Un voyage botanique dans l’est du Kirghizistan, dans la région du lac Ysyk-Köl

Title

A botanical journey through eastern Kyrgyzstan, in the region of Lake Ysyk-Köl

Résumé

Cet article présente les observations faites lors d’un voyage botanique du 4 au 11 juin 2022. La zone explorée se situe de Bichkek à Karakol, autour du lac Ysyk-Köl (ou lac lessik).

Abstract

This article presents the observations made during a botanical trip from 4 to 11 June 2022. The area explored is from Bishkek to Karakol, around the Ysyk-Köl lake (or lessik lake).

Après nos voyages en Turquie, Arménie et Iran, et après les années de restriction liées à la crise de la Covid-19, nous décidons de partir encore plus à l’est, en Asie centrale, au Kirghizistan. Il est des voyages différents des autres ; évidemment, celui que nous avons préparé pour ce printemps 2022 a le goût de l’aventure, au pays des chameaux de Bactriane, des yourtes et des monts Célestes. À la veille du départ, nous ressentons la même émotion que celle maintes fois vécue depuis plus de trente ans de voyages botaniques. Au-delà de la réjouissance anticipée de la découverte d’espèces remarquables, c’est bien cette fébrilité qui sera, comme toujours, le souvenir le plus fort de cette semaine kirghize.

1. Le Kirghizistan, un pays de lacs et de montagnes au cœur de l’Asie centrale

Le Kirghizistan, ou Kirghizie, est un pays de l’ex-URSS qui s’ouvre progressivement au tourisme. Particulièrement montagneux, il est coincé entre l’Ouzbékistan à l’ouest, le Kazakhstan au nord, la Chine à l’est et au sud-est et le Tadjikistan au sud-ouest (carte 1). Sa superficie est de presque 200 000 km², correspondant à titre comparatif à l’équivalent des trois régions françaises suivantes additionnées : Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

Carte 1. Position du Kirghizistan en Asie centrale ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Le pays est bordé à l’est et au sud par la chaîne des monts Célestes, ou Tien-Shan. Cette immense chaîne de montagne a une longueur totale de 2 500 kilomètres (dont les deux-tiers sur le territoire chinois) et se poursuit au sud-ouest du pays par les monts Alaï. Les plus hauts sommets sont le Jengish Chokusu (7 439 m), anciennement pic Pobedy, le pic Abu Ali Ibn Sinale (7 164 m), anciennement pic Lénine, et le pic Khan Tengri (7 010 m).

Au sein de ce massif, à l’est du pays, se situe le lac Issyk-Koul (ou Ysyk-Köl), deuxième plus grand lac d’altitude au monde après le lac Titicaca, d’une longueur de 162 kilomètres. En kirghize, il signifie « lac chaud ». C’est un lac salin. Notre voyage se situera principalement autour de ce lac et sur les versants nord et sud du Tien-Shan, de chaque côté de celui-ci (carte 2).

Carte 2. Itinéraire du voyage (en vert) ; P. Coulot & Ph. Rabaute (sur fond d-maps.com®), CC-BY-NC-ND. 

2. La préparation du voyage et les identifications

En Asie centrale, peu de pays présentent un niveau de sécurité permettant d’envisager un parcours itinérant en totale autonomie et sans guide. C’est bel et bien le cas au Kirghizistan, où nous n’avons jamais ressenti la moindre insécurité. Il va sans dire qu’il convient de respecter les règles élémentaires de prudence valables partout. Les checkpoints routiers sont relativement fréquents mais les policiers locaux ont manifestement consigne de ne pas importuner les étrangers.

D’un point de vue sanitaire, le risque le plus important est infectieux, par contamination par l’eau. La consommation d’eau minérale en bouteille est donc à systématiser, y compris pour se laver les dents, et celle de fruits et légumes crus présente un risque certain. Les diarrhées à Escherichia coli sont extrêmement fréquentes et le risque d’hépatite A est important, exigeant une vaccination systématique. Pour le reste, il n’y a pas de paludisme au Kirghizistan.

L’accès aérien est très simple, notamment par la compagnie Turkish Airlines via Istanbul, et l’entrée dans le pays ne nécessite pas de visa ; un simple passeport suffit pour les séjours de moins de soixante jours. Pour la location de voiture, les grandes chaînes ne sont pas présentes à Bichkek, mais il est possible de trouver des loueurs locaux disposant de quelques véhicules. Là est sans doute le plus délicat, les véhicules étant manifestement peu entretenus. Nous ne pouvons que recommander la location d’un véhicule 4×4, dès lors que seules les routes principales sont goudronnées, le reste étant constitué de pistes.

Enfin, pour l’hôtellerie, il est très simple de trouver un lieu pour dormir pour l’étape du soir, beaucoup de petits hôtels, chambres chez l’habitant, et même des yourtes ! (photo 1) étant disponibles sur les plateformes comme Booking®.

La récolte d’échantillons de plantes est réglementée, le contact avec l’ambassade de France à Bichkek est donc nécessaire. Toutes les plantes observées ont été récoltées et sont présentes dans l’herbier PCPR. La grande majorité des plantes observées a été identifiée, à l’exception de certaines Poaceae et Boraginaceae ; nous ne citerons pas les plantes restées sans identité dans la suite de ce texte.

Pour ce qui est des identifications, nous n’avons hélas pas pu trouver d’accès à la flore de Kirghizie, écrite entre 1951 et 1965, en onze volumes, elle est en langue russe. L’ouvrage de référence reste donc la flore d’URSS de Komarov (traduction anglaise de 1968-2001) et, plus récente mais onéreuse, Flora of Central Asia de Grubov (1999-2014), dont quatorze volumes ont été publiés. Plusieurs atlas et listes sont également très utiles, comme ceux de Kirghizie (Laskov et al., 2011 ; Laskov et al., 2015), des monts Tian-Shan (Sennikov et al., 2021 ; Tojibaev et al., 2020) ou du Tadjikistan (Nowak & Nobis, 2020). En complément, des travaux monographiques sur certains genres sont très utiles, comme pour Astragalus (Podlech & Zarre, 2013), Stipa (Nobis et al., 2020) ou Caragana (Yingxin, 2010).

Le cas particulier des espèces du genre Astragalus mérite quelques précisions. Nous en avons récolté une certaine quantité, dont nous sommes parvenus à identifier la majorité. Pour autant, de nombreuses sections, comme Caprini et Dissitiflori, comptent d’innombrables espèces souvent mal connues, décrites sur la base de quelques échantillons. De même, plusieurs de nos récoltes correspondent de toute évidence à des espèces à décrire. Nous sommes toujours, à l’heure de la publication du présent article, en cours de travail sur nos exsiccata, en lien avec les rares spécialistes du genre, en particulier nos amis iraniens Shahin Zarre et Ali-Asghar Maassoumi, ainsi qu’avec Andrey Sytin, spécialiste russe des astragales d’Asie centrale. Les mentions des espèces observées sont donc parfois imprécises, en attente de traitements ultérieurs, qui seront probablement publiés dans Carnets botaniques. En tout cas, l’étude des astragales d’Asie centrale est un grand exercice de modestie, même quand on pense connaître à peu près le genre …

Photo 1. Nuit dans une yourte à Tosor, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

3. Samedi 4 juin 2022 : du Manas international airport à Bichkek

Dès notre arrivée sur le sol kirghize, en milieu de journée, nous sommes impatients de découvrir le fond de flore de plaine de la steppe environnant Bichkek, la capitale, située au nord du pays, près de la frontière kazakhe. Après avoir récupéré notre véhicule, loué depuis la France à un loueur local, et avant de rejoindre la ville, où nous souhaitons visiter le célèbre marché de Osh Bazar puis passer la soirée, nous décidons de découvrir la flore de plaine environnante.

Notre premier arrêt se situe le long de la route juste au sud de l’aéroport de Manas (province de Tchoui, district d’Alamüdün, 647 m ; 43° 02′ 39.7″ N, 74° 27′ 52.6″ E). Toute cette zone est constituée de vastes champs de sable très fin. Nous y observons assez peu d’espèces, dont la plus intéressante est probablement un astragale annuel, hélas complètement fané et ne présentant même plus de fruits. Nous y récoltons toutefois la délicate Centaurea pulchella Ledeb. (photo 3), Chrozophora hierosolymitana Spreng. (fleurs à cinq étamines, capsule verruqueuse et recouverte entièrement d’écailles blanches ; photo 2), Bromus japonicus Thunb., Aegilops triuncialis L., Medicago orthoceras (Kar. & Kir.) Trautv. (photo 4), Silene conoidea L. et Anisantha tectorum (L.) Nevski.

Photo 2. Chrozophora hierosolymitana, le 4 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 3. Centaurea pulchella, le 4 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 4. Medicago orthoceras, le 4 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Nous souhaitons absolument visiter le célèbre Och Bazaar de Bichkek avant de filer vers le lac Ysyk-Köl. Aussi, avant de rejoindre la capitale kirghize en fin d’après-midi, nous tournons autour de la ville en explorant la flore des friches et des cultures. Nous touchons vite du doigt deux points importants concernant l’exercice de la botanique dans ce pays. Le premier est l’absence de routes et même de pistes à l’exception des grands axes. Le deuxième est que tout hectare de plaine est cultivé, à l’exception des zones de steppes très monotones que nous verrons plus tard. Nous allons donc, en cette première journée de transition, nous casser les dents en essayant de rejoindre les zones de montagne situées juste au sud de la ville et passer le plus clair de notre temps au milieu de champs de céréales parfaitement entretenus et offrant assez peu de messicoles.

Pour autant cette journée sera l’occasion de découvrir plusieurs espèces d’Asie centrale. Dans un premier temps nous contournons la ville par l’ouest en longeant de vastes zones humides bordées par des roselières, à Mramornoye (province de Tchoui) où nous rencontrons une flore commune, avec Cannabis sativa L., très abondant et manifestement sauvage ici (photo 5), Glycyrrhiza glabra L. et Conium maculatum L. Plus loin, nous stoppons sur des vases exondées au nord du village d’Ozernoe (province de Tchoui, district d’Alamüdün, alt. 649 m ; 43° 01′ 01.4″ N, 74° 30′ 29.8″ E), et là encore nous n’observons que des banalités, comme Cyperus fuscus L. et Ranunculus sceleratus L.

Photo 5. Cannabis sativa, le 4 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

La première moisson maigre au bord de notre route se situe au nord du village d’Ozernoe (province de Tchoui, district d’Alamüdün, alt. 652 m ; 43° 01′ 00.1″ N, 74° 30′ 54.1″ E). Nous y rencontrons une apiacée à « œil noir » (fleurs stériles au centre de l’ombelle), Eremodaucus lehmannii Bunge (photo 8), ainsi que Kickxia elatine (L.) Dumort. subsp. sieberi (Rchb.) Hayek (= K. elatine subsp. crinita (Mabille) Greuter), Anchusa arvensis (L.) M. Bieb. subsp. orientalis (L.) Nordh. (= Lycopsis orientalis L.) (photo 9), la remarquable boraginacée Pseudoheterocaryum szovitsianum (Fisch. & C.A. Mey.) Kaz. Osaloo & Saadati aux fruits épineux caractéristiques, la plante parasite de la famille des Mazaceae Dodartia orientalis Tourn. ex L. (photo 7), que nous avions déjà observée en Arménie, ainsi que des messicoles plus communes comme Thlaspi arvense L., Turgenia latifolia (L.) Hoffm., Euphorbia falcata L., Trigonella officinalis (L.) Coulot & Rabaute et Sophora alopecuroides. L. (ici le type ; photo 6).Nous poursuivons notre route pour atteindre le sud-ouest de Bichkek. Notre prochain arrêt se fera dans une friche sablonneuse en bordure de champ de blé, au niveau du village de Voenno-Antonovka (province de Tchoui, alt. 741 m ; 42° 51′ 35.7″ N, 74° 26′ 51.9″ E). Nous y retrouvons Dodartia orientalis, Sophora alopecuroides, Caucalis platycarpos L. et Turgenia latifolia, ainsi que quelques graminées banales comme Phleum pratense L. (au sens large), Bromus lanceolatus Roth et Hordeum murinum L. subsp. leporinum (Link) Arcang. Une sauge attire notre attention par ses corolles d’un bleu profond. Il s’agit de Salvia deserta Schangin, la « sauge tartarienne », endémique locale également présente au Kazakhstan et dans le nord-ouest de la Chine (photo 12). Sont également présents Euclidium syriacum (L.) W.T. Aiton (photo 10), Aegilops tauschii Coss. (épi cylindrique, glumes tronquées sans arêtes ; photo 11), Malcolmia africana (L.) W.T. Aiton et une Lappula sp. (genre inextricable pour nous en Asie centrale).

