Pérégrinations botaniques dans le sud et le centre de l’Espagne au printemps 2023

Title

Botanical peregrinations in southern and central Spain in spring 2023

Résumé

Cet article présente les observations faites lors d’un voyage botanique du 28 avril au 6 mai 2023, dans la Communauté valencienne, la région de Murcia, l’Andalousie orientale et la Communauté de Madrid. Ce printemps marqué par une sécheresse séculaire fut l’occasion d’observer plusieurs espèces remarquables, malgré la quasi-absence de thérophytes.

Abstract

This article presents the observations made during a botanical trip from 28 April to 6 May 2023, in the Valencian Community, the region of Murcia, eastern Andalusia and the Community of Madrid. This spring, marked by a secular drought, was an opportunity to observe several remarkable species, despite the virtual absence of therophytes.

L’Espagne a une flore remarquablement diversifiée, que la plupart des botanistes français explorent dès qu’ils en ont l’occasion. Les voyages en Andalousie, dans la Communauté valencienne ou dans les sierras du Centre-Est du pays (Teruel, Javalambre, etc.), sur les traces de Pierre-Edmond Boissier (1839-1845) ou de Michel Gandoger (1917, etc.) sont des étapes incontournables dans le parcours initiatique d’un botaniste de terrain européen. Nos voyages de 1995, 1999 (Coulot & Rabaute, 2001 ; Rabaute & Coulot, 2002), 2001, 2003, 2006 et 2011 ont été de ceux-là et nous ont permis d’appréhender de façon satisfaisante la flore de la péninsule Ibérique. Mais nous n’avions pas voyagé en Espagne depuis de nombreuses années pour privilégier des contrées plus orientales. Le printemps 2023 fut l’occasion de ce retour dans le pays de Cervantès, pour un séjour dans le sud et le centre du pays, en cette année marquée par une sécheresse historique.

1. Un printemps sans thérophytes

Herboriser au printemps a cela d’agréable que se côtoient habituellement les plantes annuelles et vivaces, les thérophytes étant en plein épanouissement après les pluies hivernales et du début du printemps. Ce mois d’avril 2023 espagnol a totalement dérogé à cette règle suite à une année 2022 déjà très sèche en de nombreuses régions, mais surtout suite à un premier quadrimestre 2023 marqué par une pluviométrie quasiment nulle dans de très nombreuses régions du pays. Ce genre de phénomène, dont la fréquence depuis quelques années ne peut être décorrélée du dérèglement climatique global, a induit des paysages printaniers andalous et valenciens bien tristes, les champs de thérophytes habituels étant souvent réduits à des steppes arides sans la moindre plante annuelle, en particulier dans les régions d’Alicante, de Murcia et d’Almeria.

L’analyse de la pluviométrie de ce début d’année 2023 permet très facilement de comprendre ce constat, avec un déficit hydrique exceptionnel dans les régions les plus arides de la péninsule Ibérique, comme Almeria, Alicante et Murcia, mais aussi dans les zones plus septentrionales. En moyenne entre 1991 et 2021 (sources https://www.infoclimat.fr/ et https://en.climate-data.org/), les précipitations de janvier à avril représentent entre 40 et 50 % de celles de l’année (100/221 mm à Almeria, 105/279 mm à Alicante et 120/312 mm à Murcia). De janvier à avril 2023, elles ont représenté respectivement 4, 3 et 8 % de la pluviométrie annuelle moyenne pour ces trois villes, avec respectivement 8, 7 et 27 mm sur quatre mois…, autant dire rien du tout.

La situation n’était d’ailleurs guère différente plus au nord, avec des pourcentages comparables à Madrid et à Barcelone : 44 mm en quatre mois contre 162 mm en moyenne à Madrid et 51 mm contre 175 mm à Barcelone. Les déficits hydriques du premier quadrimestre 2023 ont donc été de 64 % à Malaga, 71 % à Barcelone, 72 % à Madrid, 78 % à Murcia, 92 % à Almeria et 93 % à Alicante (figures 1 à 6). Rien d’étonnant que les plantes annuelles aient passé leur tour. Mais, pire, nous avons observé à plusieurs reprises des sous-arbrisseaux qui n’ont pas fleuri du tout en cette année 2023, comme par exemple Astragalus hispanicus Coss. ex Bunge.

Si cette année 2023 a été exceptionnellement sèche, il est désormais validé par de nombreuses publications, en particulier du GIEC, que le changement climatique touche fortement l’Europe de l’Ouest et que nous devrons nous y adapter, quelle que soit la maîtrise future de nos émissions de carbone. Pour les plantes annuelles, la mention “floraison après les pluies” devra-t-elle remplacer à l’avenir dans les flores le classique “floraison en mars-avril”, comme cela est le cas pour les régions désertiques ? Espérons que non, mais il est très inquiétant, au-delà des considérations des botanistes, d’imaginer ce que devra être la gestion de l’eau dans le sud de l’Espagne, et même plus au nord. Les projets de dessalement d’eau de mer s’y multiplient, en particulier par la technique d’osmose inverse. C’est en particulier le cas en région Catalogne.

Nous avons donc modifié notre parcours au fur et à mesure de la semaine, en remontant vers Madrid plus tôt que prévu, face à la situation calamiteuse des floraisons en Andalousie orientale. Pour autant, cette semaine espagnole nous aura permis d’observer de nombreux taxons peu fréquents, et même quelques plantes exceptionnelles ; nous en livrons ici nos principales observations, avec une iconographie fournie. Les familles des Fabaceae, Lamiaceae et Asteraceae seront particulièrement représentées. Tous les échantillons récoltés sont dans l’herbier PCPR.

Figure 1. Pluviométrie comparée 2023 / moyenne à Alicante ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Figure 2. Pluviométrie comparée 2023 / moyenne à Almeria ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Figure 3. Pluviométrie comparée 2023 / moyenne à Murcia ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Figure 4. Pluviométrie comparée 2023 / moyenne à Madrid ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Figure 5. Pluviométrie comparée 2023 / moyenne à Barcelone ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Figure 6. Pluviométrie comparée 2023 / moyenne à Malaga ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

2. Samedi 29 avril 2023 : de Paterna à Murcia

Après un départ de Montpellier en milieu d’après-midi du 28 avril, nous arrivons à Valencia en fin de soirée et dormons dans un hôtel situé près de l’autoroute à Paterna, nous permettant d’attaquer notre première journée d’herborisations de bon matin. Paradoxalement, alors que la région sort de quatre mois sans une goutte d’eau (cf. supra), nos deux premières journées seront marquées par quelques orages importants.

Le choix de Paterna n’est pas anodin, car nous accédons rapidement à la vaste pinède à Pinus halepensis Mill. située au sud-ouest de Colinas de San-Antonio, dans la banlieue nord-ouest de Valencia (Valencia ; alt. 116 m ; 39° 32′ 45.1″ N, 0° 30′ 05.4″ W). C’est là, sur les sables, que pousse une plante endémique de cette région d’Espagne, Anthyllis lagascana Benedí, qui est déjà en fin de floraison (photos 1 et 2). La flore est très pauvre en annuelles, comme tout au long du voyage, et nous relevons surtout l’endémique Centaurium quadrifolium (L.) G. López & C.E. Jarvis subsp. linariifolium (Lam.) G. López et ses grandes fleurs roses. Macrochloa tenacissima (L.) Kunth et Globularia alypum L. sont également en fleurs.

Photo 1. Anthyllis lagascana, le 29 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 2. Anthyllis lagascana, le 29 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Anthyllis lagascana est une plante endémique du sud-est de l’Espagne, également présente en Algérie. Elle appartient à la petite section Aspalathoides, composée de sous-arbrisseau très ligneux et tortueux. Cette plante d’aspect cendré porte des fleurs blanc rosé assez discrètes formant de petites têtes.

Nous poursuivons notre parcours à l’ouest de Valencia en rejoignant Riba-roja de Túria. Le long de l’avenue del Palmeral (Valencia ; alt. 95 m ; 39° 31′ 45.2″ N, 0° 31′ 55.7″ W), nous revoyons des espèces communes dans la région, comme Antirrhinum litigiosum Pau (photo 3), Anthyllis cytisoides L., Convolvulus althaeoides L., Pseudodictamnus hirsutus (Willd.) Salmaki & Siadati subsp. hirsutus, Plantago maritima L., Prunus dulcis (Mill.) D.A. Webb, Andropogon distachyos L. et Oloptum miliaceum (L.) Röser & Hamasha.

Photo 3. Antirrhinum litigiosum, le 29 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Roulant vers le sud, nous gagnons le barranco de Cabrasa. Dans une lande sèche le long de la route Poligon els Pous Pl 12 à La Presa (Valencia ; alt. 78 m ; 39° 31′ 31.1″ N, 0° 31′ 30.6″ W), une végétation de plantes vivaces basses est très intéressante dans une ancienne plantation de caroubiers (Ceratonia siliqua L.), avec notamment des Coronilla lotoides W.D.J. Koch parfaitement typiques (nettement ligneux dans la moitié inférieure ; photo 4), les cistacées Helianthemum syriacum (Jacq.) Dum.Cours. et H. hirtum (L.) Mill. (photo 5), ainsi que Bituminaria bituminosa (L.) C.H. Stirt. et Salvia rosmarinus Spenn. Par contre, Sideritis tragoriganum Lag., citée ici, n’est pas au rendez-vous.

Photo 4. Coronilla lotoides, le 29 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 5. Helianthemum hirtum, le 29 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Toujours vers le sud, nous prenons la route CV-374. Sur les talus, toujours à Riba-roja de Túria, plusieurs touffes d’une crapaudine assez élevée attirent notre attention. Comme nous le pensons, il s’agit bien Sideritis tragoriganum, endémique de la région, caractérisée par ses feuilles supérieures ultimes linéaires-lancéolées avec seulement quelques dents et des bractées larges et dentées (Valencia ; alt. 148 m ; 39° 30′ 58.6″ N, 0° 33′ 55.8″ W ; photos 6 et 7).

Photo 6. Sideritis tragoriganum, le 29 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.  
Photo 7. Sideritis tragoriganum, le 29 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.  

