Genista aetnensis (Biv.) DC. subsp. aetnensis en cours de naturalisation dans le Tarn-et-Garonne ?

Title

Genista aetnensis (Biv.) DC. subsp. aetnensis being naturalized in Tarn-et-Garonne ?

Résumé

Genista aetnensis, espèce supposée endémique sicilienne et sarde mais dont l’indigénat en Corse est très probable, a été planté en bord d’autoroute dans le département du Tarn-et-Garonne, entre Agen et Montauban. La plante semble se ressemer sur ces milieux siliceux et est peut-être en cours de naturalisation. Le présent article relate les circonstances de l’observation et rappelle la situation de la plante en France.

Abstract

Genista aetnensis, a species supposedly endemic to Sicily and Sardinia but very probably also in Corsica, was planted on the edge of a motorway in the department of Tarn-et-Garonne, between Agen and Montauban. The plant seems to be resowing on these siliceous environments and may be in the process of naturalization. This article describes the circumstances of the observation and the situation of the plant in France.

Genista aetnensis (Biv.) DC. est un genêt très spécifique par son port. Il s’agit en effet d’un nanophanérophyte, ce qui est exceptionnel au sein du genre. Son aspect ornemental indéniable amène certains pépiniéristes à le proposer depuis peu dans leurs catalogues. Pour autant, la plante ne semble pas plantée pour l’agrément du bord des routes.

Sa découverte récente dans le Tarn-et-Garonne est donc une surprise, ce d’autant que la plante se ressème à l’évidence et pourrait être en cours de naturalisation.

1. L’observation de la plante

L’un d’entre nous (NL) a observé la plante le 13 mai 2020 le long de l’autoroute A 62, entre Agen et Montauban, à la limite des départements de Tarn-et-Garonne et de Lot-et-Garonne (figure 1). Le genêt se trouve plus exactement sur la commune de Dunes, sur des talus siliceux où est notamment abondamment planté Cytisus striatus (Hill) Rothm., qui s’y est largement naturalisé.

Figure 1. Localisation de Genista aetnensis dans le Tarn-et-Garonne (point rouge).

Le 9 juillet 2020, un arrêt sur place a permis d’observer plus précisément la situation de la plante. Une quinzaine de plantes ont manifestement été plantées, dont les plus hautes mesurent plus de six mètres de haut et ont un tronc très différencié (figure 3). À leur pied, poussent une dizaine de jeunes pieds, relevés sur le terre-plein central au niveau du pont de Bissières, issus de la germination des plantes plantées initialement (figure 2). Une exploration plus approfondie de la zone, peu aisée en raison du contexte routier, permettrait sans doute d’affiner ce décompte.

Figure 2. Jeunes pieds de Genista aetnensis sur le terre-plein central de la A62 (flèches rouges). © N. Leblond, 9 juillet 2020.

Figure 3. Pied adulte de Genista aetnensis planté au bord de la A62. © N. Leblond, 9 juillet 2020.

2. L’identification de la plante

Si l’appartenance du genêt de Dunes à l’espèce G. aetnensis ne fait aucun doute, il s’agit de savoir si cette plante correspond aux plantes italiennes ou corses.

Concrètement, les différences entre les deux sous-espèces de la plante (cf. infra) consistent essentiellement dans la taille des fleurs et des fruits, celles des plantes corses étant sensiblement plus petites que celles des plantes siciliennes et sardes.

Les plantes de l’Etna, de Sardaigne et naturalisées au Vésuve (subsp. aetnensis) ont des fleurs mesurant 10-12 mm de long (figure 4a) et des fruits mûrs de 8-10 mm (figure 5a), souvent arqués à l’apex. Celles de Corse (subsp. fraisseorum) ont par contre des fleurs ne dépassant pas 8 mm (figure 4b) et des fruits très courts, d’environ 5-7 mm de long (figure 5b).

Les plantes du Tarn-et-Garonne appartiennent sans aucun doute à la subsp. aetnensis ; elles ont des corolles d’environ 10 mm (figure 4c) et des fruits très longs, de près de 12 mm (figure 5c).