Photo 6. Sophora alopecuroides, le 4 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 7. Dodartia orientalis, le 4 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 8. Eremodaucus lehmannii, le 4 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 9. Anchusa arvensis subsp. orientalis, le 4 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 10. Euclidium syriacum, le 4 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 11. Aegilops tauschii, le 4 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 12. Salvia deserta, le 4 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

L’après-midi sera consacré à plusieurs arrêts rapides au sud-ouest de Bichkek, pour observer des espèces nouvelles çà et là. Le premier se situe dans une friche sablonneuse en bord de piste et contrebas de voie ferrée (province de Tchoui, alt. 745 m ; 42° 51′ 23.9″ N, 74° 27′ 10.0″ E), pour observer un ail d’un bleu dont l’aspect semble presque artificiel, Allium caesium Schrenk, lui aussi endémique d’Asie centrale (photo 13). Il est accompagné de Medicago orthoceras (Kar. & Kir.) Trautv.

Photo 13. Allium caesium, le 4 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Un peu plus loin, toujours dans une friche en bord de piste et contrebas de voie ferrée (province de Tchoui, alt. 745 m ; 42° 51′ 21.5″ N, 74° 26′ 44.8″ E), nous récoltons deux composées, Cousinia microcarpa Boiss. (photo 14), représentant assez précoce d’un genre considérable en Asie centrale, et Achillea arabica Kotschy, petite achillée jaune d’un vert cendré (photo 15). Les oiseaux sont nombreux dans cette zone. Sans être ornithologues nous identifions le bruant à tête rousse (Emberiza bruniceps Brandt), le bruant proyer (Emberiza calandra L.) et le rollier d’Europe (Coracias garrulus L.).

Photo 14. Cousinia microcarpa, le 4 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 15. Achillea arabica, le 4 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous poursuivons au milieu des champs de blé, où nous observons des espèces bien classiques des cultures, comme Lathyrus tuberosus L. ou Vicia dasycarpa Ten. Notre dernier arrêt de la journée est toutefois beaucoup plus intéressant, sur un talus herbeux légèrement pentu entre piste et route, au nord-est du village de Kuntuu (province de Tchoui, alt. 838 m ; 42° 48′ 57.1″ N, 74° 27′ 57.3″ E). Nous y observons six espèces endémiques d’Asie centrale. La première est ce qui nous semble être une grande achillée à capitules en ombelle. En réalité cette plante appartient à un genre monospécifique proche ; il s’agit de Handelia trichophylla (Schrenk) Heimerl (photo 16). La deuxième est un grand sainfoin annuel aux fruits très caractéristiques, aplatis et largement ailés à aile translucide, Onobrychis pulchella Schrenk ex Fisch. & C.A. Mey. (photo 17). La troisième est une rutacée du genre très complexe Haplophyllum, H. acutifolium (DC.) G. Don. Enfin, nous récoltons la thyméléacée annuelle Diarthron linifolium Turcz., Achillea filipendulina Lam., que nous connaissons bien en culture mais qui est ici sauvage, et un astragale endémique d’Asie centrale appartenant à la section Dissitiflori, qui est proche d’Astragalus ortholobiformis Sumnev. (photo 18) ; sans fleurs nous ne pouvons toutefois le confirmer absolument.. Avec elles nous notons des espèces plus communes, comme Vicia peregrina L. et Vicia sativa L. (ss str).

Photo 16. Handelia trichophylla, le 4 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 17. Onobrychis pulchella, le 4 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 18. Astragalus cf. ortholobiformis, le 4 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Avant de rejoindre Bichkek, entre Kuntuu et Chalakazaki (commune de Kashka-Bash, province de Tchoui, alt. 856 m ; 42° 49′ 09.4″ N, 74° 29′ 22.3″ E), nous voyons sur le talus routier une des plantes emblématiques du Kirghizistan, déjà en fruits à cette époque, Astragalus sieversianus Pall. (photo 19). Cet astragale très robuste (plus d’un mètre de hauteur) appartenant à la section monospécifique Lithoon présente des fruits longuement laineux et durs, de plus d’un centimètre de diamètre.

Photo 19. Astragalus sieversianus, le 4 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Après avoir pris notre chambre d’hôtel nous rejoignons donc le Och Bazaar, comme prévu. Il s’agit d’un des plus importants d’Asie centrale, qui permet de voir non seulement les productions alimentaires locales, mais aussi l’artisanat kirghize, et tout particulièrement les selles de cheval artisanales (photo 22) et les chaussons en feutre (laine de mouton) ; ces tapatschkis sont faits à la main par les femmes, notamment dans quelques villages situés près du lac Ysyk-Köl. Il s’agira évidemment des cadeaux incontournables pour notre retour. Très colorés, ils sont d’un confort inégalable. C’est également l’occasion pour nous de voir les premiers hommes arborant le kalpak, le chapeau kirghize à la forme très particulière, dont le port est désormais devenu plus rare. Beaucoup de marchands le portent cependant dans le bazaar (photo 20), notamment les vendeurs de kourout, ces petites boules sèches de lait fermenté fabriquées à partir de lait de vache ou de chèvre (photo 21). Avec les épices ce sont les stands les plus nombreux du bazar.

Nous terminons cette journée par notre premier dîner kirghize, fait d’un ragout de mouton accompagné du naan, le pain kirghize traditionnel (photo 23), qui est cuit devant nous dans un four tandoor en argile.

Photo 20. Och bazaar à Bichkek, le 4 juin 2022. 20. Marchands portant le kalpak. P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 21. Och bazaar à Bichkek, le 4 juin 2022. Un stand de kourout. P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 22. Och bazaar à Bichkek, le 4 juin 2022. Selles de cheval artisanales. P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 23. Och bazaar à Bichkek, le 4 juin 2022. Le naan, pain traditionnel kirghize. P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

4. Dimanche 5 juin 2022 : de Bichkek à Tcholpon-Ata

En ce dimanche matin nous filons au sud-est pour rejoindre les bords du lac Ysyk-Köl à Balyktchy. La route que nous empruntons est une large voie goudronnée, la A 365, qui longe longuement la frontière avec le Kazakhstan, correspondant à la rivière Tchou, avant de filer plus au sud vers le lac.

Sur ce trajet de plaine, essentiellement constituée d’immenses champs de blé, nous faisons quelques haltes rapides en bord de route. Ce sera l’occasion d’observer quelques plantes sur les talus sablonneux, mais de façon sporadique. Le premier arrêt se fera à Ivanovka (district d’Ysyk-Ata, province de Tchoui, alt. 738 m ; 42° 53′ 46.0″ N, 75° 06′ 40.5″ E), avec Xeranthemum annuum L. (photo 24), Apocynum lancifolium Russanov (photo 25) et Eragrostis minor Host. Un peu plus loin, à Tokmok (province de Tchoui, alt. 823 m ; 42° 51′ 08.3″ N, 75° 18′ 39.2″ E), nous récoltons Atraphaxis virgata (Regel) Krasn. (photo 26), polygonacée endémique d’Asie centrale, en compagnie de Medicago minima (L.) L., Silene conoidea, Sophora alopecuroides, Velezia rigida L. et encore Xeranthemum annuum.

Photo 24. Xeranthemum annuum, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 25. Apocynum lancifolium, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 26. Atraphaxis virgata, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Au niveau de Chimkorgon, un peu à l’est de Tokmok (province de Tchoui, alt. 901 m ; 42° 50′ 09.7″ N, 75° 25′ 06.9″ E), nous observons deux autres espèces des steppes d’Asie centrale, la délicate Ephedra fedtschenkoae Paulsen (photo 27) et la composée Chondrilla lejosperma Kar. & Kir., à bec de l’akène pourvu d’une articulation à la base et akène à écailles de la couronne lobées (photo 28), et là encore Xeranthemum annuum, Medicago minima et Sideritis montana L., ici en limite orientale de son aire.

Photo 27. Ephedra fedtschenkoae, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 28. Chondrilla lejosperma, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Avant de quitter la plaine et rejoindre les collines bordant le lac, nous stoppons dans une ancienne moisson en friche, toujours le long de la route A 365, un peu à l’est de Kemin (Chuyskoe, province de Tchoui, alt. 1 180 m ; 42° 46′ 18.5″ N, 75° 46′ 06.1″ E), où nous rencontrons pour la première fois une espèce elle aussi caractéristique d’Asie centrale, Sibbaldianthe orientalis (Juz. ex Soják) Mosyakin & Shiyan (= Potentilla orientalis Juz. ; photo 29), accompagnée des plantes steppiques Haplophyllum acutifolium, déjà vue la veille, Peganum harmala L., Litwinowia tenuissima (Pall.) Woronow ex Pavlov (= Euclidium tenuissimum (Pall.) B. Fedtsch.), ainsi qu’Onobrychis bifera (Alef.) Coulot & Rabaute, résidu d’anciennes cultures de sainfoin.

Photo 29. Sibbaldianthe orientalis, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

En nous rapprochant du lac nous abordons des zones de collines rocailleuses (photo 30) le long de la vallée du Tchou, dont la richesse floristique est beaucoup plus importante. À l’occasion de plusieurs arrêts nous allons y trouver de nombreuses espèces endémiques. Notre premier arrêt dans cette zone se fera sur un coteau rocheux bordant la petite route menant à Tort-Kul’ et Shabdan (commune de Cholok, province de Tchoui, alt. 1 318 m ; 42° 41′ 35.8″ N, 75° 52′ 47.2″ E). Nous y rencontrons plusieurs espèces intéressantes, comme Glaucium elegans Fisch. & C.A. Mey. (photo 31), Ziziphora clinopodioides Lam. (photo 32), dont l’aspect général est celui d’un thym, Scutellaria przewalskii Juz. (photo 33), les deux crucifères annuelles Cryptospora falcata Kar. & Kir. (photo 34) et Meniocus linifolius (Stephan ex Willd.) DC. (qui ressemble à un Alyssum), ainsi que Tragopogon marginifolius Pavlov (photo 35), l’endémique Phlomoides isochila (Pazij & Vved.) Salmaki (photo 36), ainsi que Callipeltis cucullaria (L.) DC., Nonea caspica (Willd.) G. Don et deux astragales, l’un à fleurs jaunes de la section Erionotus (assez récemment distinguée de la section Astragalus), Astragalus lanuginosus Bunge (photo 37), et l’autre à fleurs roses, qui appartient également à la section Dissitiflori, et que nous ne parvenons pas à identifier (photo 38).Toujours sur la même route, quelques hectomètres plus loin, dans le vallon de la rivière Chon-Kemin (commune de Sovetskoye, Kemin, province de Tchoui, alt. 1 307 m ; 42° 41′ 26.6″ N, 75° 53′ 47.2″ E), toujours sur des rochers sous Acer tataricum L. subsp. semenovii (Regel & Herder) A.E. Murray, nous observons le très ornemental Dianthus kuschakewiczii Regel & Schmalh. aux pétales laciniés (photo 39), ainsi qu’Allium pallasii Murray (photo 40) et Astragalus campylorrhynchus Fisch. & C.A. Mey. (section Harpilobus).