Nous poursuivons notre route vers Alicante à la recherche de Genista valentina (Willd. ex Spreng.) Steud. Un premier arrêt sur le talus rocailleux d’une petite route au nord de la N-III, au nord-ouest du village de Buňol (Urb. Ventamina) (Valencia ; alt. 648 m ; 39° 27′ 04.5″ N, 0° 50′ 55.7″ W) nous permet de voir le genêt à l’état végétatif, sans la moindre fleur. Nous observons également deux plantes intéressantes ; tout d’abord la première germandrée d’une longue série de Teucrium du vaste groupe polium, particulièrement diversifié dans la péninsule Ibérique. Il s’agit de Teucrium homotrichum (Font Quer) Rivas Mart., caractéristique par ses inflorescences jaune verdâtre en têtes terminales denses et dont l’aspect général rappelle celui de T. aureum Schreb. ; il est à peine fleuri (photo 8). Avec lui pousse une centaurée du groupe de Centaurea boissieri DC., qui compte de nombreux taxons en Espagne, C. boissieri subsp. integrifolia (Willk.) Blanca & Suár.-Sant. (photo 9).

Photo 8. Teucrium homotrichum, le 29 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 9. Centaurea boissieri subsp. integrifolia, le 29 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.  

Un peu plus loin, sur des pentes rocailleuses au nord-ouest de Buňol (Urb. Ventamina) (Valencia ; alt. 666 m ; 39° 27′ 07.0″ N, 0° 50′ 54.7″ W), Genista valentina est encore présent, toujours non fleuri, dans une zone à Pinus halepensis Mill., Salvia rosmarinus, Genista scorpius (L.) DC., Ceratonia siliqua L. et Linum suffruticosum L. subsp. suffruticosum.

Un peu à l’ouest du Barranco de Moneri, sur des pentes rocailleuses au nord-ouest de Buňol (Urb. Ventamina) (Valencia ; alt. 609 m ; 39° 27′ 28.1″ N, 0° 51 ‘51.7″ W), Genista valentina est également présent, mais ici porte quelques fruits de l’année dernière, nous permettant de confirmer son identification (fruits de 10-15 mm).

Nous descendons ensuite vers Alicante pour rejoindre le “Cap d’Or”, quartier très chic surplombant le littoral de la petite ville de Moraira, au nord de la province (Alicante ; alt. 115 m ; 38° 41′ 07.6″ N, 0° 09′ 05.3″ E). L’endroit est superbe et nous explorons les coteaux maritimes rocheux du cap. Au milieu des touffes de Macrochloa tenacissima poussent Lavandula dentata L., Pallenis maritima (L.) Greuter, Lotus hirsutus L. et surtout une autre centaurée endémique du groupe boissieri, Centaurea rouyi Coincy, à feuilles étroitement linéaires, qui forme des touffes au port caractéristiquement retombant (photos 10 et 11).

Photo 10. Centaurea rouyi, le 29 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 11. Centaurea rouyi, le 29 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous faisons une pause casse-croûte au bord de la route Moraira-Teulada, et en pleine ville de Moraira, à proximité du rond-point de sculptures de poissons (Alicante ; alt. 16 m ; 38°41′ 37.4″N, 0° 07′ 57.2″ E), dans des fossés rudéraux pousse en abondance une magnifique morelle naturalisée, de plus d’un mètre de hauteur. Il s’agit de Solanum bonariense L. (photos 12 et 13).

Photo 12. Solanum bonariense, le 29 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 13. Solanum bonariense, le 29 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Avec Almeria, la région d’Alicante est celle qui a subi le plus fort déficit hydrique cette année (cf. supra). Les garrigues et coteaux sont incroyablement secs, et nous craignons de ne pas voir grand chose lors de nos prochains arrêts. Nous décidons toutefois de rejoindre la réserve « Arenal del Almorxó », au nord de Petrer, à Elda (Alicante ; alt. 480 m ; 38° 30′ 34.9″ N, 0° 46′ 45.6″ W). Il s’agit d’une zone très étonnante de dunes de sables situées à l’intérieur des terres, connue pour sa flore exceptionnelle et notamment la présence de plusieurs espèces annuelles endémiques (photo 14).

Photo 14. Dunes de Arenal del Almorxó, le 29 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Hélas, pratiquement aucune espèce annuelle n’est sortie cette année. En outre, le gardien des lieux nous empêche l’accès aux zones de sable, que nous ne faisons que longer le long des barrières en bois les délimitant. L’aspect est désertique, avec des touffes de Macrochloa tenacissima et Lygeum spartum Loefl. ex L., et quelques vivaces comme Lotus dorycnium L., Genista sphaerocephala (L.) Lam., Teucrium dunense Sennen et Scrophularia canina L. subsp. canina. Seuls quelques thérophytes sont visibles, notamment de minuscules exemplaires de Maresia nana (DC.) Batt., ainsi que Diplotaxis harra (Forssk.) Boiss. subsp. lagascana (DC.) O. Bolòs & Vigo (photo 15).

Photo 15. Diplotaxis harra subsp. lagascana, le 29 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous rejoignons la côte et finissons cette première journée par des zones de friches littorales plus ou moins steppiques censées être très riches en espèces variées, situées au sud d’Alicante, derrière la centrale électrique, au bout de la Via Parque (Alicante ; alt. 32 m ; 38° 19′ 40.5″ N, 0° 31′ 14.5″ W). On se croirait au mois d’août ; le site est d’une sécheresse extrême et seuls sont visibles Salsola oppositifolia Desf. (photo 16), Sideritis leucantha Cav. (photo 17), Helianthemum syriacum, Zygophyllum fabago L., Thymelaea hirsuta (L.) Endl. et Lygeum spartum. Pas une seule annuelle là non plus …

Photo 16. Salsola oppositifolia, le 29 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 17. Sideritis leucantha, le 29 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Même si nous n’y croyons guère, nous montons ensuite vers le nord-ouest de Crevillent, à l’ouest d’Elche, très exactement à Marxant (Alicante ; alt. 310 m ; 38° 15′ 47.2″ N, 0° 51′ 14.1″ W), pour observer Astragalus hispanicus Coss. ex Bunge, espèce endémique appartenant à la section Dissitiflori. Même si nous peinons à le repérer, ce sous-arbrisseau est bien là, mais sans une seule fleur cette année. Seules les tiges sèches de l’année précédente nous permettent de l’identifier avec certitude. Bien évidemment, pas la moindre trace non plus de la crucifère Guiraoa arvensis Coss, citée ici, qui n’est pas sortie cette année. La seule plante en état sur ces coteaux arides est Ephedra fragilis Desf. subsp. fragilis.

Nous souhaitons dormir à Murcia. Sur la route, le constat est le même à Cobatillas, où nous cherchons vainement Argyrolobium uniflorum (Decne) Jaub. & Spach. À l’exception de Moricandia arvensis (L.) DC, pas la moindre plante n’est en état.

Cet après-midi assez frustrant se termine par une soirée qui l’est tout autant. Malgré tous nos efforts nous ne parviendrons à trouver ni chambre d’hôtel ni Airbnb®. Nous dormons donc dans la voiture, sur les hauts de Murcia. Dormir est un bien grand mot, mais cette soirée, après un bon repas, est finalement sympathique et nous rappelle nos jeunes années.

 

3. Dimanche 30 avril 2023 : de Murcia à Alhama de Murcia

Nous avons dormi près de l’Eremitorio Nuestra Señora de la Luz, sur la commune de La Alberca. Les lieux sont ombragés, avec de gros blocs rocheux sous les pins d’Alep. Avant de quitter les lieux nous prenons un peu de temps pour explorer les environs. À l’ombre, plaquée sur les rochers (Murcia, alt. 161 m ; 37° 55′ 51.8 « N, 1° 07′ 41.4 » W), nous retrouvons une plantaginacée endémique du sud-est de l’Espagne, Lafuentea rotundifolia Lag., avec ses feuilles suborbiculaires (photo 18). Sur les talus, Carthamus arborescens L. est en pleine floraison, très spectaculaire et abondant (photos 19 et 20).

Photo 18. Lafuentea rotundifolia, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 19. Carthamus arborescens, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 20. Carthamus arborescens, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

En contournant l’Eremitorio Nuestra Señora de la Luz par le sud-ouest, sur les rochers surplombant la Carrer el Valle (Murcia ; alt. 159 m ; 37° 55′ 48.9″ N, 1° 07′ 52.2″ W), un genêt est en début de floraison. À l’analyse il s’agit de Genista jimenezii Pau, caractérisé par ses inflorescences terminales, les fleurs à calice campanulé, étendard et carène velus (photo 21). Viola arborescens L. est en fin de floraison mais particulièrement abondant, ainsi qu’une grande brassicacée siliqueuse qui s’avère être Erucastrum virgatum (C. Presl) C. Presl subsp. pseudosinapis (Lange) Gómez-Campo, endémique locale.

Photo 21. Genista jimenezii, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Nous entrons dans l’intérieur des terres, toujours dans la province de Murcia, pour rejoindre la petite ville de Moratalla. Sur un petit matorral à proximité du camping La Puerta, au nord-ouest du village (Murcia ; alt. 653 m ; 38° 12′ 42.8″ N, 1° 56′ 47.8″ W), nous observons un nouveau Teucrium du groupe polium. Il s’agit ici de T. capitatum L. subsp. gracillimum (Rouy) Valdés Berm., espèce à petites têtes de fleurs roses ou blanches et feuilles très petites de moins de 7 mm (photo 22). C’est également l’occasion de trouver pour la première fois Centaurea boissieri DC. subsp. boissieri, très proche des deux plantes vues la veille (photos 23 et 24), ainsi que Phagnalon rupestre (L.) DC. subsp. rupestre, Lithodora fruticosa (L.) Griseb. (photo 25), Plantago albicans L., Teucrium pseudochamaepitys L. et Convolvulus lineatus L.

Photo 22. Teucrium capitatum subsp. gracillimum, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 23. Centaurea boissieri subsp. boissieri, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 24. Centaurea boissieri subsp. boissieri, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 25. Lithodora fruticosa, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

À proximité, au bord d’une moisson située au bord de la RM-715 au niveau de Los Granadicos (Murcia ; alt. 470 m ; 38° 13′ 43.7″ N, 1° 49′ 37.3″ W), nous tentons d’explorer une moisson assez peu dense. Nous ne trouvons pas grand chose, et là encore aucune des messicoles annuelles pourtant fréquentes dans cette partie d’Espagne. Tout au plus nous observons quelques banalités comme Hypecoum pendulum L., Bellardia trixago (L.) All., Marrubium alysson L. (photo 26) et la spectaculaire Andryala ragusina L. (photo 27).

