Quelques plantes rares pour la Haute-Garonne découvertes ou redécouvertes en 2021
Title
Some rare plants for Haute-Garonne discovered or rediscovered in 2021
Résumé
Présentation de quelques découvertes botaniques intéressantes pendant l’année 2021.
Abstract
Presentation of some interesting botanical discoveries during the year 2021.
Lors des diverses sorties d’herborisation dans le département de la Haute-Garonne en cette année 2021, j’ai eu l’occasion de trouver ou de déterminer quelques taxons forts intéressants pour le département, taxons rares ou qui n’avaient pas été vus ou non revus depuis très longtemps. Je présente ici quelques-unes des plus belles découvertes de cette saison.
Je commencerai cette présentation par les espèces dont les populations semblent indigènes (ou assimilées) et dont les stations découvertes l’ont été dans des milieux « naturels ». La seconde partie concernera quelques plantes exogènes, accidentelles, subspontanées ou en voie de naturalisation. La présentation se fera par ordre alphabétique. La cotation de la liste rouge UICN de la flore vasculaire de l’ex-Midi-Pyrénées est notée juste après le taxon entre parenthèses. Les découvreurs sont notés : LB (Lionel Belhacène), JT (Jérôme Thèbe) et JMT (Jean-Marc Tison), avec qui j’ai eu la chance de pouvoir herboriser.
1. Plantes indigènes (ou assimilées)
Arenaria purpurescens Ramond ex DC. (LC)
Bien qu’apparemment assez souvent recensée sur le département, cette petite caryophyllée à fleurs rosées (photos 1) n’avait toujours pas été vue lors de mes prospections. Nous ne possédons d’ailleurs aucune mention de ce taxon depuis 2000. Les données concernant cette plante sont assez diverses. Ce serait J. Zetterstedt en 1857 qui la signala le premier aux « Crabioules ». Puis c’est Sabaudie dans les années 1920 qui la mentionna aussi des « Crabioules ». Entre 1968 et 1972, R. Nègre nous donne une liste de plusieurs mentions provenant des Crabioules, mais aussi du Val d’Arrouge (Lacasses d’Arrouge, 2 310 m), de la Coume de l’Abesque (2 100 m) ou du « verrou du Portillon (2 070 m). Nous avons aussi une donnée présente dans l’herbier de Jouéou de C. Bulard vers le « lac de Venasque (2 000 m) ». Enfin, L. Guerby l’a aussi notée sur le Crabère en 2000, sans plus de précisions.
Avec toutes ces données, personne ne semble avoir pu retrouver cette Arenaria depuis plus de vingt ans dans le département. C’était donc une belle redécouverte que de voir plusieurs populations comprenant quelques centaines de pieds sur les pelouses rocheuses calcicoles qui se trouvent en contrebas du pic de Crabère (versant nord) entre 2 300 et 2 500 m (JT & LB : Melles, 23/07/2021).
Diplotaxis viminea (L.) DC. (CR)
Les seules mentions historiques connues de ce taxon (photos 2) proviennent de Saint-Béat (carrière Saint-Martin), et datent du xixe siècle (Lapeyrouse, repris par Coste & Zetterstedt), puis du début des années 1900 par l’abbé Jourtau. C’est tout à fait par hasard, en attendant un rendez-vous chez le dentiste, que j’ai découvert une belle population de cette très discrète et précoce crucifère (LB : Montgiscard, 27/02/2021). Des centaines de pieds, souvent déjà en fruits, tapissaient un petit talus, sur plusieurs mètres carrés, devant une maison sur les hauteurs de la commune de Montgiscard, vers le lieu-dit « Cordelier ».
Euphorbia characias L. subsp. characias (LC)
À ma connaissance, aucune mention historique concernant cette grosse euphorbe (photos 3) n’est connue pour des plantes indigènes en Haute-Garonne. Zetterstedt la signale en « vallée de Venasque », mais c’est sur le versant espagnol, et, dans Le Monde des Plantes, Ph. Le Caro nous indique sa présence à Toulouse (Rangueil). Cette dernière mention concerne des plantes échappées d’un jardin, sur le trottoir adjacent. C’est donc bien une nouvelle espèce pour le département de la Haute-Garonne qui a été découverte cette année sur la commune de Revel (LB : Revel, 02/03/2021). Une petite population de 25 pieds environ se situe sur le haut du vallon de Rastel, entre Revel et Saint-Ferréol, juste au sommet du vallon.