Photo 30. Vallée du Tchou, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 31. Glaucium elegans, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 32. Ziziphora clinopodioides, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 33. Scutellaria przewalskii, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 34. Cryptospora falcata, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 35. Tragopogon marginifolius, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 36. Phlomoides isochila, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 37. Astragalus lanuginosus, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 38. Astragalus Sect. Dissitiflori, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 39. Dianthus kuschakewiczii, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 40. Allium pallasii, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Nous rejoignons la route principale A 365 et le vallon du Tchou, et nous nous arrêterons à plusieurs reprises avant d’atteindre Balytchy. À Cholok, en bord de route une magnifique labiée à grandes fleurs bleues forme d’importantes populations (province de Tchoui, alt. 1 380 m ; 42° 39′ 14.2″ N, 75° 52′ 51.5″ E). Il s’agit de Dracocephalum diversifolium Rupr. (photo 41). Comme nous le constaterons au cours du séjour, ce genre est très développé en Asie centrale ; nous en verrons plusieurs espèces. Avec lui pousse Rhaponticum repens (L.) Hidalgo, petite composée stolonifère plus souvent traitée sous la combinaison Acroptilon repens (L.) DC. (photo 42).

Photo 41. Dracocephalum diversifolium, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 42. Rhaponticum repens, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Quelques kilomètres plus loin (Cholok, province de Tchoui, alt. 1 448 m ; 42° 37′ 25.1″ N, 75° 49′ 48.1″ E), c’est une autre labiée qui attire notre attention. Il s’agit d’une espèce appartenant à un genre que nous n’avons jamais rencontré, présent de l’Iran à la Chine, Lagochilus platycalyx Schrenk ex Fisch. & C.A. Mey. (photo 43). Cette espèce à corolle blanche a des grandes fleurs profondément bilabiées, des calices longuement soudés et accrescents et des feuilles profondément découpées et légèrement épineuses. Cette magnifique plante est accompagnée d’un liseron épineux, Convolvulus tragacanthoides Turcz. (photo 44), et deux astragales. Le premier appartient également à la section Dissitiflori (photo 45), mais a des fruits courts et arqués ; il ne correspond à aucune espèce détaillée par Podlech & Zarre (2013). Le deuxième appartient également à cette très vaste section (photo 46), avec des tiges en zig-zag et des fruits droits ; nous ne parvenons pas à l’identifier non plus.

Photo 43. Lagochilus platycalyx, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 44. Convolvulus tragacanthoides, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 45. Astragalus 1 Sect. Dissitiflori, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 46. Astragalus 2 Sect. Dissitiflori, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Notre arrêt suivant sera consacré à l’observation d’une des plantes les plus remarquables de notre voyage, un arbuste formant de jolis massifs en bord de route (province de Tchoui, alt. 1 455 m ; 42° 36′ 33.2″ N, 75° 49′ 04.9″ E). Il s’agit d’une fabacée appartenant à la tribu des Caraganae, aux fruits renflés indurés, qui formait jusqu’à peu le genre monospécifique Halimodendron Fisch. ex DC. Les études de phylogénie récentes ont montré que cette plante devait être intégrée au sein du genre Caragana pour qu’il soit monophylétique. Notre plante doit donc être appelée Caragana halodendron (Pall.) Dum.Cours. (= Halimodendron halodendron (Pall.) Voss). Elle a des fleurs d’un rose franc, mais de nombreux exemplaires, en mélange, sont albiflores ; les fruits de l’année précédente coexistent sur la plante avec les fleurs de l’année en cours (photos 47 et 48).

Photo 47. Caragana halodendron, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 48. Caragana halodendron, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Dans cette zone particulièrement intéressante, nous stoppons ensuite sous un grand éboulis (province de Tchoui, alt. 1 462 m ; 42° 36′ 15.9″ N, 75° 48′ 54.8″ E) pour observer un autre arbuste du genre Caragana, celui-ci à fleurs jaunes et inerme. Il appartient à la section Frutescentes. Son identification, au sein de ce genre où les descriptions de nombreuses espèces sont imprécises, est très délicate. Il s’agit de Caragana camilloi-schneideri Komarov (photo 49), endémique régionale essentiellement présent dans le nord-ouest de la Chine, dont les rapports de longueur des parties du calice sont différents de la plupart de ses descriptions. À ses pieds nous récoltons le délicat Aster altaicus Willd. à ligules étroites, lui aussi endémique d’Asie centrale (photo 50), Medicago medicaginoides (Retz.) E. Small (= Trigonella tenuis Fisch.) et Hyoscyamus pusillus L.

Photo 49. Caragana camilloi-schneideri, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 50. Aster altaicus, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Avant de déjeuner au bord du lac, nous stoppons sur un replat marneux, toujours au bord de la route A 365, en face d’une sorte d’aire d’autoroute (commune de Krasnyy Most, province d’Ysyk-Köl, alt. 1 510 m ; 42° 31′ 32.5″ N, 75° 49′ 22.6″ E). Le sol est couvert d’une plante en larges coussins évoquant une caryophyllacée. Il s’agit en réalité de Nitraria sibirica Pall., espèce de la famille des Nitrariaceae (photos 51 et 52). C’est une espèce caractéristique des steppes d’Asie centrale, tout comme une autre espèce de la même famille, Peganum harmala L., qui la côtoie ici. Nous observons aussi une clématite à petites fleurs qui forme des touffes peu fleuries, Clematis songorica Bunge (photo 53), et une autre espèce du genre Lagochilus, L. platyacanthus Rupr., à corolles rose pâle.

Photo 51. Nitraria sibirica (vue d’ensemble), le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 52. Nitraria sibirica (détail), le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 53. Clematis songorica, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous abordons le lac Ysyk-Köl en début d’après-midi et initions notre route vers l’est par sa côte septentrionale. Il s’agit d’une véritable mer intérieure, qui nous offre un paysage grandiose. Il est bordé de steppes et sur son autre rive nous voyons se dessiner les monts Célestes ou Tien Shan (photo 54).

Photo 54. Le lac Ysyk-Köl vu depuis Orn’ok (au premier plan la steppe et au fond les Monts Célestes avec les neiges éternelles), le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

À Chyrpykty, le long de la route A 363 (province d’Ysyk-Köl, alt. 1 622 m ; 42° 31′ 17.4″ N 76° 35′ 33.6″ E), nous observons les plantes des steppes sablonneuses très sèches qui longent le lac. Nous y observons plusieurs espèces caractéristiques de ces milieux d’Asie centrale, les brassicacées Chorispora sibirica (L.) DC. (photo 55) et Lepidium apetalum Willd. (plante couverte de poils capités ; photo 56), un plantain plaqué au sol, Plantago minuta Pall. (photo 57), Erodium stephenianum Willd. (photo 58), ainsi que Sibbaldianthe orientalis, Peganum harmala, Bromus tectorum, Ceratocarpus arenarius L. et Cryptospora falcata La graminée dominante est évidemment une stipe, Stipa bungeana Trin.

Photo 55. Chorispora sibirica, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 56. Lepidium apetalum, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 57. Plantago minuta, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 58. Erodium stephenianum, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Depuis le village de Orn’ok, nous trouvons non sans difficulté la piste Prokhodnoye Ushchel’ye, qui monte au nord vers le Kazakhstan, qui est à une dizaine de kilomètres de là. Nous la remontrons sur quelques kilomètres, jusqu’à atteindre les prairies alpines rases, et nous nous arrêterons régulièrement. La pente monte doucement, formant des steppes rocheuses parsemées de chaos, le tout particulièrement surpâturé. Le paysage est assez lunaire. Notre premier arrêt (Orn’ok, province d’Ysyk-Köl, alt. 1 832 m ; 42° 38′ 07.8″ N, 76° 52′ 03.2″ E) nous amène à observer un autre Caragana, celui-ci fortement épineux et en fruits. Il appartient à la section Spinosae (photos 59 et 60). Malgré un travail approfondi nous sommes incapables de l’identifier avec certitude ; il s’agit soit de Caragana bongardiana (Fisch. & C.A. Mey.) Pojark. soit de C. pleiophylla (Regel) Pojark. La plante a des caractéristiques des deux espèces. Lagochilus platyacanthus Rupr. est également abondante, avec des corolles d’un rouge franc (photo 61), ainsi qu’Helianthemum songaricum Schrenk ex Fisch. & C.A. Mey. (photo 62) et la petite graminée Eremopyrum triticeum (Gaertn.) Nevski. Nous récoltons également un petit astragale à fruits ovoïdes d’une section orientale à poils bifurqués que nous peinons à désigner. À l’analyse approfondie sur échantillon nous identifierons cette section que nous n’avions jamais rencontrée, la section Helmia, dont l’essentiel des espèces poussent en Chine et en Mongolie. Notre plante est très probablement Astragalus chomutovii B. Fedtsch. (photo 63) ; toutefois, les parts d’herbier visibles sur GBIF ne portent aucun fruit, ce qui ne nous permet pas d’affirmer de façon absolue cette identification (https://www.gbif.org/fr/species/5346467). La description faite par Podlech & Zarre dans leur monographie (2013) mentionne « Legumes sessile, oblong, slightly falcate, (6–) 8–10 mm long », ce qui correspond assez bien aux gousses de notre plante.

Photo 59. Caragana bongardiana ou C. pleiophylla, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 60. Caragana bongardiana ou C. pleiophylla, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 61. Lagochilus platyacanthus, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 62. Helianthemum songaricum, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 63. Astragalus chomutovii, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

En poursuivant la piste fait des lacets et la pente est plus rude (Chong-Sary-Oy, province d’Ysyk-Köl, alt. 2 340 m ; 42° 40 ‘40.0″ N, 76° 51’ 08.9″ E). La steppe est moins rase et quelques pieds d’Hippophae rhamnoides L. sont présents. Une potentille est en pleine fleur, nous évoquant une petite Dasiphora fruticosa (L.) Rydb. Il s’agit de Dasiphora phyllocalyx Juz., plante basse plus petite dans toutes ses parties (photo 64). Phlomoides speciosa (Rupr.) Adylov, Kamelin & Makhm. est également présent, mais il n’en reste que les rosettes, le reste étant brouté. Nous devrons patienter un peu pour voir cette plante emblématique d’Asie centrale.

Photo 64. Dasiphora phyllocalyx, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

La piste continue à monter et serpente au milieu de zones d’éboulis fins (Chong-Sary-Oy, province d’Ysyk-Köl, alt. 2 392 m ; 42° 40′ 40.0″ N, 76° 51′ 08.9″ E). Nous retrouvons le même Caragana que plus bas, ici en fleurs (photo 60), ainsi que plusieurs espèces remarquables, Androsace sericea Ovcz. (photo 65), Glaucium squamigerum Kar. & Kir. (photo 66), aux fruits squameux, Spiraea lasiocarpa Kar. & Kir. (photo 67) et Minuartia kryloviana Schischk. Légèrement plus haut (alt. 2 417 m ; 42° 40′ 45.6″ N, 76° 51′ 09.7″ E), nous récoltons une labiée nous semblant être un Stachys, mais qui s’avère être Dracocephalum nodulosum Rupr. (photo 68), et Oxytropis merkensis Bunge (photo 69), qui appartient à la section Janthina Bunge.

