Compte rendu d’un voyage botanique et phytosociologique en Colombie
Title
Report of a botanical and phytosociological trip to Colombia
Résumé
Cet article dresse le bilan illustré d’un voyage d’un mois et demi en Colombie (janvier-février 2025) : végétation xérophile, végétation des mégaphorbiaies mésohygrophiles, végétation de quelques páramos (dont celui du Cerro de Montserrate), végétation forestière, végétation littorale et végétation anthropophile. Plusieurs associations phytosociologiques sont définies, ainsi que trois alliances et un ordre.
Abstract
This article provides an illustrated report of a one-and-a-half month trip to Colombia (January-February 2025): xerophilous vegetation, mesohygrophilous tall herb vegetation, vegetation of several páramos (including Cerro de Montserrate), forest vegetation, coastal vegetation and anthropophilous vegetation. Several phytosociological associations have been defined, as well as three alliances and an order.
Introduction
Sur environ sept mille kilomètres, la façade occidentale de l’Amérique du Sud est marquée par une grande chaîne de montagne, les Andes, apparue lors de la subduction de plaques océaniques sous la plaque continentale sud-américaine. Cette tectonique s’est accompagnée du développement d’un volcanisme actif qui en fait une partie de la Ceinture de feu du Pacifique. En Colombie, les Andes développent trois cordillères parallèles plus ou moins orientées nord-est – sud-ouest, la Cordillera oriental, la Cordillera central et la Cordillera occidental. Selon les conditions climatiques dominantes, la haute montagne andine se répartit entre Andes sèches, dans sa partie méridionale (à partir du Pérou au nord), avec le biome de la puna, et Andes humides, dans sa partie septentrionale (à partir de l’Équateur au sud), avec le biome du páramo ; il peut s’y associer des bas-marais à Sphagnum (voir par exemple Bosman et al., 1993). J’avais déjà parcouru des páramos dans les Andes vénézuéliennes, au-dessus de la ville de Mérida ; un bref compte rendu avait été publié au retour (de Foucault, 2001).
Ici, est donné un compte rendu plus fin, plus large et surtout plus illustré d’un voyage en Colombie (janvier-février 2025) puisque seront successivement abordés la végétation xérophile, celle des mégaphorbiaies mésohygrophiles, quelques páramos (dont celui du Cerro de Montserrate), la végétation forestière, la végétation littorale et la végétation anthropophile. La carte 1 donne les principales villes citées. Le référentiel nomenclatural suivi est Plants of the World online (POWO).
1. La végétation xérophile à Cactaceae
La végétation xérophile caractérisée par des Cactaceae a été abordée surtout en trois sites : le désert de la Tatacoa, près de la petite ville de Villavieja (vers Neiva), les collines rocailleuses de Santa Marta, sur la côte caraïbe, et la presqu’île de la Guajira à l’extrême nord-est. Le premier désert s’insère entre les Cordillères andines centrale et orientale qui bloquent les nuages et déterminent un îlot de sécheresse, alors que les deux autres sont en position plus ou moins littorale, sous un climat déficitaire en eau.
La végétation arborescente est absente ou très ponctuelle, alors que la végétation arbustive est bien développée. Ainsi à la Tatacoa (photo 1), dont la flore fut relevée par Figueroa & Galeano (2007), on trouve Pithecellobium dulce (Fabaceae), Neltuma juliflora (= Prosopis j. ; Fabaceae), Croton pedicellatus (photo 2), Jatropha gossypifolia (photo 3), Stenocereus griseus (photo 4), Bursera graveolens et B. tomentosa (Burseraceae ; photos 5 et 6) ; les Burseraceae constituent une famille pantropicale incluant notamment les arbres à encens (Commiphora, Boswellia…).
La strate vivace basse est caractérisée par un petit cactus à céphalium (structure plus ou moins cylindrique portant les fleurs puis les fruits au-dessus du cactus proprement dit), Melocactus curvispinus (photo 7), Euploca fruticosa (genre proche d’Heliotropium ; photo 8), Stylosanthes humilis (photo 9). Une végétation thérophytique peuple les ouvertures de la végétation vivace, elle est surtout caractérisée par Tragus berteronianus (photo 10) et Portulaca pilosa (photo 11).