Helianthemum apenninum var. roseum (Grosser) Grosser ex Hegi (LC)
Cette simple variété de Helianthemum apenninum subsp. apenninum (photos 4) est suffisamment rare dans les Pyrénées françaises, et encore plus en Haute-Garonne, pour lui consacrer un petit paragraphe. Cette population était déjà connue dans les années 1900, puisque nous pouvons retrouver des parts d’herbier de l’abbé Jourtau et de Boubée dans l’herbier de Luchon. C’est déjà des rochers de Saint-Aventin que proviennent les plantes de ces parts.
Lors d’une balade sur la commune de Saint-Aventin pour aller photographier Bromus squarrosus et d’autres plantes à affinités méditerranéennes, nous avons prospecté les rochers surplombant la route à l’embranchement des deux vallées (comme indiqué sur une des parts d’herbier de Luchon). Quelle ne fut pas ma surprise de retrouver un siècle plus tard cette belle station de H. apenninum à fleurs roses (LB : Saint-Aventin, 27/05/2021). Ce sont plus de cinquante pieds qui parsèment ces rochers.
Lavandula angustifolia Mill. subsp. pyrenaica (DC.) Guinea (DD)
Aucune mention historique, à ma connaissance, ne signale la présence de cette lavande (photos 5) en Haute-Garonne. Son aire de répartition de l’est à l’ouest des Pyrénées semble s’arrêter en Ariège. Il existe peut-être une ou deux stations dans les Hautes-Pyrénées, mais cela reste à confirmer. C’est donc avec beaucoup de joie que j’ai découvert une magnifique population de ce taxon (LB : Belbèze-en-Comminges, 21/02/2021), sur le coteau des lieux-dits « Pédégas » et « Pédégas d’en haut ». À cette période, les hampes florales n’étaient pas développées, mais la plante ne pouvait pas être L. latifolia (d’ailleurs aussi présente sur le site). Après une seconde visite au mois de juin 2021, j’ai pu confirmer le taxon (et surtout la sous-espèce). Ce sont plusieurs dizaines de pieds qui poussent dans cette « garrigue » du confin des Petites-Pyrénées.
Menyanthes trifoliata L.
Si cette plante si particulière est déjà connue dans le département de la Haute-Garonne (quelques pieds seulement sur la commune de Cuguron, où elle est en piteuse situation due à l’abandon des quelques petites tourbières de pente qui l’abritent), elle n’avait jamais été revue dans le secteur pyrénéen du département. Pourtant, quelques mentions anciennes (et parts d’herbier) accréditent son existence. Elle était présente autour du lac de Barbazan en vallée de Luchon ; cette station est aujourd’hui détruite. Elle a aussi été signalée vers le col de Peyressourde. Tout d’abord, c’est Sabaudie et Boubée qui la mentionnent sur les communes de Poubeau et de Portet-de-Luchon (Jouvac). R. Nègre l’aurait retrouvée en 1972 sur la commune de Poubeau ; il a eu plus de chance que nous lors de notre prospection ciblée dans ce coin en 2010. C’est Jérôme Thèbe qui, venant nous rejoindre (Jean-Marc Tison et moi-même) pour aller voir la fameuse Pulmonaria angustifolia des Pyrénées (qui n’est autre qu’une forme très bleue et sans macules de P. longifolia) sur les versants du Peyressourde, a découvert une belle population de ce « trèfle d’eau » (JT : Garin, 08/06/2021 ; photos 6). Elle est située sur la commune de Garin, sur un petit replat humide à l’est de « la croix des Passages », vers 1 500 m d’altitude. Des recherches futures dans ces environs nous diront si cette plante est encore plus répandue dans le secteur…
Orobanche reticulata Wallr. (DD)
Les données anciennes d’orobanches ne sont pas nombreuses pour la Haute-Garonne. R. Nègre signale cependant cette espèce sur la commune de Portet-de-Luchon en 1972. Il y a deux ans, nous avions suspecté cette plante sur les contreforts du pic du Céciré ; il s’agissait d’un seul pied complètement desséché mais qui semblait provenir d’une souche de Carduus defloratus L. subsp. argemone.