Photo 65. Androsace sericea, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 66. Glaucium squamigerum, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 67. Spiraea lasiocarpa, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 68. Dracocephalum nodulosum, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 69. Oxytropis merkensis, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous atteignons ensuite les pelouses alpines (alt. 2 510 m ; 42° 41′ 05.0″ N, 76° 51′ 12.4″ E), encore relativement pauvres à cette époque (photo 70). Nous y observons toutefois quelques espèces endémiques, comme Potentilla nervosa Juz. (photo 71), Draba nemorosa L. var. hebecarpa Lindbl., à silicules à poils courts, Androsace sericea Ovcz., A. maxima L. (ici en milieu primaire) et A. septentrionalis L. (photo 72).

Photo 70. Pelouses alpines en haut du Prokhodnoye Ushchel’ye, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 71. Potentilla nervosa, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 72. Androsace septentrionalis, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

De retour à Orn’Ok, nous finissons cette journée bien remplie en visitant le site des pétroglyphes de Tcholpon-Ata (province d’Ysyk-Köl, alt. 1 720 m ; 42° 39′ 29.5″ N, 77° 03′ 27.8″ E ; photos 73 et 74). Nous sommes absolument seuls sur le site, ce qui montre bien que le tourisme reste très peu développé au Kirghizistan. Certains de ces pétroglyphes datent de la fin de l’âge du bronze (environ 1 500 avant J.-C.), mais la plupart sont issus des tribus Saka-Usun (du viiie siècle avant J.-C. au ier siècle après J.-C.), avant l’arrivée des Kirghizes dans la région. Les Saka firent de ce lieu un emplacement sacré où les prêtres Saka pratiquaient des sacrifices et d’autres rites en honneur du dieu soleil.

Photo 73. Pétroglyphes de Tcholpon-Ata, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 74. Pétroglyphes de Tcholpon-Ata, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Sur le site archéologique, un arbuste épineux est en fruits. Il s’agit d’un autre Caragana, le caraganier du Kirghizistan, C. kirghisorum Pojark., endémique comme son nom l’indique (photo 75). Nous dormons dans un petit hôtel discrètement inséré au milieu d’une zone résidentielle.

Photo 75. Caragana kirghisorum, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

4. Lundi 6 juin 2022 : de Tcholpon-Ata à Karakol

De bon matin, encore frais à cette période de l’année – nous sommes à 1 630 mètres d’altitude –, nous prenons la route vers l’est du lac Lessik par la A 363, vers Karakol. La flore est très monotone et plutôt rudérale au bord du lac ; aussi nous filons jusqu’à l’extrémité de celui-ci, en ne notant rapidement que Linaria vulgaris Mill. et Lathyrus tuberosus en bord de route.

Arrivés aux abords du village de Tyup, nous nous arrêtons dans des prairies fraîches situées très exactement à l’intersection des routes A 363 et A 362, à l’extrémité est du lac (Tyup, province d’Ysyk-Köl, alt. 1 615 m ; 42° 44′ 22.6″ N, 78° 20′ 49.5″ E). Les espèces fleuries sont encore en nombre assez limité à cette époque, mais nous observons deux plantes remarquables. La première est Thermopsis turkestanica Gand. (photo 76), une fabacée de la tribu des Thermopsideae. Elle appartient à un genre qui a la particularité d’avoir deux zones de répartition distinctes, l’une en Amérique du Nord et l’autre en Asie centrale et orientale. Cette magnifique plante à fleurs jaunes, proche de Thermopsis chinensis Benth. ex S. Moore qui est largement cultivé dans les jardins, ressemble de loin à un lupin horticole.

Photo 76. Thermopsis turkestanica, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Avec elle pousse un iris à bulbes qui se développe les pieds dans l’eau, Iris halophila Pall. var. sogdiana (Bunge) Skeels (photo 77). Il s’agit là encore d’une plante très ornementale, d’ailleurs largement cultivée. Nous notons également, sur la prairie moins humide, Geranium pratense L., parfaitement conforme aux plantes que nous connaissons en Europe de l’Ouest, et un astragale proche d’Astragalus alpinus (section Komaroviella ; photo 78).

Photo 77. Iris halophila var. sogdiana, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 78. Astragalus Sect. Komaroviella, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous poursuivons vers l’est le long de la route A 362. Nous sommes dans une région où il arrive fréquemment de voir des chameaux de Bactriane (Camel bactrianus L.). Nous n’aurons pas cette chance ; ce sera partie remise pour un autre voyage. Les paysages sont assez monotones, faits de grandes prairies de fauche à perte de vue. Lors d’un arrêt rapide (village de Taldy-Su, Ichkesu, province d’Ysyk-Köl, alt. 1 646 m ; 42° 45′ 18.0″ N, 78° 26′ 59.1″ E), nous récoltons un grand pédiculaire ici très abondant, Pedicularis dolichorrhiza Schrenk ex Fisch. & C.A. Mey. (photo 79). Nous décidons de ne pas insister dans cette direction et revenons sur le contournement est du lac, pour descendre vers Karakol.

Photo 79. Pedicularis dolichorrhiza, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Juste au nord du pont sur la rivière Dzhergalan (Zhyrgalan Most), au nord de Karakol, sur un coteau marneux (Boz Bulun, district d’Ak-Suu, province d’Ysyk-Köl, alt. 1 643 m ; 42° 35 ‘43.9″ N, 78° 22’ 57.8″ E), Thermopsis turkestanica est très abondant et fructifié, et pousse en compagnie d’un astragale de la section Erioceras, proche d’Astragalus petraeus que nous verrons plus tard dans le voyage, mais dont les fruits très arqués ne correspondent à aucune espèce de la section (photo 80).

Photo 80. Astragalus Sect. Erioceras, le 5 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Quelques encablures plus au sud, nous stoppons net. Quand nous avons préparé notre voyage, l’un des objectifs prioritaires était de voir Phlomoides speciosa, plante symbolique de l’Asie centrale dont l’attrait esthétique ne peut laisser indifférent aucun botaniste de terrain (photos 81 et 82). Dans une prairie située en léger contrebas de la route A 363, juste au sud du pont sur la rivière Dzhergalan (Boz Bulun, district d’Ak-Suu, province d’Ysyk-Köl, alt. 1 645 m ; 42° 35′ 04.1″ N, 78° 23′ 14.5″ E), la plante est abondante et en pleine floraison. De là à dire qu’elle vaut à elle seule le voyage il n’y a qu’un pas (les anglophones l’appellent d’ailleurs « splendid torchwort »). Toutes les plantes du genre Phlomoides – jadis traitées au sein du genre Eremostachys – sont particulièrement spectaculaires, mais celle-ci remporte la palme, avec ses grandes fleurs jaunes.

Photo 81. Phlomoides speciosa, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 82. Phlomoides speciosa, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Impatients de rejoindre les zones de montagne situées au sud du lac Lessik, nous rejoignons l’abord de la vallée d’Altyn Arashan depuis Teploklyuchenka, juste à l’est de Karakol. Dès la sortie du village les hauts talus instables le long de la piste (Teploklyuchenka, district d’Ak-Suu, province d’Ysyk-Köl, alt. 1 922 m ; 42° 27′ 40.5″ N, 78° 31′ 45.0″ E) nous offrent l’endémique Berberis sphaerocarpa Kar. & Kir. (= B. heteropoda Schrenk ex Fisch. & C.A. Mey.), aux gros fruits rouges sphériques (photo 83), à nouveau Phlomoides speciosa, également abondant ici, et une labiée évoquant une sauge. Là encore il s’agit d’un dracocéphale, Dracocephalum integrifolium Bunge (photo 84). C’est la troisième espèce de ce genre observée depuis le début du séjour, appartenant à autant de sections différentes. Nous sommes au cœur de l’aire de répartition du genre, dont nous verrons d’autres taxons plus tard.

Photo 83. Berberis sphaerocarpa, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 84. Dracocephalum integrifolium, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Quelques hectomètres plus loin dans la vallée, une linaire pousse sur des éboulis fins (alt. 1 942 m ; 42° 27′ 31.3″ N, 78° 31′ 42.5″ E). Il s’agit de Linaria bungei Kuprian. (= L. transiliensis Kuprian. ; photo 85), délicate espèce rappelant vaguement L. pelisseriana (L.) Mill., mais à fleurs plus grandes et plus foncées.

Photo 85. Linaria bungei, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Nous poursuivons notre route vers le sud, et nous rapprochons de la Chine, qui n’est qu’à une trentaine de kilomètres à vol d’oiseau. Les pentes deviennent herbeuses et nous entrons progressivement dans une zone de forêt claire de Picea schrenkiana Fisch. & C.A. Mey., l’épicéa de Schrenk, endémique des montagnes du Xinjiang, du Kazakhstan et du Kirghizistan. Il est évident qu’à cette période et à cette altitude nous sommes loin de pouvoir observer la majeure partie des espèces du lieu (Teploklyuchenka, district d’Ak-Suu, province d’Ysyk-Köl, alt. 1 945 m ; 42° 27′ 28.4″ N, 78° 31 ‘43.2″ E). Nous y verrons toutefois plusieurs espèces remarquables, dont une campanulacée à fleurs penchées, qui n’est pas sans rappeler les Canarina de Macaronésie. Cette plante appartient à un genre exclusivement d’Asie centrale et orientale, qui nous est parfaitement inconnu ; il s’agit de Codonopsis clematidea (Schrenk) C.B. Clarke, très délicate plante d’Asie centrale (photo 86). Avec elle nous observons Pedicularis macrochila Vved. (photo 87), aux feuilles verticillées, Lamium album L. dans une forme parfois rapportée à L. turkestanicum Kuprian. (photo 88), Geranium rectum Trautv. aux très grandes fleurs (photo 89) et Cerastium falcatum Bunge, espèce à cinq styles dont l’aspect évoque plutôt une stellaire (photo 90). Nous notons également Spiraea lasiocarpa (ici en fruits), Hippophae rhamnoides, Asperugo procumbens L. et, tout le long de la piste, une plante en fortes touffes évoquant des pieds de cannabis. À l’analyse il s’agit d’une ortie géante, Urtica cannabina L. (photos 91 et 92), judicieusement nommée par Linné, qui dépasse largement un mètre cinquante de hauteur.

Photo 86. Codonopsis clematidea, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 87. Pedicularis macrochila, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 88. Lamium album cf. turkestanicum, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 89. Geranium rectum, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 90. Cerastium falcatum, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 91. Urtica cannabina, le 6 juin 2022. Noter la taille de la plante ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 92. Urtica cannabina, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Nous revenons sur nos pas jusqu’au village de Teploklyuchenka, et prenons la piste qui suit la rivière Aksu, en direction des sources chaudes d’Ak-Suu. Nous nous arrêtons sur un coteau marneux très riche (Teploklyuchenka, district d’Ak-Suu, province d’Ysyk-Köl, alt. 1 923 m ; 42° 28′ 05.8″ N, 78° 32′ 16.5″ E). Trois espèces d’astragales sont présentes, l’une à fleurs jaunes de la section Caprini, impossible à identifier sans fruits (photo 93), la deuxième, blanche prostrée de la section Dissitiflori, sans fruits non plus (photo 94), et enfin la troisième est une acaule à fleurs rouges de la section Incani, Astragalus platyphyllus Kar. & Kir. (photo 95).