Figure 4. Fleurs de G. aetnensis. a) subsp. aetnensis (Vésuve, 12 juillet 2014). b) subsp. fraisseorum (Palo, 8 juillet 2014). c) subsp. aetnensis (Dunes, 9 juillet 2020). © P. Coulot & Ph. Rabaute.
Figure 5. Fruits de G. aetnensis. a) subsp. aetnensis (Vésuve, 12 juillet 2014). b) subsp. fraisseorum (Palo, 8 juillet 2014). c) subsp. aetnensis (Dunes, 9 juillet 2020). © P. Coulot & Ph. Rabaute.

Le genêt planté au bord de la A 62 est donc issu de plantes italiennes, très probablement siciliennes, où la plante est la plus abondante. Si la plante est désormais présente dans de nombreux catalogues de pépinières, nous n’avons pas trouvé d’information sur l’origine précise des cultivars, même s’il est généralement mentionné que la plante est originaire de l’Etna. Il convient de rappeler que G. aetnensis résiste au gel jusqu’à -15 °C et qu’il peut donc être planté sur la plupart du territoire national sans grande crainte de le voir geler.

3. Rappels sur l’aire de répartition de Genista aetnensis et sur sa situation en France

Genista aetnensis est une espèce isolée au sein du genre, constitutive de la section monospécifique Aureospartum Valsecchi (1993). Elle est connue de longue date dans l’est de la Sicile, en particulier sur les contreforts de l’Etna, mais est également considérée comme sauvage dans le nord et l’est de la Sardaigne (Arrigoni et al., 1967 ; Arrigoni, 1978). Ce genêt est abondamment naturalisé dans le sud de l’Italie près de Naples, où il couvre littéralement les parties basses du Vésuve suite à des opérations de reboisement après la Deuxième Guerre mondiale (Stinca et al., 2013).

En France, il a été découvert en Corse en 1961 sur le côte est de l’île, initialement confondu avec l’espèce maghrébine G. retamoides Spach (Vivant, 1966), puis correctement identifié par ce même auteur en 1974. Depuis plusieurs autres stations ont été observées, toutes dans un périmètre restreint autour de l’étang de Palo, du marais de Leccia et des berges de la Solenzara (Deschâtres, 1980 ; Conrad, 1982 ; Paradis, 1993 ; Piazza et al., 1996, 2000 ; Néry & Delage, 2015).

Après que les populations corses ont longtemps été considérées comme étant issues de plantations sporadiques à partir de plantes italiennes, expliquant le mauvais état de la plupart des sujets situés près du littoral, l’hypothèse de leur indigénat a été évoquée, justifiant de nombreuses mesures de protection de la plante (AGENC, 2001 ; Massoni et al., 2010 ; Piazza et al., 2015). Les raisons de ce changement d’approche sont d’une part la différenciation caryotypique des populations corses à 2n = 54 (pour 52 pour les populations italiennes ; Verlaque et al., 1992) et d’autre part les tailles des fleurs et des fruits, plus courts chez les plantes corses (Tison & de Foucault, 2014 ; Coulot & Rabaute, 2016). Fridlender (2018) a même statué sur le fait qu’il s’agirait d’un taxon paléoendémique autochtone en situation de refuge, pour lequel il crée la subsp. fraisseorum Fridlender.

À notre connaissance, G. aetnensis n’est naturalisé nulle part en France métropolitaine. Il s’agirait donc de la première situation de cette nature.

4. Conclusion

Notre observation du genêt de l’Etna dans le Tarn-et-Garonne correspond à la plante italienne (G. aetnensis s. str.) et non au taxon infraspécifique présent en Corse. Elle est à ce stade citée ici à titre purement indicatif. En effet, il est largement prématuré de considérer qu’une naturalisation de la plante soit en cours.

Pour autant, la plante fructifiant et se ressemant incontestablement, il sera très intéressant de suivre l’évolution de cette population en devenir, qui compte déjà au moins une dizaine de pieds issus des quelques plantes initialement plantées en bord d’autoroute. Elle deviendrait, dans l’hypothèse d’une naturalisation, la seule population française de ce genêt.

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