Cette année, sur les rochers de Péne Blanque sur la commune de Herran (pour aller voir la station type de Festuca ochroleuca Timb.-Lagr.), ce sont plusieurs pieds de C. defloratus subsp. argemone que nous avons trouvés parasités par cette orobanche (LB, JT et JMT : Herran, 09/06/2021). La période de floraison était parfaite et les plantes en plein épanouissement. Nous avons donc pu la déterminer avec beaucoup plus de certitude (photos 7).
Saxifraga androsacea L. (DD)
Cette toute petite saxifrage très discrète a été mentionnée à plusieurs reprises dans le département de la Haute-Garonne. Les mentions historiques dont j’ai connaissance sont de Sabaudie, Boubée et de l’abbé Jourtau, elles datent donc déjà d’environ un siècle. Les localités citées sont diverses : pic et coume de Crabère, port de la Frèche, lac du Portillon d’Oô, port de Venasque, Céciré ou encore Gouaux-de-Larboust. Plusieurs de ces endroits ont été souvent arpentés par des botanistes depuis quelques années, mais toujours aucune trace de cette plante.
Lors de notre session pyrénéenne Isatis 2021, un courageux est monté jusqu’au sommet du pic de Crabère après une bonne journée d’herborisation vers le mail de Cristal. En redescendant au campement, J. Thèbe nous fait part de sa découverte d’une petite plante à fleurs blanches qui ne lui est pas familière. Nous comprenons qu’il venait de faire une belle (re)découverte : c’était bien Saxifraga androsacea (photo 8) qui était non revue depuis plus d’un siècle (JT : Melles, 23/07/2021).
Saxifraga pubescens Pourr. (DD)
Une seule mention de Saxifraga pubescens Pourr., ne correspondant apparemment pas à S. iratiana qui était souvent mis en simple sous-espèce de pubescens, était connue pour le département de la Haute-Garonne. Elle avait été signalée dans le supplément n° 10 d’Isatis31 (Inventaire de la flore vasculaire de Haute-Garonne) en 2010. Elle émanait des données récupérées auprès du CBNPMP. Un article (dans Isatis31 n° 11) de corrections de cet inventaire avait été rédigé par l’équipe de ce conservatoire botanique. Il stipulait alors que ce n’était certainement pas la subsp. pubescens qui avait été vue, mais plutôt la subsp. iratiana. Dès lors, plus aucune mention de S. pubescens au sens strict (subsp. pubescens) n’était alors connue pour le département.
Lors d’une balade dans le secteur du Val de Burbe (sous le mail de Cric), Amandine Biau et Jérôme ont retrouvé cette saxifrage (A. Biau, JT : Saint-Mamet, 13/04/2021) en plusieurs petites populations. Les plantes ont été vues la première fois le 13 avril 2021. C’était vraiment le début de la floraison de quelques pieds seulement. Elles ont été trouvées le long du chemin qui traverse le bois de la Réouère à 1 400 m d’altitude environ, sur rochers, souvent en compagnie d’Asarina procumbens. D’autres visites durant la première quinzaine de mai ont permis de voir beaucoup de pieds à partir de 1 400 m dans les rochers schisteux au sud du mail de Cric. La limite, à l’est, semble être le ravin de la Lit. La rive droite est schisteuse, là où l’espèce est abondante sur les rochers. La rive gauche est plutôt calcaire et la plante est absente. Elle monte jusqu’à 1 600 m environ. Ensuite, il y a quelques pieds moins caractéristiques (poils glanduleux courts, aspect très compact) sur la crête qui relie le mail de Cric au sommet de la Laque (vers 1 850 m d’altitude). Après un échange de photos entre nous et après en avoir discuté avec JMT, nous pouvons aujourd’hui affirmer que S. pubescens subsp. pubescens est bien présent jusqu’en Haute-Garonne (photos 9).