Photo 93. Astragalus Sect. Caprini, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 94. Astragalus Sect. Dissitiflori, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 95. Astragalus platyphyllus, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous y retrouvons également Dracocephalum integrifolium, Oxytropis merkensis, Phlomoides speciosa, Androsace maxima, deux boraginacées qui resteront non identifiées dans nos herbiers, ainsi que deux plantes remarquables, Scrophularia heucheriiflora Schrenk ex Fisch. & C.A. Mey. (photo 96), glanduleuse et à fleurs vertes, ainsi qu’Eremurus fuscus (O. Fedtsch.) Vved., spectaculaire Asphodelaceae (Xanthorrhoeaceae) comme toutes les espèces de ce genre essentiellement centre-asiatique (photo 97).

Photo 96. Scrophularia heucheriiflora, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 97. Eremurus fuscus, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous poursuivons vers les sources chaudes. Le vallon devient très encaissé au milieu d’une forêt de Picea schrenkiana parsemée d’Acer negundo L. dans les zones les plus fraîches. Eremurus fuscus y est très abondant, avec Pilosella aurantiaca (L.) F.W. Schultz & Sch. Bip. (photo 98).

Photo 98. Pilosella aurantiaca, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Avant de rejoindre Karakol nous faisons une nouvelle halte dans la vallée (1 886 m ; 42° 28′ 17.4″ N, 78° 31′ 60.0″ E) et récoltons une agripaume endémique, Leonurus turkestanicus V.I. Krecz. & Kuprian. (photo 99).

Photo 99. Leonurus turkestanicus, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Sur la route vers Karakol nous nous croyons dans un célèbre film d’Alfred Hitchcock. Ce sont des centaines de corbeaux freux (Corvus frugilegus L.) qui volent autour de nous, probablement après avoir repéré un quelconque cadavre.

Avant de dîner et de passer la nuit dans un des rares hôtels de la ville, nous visitons le seul point d’intérêt de la ville de Karakol, l’église orthodoxe de la Sainte-Trinité. Très colorée, elle a été construite en 1869 et détruite lors du tremblement de terre qui a anéanti la ville en 1889. Entièrement construite en bois, elle n’aurait pas de clous dans sa construction. Utilisée comme centre d’entraînement pendant l’ère soviétique, elle a retrouvé sa vocation religieuse après l’indépendance du Kirghizistan en 1991 (photos 100 et 101).

Photo 100. Église de la Sainte-Trinité à Karakol, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 101. Église de la Sainte-Trinité à Karakol, le 6 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

5. Mardi 7 juin 2022 : de Karakol à Karakol

Cette quatrième journée kirghize sera celle de la découverte des monts Célestes, que nous aborderons par l’une des rares routes (puis pistes) qui les traverse au sud du lac Yssik Köl, la A 364, depuis le village d’Ak-Bulun, à l’est du lac. En ce mois de juin les floraisons ne sont évidemment pas encore optimales, et la même herborisation faite un mois plus tard nous aurait offert d’innombrables espèces supplémentaires en fleurs. Cette journée restera toutefois inoubliable, non seulement pour la flore observée mais pour les paysages grandioses que nous traverserons.

Après avoir quitté Karakol, nous croisons un troupeau de moutons très particuliers, de la race Karakul, qui ont la particularité d’avoir deux protubérances sur l’arrière-train. On parle de moutons à queue grasse ou de moutons callipyges (photo 102).

Photo 102. Mouton karakul à queue grasse, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous revenons vite à la botanique pour nous arrêter dans de jolies prairies de fauche situées au bord de la route A 363 entre Konstantinovka et Novovoznesenovka (Konstantinovka, district d’Ak-Suu, province d’Ysyk-Köl, alt. 1 754 m ; 42° 33′ 21.1″ N, 78° 41′ 01.5″ E). Nous y retrouvons Linaria bungei, beaucoup plus robuste ici, ainsi que Phlomoides speciosa, Salvia deserta et Veronica verna L., mais aussi deux espèces non vues encore depuis le début du séjour, Verbascum phoenicum L., aux fleurs violacées (photo 103), et Potentilla impolita Wahlenb. (photo 104), espèce proche de P. argentea L., mais avec les feuilles argentées sur les deux faces.

Photo 103. Verbascum phoenicum, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 104. Potentilla impolita, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Nous abordons ensuite la route A 364 en direction d’Enilchek. Rapidement nous nous trouvons en lisière de Picea schrenkiana, dans des sous-bois frais semi-ombragés en pente (district d’Ak-Suu, province d’Ysyk-Köl, alt. 2 090 m ; 42° 34′ 42.7″ N, 78° 53′ 11.9″ E ; photo 105). Là encore les parties les plus fraîches sont occupées par Acer negundo.

Photo 105. Pelouses en lisière de forêt de Picea schrenkiana, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

La flore du lieu est magnifique, avec de nombreuses espèces endémiques de la chaîne des Tian Shan. Comme souvent en haute montagne, les corolles sont larges et les couleurs vives. Nous y observons plusieurs plantes parmi les plus spectaculaires du voyage, à commencer par Aquilegia atrovinosa Popov ex Gamajun. (photo 106), magnifique ancolie à fleurs violet foncé, Phlomoides oreophila (Kar. & Kir.) Adylov, Kamelin & Makhm. (photo 107), autre espèce de ce genre très ornemental, à corolles violettes, Papaver croceum Ledeb. (photo 108), grand pavot à fleurs jaunes devenant orange à l’anthèse, Iris ruthenica Ker Gawl. subsp. brevituba (Maxim.) Doronkin (photo 109), petit iris à rhizome et à corolle bleues, Anemonastrum protractum (Ulbr.) Holub, à grandes fleurs blanches (photo 110), rappelant sa vicariante occidentale A. narcissiflorum (L.) Holub en plus robuste, la boraginacée Lindelofia stylosa (Kar. & Kir.) Brand (photo 111), dont l’aspect général rappelle celui d’un Solenanthus, la grande pensée Viola acutifolia (Kar. & Kir.) W. Becker (photo 112), qui évoque une Viola biflora L. géante, la bistorte locale Bistorta elliptica (Willd. ex Spreng.) V.V. Petrovsky, D.F. Murray & Elven. (photo 113), à fleurs blanches et anthères violettes, ainsi que les arbustes Berberis sphaerocarpa et Hippophae rhamnoides. Ce cortège floristique de toutes les couleurs est franchement exceptionnel.

Photo 106. Aquilegia atrovinosa, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 107. Phlomoides oreophila, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 108. Papaver croceum, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 109. Iris ruthenica subsp. brevituba, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 110. Anemonastrum protractum, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 111. Lindelofia stylosa, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 112. Viola acutifolia, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 113. Bistorta elliptica, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous poursuivons notre route vers Enilchek et nous arrêtons non loin de là dans des milieux comparables mais un peu plus frais, se rapprochant de mégaphorbiaies (Ak-Bulun, district d’Ak-Suu, province d’Ysyk-Köl, alt. 2 160 m ; 42° 34′ 07.0″ N, 78° 53′ 38.7″ E). C’est évidemment Lathyrus gmelinii (Fisch. ex Ser.) Fritsch qui a retenu notre attention. Cette grande gesse appartenant à la série Lutei Fritsch ex Czefranova, qui compte une dizaine d’espèces et correspond à l’agrégat linnéen Orobus luteus L. Celle-ci a des corolles très grandes et presque immédiatement orangées (photo 114). Nous récoltons également un autre dracocéphale, qui ressemble beaucoup à Dracocephalum integrifolium vu la veille, mais avec des feuilles ovales ; il s’agit de D. nutans L. (photo 115), qui atteint ici sa limite orientale. Phlomoides oreophila est également présent, ainsi qu’une des seules orchidacées observées au cours du voyage, Dactylorhiza umbrosa (Kar. & Kir.) Nevski (= D. incarnata (L.) Soó subsp. cilicica (Klinge) H. Sund. ; photo 116)… qui  ressemble à tous les Dactylorhiza. Enfin, Primula matthioli (L.) V.A. Richt. (= Cortusa m. L.) est présente et assez abondante (photo 117) ; la plante est conforme à celle que nous connaissons en Europe.

Photo 114. Lathyrus gmelinii, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 115. Dracocephalum nutans, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 116. Dactylorhiza umbrosa, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 117. Primula matthioli, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

La suite de notre balade se fera à travers de nombreux arrêts, au fur et à mesure de l’observation de nouvelles espèces. La prochaine est une clématite spectaculaire, dont les corolles dépassent 10 centimètres de diamètre, Clematis sibirica (L.) Mill. (photo 118), souvent traitée par les auteurs sous C. alpina (L.) Mill. subsp. sibirica (L.) Kuntze, mais qui s’en distingue nettement, en particulier par ses grandes fleurs jaunes (comme ici) ou blanches. Elle forme une haie en bord de route, avec à ses pieds Urtica cannabina (alt. 2 229 m ; 42° 33′ 27.0″ N, 78° 54′ 05.3″ E).

Photo 118. Clematis sibirica, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Avant d’entrer dans les immenses zones de prairies alpines, les dernières zones de rochers avec encore quelques pins sont l’occasion de voir un aconit à fleurs violacées, Aconitum leucostomum Vorosch. (photo 119), appartenant à la section Lycoctonum DC., ainsi que l’arbuste Sorbus tianschanica Rupr. (photo 120) et encore Aquilegia atrovinosa (alt. 2 340 m ; 42° 32′ 47.7″ N, 78° 54′ 24.0″ E).

Photo 119. Aconitum leucostomum, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 120. Sorbus tianschanica, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous atteignons ensuite les premières prairies et croisons les premières yourtes, occupées par des populations d’éleveurs (photo 121). Au fond, les sommets enneigés du Tien Shan nous dominent. La vue est superbe, mais pas encore aussi impressionnante que plus tard (photo 122). Nous observons quelques oiseaux, comme la grive draine (Turdus viscivorus L.) et la bergeronnette des ruisseaux (Motacilla cinerea Tunstall). En bord de piste un grand arbuste est fleuri ; il s’agit de Lonicera hispida Pall. ex Schult. (photo 123), autre endémique d’Asie centrale (alt. 2 428 m ; 42° 32′ 10.8″ N, 78° 54′ 36.0″ E).

Photo 121. Yourtes d’éleveurs de chevaux, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 122. Vallée avec le Tien Shan au fond, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 123. Lonicera hispida, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous poursuivons et montons de plus en plus en altitude, pour atteindre les premières combes à neige (alt. 2 617 m ; 42° 30′ 50.8″ N, 78° 55′ 44.6″ E). Les genres sont familiers, mais pas toujours les espèces. Ainsi nous observons plusieurs endémiques, Trollius dschungaricus Regel (photo 124), ainsi que Chrysosplenium nudicaule Bunge (photo 125), Primula algida Adams et des espèces plus communes comme Thalictrum alpinum L. et Primula matthioli.

Photo 124. Trollius dschungaricus, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 125. Chrysosplenium nudicaule, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

La pente est douce et nous suivons le lit de la rivière qui serpente au milieu des pelouses ; des troupeaux de chevaux paissent au bord de l’eau (photo 126). La température commence à être très fraîhe. À l’entrée de la réserve Turgen Jailoo (district d’Ak-Suu, province d’Ysyk-Köl, alt. 2 670 m ; 42° 29′ 39.6″ N, 78° 56′ 05.7″ E), nous observons une petite pensée jaune pâle mais qui le plus souvent a des fleurs bleues, Viola altaica Ker Gawl. (photo 127), avec Astragalus alpinus L. ss lat (photo 128), la petite graminée Anthoxanthum nipponicum Honda (= A. alpinum Á. Löve & D. Löve), Primula algida, ainsi que deux autres espèces endémiques, la délicate Pulsatilla campanella (Regel & Tiling) Fisch. ex Krylov (photo 129) et Geranium saxatile Kar. & Kir. (photo 130).

