNBP, version 1, 6 p.
CBNMc (Conservatoire botanique national du Massif central), 2021. Système d’information CHLORIS. http://cbnmc.fr/cartoweb3/
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Lambinon J., Delvosalle L. & Duvigneaud J., 2012. Nouvelle flore de Belgique, du Grand-Duché du Luxembourg, du nord de la France et des régions voisines (6e édition). Jardin botanique national de Belgique, Meise, 1195 p.
Moore D.M., 1958. Viola Lactea Sm. (V. lancifolia Thore). Journal of Ecology 46 : 527-535.
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Plassart C., Barreau D. & Andrieu F. (coord.), 2016. Atlas de la flore patrimoniale de l’Aude. Fédération Aude Claire, CBNMed, SESA & Les Ateliers de la nature, Biotope, Mèze, 432 p.
Raab-Straube E. (von) & Henning T., 2018. Violaceae. In Euro+Med Plantbase, the information resource for Euro-Mediterranean plant diversity, http://ww2.bgbm.org/EuroPlusMed/, consulté le 14/11/2021.
Saule M., 2018. La nouvelle Flore des Pyrénées. Éditions du Pin à crochets, 1380 p.
Stieperaere H., 1985. Viola lactea Sm. and V. persicifolia Schreb., two neglected violets of the Belgian flora. Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique 118 : 157-164.
Tison J.-M. & de Foucault B. (coord.), 2014. Flora Gallica, Flore de France. Biotope, Mèze, xx + 1 196 p.
Tison J.-M., Jauzein Ph. & Michaud H., 2014. Flore de la France méditerranéenne continentale. Naturalia publications, Turriers, 2078 p.
Remerciements
Ils s’adressent à Marc Espeut pour la confirmation de l’identification, à Frédéric Andrieu pour son accompagnement, sa relecture attentive et ses précieux conseils, ainsi qu’à mon collègue Cédric Mroczko pour les dernières corrections.