Photo 26. Marrubium alysson, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 27. Andryala ragusina, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Les sols sont de plus en plus siliceux et, toujours à Moratalla, sur les talus herbeux de la route B-30 entre La Tercia et La Alberquilla (Murcia ; alt. 836 m ; 38° 16′ 56.0″ N, 1° 57′ 38.2″ W), un cytise forme de jolies boules sur les rochers. Il s’agit de Cytisus scoparius (L.) Link subsp. reverchonii (Degen & Hervier) Rivas Goday & Rivas Mart., taxon que nous rencontrons pour la première fois dans la nature (photos 28 et 29). Il se distingue nettement du type par ses feuilles unifoliolées ou bifoliolées, mais aussi par ses fruits à poils très longs (jusqu’à 4 mm) et présents uniquement sur les marges. Ce taxon avait été évoqué pour désigner certaines populations rencontrées en France dans le cadre des semis au bord des grands axes routiers, comme en Lozère ou en Bretagne. Comme nous le pensions, il ne s’agit pas de la même plante. Avec lui poussent Genista scorpius (L.) DC. et Plantago sempervirens Crantz.

Photo 28. Cytisus scoparius subsp. reverchonii, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.  
Photo 29. Cytisus scoparius subsp. reverchonii, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.  

Nous reprenons la route B-30 et stoppons à la vue des touffes d’une germandrée à fleurs blanches sur le talus, entre La Tercia et La Alberquilla (Murcia ; alt. 880 m ; 38° 16′ 43.3″ N, 1° 58′ 21.5″ W). Cette plante s’avèrera d’identification particulièrement délicate (photos 30 et 31). Nous pensons toutefois qu’il s’agit de Teucrium similatum T. Navarro & Rosua, à dents du calice cucullées. Il est accompagné de Phlomis lychnitis L., Crupina vulgaris Cass. et Convolvulus althaeoides L.

Photo 30. Teucrium similatum, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 31. Teucrium similatum, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Un peu plus à l’est, à la limite de la Castilla-Mancha, au bord de la Carretera de Zaén de Abajo à Zaen de Arriba (Murcia ; alt. 1 220 m ; 38° 14′ 40.4″ N, 2° 00′ 49.3″ W), Cytisus scoparius subsp. reverchonii est encore présent, avec Genista scorpius, Phlomis lychnitis et Leontodon taraxacoïdes (Vill.) Mérat subsp. longirostris Fich. & P.D.Sell.

Nous continuons vers la limite provinciale dans un but très précis, en longeant les gorges de l’Arroyo Tercero, au sud-ouest de El Sabinar. Sur les pentes rocheuses longeant le cours d’eau, évidemment à sec, à un peu plus de 1 000 m d’altitude, nous trouvons avec beaucoup de difficultés la plante que nous sommes venus chercher. Il s’agit d’Astragalus cavanillesii Podlech, une des rares espèces de la section Caprini présente en Europe de l’Ouest. Hélas, les plantes se résument à de petits débuts de repousses avec des anciens fruits de l’année précédente (photo 32). Il est peu probable qu’elle se développe assez pour fleurir cette année. Un peu plus en amont sur la même route, un peu en surplomb, Ononis fruticosa L. est par contre en pleine fleur (photo 33).

Photo 32. Astragalus cavanillesii, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 33. Ononis fruticosa, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Nous reprenons la route de Murcia et, sur les talus de la route MU-702 entre El Sabinar et Archivel (Murcia ; alt. 990 m ; 38° 06′ 40.1″ N, 2° 02′ 25.9″ W), c’est un autre Teucrium, cette fois-ci à fleurs violettes, qui nous fait nous arrêter. Cette magnifique plante duveteuse est probablement encore Teucrium capitatum subsp. gracillimum (photo 34), dans une forme plus trapue ; elle en a tous les éléments (dents du calice non cucullées, inflorescence ramifiée, lobules latéraux postérieurs des feuilles ciliés au sommet). Sur ces talus fleurissent également Eruca vesicaria (L.) Cav. et Marrubium supinum L. (photo 35). Un peu plus loin, dans un champ en jachère le long de la route RM-711 entre La Almudema et Don Gonzalo (Murcia ; alt. 804 m ; 37° 56′ 29.5″ N, 1° 54′ 01.1″ W), plusieurs pieds de Cistanche phelypaea (L.) Cout. sont en pleine floraison (photo 36), avec Asphodelus fistulosus L.

Photo 34. Teucrium capitatum subsp. gracillimum, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 35. Marrubium supinum, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 36. Cistanche phelypea, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Nous poursuivons vers le sud de la Sierra Espuña desde La Santa, pour explorer les rochers situés juste sous le Mirador del Corazón de Jesus, à Montisol (Murcia ; alt. 634 m ; 37° 47′ 51.4″ N, 1° 33′ 02.9″ W). Nous sommes venus ici pour voir l’endémique Teucrium thymifolium Schreb. subsp. fraternum (Pau) M.B. Crespo, M.Á. Alonso & Mart.-Azorín (= T. terciae (Sánchez-Gómez, M.A. Carrión & A. Hern.) Sánchez-Gómez, M.A. Carrión & A. Hern.). Il s’agit d’une petite plante plaquée sur les rochers, avec une très forte souche (photo 37).

Photo 37. Teucrium thymifolium subsp. fraternum, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Nous revenons en direction de Murcia par le nord de la Sierra. Le long de la RM-502 sous les pins d’Alep (Murcia ; alt. 513 m ; 37° 48′ 14.0″ N, 1° 33′ 03.2″ W), nous trouvons de magnifiques exemplaires de Colutea hispanica Talavera & Arista, la plupart en fruits (photos 38 et 39). Ce baguenaudier est proche de C. arborescens L., mais s’en distingue par des ovaires velus et des feuilles à folioles plus petites et plus nombreuses.

Photo 38. Colutea hispanica, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 39. Colutea hispanica, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous poursuivons vers le sud de Murcia par la RM-502, et nous nous arrêtons une nouvelle fois sur les rochers longeant la route. Nous y retrouvons Lafuentea rotundifolia, avec Capparis spinosa L. et Coronilla juncea L. subsp. juncea. Sur les talus Genista umbellata (L’Hér.) Poir. débute sa floraison. Il s’agit de la subsp. umbellata (photo 40), qui se caractérise par des petites inflorescences (< 25 mm) et une pilosité courte, de moins d’un millimètre de long.

Photo 40. Genista umbellata subsp. umbellata, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Au nord-est de Totana, en contrebas du Camino de Zatira de Lienzo, nous explorons une petite zone de gypses avec une flore très particulière (Murcia ; alt. 245 m ; 37° 47′ 21.2″ N, 1° 29′ 11.9″ W). Zygophyllum fabago L. marque l’aspect halophile de la végétation, tout comme Helichrysum serotinum (DC.) Boiss. Les espèces les plus intéressantes sont incontestablement Santolina viscosa Lag. (photo 41), espèce endémique régionale très spécifique de ces gypses, le rare Helianthemum squamatum (L.) Dum. Cours., aux inflorescences typiquement scorpioïdes (photos 42 et 43), et Onobrychis stenorhiza DC., dont il ne reste que quelques pieds en fruits (photo 44). Avec eux, nous relevons Lotus dorycnium, Oloptum miliaceum (L.) Röser & Hamasha, Helianthemum syriacum, Cenchrus setaceus (Forssk.) Chiov., Nicotiana glauca Graham et Lygeum spartum. En bordure de cette zone, dans une friche, plusieurs pieds de la magnifique Malva lusitanica (L.) Valdès) subsp. lusitanica (= Lavatera triloba L. ; photo 45) sont en pleine floraison (37° 47 ‘26.6″ N, 1° 29’ 16.6″ W).

Photo 41. Santolina viscosa, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 42. Helianthemum squamatum, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 43. Helianthemum squamatum, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 44. Onobrychis stenorhiza, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 45. Malva lusitanica, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Nous montons ensuite au Mirador del Collado Bermejo, toujours dans le parc régional de la Sierra Espuña. Sur les rochers des derniers lacets dans la montée (Murcia ; alt. 1 154 m ; 37° 51′ 02.1″ N, 1° 34′ 10.6″ W), nous trouvons Arenaria montana L. subsp. intricata (Ser.) Pau, que nous avions vue il y a bien longtemps dans les Sierras de Malaga, ainsi que Reseda lanceolata Lag. subsp. lanceolata et la petite Sanguisorba ancistroides (Desf.) Ces., espèce de répartition très restreinte en Espagne, à folioles rondes et dentées, à 7-8 dents (photo 46). Sur les talus des touffes d’Erinacea anthyllis Link sont en fleurs.

Photo 46. Sanguisorba ancistroides, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Pour terminer cette journée dans la province de Murcia, nous explorons les blocs rocheux calcaires de la Rambla de Moriana, au sud du Mirador de Alhama, à l’ouest de la ville d’Alhama de Murcia (Murcia ; alt. 400 m ; 37° 51′ 16.8″ N, 1° 28′ 21.0″ W). Nous ne trouvons pas Linaria cavanillesii Chav., pourtant présente dans cette zone, mais par contre l’endémique Teucrium freynii E. Rev. ex Willk., à feuilles tronquées à cordiformes (photos 47 et 48) et Sarcocapnos enneaphylla (L.) DC., qui est abondant (photo 49).

Nous passons la nuit à Alhama de Murcia, petite ville sans aucun charme, mais où nous trouvons une chambre particulièrement appréciable après la nuit de la veille. Cette soirée est marquée par un orage diluvien, le premier depuis de nombreux mois dans la région.

Photo 47. Teucrium freynii, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 48. Teucrium freynii, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 49. Sarcocapnos enneaphylla, le 30 avril 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

4. Lundi 1er mai 2023 : d’Alhama de Murcia à Mojácar

Cette matinée du premier mai débute par un arrêt au bord de la route RM-E6 au nord d’El Escobar (Murcia ; alt. 238 m ; 37° 46′ 55.1″ N, 1° 12′ 38.8″ W). Les touffes de Coris monspeliensis L. sont particulièrement colorées ; il s’agit de la subsp. fontqueri Maslans, du sud de l’Espagne. La primulacée pousse aux pieds de Genista sphaerocarpa et avec un nouveau taxon du groupe Teucrium polium, T. murcicum Sennen (taxon proche de T. capitatum mais à feuilles crénelées dans la moitié inférieure et lobes latéraux postérieurs de la corolle glabres, nucules de 1,8-2 mm), formant de petites têtes agglomérées (photos 50 et 51).

Photo 50. Teucrium murcicum, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 51. Teucrium murcicum, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous sommes toujours dans le sud de la région de Murcia et stoppons ensuite dans un matorral situé au pied du versant sud de l’ancien volcan de Los Urrutias, dans le quartier d’El Carmoli (Murcia ; alt. 20 m ; 37° 41′ 19.6″ N, 0° 50 ‘24.8″ W). avec Teucrium capitatum subsp. gracillimum nous observons, dans un paysage désolant de sécheresse, de jolies touffes de Sideritis pusilla (Lange) Pau (photos 52 et 53).