2. Plantes exogènes (ou assimilées)
Briza maxima L. (LC)
Au xixe siècle, cette graminée était connue des environs de Saint-Béat et Lez (apparemment aussi sur Cierp), comme en attestent quelques mentions de Lapeyrouse ou de Zetterstedt. Sabaudie, dans les années 1920, le signale encore sur les rochers de Saint-Béat et même vers l’école de Fronsac (toujours dans la vallée de Luchon). Ces données semblent montrer que cette espèce était alors en situation d’indigénat pour notre département. Aucune de ces localités ne paraissent aujourd’hui porteuses de cette très décorative poacée. Les visites effectuées lors d’herborisations n’ont rien donné.
C’est dans la plaine de la Lèze, aux abords de Labarthe, que nous en avons découvert (LB et JMT : Labarthe-sur-Lèze, 08/06/2021) une population assez importante. Les plantes (photos 10) prospéraient dans une friche en bordure de route. Il paraît évident que l’indigénat de cette population est impossible. Il doit s’agir de plantes issues de restes de semis. Cette graminée est parfois plantée dans les jardins et les espaces verts depuis l’engouement des graminées comme plantes ornementales. Cela reste par contre la seule station connue en Haute-Garonne (hors plantations) depuis presque un siècle.
Salvia nemorosa L.
Aucune citation de cette plante ne semble exister dans la littérature. Ceci n’est pas très étonnant, car c’est une plante qui n’est que depuis peu de temps présente dans les jardins et les différents parterres urbains.
En allant photographier une inflorescence de Arundo donax pour la Flore des Poaceae de Haute-Garonne qui est en cours d’écriture, je me suis arrêté sur une belle plante aux magnifiques inflorescences bleu intense. « Tiens, cela ne me dit rien…, une sauge ? Oui, pourquoi pas, mais laquelle ? un cultivar de officinalis ? Non, ou pourquoi pas… ». Bref, je photographie, je la prends par la tige, je la montre à ces messieurs, et ces messieurs me disent… Pourquoi pas Salvia sylvestris ? En y regardant de plus près et avec l’aide de Boris Presseq du muséum de Toulouse, nous concluons qu’il s’agit bien de S. nemorosa L. (photos 11). C’est donc une nouveauté pour la Haute-Garonne (LB : Toulouse, 27/10/2021). Trois pieds ont poussé dans une pelouse urbaine en cours d’enfrichement (ou disons pas trop entretenue). Les plantes ont l’air de très bien se porter et de prospérer tranquillement, loin de toute habitation ou plate-bande fleurie.
Solanum chacoense Bitter
Cela fait quelques années que nous connaissons cette patate. Elle a longtemps été présente dans les allées du Jardin botanique Henri-Gaussen (d’où elle a été déterminée correctement pour la première fois). L’année dernière, deux stations en bord de Garonne (hors milieu urbain) ont été découvertes. Nous avons pour l’occasion appris qu’elle était aussi présente sur la commune de Vigoulet-Auzil. Depuis, ce sont encore deux autres stations qui ont été découvertes cette année, à plus de 20 km de Toulouse (LB : Montgiscard et Baziège, 25/08/2021 et 27/08/2021 ; photo 12). Si cette exogène n’est pas en train de se naturaliser, cela y ressemble drôlement !
Bibliographie
Belhacène L., 2010. Supplément n° 10 d’Isatis31 (Inventaire de la flore vasculaire de Haute-Garonne). 1 001 copies, 145 p.
Lapeyrouse P. (Picot de), 1813. Histoire abrégée des plantes des Pyrénées et itinéraire des botanistes dans ces montagnes, Toulouse, impr. de Bellegarrigue, 700 p.
Le Caro Ph., 1978. Deux adventices notées à Toulouse. Le Monde des Plantes 73e année, 395 : 8.
Nègre R.,1969. La végétation du bassin de l’One (Pyrénées centrales), 2e note : les pelouses. Portugalia Acta Biologica X : 1-137.
Zetterstedt J.,1857. Plantes vasculaires des Pyrénées principales. Paris, 329 p.
Remerciements
Un grand merci à Valérie Martin-Rolland pour sa relecture ainsi qu’à Jérôme Thèbe pour le partage de ses découvertes et aussi pour sa relecture.