Photo 126. Paysages de la vallée à 2600 m d’altitude, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 127. Viola altaica, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 128. Astragalus alpinus ss lat, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 129. Pulsatilla campanella, le 7 juin 2022; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 130. Geranium saxatile, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Plus haut (alt. 2 795 m ; 42° 25′ 16.8″ N, 78° 56′ 55.1″ E), de grands chaos rocheux bordent la route. Sur ces pentes, une autre plante emblématique des hautes montagnes d’Asie centrale était un des objectifs de notre voyage. Caragana jubata (Pall.) Poir., magnifique plante colonnaire densément épineuse à fleurs blanchâtres est particulièrement abondante. Les tiges sèches de l’année dernière côtoient celles de cette année (photos 131 et 132). D’autres espèces remarquables sont présentes sur ces éboulis grossiers, comme la délicate Viola thianschanica Maxim. à fleurs bleues (photo 133), l’edelweiss local Leontopodium campestre (Ledeb.) Hand.-Mazz. (photo 134), Pedicularis pubiflora Vved. (photo 135), ainsi que Dasiphora phyllocalyx, déjà vue la veille, et deux espèces à aire plus large, Gagea serotina (L.) Ker Gawl. (photo 136) et Dactylorhiza viridis (L.) Hartm. (photo 137). Non loin, un couple de tadornes casarca (Tadorna ferruginea Pallas ; photo 138) et un faucon émerillon (Falco columbarius L. ; photo 139) complètent le tableau.

Photo 131. Éboulis à Caragana jubata, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 132. Caragana jubata, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 133. Viola thianschanica, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 134. Leontopodium campestre, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 135. Pedicularis pubiflora, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 136. Gagea serotina, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 137. Dactylorhiza viridis, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 138. Tadorna ferruginea, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 139. Falco columbarius, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous approchons des zones totalement enneigées. La flore devient très rare et seules quelques espèces sont encore en fleurs (alt. 2 845 m ; 42° 25′ 02.3″ N, 78° 56′ 60.0″ E). Les espèces observées sont toutes endémiques d’Asie centrale, comme Saxifraga macrocalyx Tolm. à corolles jaunes (photo 140), Erigeron heterochaeta (Benth. ex Clarke) Botsch. (= Tibetiodes asteroides (Hand.-Mazz.) G.L. Nesom ; photo 141), à involucre laineux, Saxifraga sibirica L., à corolles blanches (photo 142), Draba cana Rydb. (= Draba lanceolata sensu Komarov), à silicules lancéolées et velues (photo 143), ainsi que Gagea serotina et une Potentilla sp. que nous n’arriverons pas à identifier.

Photo 140. Saxifraga macrocalyx, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 141. Erigeron heterochaeta, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 142. Saxifraga sibirica, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 143. Draba cana, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

La dernière plante observée est un arbuste prostré, planté dans les neiges à presque 3 000 m d’altitude (alt. 2 938 m ; 42° 24′ 57.4″ N, 78° 57′ 31.8″ E). Il s’agit de Lonicera semenovii Regel, à petites fleurs jaune pâle (photo 144).

Photo 144. Lonicera semenovii, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous sommes désormais dans un paysage entièrement recouvert de neige. Plus aucune plante n’est visible. Nous sommes à 3 000 m d’altitude et les sommets devant nous culminent à plus de 7 000 m. Le paysage est magnifique et très impressionnant (photo 145).

Photo 145. Au fond, les Monts du Tien Shan, à 7000 m, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous redescendons dans la vallée et ne faisons que quelques rapides arrêts dans la zone des pins, en particulier pour observer une jolie crassulacée, Rhodiola kirilowii (Regel) Maxim. à fleurs orangées (photo 146). Nous y retrouvons également Dactylorhiza umbrosa et Berberis sphaerocarpa, ici en fleurs. Un peu plus bas nous retrouvons Pedicularis macrochila, Lathyrus gmelinii et un polygala, que nous identifions sans certitude comme Polygala hybrida DC. (photo 147). Avant de rejoindre Karakol, près d’Ak-Bulun, nous retrouvons Oxytropis merkensis, Phlomoides speciosa et Dactylis glomerata L. Nous passons la nuit à Karakol, dans le même hôtel, au charme tout soviétique.

Photo 146. Rhodiola kirilowii, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 147. Polygala cf. hybrida, le 7 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

6. Mercredi 8 juin 2022 : de Karakol à Tosor

Cette matinée débute très mal, la boîte de vitesse automatique de notre véhicule 4×4 tombant en panne alors que nous roulons vers Jeti-Ögüz. Ce sont les aléas de ce type de voyage et des loueurs plus ou moins artisanaux, mais nous nous serions volontiers passés de cette mésaventure. Nous voyons les choses très mal se combiner et notre fin de voyage mal engagée.

Un appel au loueur, qui est à Och, à près de 900 kilomètres de là par la route, soit environ quatorze heures de voiture, ne nous permet hélas pas de trouver une solution, si ce n’est d’aller dans un garage à Karakol, censé nous régler le problème. Pour tout garage il s’agit de la maison d’un mécanicien, ou supposé tel, qui pour tout traitement nous confirme que notre boîte de vitesse est en panne. Nous voilà bien avancés.

Finir le voyage en roulant à 20 kilomètres par heure ne nous enchante guère, et nous sommes de plus en plus pessimistes. C’est là que le miracle se produit, la boîte de vitesse retrouvant brutalement son fonctionnement. Jusqu’au terme du voyage nous croiserons les doigts pour que cela tienne … et cela a tenu !

Rassérénés par cette guérison inattendue, nous reprenons donc notre route vers Jeti-Ögüz quand la police nous arrête pour un contrôle routier. Les agents ont l’air sévère et nous craignons qu’ils trouvent quelque chose à nous reprocher. Mais il n’en est rien et, après les vérifications d’usage, nous voici repartis. Voilà comment on perd presque une matinée, mais au moins nous sommes en route.

Ces imprévus ont perturbé notre planning et nous décidons de poursuivre jusqu’au site des « Seven bulls rock » (en kirghize dans le texte), mais de ne pas partir en randonnée dans la vallée de Kok Zhaiyk, que les Kirghizes appellent « vallée des fleurs ». Nous le ferons une autre fois plus tard en saison.

Au sud de Jeti-Ögüz, les pentes steppiques nous offrent des espèces déjà observées les jours précédents, notamment Glaucium squamigerum, Clematis songorica et Dracocephalum integrifolium. Arrivés au site, qui a un petit air de Cappadocce ou d’Ouest américain (photos 148 et 149), nous prenons le temps d’explorer les coteaux environnants. Il s’agit de coteaux secs à Artemisia sp. et Juniperus sp. (non fleuris), avec des zones plus fraîches et ombragées (Jeti-Ögüz, district de Jeti-Ögüz, province d’Ysyk-Köl , alt. 2 040 m ; 42° 20′ 29.7″ N, 78° 14′ 01.7″ E). La flore est riche mais constituée d’espèces que nous avons déjà observées les jours précédents, notamment Leontopodium campestre, Iris ruthenica subsp. brevituba, Phlomoides speciosa, Sibbaldianthe orientalis, Hippophae rhamnoides, Dracocephalum integrifolium Cerastium falcatum, Clematis songorica, ainsi que Berteroa incana (L.) DC., Thlaspi arvense L., Veronica chamaedrys L., et deux espèces qui attirent plus notre attention, l’orobanche Phelipanche caesia (Rchb.) Soják (sur l’armoise ; photo 150) et un astragale de la section orientale Erioceras, Astragalus petraeus Kar. & Kir. (photo 151).

Photo 148. « Seven Bulls rocks » de Jeti-Ögüz, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 149. « Seven Bulls rocks » de Jeti-Ögüz, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 150. Phelipanche caesia, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 151. Astragalus petraeus, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous revenons donc sur les bords du lac car nous souhaitons prendre la route A 364 vers le sud, pour y retrouver la flore de haute montagne. Dans les steppes sablonneuses du bord du lac, entre Chychkan et Ak Terek, nous nous arrêtons toutefois pour observer un sainfoin à fleurs rouges qui est ici abondant (Chychkan, district de Jeti-Ögüz, province d’Ysyk-Köl, alt. 1 619 m ; 42° 15′ 59.8″ N, 77 °45′ 27.8″ E). Il s’agit d’une espèce de description récente mais parfois désignée sous le nom d’Hedysarum montanum (B. Fedtsch.) B. Fedtsch., qui est un nom illégitime. Son nom valide est Hedysarum issykkulense Nikitina, le bien nommé (photos 152 et 153).

Photo 152. Hedysarum issykkulense, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 153. Hedysarum issykkulense, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Avec lui nous récoltons un astragale de la section Dissitiflori, donc très ligneux à la base. Notre travail sur échantillon nous fait l’appeler Astragalus bosbutoensis Nik. & Sudn., mais ses fruits sont légèrement plus longs que dans sa description (35 mm contre 30), sachant que cette espèce n’est connue que d’une seule récolte en Kirghizie (photo 154).

Photo 154. Astragalus bosbutoensis, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Toujours en bord de lac, un peu à l’est de Barskoon (Chon Jargylchak, district de Jeti-Ögüz, province d’Ysyk-Köl, alt. 1 613 m ; 42° 11′ 32.2″ N, 77° 38′ 23.5″ E), un autre astragale, acaule, forme de petits tapis sur les talus. Il s’agit d’Astragalus borodinii Krasn., qui appartient à une autre section orientale, la section Trachycercis (photo 155).

Photo 155. Astragalus borodinii, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Depuis Barksoon, nous filons donc plein sud en direction de la Chine pour une nouvelle excursion dans les Tien Shan. Évidemment nous retrouverons plusieurs espèces vues la veille, mais également quelques autres, et une nouvelle fois des paysages magnifiques.

Un peu au nord de la « Barskoon waterfall » (toujours en kirghize dans le texte) et du monument en mémoire de Youri Gagarine (district de Jeti-Ögüz, province d’Ysyk-Köl, alt. 2 300 m ; 42° 01′ 30.7″ N, 77° 36′ 38.2″ E), un grand rosier est en fleurs. Il s’agit de Rosa alberti Regel, magnifique plante très glanduleuse à grandes fleurs blanches et calices lavés de rouge, et dont l’identification est aisée (photo 156). Nous y retrouvons également Clematis sibirica et un oxytropis de la section Ianthina, Oxytropis globiflora Bunge (= O. pagobia Bunge ; photo 157).