Photo 52. Sideritis pusilla, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 53. Sideritis pusilla, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

L’étape suivante est consacrée à une herborisation sur les sables d’un lido très fleuri, situé entre la Playa de los Nietos et la Playa del Arenal, sur la rive ouest de la Mar Menor, à Los Nietos (Murcia ; alt. 2 .m ; de 37° 39′ 19.9″ N, 0° 47 ‘51.7″ W à 37° 39′ 32.7″ N, 0° 48’ 15.1″ W). La flore y est très intéressante et c’est l’occasion pour nous de revoir des plantes que nous n’avions pas observées de longue date, comme les centaurées Centaurea seridis L. (photo 54) et C. sicula L. subsp. sicula, Euphorbia lagascae Spreng. (photo 55), Echium sabulicola Pomel subsp. sabulicola, typiquement plaqué au sol (photo 56), Erodium aethiopicum (Lam.) Brumh. & Thell. (à fovéoles sans sillon, pétales sans macule et méricarpes de 5 mm), Teucrium dunense Sennen (photo 47), lui aussi du groupe polium, Silene ramosissima Desf. (photo 58) et un cortège halophile composé de Ononis ramosissima Desf., Polypogon maritimus Willd. subsp. maritimus, Plantago coronopus L., Zygophyllum fabago, Eryngium maritimum L., Pseudorlaya pumila (L.) Grande, Lotus creticus L. (photo 59), Coris monspeliensis subsp. fontqueri, Pallenis maritima (L.) Greuter, Urospermum picroides (L.) Scop. ex F.W.Schmidt, Carrichtera annua (L.) DC., Reichardia tingitana (L.) Roth, Limonium echioides (L.) Mill., Helianthemum syriacum, Cakile maritima Scop. et, en bordure, des zones plus rudérales avec Glaucium flavum Crantz,  Glebonis coronaria (L.) Cass. & Spach, Dittrichia viscosa (L.) Greuter et Rapistrum rugosum (L.) All. (nos échantillons se rapprochent plutôt de la subsp. orientale (L.) Arcang.). Derrière le lido les milieux plus humides sont pauvres, sans grand chose de développé à cette époque entre les Juncus acutus L. et Phragmites australis (Cav.) Trin. ex Steud.

Photo 54. Centaurea seridis, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 55. Euphorbia lagascae, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 56. Echium sabulicola subsp. sabulicola, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 57. Teucrium dunense, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 58. Silene ramosissima, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 59. Lotus creticus, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Après ce sympathique épisode en bord de mer, sur des milieux plus frais, nous retournons à l’intérieur des terres pour retrouver des matorrals arides. Celui que nous explorons ensuite est situé près du Senda de los Latas, entre la RM-314 et Ruinas Grangera, à Atamaria (Murcia ; alt. 135 m ; 37° 35′ 42.4″ N, 0° 49′ 22.3″ W). Nous sommes venus y voir Cytisus intermedius Salzm. ex C. Presl (= Calicotome intermedia C. Presl), qui est bien présent et défleuri, mais présente des gousses parfaitement développées. Endémique d’Afrique du Nord et du sud-est de la péninsule Ibérique, il est proche de Cytisus infestus (C. Presl) Guss., que nous connaissons en France en extrême limite du pays dans les Pyrénées-Orientales, mais s’en distingue notamment par ses fruits parfaitement aptères et ses folioles pubescentes sur la face supérieure (photos 60 et 61).

Photo 60. Cytisus intermedius, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 61. Cytisus intermedius, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Malgré la sécheresse, ces milieux sont très riches, avec une nouvelle fois Sideritis pusilla, Chamaerops humilis L., Pseudodictamnus hirsutus subsp. hirsutus, Thapsia villosa L., Coris monspeliensis subsp. fontqueri, de rares thérophytes particulièrement malingres comme Lotus edulis L., Astragalus stella Gouan et Ononis reclinata L., mais surtout deux espèces endémiques remarquables, Teucrium carthaginense Lange (du groupe polium mais à calice vert, à dents acuminées et à tube urcéolé à la fructification ; photos 62 et 63), cherchée en vain sur le lido précédemment, et Thymus hyemalis Lange subsp. hyemalis (à inflorescence capituliforme et calices de 4 mm, à poils épars ; photo 64).

Photo 62. Teucrium carthaginense, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 63. Teucrium carthaginense, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 64. Thymus hyemalis subsp. hyemalis, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.  

Un peu plus loin, toujours sur un coteau très aride situé au nord du camping Las Torres à Puerto de Mazaron (Murcia ; alt. 90 m ; 37° 35′ 47.7″ N, 1° 13′ 58.7″ W), nous retrouvons Genista jimenezii, ici en fruits, Teucrium murcicum, déjà vu le matin, et la solanacée arbustive Withania frutescens (L.) Pauquy.

Nous regagnons le bord de mer pour aller visiter les rochers maritimes de la Cala de la Herradura, à Calarreona. Sur la route du bord de mer, à Puerto de Mazaron, nous observons Leucaena leucocephala (Lam.) de Wit dans les fossés humides. Cette peste végétale commence à s’étendre dans le coin, ce qui n’est pas une bonne nouvelle quand on connaît sa vitesse de propagation en zones intertropicales. Arrivés à Calarreona, nous essuyons une grande déception, car l’espèce recherchée, le rare et magnifique endémique Teucrium lanigerum Lag., n’est pas au rendez-vous. Lui aussi, avec cette sécheresse, aura manifestement passé son tour en 2023. Les seules espèces visibles sur ce désert rocheux sont les crassulescentes Frankenia corymbosa Desf. et Mesembryanthemum nodiflorum L.

Comme évoqué dans le premier paragraphe du présent article (cf. supra), cette zone située entre Murcia et Almeria est proprement désespérante pour un botaniste cette année ; la suite nous le confirmera. Nous commençons donc à modifier notre parcours théorique, car d’évidence il faudra écourter notre séjour ici.

La journée est bien avancée mais nous espérons que notre prochaine étape sera couronnée de succès. Il s’agit en effet de voir une plante de description très récente, Coronilla talaverae Lahora & Sánchez-Gómez, décrite en 2012 (Lahora et al., 2012) de l’endroit précis que nous gagnons, les coteaux rocailleux situés autour de la Bateria de artilleria, à San Juan de los Terreros (Almeria ; alt. 50 m ; 37° 21′ 24.3″ N, 1° 39′ 09.3″ W). La coronille est bien là, parfaitement fleurie et fructifiée (photos 65 et 66). Cette espèce très étrange, qui a des caractères de Coronilla juncea L. et de C. lotoides, ne se rencontre qu’en deux zones très restreintes, à Mazarrón (Murcia) et ici même, à San Juan de los Terreros (Almería). C’est un magnifique sous-arbrisseau parfaitement développé en ce lieu et dont l’origine reste à préciser par la génétique. Avec lui nous retrouvons Genista umbellata subsp. umbellata (ici en fruits ; photo 67), ainsi qu’Anthyllis terniflora (Lag.) Pau, espèce essentiellement présente dans le sud-est de l’Espagne (photo 68), et surtout une nouvelle germandrée, le taxon endémique Teucrium carolipaui Vicioso ex Pau subsp. fontqueri (Sennen) Rivas Mart., à pilosité éparse et glanduleuse, qui appartient à la sous-section Pumila (Lázaro Ibiza) Rivas Mart., au sein de la section Polium (Mill.) Schreb. (photos 69 et 70).

Photo 65. Coronilla talaverae, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 66. Coronilla talaverae, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 67. Genista umbellata subsp. umbellata, le 1er mai 2023; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 68. Anthyllis terniflora, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 69. Teucrium carolipaui subsp. fontqueri, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 70. Teucrium carolipaui subsp. fontqueri, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Le soleil commence à baisser et, avant de rejoindre notre lieu de villégiature pour la soirée, nous faisons une dernière halte pour explorer un coteau sablonneux situé au sud-ouest du village d’El Pinar, dans une coulée fraîche, sur la commune de Bédar (Almeria ; alt. 295 m ; 37° 10′ 00.1″ N, 1° 58′ 01.1″ W). Une fois n’est pas coutume cette année, nous sommes d’emblée attirés par une pette plante annuelle, qui pousse dans une rigole humide et sous les rochers ; il s’agit de l’endémique Chaenorhinum grandiflorum (Coss.) Willk. subsp. carthaginense (Pau) Benedí, identifiable grâce à ses tiges à deux types de poils, les uns glanduleux pluricellulaires, les autres très courts et rétrorses (photo 71). L’endroit est particulièrement remarquable, avec plusieurs taxons que nous n’avions jamais rencontrés, notamment Thymelaea tartonraira (L.) All. subsp. valentina (Pau) O. Bolòs & Vigo (photo 72), beaucoup plus fin que le type, Fumana hispidula Loscos & J. Pardo, à feuilles opposées et sépales glabrescents (photo 73), Echium creticum L. subsp. granatense (Coincy) Valdés (photo 74) et Haplophyllum rosmarinifolium (Pers.) G. Don, autre endémique (photo 75), et à nouveau Teucrium carolipaui subsp. fontqueri. Le bord de cette coulée fraîche est colonisé par un magnifique genêt en pleine floraison, Genista spartioides Spach (à carène soyeuse beaucoup plus longue que les ailes et l’étendard ; photos 76 et 77) et Ulex parviflorus Pourr. subsp. parviflorus. Sur les coteaux nous notons également Andropogon distachyos, Lavandula dentata, Sisymbrium austriacum subsp. contortum (normalement absent de la région) et un thym proche de Thymus hyemalis subsp. millefloris (D. Rivera, Flores & Laencina) R. Morales, mais dont les calices de 7-8 mm sont beaucoup trop grands pour ce taxon ; nous ne parviendrons pas à l’identifier avec certitude. Nous passons la nuit dans la petite cité balnéaire de Mojácar, charmant village blanc andalou que nous avions visité en 1999.

Photo 71. Chaenorrhinum grandiflorum subsp. carthaginense, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 72. Thymelaea tartonraira subsp. valentina, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 73. Fumana hispidula, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 74. Echium creticum subsp. granatense, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 75. Haplophyllum rosmarinifolium, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 76. Genista spartioides, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 77. Genista spartioides, le 1er mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

5. Mardi 2 mai 2023 : de Mojácar à Roquetas de Mar

Quand nous avons préparé ce voyage andalou, cette journée de mardi autour d’Almeria s’annonçait pour être la plus riche en espèces remarquables. Au moment de quitter l’hôtel nous savions déjà qu’il n’en serait rien, nos cibles du jour étant pour beaucoup des thérophytes.

Nous commençons la journée en allant vers le sud, dans l’objectif de rejoindre le Cabo de Gata. Sur un talus rocailleux de la route vers Los Molinos del Rio Aguas, Ononis tridentata L. forme de magnifiques touffes fleuries ; à l’analyse il s’agit de la subsp. tridentata, à folioles obovales (photo 78). Nous passons ensuite une bonne heure à chercher une plante endémique stricte d’Andalousie orientale, Astragalus alopecuroides L. subsp. grosii (Pau) Rivas Goday & Rivas Mart., sur les hauts talus de la route ALP-711, à l’ouest de El Saltador Bajo. Malgré des données très précises nos recherches seront vaines. Il y a fort à parier que lui non plus ne se développera pas cette année. Nous relevons toutefois Genista jimenezii sur les coteaux.

Photo 78. Ononis tridentata subsp. tridentata, le 2 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Nous poursuivons vers Atochares. Dans un matorral au bord de la route AL-3108, au nord du carrefour avec la AL-3112 (Almeria ; alt. 102 m ; 36° 51′ 05.5″ N, 2° 09′ 38.0″ W), nous observons Ononis natrix. Un peu plus loin, toujours dans un matorral rocailleux sur les hauteurs de San José, en surplomb de la Calle Cuevas (Almeria ; alt. 33 m ; 36° 45′ 17.5″ N, 2° 06′ 41.6″ W), Acacia cyclops A. Cunn. ex G.Don est naturalisé, mais déjà défleuri depuis plusieurs semaines.

Nous gagnons ensuite les sables maritimes situés près de la Torre de Torregarcia, à l’extrémité sud du Camino de la Ermita de Torregarcia, sur la commune de Retamar (Almeria ; alt. 2 m ; 36° 49′ 19.5″ N, 2° 17′ 44.6″ W). C’est pour voir Ononis talaverae Devesa & G. Lopez que nous sommes là (photo 79). Cette plante est une version réduite d’Ononis ramosissima Desf. et à graines lisses (tuberculeuses chez O. ramosissima). Sur les sables l’accompagne une flore très classique, avec Medicago marina L., Frankenia corymbosa, Crucianella maritima L., Pallenis maritima, Achillea maritima (L.) Ehrend. & Y.P. Guo et Pancratium maritimum L. (non fleuri). Sur les mêmes sables, plus en arrière du littoral, toujours sur les sables le long du Camino de la Ermita de Torregarcia, à mi-chemin entre la mer et la route AL-3115 (Almeria ; alt. 23 m ; 36 °49′ 57.8″ N, 2° 17′ 38.5″ W), entre les buissons du très épineux Lycium intricatum Boiss., Cynomorium coccineum L. subsp. coccineum est présent mais bien sec (photo 80), avec Frankenia corymbosa, Zygophyllum fabago, Launaea arborescens (Batt.) Murb. et Echium sabulicola Pomel subsp. decipiens (Pomel) Klotzs. ; cette sous-espèce est dressée et hispide (photo 81), contrairement au type vu la veille à Los Nietos (cf. supra ; photo 56).

Photo 79. Ononis talaverae, le 1e mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 80. Cynomorium coccineum subsp. coccineum, le 2 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 81. Echium sabulicola subsp. decipiens, le 2 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Toujours sur des sables maritimes, un peu plus loin, à la playa del Perdigal au bout du Camino de la Playa, à El Alquian (Almeria ; alt. 1 m ; 36° 50′ 31.9″ N, 2° 21 ‘29.1″ W), Ononis talaverae est encore assez abondant et présente quelques fruits, permettant de vérifier que les graines sont bien lisses. Medicago marina et Cyperus capitatus Vand. le côtoient.

Toujours dans le golfe d’Almeria, nous approchons de la ville. Les serres deviennent omniprésentes. Ces cultures maraîchères, dont l’étendue est sans équivalent en Europe, se font grâce au détournement des eaux du Tage, dont 70 % de l’eau sont détournés pour ce transfert au profit des provinces de Murcia, d’Alicante et d’Almeria. Cette situation devient ingérable en raison des sécheresses successives et fait l’objet de conflits très importants entre les agriculteurs et le reste de la population.

Arrivés à la commune de Caňada, nous stoppons dans une petite zone plantée devant le Museo de Colecciones Cientificas de la UAL (Almeria ; alt. 3 m ; 36° 49′ 55.8″ N, 2 °23′ 57.4″ W), dans l’objectif d’y observer Salvia jordanii J.B. Walker (= Rosmarinus eriocalyx Jord. & Fourr.), cultivée en ce lieu (photo 82).

Photo 82. Salvia jordanii, le 2 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

La visite de la zone de Tabernas et de tout le secteur autour du site de “Mini-Hollywood” devait être un grand moment de botanique. Au programme nous espérions voir notamment Astragalus longidentatus Chater, Pallenis hierochuntica (Michon) Greuter, Herniaria fontanesii J. Gay subsp. almeriana Brummitt & Heywood, Moricandia foetida Coss., Lycocarpus fugax (Lag.) O.E. Schulz, Filago castroviejoi Andrés-Sánchez, D. Gutt.Larr., E. Rico & M.M. Mart.Ort., Castellia tuberculosa (Moris) Bor, Ammochloa palaestina Boiss., Linaria nigricans Lange, Chaenorrhinum grandiflorum subsp. grandiflorum et Linaria oligantha Lange subsp. oligantha. Nous ne verrons aucune de ces plantes, comme nous le redoutions. Ces zones nous offrent des paysages d’août en ce début mai. À l’exception de Stipellula capensis (Thunb.) Röser & Hamasha, aucune plante n’est développée.

Nous n’insisterons donc pas dans cette zone et revenons vite vers le littoral pour partir vers l’ouest. Dans Almeria, le long du mur qui longe la piste bordant à l’arrière les terrains de sport de la Ciudad Deportiva Los Angeles (Almeria ; alt. 66 m ; 36° 51′ 08.6″ N, 2° 28′ 13.6″ W), l’endémique Antirrhinum hispanicum Chav. subsp. mollissimum (Pau) D.A. Webb est en pleine floraison (photo 83).

Photo 83. Antirrhinum hispanicum subsp. mollissimum, le 2 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous terminons cette journée difficile en longeant la côte vers l’ouest et faisons deux arrêts avant de rejoindre notre hôtel. Le premier nous amène à observer les rochers situés dans le barranco de la Cala de los Ahogados, face au restaurant Asador La Gruta, à La Garrofa (Almeria ; alt. 28 m ; 36° 49′ 35.7″ N, 2° 30′ 40.8″ W), pour observer l’endémique Teucrium intricatum Lange (photos 84 et 85).Cette magnifique plante rupestre est abondante, plaquée sur les rochers.

Photo 84. Teucrium intricatum, le 2 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 85. Teucrium intricatum, le 2 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Le deuxième sera plus long, pour longer à pied le lit du torrent à sec situé dans le barranco de la Garrofa, pratiquement sous le viaduc (Almeria ; alt. 71 m ; 36° 49′ 44.1″ N, 2° 31′ 12.6″ W). Sous les yeux d’un bouquetin ibérique peu farouche (Capra pyrenaica Schinz ; photo 86), nous observons un séneçon dont l’aspect général rappelle Senecio inaequidens DC. Il s’agit de l’endémique Senecio malacitanus Huter (photo 87). Sur les graviers grossiers une humidité résiduelle permet le développement de quelques plantes, comme Silene secundiflora Otth., Pseudodictamnus hirsutus subsp. hirsutus et deux graminées, Melica minuta L. var. minuta et surtout Arrhenatherum album (Vahl) Clayton subsp. album (à arête de la lemme inférieure insérée près de la base). Dans le matorral environnant poussent Genista umbellata subsp. umbellata et Coronilla juncea.

Nous décidons de dormir dans l’horrible ville de Roquetas de Mar et trouvons une chambre dans un hôtel pour car de touristes. Cette station balnéaire est hélas à l’image de nombreux endroits de cette Costa del Sol. Il est certain que cette soirée ne restera pas dans nos annales, malgré une bière très rafraîchissante et les incontournables côtelettes d’agneau.

Photo 86. Capra pyrenaica, le 2 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 87. Senecio malacitanus, le 2 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

6. Mercredi 3 mai 2023 : de Roquetas de Mar à Castell del Fero

Nous quittons Roquetas de Mar de bon matin, en cette magnifique journée de mai. Le long de l’avenue Po del Golf, dans la ville (Almeria ; alt. 3 m ; 36° 43′ 35.7″ N, 2° 38′ 16.2″ W), Volutaria muricata (L.) Maire est en pleine floraison dans une friche urbaine. Nous souhaitons filer vers l’ouest et monter sur les hauteurs de la Sierra de Gador, à la limite des régions d’Almeria et de Granada, en espérant trouver des paysages plus fleuris en prenant de l’altitude.

Sur notre route, à El Parador de las Hortichuelas, dans une friche située à l’extrémité est de la Calle Maestro Padilla, nous retrouvons Echium sabulicola subsp. decipiens.

Nous montons vers la Sierra par la route A-391. Dans les lacets de la montée vers El Marchal de Anton Lopez, à Enix (Almeria ; alt. 682 m ; 36° 51′ 52.3″ N, 2° 37 ‘23.7″ W), nous retrouvons Genista spartioides Spach en pleine floraison. Nous explorons ensuite une zone de balmes située sous une barre rocheuse surplombant la route A-391, peu après le carrefour avec la route AL-3403, à El Marchal de Anton Lopez (Almeria ; alt. 925 m ; 36° 53′ 12.4″ N, 2° 37′ 27.1″ W). La flore y est particulièrement intéressante. Nous retrouvons Antirrhinum hispanicum subsp. mollissimum et Teucrium intricatum, accompagnés de deux autres germandrées endémiques, la première appartenant également à la section Montana Lázaro Ibiza, Teucrium rotundifolium Schreb. (photos 88 et 89) et la deuxième à la section Polium, d’une extrême diversité en Espagne, T. lusitanicum Schreb. subsp. lusitanicum, à dents du calice plus ou moins cucullées et mucronées et lobules latéraux postérieurs glabres.

Photo 88. Teucrium rotundifolium, le 3 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 89. Teucrium rotundifolium, le 3 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Parmi les espèces les plus intéressantes figurent plusieurs endémiques, comme la centaurée épineuse à fleurs jaunes Centaurea kunkelii N. Garcia (photo 90), ainsi que Rhamnus velutina subsp. almeriensis Rivas Mart. & J.M. Pizarro (photo 91), Sideritis lasiantha Juss. ex Pers., qui fleurit l’été et est déjà presque en boutons, et Nepeta nepetella L. subsp. murcica (Guirao ex Willk.) Aedo (photo 92). Nous notons également des espèces plus communes comme Phlomis purpurea L. (photo 93), Eruca vesicaria (L.) Cav., Capparis spinosa, Linum suffruticosum, Anthyllis cytisoides, Coris monspeliensis subsp. fontqueri, Genista umbellata subsp. umbellata, Macrochloa tenacissima, Phlomis lychnitis L., Carthamus arborescens, Plantago albicans, Coronilla juncea, Dittrichia viscosa, Carrichtera annua, Thapsia villosa, Aphyllanthes monspeliensis L., Argyrolobium zanonii, et une biscutelle qui est probablement Biscutella valentina (L.) Heywood.