Photo 156. Rosa alberti, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 157 Oxytropis globiflora, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

La zone la plus intéressante le long de cette piste est incontestablement constituée de fortes pentes d’éboulis fins sablonneux sur la route A 364, un peu plus au sud (alt. 2 520 m ; 41° 58′ 13.9″ N, 77° 38′ 06.1″ E ; photo 158). Nous y retrouvons Dracocephalum nodulosum, Lindelofia stylosa, Dianthus kuschakewiczii, mais y trouvons également plusieurs espèces remarquables non observées jusqu’alors. La première est le cinquième dracocéphale du séjour – mais pas le dernier – Dracocephalum stamineum Kar. & Kir. (photo 159), dont les petites fleurs évoquent plutôt un Nepeta ; nous récoltons également Erysimum altaicum C.A. Mey. (= E. flavum subsp. altaicum (C.A. Mey.) Polozhij ex V.I. Dorof. ; photo 160), Draba lanceolata Royle (à fleurs blanches), Scrophularia kiriloviana Schischk., Regel & Schmalh. (photo 161), une vesce très velue proche de Vicia alpestris Steven, Vicia semenovii (Regel & Herder) B. Fedtsch. (photo 162), tout autant d’endémiques régionales. Évidemment un milieu si riche nous offre des astragales. La première appartient à l’immense section Caprini, qui est un monde végétal à elle seule et se caractérise par la grande proximité des plus de trois cents espèces la composant. Notre plante a des poils noirs abondants sur les calices, ce qui n’est le cas d’aucune espèce connue au Kirghizistan. Après une analyse approfondie et l’avis de notre ami Ali Asghar Maassoumi, nous concluons que l’espèce la plus proche est Astragalus pseudotomentellus Podlech, qui n’est connue que d’Afghanistan. Notre plante a toutefois des stipules ± glabres (elles sont velues chez A. pseudotomentellus) et des corolles et calices plus courts que dans la description de la plante afghane. Nous l’appellerons donc « A. cf. pseudotomentellus »), mais il s’agit incontestablement d’une espèce à décrire (photos 163 et 164). La deuxième est également très intéressante, de la petite section Hypsophilus, aux calices renflés, qui est presque exclusivement cantonnée à la Chine. Il s’agit d’Astragalus nivalis Kar. & Kir. (photo 165). Notre plante porte une pilosité assez peu abondante par rapport aux échantillons que nous avons observés en herbier. Cette espèce semble très variable selon Podlech & Zarre (loc. cit.) ; nous en resterons donc là à ce stade.

Photo 158. Éboulis fins, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 159. Dracocephalum stamineum, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 160. Erysimum altaicum, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 161. Scrophularia kiriloviana, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 162. Vicia semenovii, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 163. Astragalus cf. pseudotomentellus, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 164. Astragalus cf. pseudotomentellus, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 165. Astragalus nivalis, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous poursuivrons comme hier notre route jusqu’à la limite de la neige, en nous arrêtant à plusieurs reprises sur des pelouses humides, souvent dans des combes à neige. Les milieux sont plus rocheux que ceux rencontrés la veille, mais les paysages sont toujours aussi spectaculaires (photo 166). Là encore les genres nous sont familiers – enfin pour la plupart – mais les espèces ne le sont pas.

Photo 166. Paysages de la vallée de Jeti-Ögüz, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Dans les pelouses humides (alt. 2 903 m ; 41° 55′ 22.0″ N, 77° 38′ 09.4″ E) nous récoltons un callianthème ressemblant beaucoup à ceux de nos contrées, Callianthemum alatavicum Freyn (photo 167) ainsi qu’un plantain très densément velu, Plantago arachnoidea Schrenk ex Fisch. & C.A. Mey. (photo 168), ainsi qu’Androsace sericea, déjà vu de l’autre côté du lac.

Photo 167. Callianthemum alatavicum, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 168. Plantago arachnoidea, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Un peu plus haut (alt. 2 993 m ; 41° 55′ 18.2″ N, 77° 37′ 52.3″ E), une superbe crucifère acaule à fleurs violacées présente de jolies populations sur les rochers situés juste avant le col. Il s’agit d’un genre asiatique très caractéristique par ses fruits que nous connaissons bien, mais la section ici rencontrée regroupe un ensemble d’espèces de haute montagne en Asie centrale. Il s’agit de Chorispora bungeana Fisch. & C.A. Mey. (photo 169).

Photo 169. Chorispora bungeana, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Nous atteignons la fin de notre parcours, situé comme hier un peu au-dessus de 3 000 m. Malgré une piste instable, de nombreux camions passent sur la route encore enneigée par endroits pour rejoindre la Chine toute proche. Sur les dernières pelouses encore dégagées (alt. 3 085 m ; 41° 55′ 05.5″ N, 77° 37′ 36.8″ E) nous observons deux autres endémiques, Stellaria brachypetala Bunge (photo 170) et Ranunculus albertii Regel & Schmalh. (photo 171).

Photo 170. Stellaria brachypetala, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 171. Ranunculus albertii, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Notre point de demi-tour se situe à 3 218 m d’altitude. Il n’y a plus que neige et rochers, mais çà et là une petite tulipe perce le manteau neigeux. Il s’agit de la délicate Tulipa heterophylla (Regel) Baker (photo 172). Nous profitons pour la dernière fois du voyage des paysages grandioses de la chaîne des monts Célestes, dont les sommets sont aujourd’hui partiellement pris dans la brume. Autour de nous des marmottes de l’Altaï (Marmota baibacina Kaschtschenko) nous observent (photo 173).

Photo 172. Tulipa heterophylla, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 173. Marmota baibacina, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

À la redescente vers Jeti-Ögüz, après avoir croisé un sympathique Kirghize à cheval arborant le kalpak (photo 174), nous faisons une halte dans la zone des pins pour récolter un autre oxytropis, Oxytropis ochroleuca Bunge (photo 175), lui aussi de la section Ianthina. Il est accompagné d’Iris ruthenica subsp. brevituba, Primula matthioli et Oxytropis merkensis.

Photo 174. Cavalier portant le kalpak, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 175. Oxytropis ochroleuca, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous gagnons Tosor par la A 363. Dans les steppes au bord du lac entre Barskoon et Tosor (alt. 1 613 m ; 42° 10′ 54.9″ N, 77° 33′ 59.7″ E), Clematis songorica est très abondante, avec Brassica elongata Ehrh. subsp. integrifolia (Boiss.) Breistr.

Visiter le Kirghizistan sans dormir au moins une nuit dans une yourte nous semblait impossible. Nous trouvons ce qu’il nous faut à Tosor, où une famille a créé un camp de yourtes sur la plage de sable fin du lac Ysyk-Köl. Certes, elles n’ont pas la rusticité de celles vues dans la montagne mais elles sont de fabrication traditionnelle, que ce soit la structure, le feutre ou le mobilier artisanal (photo 176). Nous y passerons une soirée magnifique, la maîtresse de maison nous proposant un dîner traditionnel. La vue sur le lac et dans le fond les montagnes du Küngöy Ala-Too d’un côté, qui délimitent la frontière avec le Kazakhstan, et le Tien Shan de l’autre, est superbe. La plage est d’un sable d’une grande finesse. Nous sommes absolument seuls. C’est un des grands souvenirs de ce voyage (photos 177 et 178).

Photo 176. Une yourte tout confort à Tosor, le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 177. Coucher de soleil sur le lac Ysyk-Köl (au fond, les montagnes du Tien Shan), le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 178. Coucher de soleil sur le lac Ysyk-Köl (au fond, les montagnes du Küngöy Ala-Too), le 8 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

7. Jeudi 9 juin 2022 : de Tosor à Balyktchy

Notre voyage est bien avancé et nous avons terminé nos incursions dans la zone de haute montagne. Nous regagnerons Bichkek sur deux jours, en longeant la côte sud du lac puis en entrant un peu dans les terres. Le plus clair se fera dans des milieux steppiques, relativement peu variés.

Le début de cette journée se fait sur l’arrière-plage du lac Lessik, juste à côté de notre yourte (Tosor, province d’Ysyk-Köl, alt. 1 608 m ; 42° 10′ 32.1″ N, 77° 26′ 15.8″ E). La veille au soir nous y avions repéré quelques plantes intéressantes que nous observons de plus près ce matin. Ce sont trois astragales qui retiennent particulièrement notre attention. Le premier est la plante la plus spectaculaire de l’endroit, qui appartient elle aussi à la section Caprini. Il s’agit d’une espèce très récemment décrite (Sytin et al., 2018) ; sous le nom qui s’impose d’Astragalus issykkulensis Sytin & Lazkov (photos 179 et 180) ; elle est endémique des sables du lac. Sa description récente montre bien le peu d’explorations botaniques de cette région car elle y semble abondante, tout comme le sainfoin vu la veille et qui est dans le même cas.

Photo 179. Astragalus issykkulensis, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 180. Astragalus issykkulensis, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Le deuxième est une espèce annuelle, Astragalus ophiocarpus Benth. ex Bunge de la section Ophiocarpus, aux fruits tortueux (photo 181), et la troisième une autre endémique d’Asie centrale, Astragalus tibetanus Bunge, de la section Hypoglottis (ou Glycyrrhizi) (photo 182).

Photo 181. Astragalus ophiocarpus, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 182. Astragalus tibetanus, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

D’autres espèces très intéressantes sont également présentes sur ces sables, comme l’annuelle Silene incurvifolia Kar. & Kir. (photo 183), Ephedra intermedia Schrenk & C.A. Mey. (photo 184), Thermopsis turkestanica, Hedysarum issykkulense et Scutellaria przewalskii, ainsi que des espèces plus communes comme Convolvulus arvensis, Dactylis glomerata et Medicago sativa L. subsp. falcata (L.) Arcang. La Stipa sp. dominante restera sans identification, malgré notre travail sur la révision de Nobis et al. (2020). Ce genre est particulièrement complexe en Asie centrale.

Photo 183. Silene incurvifolia, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 184. Ephedra intermedia, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous prenons la route vers l’ouest et stoppons sur des milieux comparables en bord de route A 363, toujours à Tosor (alt. 1 608 m ; 42° 10′ 31.7″ N, 77° 23′ 29.2″ E). C’est un nouveau dracocéphale qui nous amène à nous arrêter, qui ressemble beaucoup à Dracocephalum diversifolium vu en début de voyage, mais à feuilles profondément découpées ; il s’agit de D. bipinnatum Rupr., autre espèce endémique d’Asie centrale (photo 185). Il est accompagné de nombreuses touffes d’une plante très fréquemment cultivée dans les jardins du sud de la France depuis quelques années sous le nom de Perovskia abrotanoides Kar. ; son nom correct est désormais Salvia abrotanoides (Kar.) Sytsma (photo 186), suite aux récents travaux phylogénétiques ayant considérablement bouleversé la taxonomie des Lamiaceae. Nous retrouvons également ici Linaria bungei, Hippophae rhamnoides, Ziziphora clinopodioides, Hedysarum issykkulense et Ephedra intermedia.

Photo 185. Dracocephalum bipinnatum, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 186. Salvia abrotanoides, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Un peu plus loin, un nouvel arrêt sur des éboulis sablonneux le long de la route A 363, à l’ouest de Tosor (province d’Ysyk-Köl, alt. 1 623 m ; 42° 10′ 48.5″ N, 77° 19′ 36.1″ E) nous permet de revoir Astragalus petraeus (section Erioceras), Dracocephalum integrifolium et Hedysarum issykkulense, ainsi qu’un Acantholimon sp. et une plante dont nous évaluons difficilement la famille d’emblée ; il s’agit de Patrinia intermedia (Hornem.) Roem. & Schult., une valérianacée devenue caprifoliacée (photo 187). Légèrement crassulescente et à fleurs d’un jaune vif, elle se dégage nettement sur la dune.

Photo 187. Patrinia intermedia, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

En continuant vers l’ouest les paysages deviennent steppiques, assez monotones, mais sont l’occasion de voir quelques plantes endémiques de ces milieux d’Asie centrale. Ephedra intermedia est omniprésente, ainsi qu’Astragalus borodinii qui forme de jolis tapis. À Kaji-Say (province d’Ysyk-Köl, alt. 1 621 m ; 42° 10′ 44.6″ N, 77° 16′ 53.6″ E), nous récoltons un statice endémique, Limonium kaschgaricum (Rupr.) Ikonn.-Gal. (photo 188).