Photo 90. Centaurea kunkelii, le 3 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 91. Rhamnus velutina subsp. almeriensis, le 3 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 92. Nepeta nepetella subsp. murcica, le 3 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 93. Phlomis purpurea, le 3 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Un peu plus haut, toujours le long de la route A-391, à l’est du village de El Marchal de Anton Lopez, Centaurea kunkelii N. Garcia est très abondant, avec Thymus membranaceus Boiss. (photo 94) et Teucrium chamaepitys (L.) Schreb.

Après quelques arrêts sur le retour vers la côte, nous faisons toujours le même constat d’une sécheresse désespérante et revoyons essentiellement des espèces déjà vues les jours précédents, en compagnie du psammodrome algire (Psammodromus algirus L.). En allant vers la mer, dans une friche située au carrefour entre la Carretera San Agustin et Calle Hoyo Bolero, à La Mojonera (Almeria ; alt. 42 m ; 36° 44′ 59.7″ N, 2° 41′ 44.1″ W), une centaurée annuelle à fleurs jaunes, très ornementale, abonde. Il s’agit de Centaurea involucrata Desf. (photo 95).

Photo 94. Thymus membranaceus, le 3 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 95. Centaurea involucrata, le 3 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Avant de remonter vers les contreforts occidentaux de la Sierra Nevada, toujours dans l’optique de chercher la fraîcheur, nous déjeunons en bord de mer, après avoir serpenté entre les forêts de serres. Dans une friche sableuse au bord de la route AL-9006 à Alterimar (Almeria ; alt. 72 m ; 36° 42′ 32.6″ N, 2° 47′ 23.9″ W), nous retrouvons Teucrium dunense, du groupe polium, avec Centaurea aspera L. (dont les sous-espèces sont peu évidentes à discriminer ; photo 96), Pallenis maritima et Genista umbellata subsp. umbellata.

Photo 96. Centaurea aspera, le 3 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Après le déjeuner nous prenons donc la route de Granada (A-337). Au nord de Picena et Laroles, sur les talus rocailleux fleurit Genista cinerea (Vill.) DC. Nous filons directement jusqu’au Puerto de la Ragua et prenons le temps d’explorer des zones de rochers et de pelouses plus fraîches, situées en altitude sur le versant sud du Puerto, sur la commune de Bayarcal, juste avant le carrefour entre la A-337 et l’AL-5402 (Granada ; alt. 1 724 m ; 37° 04′ 24.0″ N, 3° 01′ 15.3″ W). Sur les rochers où Sarcocapnos enneaphylla abonde, nous observons un cytise endémique pour la première fois. Il s’agit de Cytisus galianoi Talavera & P.E. Gibbs (photos 97 et 98), espèce très proche de C. oromediterraneus Rivas Mart. et al., qui s’en distingue par ses tiges glabres et à 10 côtes (contre scabres et à 8 côtes pour C. o.).

Photo 97. Cytisus galianoi, le 3 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 98. Cytisus galianoi, le 3 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Dans les zones de pelouses, en bord de ruisseau, deux espèces sont en pleine floraison, Primula intricata Gren. & Godr. subsp. lofthousei (Hesl.-Harr.) Rivas Mart. (= P. elatior (L.) Hill subsp. lofthousei (Hesl.-Harr.) W.W. Sm. & H.R. Fletcher ; photos 99 et 100), et Gagea foliosa (C.Presl) Schult. & Schult. f. subsp. nevadensis (Boiss.) O. Bolòs, Masalles & Vigo. (photo 101), qui présente deux feuilles basales peu inégales et planes, de 2,5 mm de large.

En redescendant vers la côte, un peu plus bas le long de la A-337 (37° 03′ 59.7″ N, 3° 01′ 01.5″ W), nous nous arrêtons pour le plaisir de revoir et photographier Adenocarpus decorticans Boiss., magnifique espèce endémique qui forme ici de petits arbres (photo 102).

Photo 99. Primula intricata subsp. lofthousei, le 3 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 100. Primula intricata subsp. lofthousei, le 3 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 101. Gagea foliosa subsp. nevadensis, le 3 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.  
Photo 102. Adenocarpus decorticans, le 3 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Toujours dans la même direction, au bord de l’A-337 (alt. 1 460 m ; 37° 02 ‘05.4″ N, 3° 00’ 32.1″ W), les matorrals sont fleuris par Ulex parviflorus subsp. parviflorus, Thymus mastichina (L.) L. et toujours Antirrhinum hispanicum subsp. mollissimum, particulièrement abondant ici sur les rochers. Un peu plus bas, au nord de Loreles (alt. 1 288 m ; 37° 01′ 22.9″ N, 3° 00′ 26.0″ W), nous observons Genista umbellata subsp. equisetiformis (Spach) Rivas Goday & Rivas Mart., sous-espèce plus altitudinale que le type vu jusqu’ici et présentant notamment une pilosité plus longue (photo 103). Avec lui poussent Genista sphaerocarpa, Cistus salviifolius L., et un Antirrhinum du groupe barrelieri Boreau dont les caractères sont intermédiaires entre plusieurs taxons et que nous ne pouvons nommer avec certitude.

Photo 103. Genista umbellata subsp. equisetiformis, le 3 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.  

Avant de rejoindre la côte, nous observons dans la descente Moricandia moricandioides (Boiss.) Heywood subsp. moricandioides sur les rochers, vers 680 m d’altitude.

Cette journée se terminera par un dernier arrêt sur le littoral, dans une gravière au niveau du Barranco de la Alcazab, sur la commune d’Adra (Almeria ; alt. 25 m ; 36° 45′ 09.4″ N, 3° 05′ 12.6″ W). Notre objectif est d’y observer Cytisus malacitanus Boiss. (photos 104 et 105), espèce de la section Verzinum (Raf.) Talavera, proche de C. arboreus (Desf.) DC. La plante est largement fructifiée mais bien reconnaissable avec ses tiges à une douzaine de côtes (8 chez C. arboreus) et des feuilles uni- et trifoliolées en mélange (toutes trifoliolées chez C. arboreus). La flore de ces gravières est classique, avec des plantes en situation abyssale comme Reseda lanceolata Lag. subsp. lanceolata ou Genista umbellata subsp. equisetiformis, mais aussi Lathyrus tingitanus L., Rumex induratus Boiss. & Reut., Nicotiana glauca, Pallenis maritima, Macrochloa tenacissima, Launaea arborescens, Bituminaria bituminosa, Cenchrus ciliaris L. et Anthyllis cytisoides. Au bord des zones les plus humides fleurissent encore Acacia saligna (Labill.) H.L. Wendl. et Nerium oleander L., ce dernier probablement sauvage en ce lieu.

Nous dormons dans le charmant village littoral de Castell de Fero, où nous terminons cette journée en dégustant une parillada de poissons grillés d’excellente facture.

Photo 104. Cytisus malacitanus, le 3 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 105. Cytisus malacitanus, le 3 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

6. Jeudi 4 mai 2023 : de Castell del Fero à Campo Real

Après deux journées où nous avons certes vu de nombreuses espèces intéressantes, mais bien loin des relevés que nous pouvions espérer, nous décidons de remonter directement dans la région de Madrid, en espérant trouver des endroits moins secs.

Avant cela, nous ne pouvons quitter la région sans passer visiter les rochers bordant la Playa de Nudista de Cantarrijan, à La Herradura (Granada ; alt. 10 m ; 36° 44′ 17.7″ N, 3° 46′ 40.2″ W), l’une des rares stations de l’endémique Salvia granatensis B.T. Drew (= Rosmarinus tomentosus Hub.-Mor. & Maire). La plante est bien là, en pleine fleurs, même si elle semble peu florifère (photos 106 et 107). Cela ne semble pas lié à la sécheresse de cette année mais correspond apparemment à l’aspect usuel de la plante. Elle forme des coussins sur les rochers ; très caractéristique avec sa pilosité blanchâtre appliquée, elle est proche de Salvia jordanii vue l’avant-veille.

Photo 106. Salvia granatensis, le 4 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 107. Salvia granatensis, le 4 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

En regagnant la route N-340, à l’est de Maro (Malaga ; alt. 122 m ; 36° 45′ 32.7″ N, 3° 49′ 53.4″ W), les haies sont envahies par Vachellia karroo (Hayne) Banfi & Galasso en pleine floraison (photo 108). Esthétiquement c’est magnifique, mais cela promet un envahissement progressif à surveiller. Avant de filer vers le nord nous souhaitons visiter la ripisylve du Rio Chillar située un peu au nord de la Segunda Fabrica de la Luz, à Nerja (Malaga ; alt. 96 m ; 36° 46′ 31.1″ N, 3° 52′ 47.3″ W). La flore est finalement assez pauvre sur des gravières, mais nous observons toutefois Buxus balearica Lam. (photo 109) et une nouvelle fois Teucrium dunense, ici d’aspect moins blanchâtre (photo 110).

Photo 108. Vachellia karoo, le 4 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 109. Buxus balearica, le 4 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 110. Teucrium dunense, le 4 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous quittons l’Andalousie et filons plein nord. Notre objectif est de rejoindre la région de Tolède dans l’après-midi afin d’observer une des plantes les plus attendues de ce séjour.

Sur la route, nous nous arrêterons brièvement à quelques reprises pour voir si les annuelles sont au rendez-vous plus au nord. Il n’en sera rien, à de rares exceptions près. Les plantes observées sont rabougries, mal développées. Le premier arrêt, sur un talus au bord de la route A-A7204 entre Colmenar et Villanueva de Cauche (Malaga), nous permet d’observer Onobrychis matritensis Boiss. & Reut. (fruits de 7-8 mm, à poils très courts) et de chétifs Astragalus echinatus Murray. Un peu plus loin, toujours sur la commune de Casabermeja, nous notons Echinops strigosus L. et Carthamus caeruleus L. Enfin, plus au nord, toujours sur les talus de la route A-340, en bord d’oliveraie à l’ouest de Dehesas Viejas, au nord de Poloria (Granada ; alt. 1 004 m ; 37° 28′ 13.1″ N, 3° 33′ 59.3″ W), Antirrhinum graniticum Rothm. est magnifiquement fleuri sur les rochers (photos 111 et 112), avec Biscutella auriculata L. à ses pieds (photo 113).

Photo 111. Antirrhinum graniticum, le 4 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 112. Antirrhinum graniticum, le 4 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 113. Biscutella auriculata, le 4 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

En milieu d’après-midi nous voici arrivés dans la région de Tolède. Nous allons directement sur la commune de Guadamur, au sud-ouest de Tolède, en espérant observer un astragale parmi les plus rares d’Europe. Cette plante, Astragalus gines-lopezii Talavera, Podlech, Devesa & F.M. Vázquez (photos 114 à 116), n’est connue que depuis la fin du xxe siècle, puisque décrite en 1999 (Talavera, 1999). Jusque là elle était passée totalement inaperçue. Après sa découverte initiale dans la province de Badajoz, elle a été trouvée plus récemment dans celle de Tolède, à l’endroit où nous sommes. Il s’agit d’une espèce de la section Platyglottis Bunge, qui se caractérise par sa longue et dense pilosité basifixe et par des fruits épais et incurvés. En Espagne elle est représentée par deux des astragales les plus rares d’Europe, l’autre espèce, A. nitidiflorus Jiménez Mun. & Pau, endémique de la province de Cartagène, ayant même été considérée comme éteinte avant d’être retrouvée récemment (nous l’avons cherchée en vain en début de voyage).

A. gines-lopezii est une plante discrète, à tiges prostrées et à corolles tricolores, blanc, jaune et lilacé. Ses fruits sont typiques de la section. Sur la station, sans faire un comptage précis, nous en observons une petite cinquantaine de pieds. Elle est magnifiquement développée à cette date et nous fait oublier nos désagréments des jours précédents.

Photo 114. Astragalus gines-lopezii, le 4 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 115. Astragalus gines-lopezii, le 4 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 116. Astragalus gines-lopezii, le 4 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Dans ce matorral, avec l’astragale pousse Thymus zygis L. Il s’agit de la subsp. gracilis (Boiss.) R. Morales, qui est normalement plus méridionale (photo 117). Les calices ne dépassant pas 3 mm, il ne peut s’agir de la subsp. sylvestris (Hoffmanns. & Link) Cout. Enfin, l’endroit est jalonné de magnifiques pieds d’Astragalus alopecuroides subsp. alopecuroides (photo 118), manifestement assez commun dans cette région.

Photo 117. Thymus zygis subsp. gracilis, le 4 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 118. Astragalus alopecuroides, le 4 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous approchons de Madrid et terminons cette journée par la visite de la pinède claire située en surplomb du Camino Nuevo de la Dehesa à Arganda del Rey (Madrid ; alt. 678 m : 40° 17′ 23.7 « N, 3° 26′ 22.1 » W). Nous y observons l’espèce que nous étions venus voir, en l’occurrence Hippocrepis commutata Pau, taxon proche d’H. scabra DC. mais présentant notamment une glande pourpre à la base des stipules. Nous notons également Silene colorata Poir., Anisantha rubens (L.) Nevski, Ophrys dyris Maire et Ophrys speculum Link, tous deux fanés, ainsi que Coronilla lotoides et Colutea hispanica.

Pour rejoindre Campo Real, sur un coteau herbeux en pente surplombant le Pode la Ilusion entre Arganda del Rey et Campo Real (Madrid ; alt. 574 m ; 40° 18′ 56.9″ N, 3° 26′ 31.7″ W), nous retrouvons Hippocrepis commutata, avec Hedysarum boveanum Bunge ex Basiner subsp. europaeum Guitt. & Kerguélen et Linum suffruticosum.

Nous passons la soirée et dormons dans le petit village de Campo Real, et goûtons à la spécialité locale, les délicieuses Callos, des tripes à la Madrilène.

 

7. Vendredi 5 mai 2023 : de Campo Real à Santo Tomé del Puerto

Cette dernière journée pleine de voyage sera consacrée à la visite de plusieurs localités de la région madrilène qui, sans présenter un aspect normal de végétation de printemps, est tout de même moins aride que ce que nous avons vu dans le Sud.

Toujours en ville, sur les talus de l’avenue Arganda au sud-est de la ville de Campo Real (Madrid ; alt. 780 m ; 40° 20′ 17.5″ N, 3° 22′ 39.2″ W), Hippocrepis commutata est encore présent, abondant, en fleurs et en fruits. Il est manifestement très commun dans cette zone.

Nous gagnons ensuite la ville de Rivas-Vaciamadrid, au sud-est de Madrid, pour visiter la pinède située au bout de la Ruta de los Cantiles, au nord-est de la ville (Madrid ; alt. 644 m ; 40° 21 ‘52.5″ N, 3° 31’ 05.3″ W). Onobrychis matritensis est bien présent mais non fructifié (photo 119), avec Helianthemum cinereum (Cav.) Pers. subsp. rotundifolium (Dunal) Greuter & Burdet (= H. rotundifolium Dunal), Alyssum serpyllifolium Desf., Dianthus pungens L. subsp. hispanicus (Asso) O. Bolòs & Vigo, Astragalus incanus L. subsp. incanus, particulièrement abondant ici, et le très laineux Teucrium gnaphalodes L’Hér. (photo 120).

Non loin de là, toujours à Rivas-Vaciamadrid, nous rejoignons un matorral situé à l’est de la Calle Enebro, au nord-est de la ville (Madrid ; alt. 630 m ; 40° 22′ 08.0″ N, 3° 31′ 09.4″,W). Le milieu est steppique et nous y observons trois stipes, Stipa iberica Martinovský (photo 121), Stipa parviflora Desf. et une troisième espèce qui nous semble intermédiaire entre S. lagascae Roem. & Schult. et S. juncea L., mais mais tend plus vers S. lagascae. Le milieu est magnifique et nous y relevons Sideritis hirsuta, Astragalus incanus subsp. incanus, Astragalus alopecuroides subsp. alopecuroides, Onobrychis matritensis, Thapsia villosa, Centaurea solstitialis L., Genista sphaerocephala, Salvia verbenaca L., Anisantha rubens, Hirschfeldia incana (L.) Lagr.-Foss., Polygala monspeliaca L. et Salvia argentea L. (en feuilles à cette époque).

Photo 119. Onobrychis matritensis, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 120. Teucrium gnaphalodes, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 121. Stipa iberica, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous poursuivons vers le nord de Madrid pour rejoindre des zones sablonneuses avec des pinèdes, et en particulier au Barranco del Lobo, en contrebas de la carretera Via de Servicio, au sud du campus de l’Université autonome de Madrid (Madrid ; alt. 725 m ; 40° 32′ 07.9″ N, 3° 41′ 35.9″ W). Nous y trouvons très facilement Anthyllis cornicina L. (= Hymenocarpos cornicina (L.) Vis. ; photos 122 et 123), qui y est abondant, avec toute une série de légumineuses annuelles, notamment Trifolium glomeratum L., Trifolium tomentosum L., Trifolium hirtum All., Ornithopus compressus L., Biserrula pelecinus L., Astragalus hamosus L., Astragalus sesameus L. et Vicia eriocarpa (Hausskn.) Halácsy.

Photo 122. Anthyllis cornicina, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 123. Anthyllis cornicina, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous poursuivons vers le nord de Madrid, et nous arrêtons autour de chaos rocheux à Colmenar Viejo (Madrid ; alt. 855 m ; 40° 39′ 43.9″ N, 3° 48′ 00.1″ W). Nous y trouvons Digitalis thapsi L., Arrhenatherum album subsp. album, Lupinus angustifolius L., Lavandula pedunculata (Mill.) Cav., Bellardia trixago et Linaria spartea (L.) Chaz. Le long des murets, au bord des chemins, nous retrouvons Antirrhinum graniticum.

Nous poursuivons vers le nord par la route M-625. Au bord de la route, au niveau du centre équestre Atalaya, sur la commune de Soto del Real (Madrid ; alt. 1 054 m ; 40° 43′ 01.5″ N, 3° 45′ 15.0″ W), les talus sont couverts de la spectaculaire Celtica gigantea (Link) F.M. Vázquez & Barkworth (= Stipa gigantea Link), magnifique poacée dépassant un mètre de hauteur (photos 124 et 125).

Photo 124. Celtica gigantea, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 125. Celtica gigantea, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Toujours sur la M-625, un peu plus au nord, nous nous arrêtons sur une pelouse sèche qui nous semble un peu plus fraîche que celles du voisinage, au sud-ouest de Guadalix de la Sierra, toujours sur la commune de Soto del Real (Madrid ; alt. 951 m : 40° 44′ 41.7″ N, 3° 43′ 33.5″ W). Bien nous en a pris,car nous y trouvons Anthyllis lotoides L. (= Hymenocarpos lotoides (L.) Vis. ; photo 126), en compagnie de plusieurs espèces très intéressantes, comme Spergularia purpurea (Pers.) D. Don (plante très glanduleuse, avec de grandes bractées entièrement scarieuses ; photo 127), Biserrula pelecinus, Trifolium lappaceum L., Trifolium cherleri L., Lavandula pedunculata, Thymus zygis L. subsp. zygis (calice de 3-3,2 mm),et surtout le rare Astragalus cymbaecarpos Brot., que nous n’avions jamais observé (photos 128 et 129). Cette espèce annuelle de la section Bucerates DC. (comme A. hamosus) est en fruits, avec ses inflorescences pédonculées et des gousses à long bec arqué. C’est pour nous une des plus belles surprises du voyage.

Photo 126. Anthyllis lotoides, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 127. Spergularia purpurea, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 128. Astragalus cymbaecarpos, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 129. Astragalus cymbaecarpos, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Sur les talus nous retrouvons Celtica gigantea ainsi que Genista cinerascens Lange, une espèce présente dans le centre et le centre-ouest de la péninsule Ibérique (photos 130 et 131).

Photo 130. Genista cinerascens, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 131. Genista cinerascens, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Après cette halte très sympathique, nous poursuivons jusqu’à Venturada via la route N-320. En contrebas de la route nous repérons une prairie sur marne (Madrid ; alt. 818 m ; 40° 47′ 53.5″ N, 3° 36′ 52.6″ W) qui s’avère elle aussi très intéressante. Hippocrepis commutata est encore présent (photo 132), comme Teucrium gnaphalodes, Linum suffruticosum, de splendides exemplaires d’Astragalus alopecuroides subsp. alopecuroides, Astragalus monspessulanus L. subsp. gypsophilus Rouy (photo 133), Crupina vulgaris et Taraxacum obovatum (Willd.) DC. (photo 134).