Photo 188. Limonium kaschgaricum, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous dépassons Kaji-Say et, en poursuivant sur la A 363, nous arrivons en contrebas d’une statue géante d’un homme assis, qui trône sur une colline (photo 189, alt. 1 619 m ; 42° 10′ 18.4″ N, 77° 14′ 17.0″ E). Renseignement pris, il s’agit de Sayakbay Karalaev (Саякбай Каралаев), conteur kirghize de l’époque soviétique spécialisé dans le récit du Manas dastanı ; cette épopée issue de la tradition orale du peuple kirghize a été inscrite en 2009 par l’UNESCO sur la liste du patrimoine culturel de l’humanité. C’est un très long poème épique traditionnel narrant une série d’événements qui coïncident avec l’histoire de la région au ixe siècle, principalement l’interaction du peuple kirghize avec d’autres peuples turcs et chinois. Karalaev était un des manaschi les plus célèbres. Sur les sables de la steppe nous retrouvons Dodartia orientalis ainsi qu’une très belle boraginacée en pleine floraison, Arnebia guttata Bunge (photo 190).

Photo 189. Statue de Sayakbay Karalaev, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 190. Arnebia guttata, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Toujours sur les sables steppiques, nous cherchons une plante parasite dont nous connaissons la fréquence dans cette zone. Nous ne tardons pas à la trouver, entre Kaji-Say et Tong (province d’Ysyk-Köl, alt. 1 612 m ; 42° 09′ 11.7″ N, 77° 05′ 26.7″ E). Il s’agit de Cynomorium coccineum L. subsp. songaricum (Rupr.) J. Léonard (photo 191), de la famille des Cynomoriaceae, qui parasite probablement les Limonium. Nous retrouvons également Convolvulus tragacanthoides Turcz. et Astragalus petraeus.

Photo 191. Cynomorium coccineum subsp. songaricum, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous nous rapprochons de l’ouest du lac et nous nous en éloignons un peu, toujours au bord de la A 363. Des zones plus fraîches apparaissent et, au bord d’un ruisseau entre Tortkyol et Bolshevik, à l’ouest de Bokonbaïevo (Bolshevik, district de Tong, province d’Ysyk-Köl, alt. 1 735 m ; 42° 06′ 53.1″ N, 76° 55′ 14.2″ E), nous observons un grand rhinanthe endémique, Rhinanthus borbasii (Dörfl.) Soó subsp. songaricus (Sterneck) Soó (photo 192), avec Pedicularis dolichorrhiza.

Photo 192. Rhinanthus borbasii subsp. songaricus, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Quand la route revient au bord du lac (alt. 1 787 m ; 42° 07′ 55.6″ N, 76° 52′ 02.0″ E), nous observons un nouveau caraganier à fleurs jaunes, lui aussi endémique d’Asie centrale, Caragana leucophloea Pojark. (photo 193). Il appartient à la section Frutescentes, comme plusieurs espèces vues depuis le début du voyage.

Photo 193. Caragana leucophloea, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Les paysages du sud-ouest du lac sont magnifiques, faits de collines ocres plantées sur les steppes. Le tout a un aspect d’Ouest américain et de route 66 qui nous rappellent de bons souvenirs (photo 194). Le cortège floral reste le même, avec en outre une zygophyllacée endémique, Zygophyllum rosowii Bunge (photo 195), et un nouvel astragale, dont nous n’arriverons pas à déterminer la section (photo 196). Sur ces steppes, de nombreux passereaux volent. Nous y notons le bruant proyer (Emberiza calandra L.), la bergeronette citrine (Motacilla citreola Pallas) et le traquet isabelle (Oenanthe isabellina Temminck).

Photo 194. Paysages du sud-ouest du lac Ysyk-Köl, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 195. Zygophyllum rosowii, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 196. Astragalus sp., le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Souhaitant trouver d’autres milieux que ces steppes, nous quittons la A 363 pour rejoindre une petite route parallèle plus dans les terres. Nous abordons alors de vastes prairies fraîches, entre Toguzbulak et Kultor (district de Tong, province d’Ysyk-Köl, alt. 1 940 m ; 42° 05′ 16.4″ N, 76° 43′ 20.9″ E). Ces milieux sont encore peu fleuris à cette époque et à cette altitude, mais deux plantes abondent, Thermopsis turkestanica et la primevère du Pamir, Primula pamirica Fed. (photo 197), ainsi que Lindelofia stylosa. Cette zone est manifestement très riche en carex, mais ils sont encore sans utricules.

Photo 197. Primula pamirica, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Nous rejoignons les zones de steppe pour finir cette journée et rejoindre Balyktchy. Entre Kultor et Kongurlen, nous retrouvons Oxytropis merkensis (ici à fleurs bicolores), Silene incurvifolia et Hedysarum issykkulense.

Les steppes sont de plus en plus sèches, dominées par Peganum harmala. Le cynomore devient également très fréquent. Après un nouveau contrôle de police, qui se passe aussi bien que les précédents, nous finirons la journée par deux nouveaux arrêts dans ces milieux. Le premier est situé à l’est d’Ottuk. Les plantes observées sont Helianthemum songaricum, Astragalus borodinii, A. tibetanus, Arnebia guttata, Zygophyllum rosowii, Cynomorium coccineum subsp. songaricum, ainsi qu’un ail formant de petites touffes, Allium oreoprasum Schrenk (photo 198), et une crassulacée en rosettes, non fleuries, Orostachys thyrsifolia Fisch., elle aussi endémique.

Photo 198. Allium oreoprasum, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Enfin, le long de la route A 365, à l’ouest du carrefour avec la route A 363, au sud d’Akulen, nous relevons Salvia abrotanoides, Caragana halodendron, ici à fleurs blanches (photo 199), Lepidium latifolium L., Cynomorium coccineum subsp. songaricum, Peganum harmala, Sophora alopecuroides, Arnebia guttata, Clematis songorica, Zygophyllum rosowii, Trigonella officinalis, Convolvulus arvensis, Astragalus borodinii, A. tibetanus, Allium oreoprasum, ainsi qu’une réglisse endémique, Glycyrrhiza uralensis Fisch. ex DC. (photo 200) et Jurinea thianschanica Regel & Schmalh. (photo 201).

Photo 199. Caragana halodendron à fleurs blanches, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 200. Glycyrrhiza uralensis, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 
Photo 201. Jurinea thianschanica, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous passons la nuit à Balyktchy et prenons un repas kirghize typique, qui débute évidemment par un borch (photo 202).

Photo 202. Le borch, plat typique, le 9 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

8. Vendredi 10 juin 2022 : de Balyktchy à Bichkek

Notre dernière journée, qui nous permettra de rejoindre Bichkek et restituer notre véhicule de location, sera moins riche que les autres, notamment en raison des milieux traversés. Les cultures de céréales sont partout, et nous essaierons de profiter des rares zones rocheuses rencontrées.

Les premiers sont ceux qui surplombent la route A 365 au moment où elle suit la rivière Tchou (Cholok, province de Tchoui, alt. 1 320 m ; 42° 41′ 28.7″ N, 75° 52′ 33.6″ E). Nous retrouvons Allium caesium, A. pallasii, Sophora alopecuroides et une grande ombellifère, Ferula ovina Boiss. (photo 203).

Photo 203. Ferula ovina, le 10 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND. 

Plus loin, une petite route parallèle longe la A 365. Les rochers sont assez riches (alt. 1 320 m ; 42° 41′ 30.7″ N, 75° 52′ 24.6″ E), avec notamment Arctium umbrosum (Bunge) Kuntze (photo 204), Roemeria refracta DC. (photo 205), aux fruits à styles terminés par deux petites pointes, la labiée Lallemantia royleana (Benth.) Benth. (photo 206), endémique d’Asie centrale, ainsi que Phlomoides speciosa (fané) et Salvia sclarea L.

Photo 204. Arctium umbrosum, le 10 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 205. Roemeria refracta, le 10 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 206. Lallemantia royleana, le 10 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous retrouvons ensuite le vallon de la rivière Chon-Kemin, déjà parcouru courtement lors du trajet aller (Sovetskoye, Kemin, province de Tchoui, alt. 1 310 m). Il est bordé par un petit arbre, Acer tataricum L. subsp. semenovii (Regel & Herder) A.E. Murray (photo 207). Nous y récoltons deux espèces non encore rencontrées, Alcea nudiflora (Lindl.) Boiss. (photo 208) et Artemisia sieversiana Ehrh. ex Willd. (photo 209).

Photo 207. Acer tataricum subsp. semenovii, le 10 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 208. Alcea nudiflora, le 10 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.
Photo 209. Artemisia sieversiana, le 10 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous décidons ensuite de rejoindre le minaret de Burana, situé près de la ville de Tokmok et rénové récemment (un peu trop à notre goût) avec l’aide de l’Union européenne (photo 210). Haut de 45 m, ce monument datant des xe et xie siècles trônait jadis sur la ville disparue de Balasagun, fondée par les populations Qarakhanides. Selon la légende le roi de l’époque le fit construire pour y loger son unique fille, après les dires d’un prophète ayant prédit sa mort suite à la morsure mortelle de l’araignée Karakurt (veuve noire). Malgré les vains efforts du père, la prophétie se réalisa, emportant sa fille. La tour devint ainsi le mausolée de la fille du roi.

Photo 210. Minaret de Burana à Tokmok, le 10 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Non loin de là, au sud-ouest de Tokmok, nous stoppons pour voir si les graviers d’un ruisseau à sec nous permettraient de voir de nouvelles espèces. Les lieux sont particulièrement secs, mais nous y observons Xeranthemum annuum, Salvia deserta, S. sclarea, Achillea filipendulina et surtout Ziziphora clinopodioides Lam. subsp. pamiroalaica (Juz.) Sennikov & Lazkov, espèce très localisée (photo 211).

Photo 211. Ziziphora clinopodioides Lam. subsp. pamiroalaica, le 10 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous terminons notre voyage botanique par un arrêt au bord d’un champ de blé entre Ak-Say et Ivanovka, au sud-est de Bichkek (Krasnyy Vostok, province de Tchoui, alt. 867 m ; 42° 48′ 06.9″ N, 75° 04′ 04.9″ E), pour admirer une dernière fois Astragalus sieversianus (en fruits), qui pousse au milieu d’une population de Cousinia polycephala Rupr. (photo 212).

Photo 212. Cousinia polycephala, le 10 juin 2022 ; P. Coulot & Ph. Rabaute, CC-BY-NC-ND.

Nous passons une soirée calme à Bichkek. Comme à chaque voyage, il nous faut préparer nos presses pour le retour, ce qui prend toujours quelques heures. Ce premier voyage au Kirghizistan en annonce d’autres. Il nous faut d’une part revenir pour explorer l’ouest et le sud-ouest du pays, et bien évidemment revenir au mois de juillet pour profiter de l’optimum des floraisons des espèces de montagne, dans ce pays dont l’altitude moyenne est de 2 988 mètres, la deuxième du Monde après le Tadjikistan voisin.

Bibliographie

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Remerciements

Nous remercions Vladimir Epiktetov et Aleksandr Naumenko (Bichkek) pour leur aide à l’identification de certaines plantes, Ali Asghar Maassoumi et Shahin Zarre (Téhéran) pour leurs avis sur certains Astragalus, ainsi qu’à Florent Even, adjoint de l’Ambassade de France à Bichkek, pour son aide dans l’obtention des autorisations de récoltes.