Photo 132. Hippocrepis commutata, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 133. Astragalus monspessulanus subsp. gypsophilus, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 134. Taraxacum obovatum, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous montons ensuite à Miraflores de la Sierra, toujours en contournant le parc régional de la Cuenca alta del Manzanares par la M-611. Dans la chênaie acidiphile à Quercus pyrenaica Willd., sur les talus (Madrid ; alt. 1 230 m ; 0° 49′ 19.7″ N, 3° 47 ‘21.7″ W) nous identifions Lotus carpetanus Lacaita (photo 135), un taxon du groupe de L. corniculatus L., souvent traité en sous-espèce de celui-ci. Cette plante, présente dans la majeure partie de la péninsule Ibérique, a des dents du calice plus courtes que le tube, comme le précise Lacaita dans sa description. Elle est proche de L. delortii Timb.-Lagr.

Photo 135. Lotus carpetanus, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Le lotier n’est pas la seule plante intéressante des lieux. Nous observons sur ces talus sablonneux plusieurs taxons intéressants, notamment la brassicacée Coincya monensis (L.) Greuter & Burdet subsp. orophila (Franco) C. Aedo Pérez, Leadlay & Muñoz Garm., ainsi que Arenaria montana L. subsp. montana, Ornithopus compressus, Bellis sylvestris Cirillo, Anthyllis lotoides, Lavandula pedunculata, Pteridium aquilinum (L.) Kuhn et Cistus umbellatus L. Sur la route, en montant au col, Cistus ladaniferus L. subsp. ladaniferus est abondant. Au sommet, au Puerto de la Morcuera (Madrid ; alt. 1 774 m ; 40° 49′ 43.2″ N, 3° 50′ 00.7″ W), nous atteignons une lande à Cytisus oromediterraneus, avec Linaria bordiana Santa & Simonn. (= L. elegans Munby ; photo 136) et Lepidium heterophyllum Benth.

Photo 136. Linaria bordiana, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

La journée est bien avancée et nous roulons sur la M-604 en direction des stations d’adénocarpes que nous souhaitons voir avant la nuit. Au nord-est d’Alameda del Valle, dans la commune de Pinilla del Valle (Madrid ; alt. 1 137 m ; 40° 55′ 45.5″ N, 3° 49′ 57.1″ W), des fossés humides bordent la route. Nous stoppons net à la vue de massifs de lupins. Comme nous le pensons il s’agit bien de Lupinus hispanicus Boiss. & Reut., espèce endémique du centre et de l’ouest de la péninsule Ibérique, à corolles bleues ou roses. Elle a la particularité d’avoir des inflorescences verticillées, comme L. luteus L., et d’avoir des graines tuberculées (photos 137 et 138). À ses pieds, dans la boue pousse Montia fontana L. subsp. amporitana Sennen.

Photo 137. Lupinus hispanicus, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 138. Lupinus hispanicus, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous filons ensuite vers Pradena del Rincon en empruntant la route M137. Entre Piňuécar et Pradena del Rincon (Madrid ; alt. 1 057 m ;  41° 01′ 51.3″ N, 3° 33′ 27.3″ W), dans les haies sur granit nous retrouvons Lupinus hispanicus et Anthyllis lotoides, mais surtout deux adénocarpes en mélange, le “classique” Adenocarpus complicatus (L.) J. Gay subsp. complicatus (photos 139 et 140) et l’endémique Adenocarpus hispanicus (Lam.) DC. (photos 141 et 142), splendide espèce localisée dans quelques sierras espagnoles, qui peut atteindre quatre mètres de hauteur. La péninsule Ibérique est le centre de diversification du genre Adenocarpus, avec près d’une dizaine d’espèces endémiques, sur ce genre qui en compte une vingtaine seulement.

Nous terminons la journée par une rapide herborisation dans une prairie fraîche à l’est de Pradena del Rincon (Madrid ; alt. 1 158 m ; 41° 02′ 45.6″ N, 3° 31 ‘47.6″ W). Outre Lupinus hispanicus, manifestement commun dans cette zone, Anacamptis morio (L.) R.M. Bateman, Pridgeon & M.W. Chase et Serapias lingua L., nous récoltons un Armeria qui nous semble singulier avec ses larges bractées. À l’analyse sur herbier, il s’avère qu’il s’agit d’Armeria arenaria (Pers.) Schult. subsp. segoviensis (Gand. ex Bernis) Nieto Fel., taxon endémique du centre de l’Espagne.

Nous passons la soirée dans le petit village de Santo Tomé del Puerto et dînons dans un petit restaurant aux rations particulièrement roboratives. De quoi bien dormir avant de prendre la route du retour le lendemain.

Photo 139. Adenocarpus complicatus subsp. complicatus, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 140. Adenocarpus complicatus subsp. complicatus, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 141. Adenocarpus hispanicus, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.  
Photo 142. Adenocarpus hispanicus, le 5 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.  

8. Samedi 6 mai 2023 : de Santo Tomé del Puerto à Montpellier

Même si nous avons déjà fait un bout de chemin depuis la côte andalouse, il reste encore 950 kilomètres pour rentrer, via Zaragoza, Lérida et Perpignan, soit environ douze heures de route avec la pause déjeuner. Nous ne ferons donc pratiquement aucun arrêt afin de ne pas arriver trop tard dans l’Hérault.

Nous souhaitons toutefois observer un nouvel astragale, même s’il n’est pas fleuri à cette époque. Il s’agit d’Astragalus granatensis Lam. (photo 143), que nous observerons au bord de la N-110 à l’ouest du village de Francos (Segovia ; alt. 1 030 m ; 41° 22 ‘30.7″ N, 3° 21 ‘44.7″ W). La plante forme de gros coussins sur les talus, sur quelques dizaines de mètres de long, avec à ses pieds Astragalus glaux L. et A. sesameus L. C’est une espèce épineuse de la section Rhacophorus Bunge, composée de très nombreuses espèces montagnardes, surtout orientales.

Photo 143. Astragalus granatensis, le 6 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Désormais nous roulons et seule une attraction de bord de route peut nous arrêter. C’est très rapidement le cas, puisqu’au niveau de Torraňo, au nord-est d’Ayllon, toujours au bord de la N-110, des touffes de genêt s’apparentant à Genista pulchella Vis. ornent les hauts talus. Il s’agit en réalité d’un taxon très proche, lui aussi de la section Erinacoides Spach, Genista mugronensis Vierh. subsp. rigidissima (Vierh.) Fern.Casas (= Genista pumila (Debeaux & E. Rev. ex Hervier) Vierh. subsp. rigidissima (Vierh.) Talavera & L. Sáez : photos 144 et 145). Il se distingue de G. pulchella par ses jeunes tiges à pilosité dense mais rapidement caduque. Cette sous-espèce est très localisée dans le centre de l’Espagne.

Photo 144. Genista mugronensis Vierh. subsp. rigidissima, le 6 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 145. Genista mugronensis Vierh. subsp. rigidissima, le 6 mai 2023 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Les trois derniers “arrêts minute” seront très rapides. Le premier toujours au bord de la N-110 entre Ayllon et San Esteban de Gormaz (Soria ; alt. 1 006 m ; 41° 30′ 20.1″ N, 3° 17′ 55.6″ W) pour récolter Salvia lavandulifolia Vahl. Il s’agit probablement d’une plante issue de semis, dont il est impossible de déterminer à quelle sous-espèce elle appartient. Le deuxième se fait sur les talus de la route CL-116 au nord de la ville de Velamazan. Il y a là un Avena qui a un aspect inhabituel. La plante n’a pas de cicatrice d’attache, donc a des rachillets se brisant et une lemme prolongée en deux longues arêtes, comme Avena strigosa Schreb. sensu str. Mais la lemme est très velue à longs poils comme Avena barbata Pott. ex Link. Bref, comme souvent avec les Avena nous restons sans certitude. Enfin, notre dernier arrêt se fera sur la bretelle de la sortie 127 de l’autoroute A-21 au sud d’Ateca (Zaragoza ; alt. 633 m ; 41° 19′ 22.1″ N, 1° 47′ 40.4″ W), pour vérifier un muflier particulièrement robuste ; une nouvelle fois il s’agit d’Antirrhinum graniticum.

Ainsi se termine notre périple espagnol du printemps 2023, marqué par une telle sécheresse que nous aurons dû modifier notre itinéraire tout au long de la semaine. Mais même en cette année particulièrement défavorable à la botanique, la péninsule Ibérique nous aura offert de belles découvertes botaniques, comme à chaque voyage.

Bibliographie

Boissier E., 1839-1845. Voyage botanique dans le midi de l’Espagne pendant l’année 1937. Gide et Cie, Paris.

Castroviejo S. (coord. gen.), 1986-2012. Flora iberica 1-8, 10-15, 17-18, 21. Real Jardín Botánico, CSIC, Madrid.

Coulot P. & Rabaute Ph., 2001. Voyage botanique dans la péninsule Ibérique au printemps 1999 (1ère partie : Levant, Murcie, Andalousie). Le Monde des Plantes 472 : 16-23.

Gandoger M., 1917. Catalogue des plantes récoltées en Espagne et en Portugal pendant mes voyages de 1894 à 1912. Hermann eds., Paris.

Kramina T., Samigullin T.-H. & Meschersky I.-G., 2020. Two cryptic species of Lotus (Fabaceae) from the Iberian Peninsula. Wulfenia 27 : 21-45.

Lahora Cano A., Sánchez Gómez P. & Jiménez Martinez J.F., 2012. A new species of Coronilla (Loteae, Fabaceae) from southeastern Spain: Evidence from morphological and molecular data. Folia Geobotanica 47 (3) : 317-335.

Navarro T., 1995. Revisión del género Teucrium L. sección Polium (Mill.) Schreb. (Lamiaceae) en la Península ibérica y Baleares. Acta Botanica Malacitana 20 : 173-265.

Navarro T., Rosua J.-L. & Mota J.-F, 1990. Estudio sistematico de los taxones de la Serie Polium, genero Teucrium, en las Cordilleras Beticas. Acta Botanica Malacitana 15 : 79-89.

Puech S., 1984. Les Teucrium (Labiées) de la sect. Polium (Miller) du bassin méditerranéen occidental (France et Péninsule ibérique). Naturalia Monspeliensia, N° hors série, série botanique : 1-71.

Rabaute Ph. & Coulot P., 2002. Voyage botanique dans la péninsule Ibérique au printemps 1999 (2ème partie : Algarve). Le Monde des Plantes 475 : 11-16.

Talavera S., 1999. Sobre el tratamiento de la tribu Astragaleae Bercht. & J. Presl. (Papilionoideae, Leguminosae) en Flora Iberica. Anales del Jardín Botánico de Madrid 57 (1) : 218-220.