À Santa Marta (voir notamment Carbonó-Delahoz et al., 2013), au bord de la route menant au sommet du Cerro Ziruma, on a encore l’occasion d’observer une végétation comparable (photo 12), avec comme taxons arbustifs à nouveau Stenocereus griseus, plus Cochlospermum sp. (photos 13 et 14 ; trois espèces en Colombie : C. orinocense, C. palmatifidum, C. vitifolium), Gyrocarpus americanus (Hernandiaceae, à fruits développant deux ailes étroites pour leur dispersion ; photo 15), Parkinsonia aculeata (photo 16), un Manioc sauvage (Manihot sp. ; photo 17), Guazuma ulmifolia (photo 18), Leuenbergeria guamacho (photo 19). Des plantes plus basses occupent la strate inférieure : Opuntia caracassana (photo 20), Pfaffia iresinoides (photo 21), Commicarpus scandens (photo 22). En s’approchant de zones rudéralisées, on peut observer un fourré xérophile nitrophile (photo 23) à Cnidoscolus urens (photo 24) et Calotropis procera (photo 25) qui paraît en grande partie remplacer ici le Calotropido procerae-Ricinetum communis B. Foucault 2020 présent par exemple aux Antilles françaises. Ce Calotropido-Ricinetum a cependant été observé à Barranquilla et à Santa Marta.
Dans la presqu’île de la Guajira, plus précisément au Cabo de la Vela, on retrouve aussi Opuntia caracassana, Jatropha gossypifolia et Melocactus curvispinus (photo 26), un Senna à fruits très ornementés (photo 29). Ce qui est plus original, c’est le fourré xérophile qui tend à coloniser l’association à Cactaceae basses (photo 27), avec Stenocereus griseus et surtout l’épineux buisson Castela erecta (photo 28)… Plusieurs associations à C. erecta ont d’ailleurs été décrites (Rangel, 2012 ; Pinilla-Agudedo & Zuluga-Ramírez, 2014).
Une végétation assez proche de celles qui viennent d’être présentées a aussi été décrite par Albesiano et al. (2003) de la province de Santander, au sud de Santa Marta, avec des taxons communs tels que Euploca fruticosa.
2. Les mégaphorbiaies mésohygrophiles
Depuis une quinzaine d’années, j’ai attiré l’attention sur une formation végétale méconnue dans les régions tropicales, la mégaphorbiaie (de Foucault et al., 2011 ; de Foucault, 2022, 2024, 2025). De telles végétations liées à des sols humides ou développées en conditions atmosphériques à haute hygrométrie, souvent sous ou en lisière de canopées, sont caractérisées par des Monocotylédones zoogames. Lors du voyage de 2025, on en a rencontré dans le sud-ouest (San Agustin ; photo 30) et dans le nord (Minca ; photo 31) de la Colombie. Parmi les familles ou genres végétaux localement les plus caractéristiques, on peut signaler en premier lieu les Heliconia, les uns à inflorescence dressée (photo 32), les autres à inflorescence pendante (photo 33) ; c’est un genre attachant, mais riche en espèces qu’il est impossible à appréhender lors d’un tel voyage.
Viennent ensuite les Marantaceae, reconnaissables à la présence d’un pulvinus sur le pétiole (photo 34), avec des Stromanthe (cinq espèces en Colombie selon POWO ; photos 35 et 36) et des Calathea (photo 37), les Cyclanthaceae, avec notamment Carludovica palmata (photos 38 et 39). Il existe aussi plusieurs Costaceae, mais le field guide de Zuluaga et al. (2011) n’a guère permis de déterminer celle de la photo 40 avec certitude, peut-être Costus scaber ; la cartographie de ce taxon pour la Colombie montre bien sa présence dans la Sierra Nevada de Santa Marta, sur les flancs de laquelle se situe le village de Minca (POWO, fiche Costus scaber [01/04/2025]).
Cette combinaison de Marantaceae, Costaceae et de familles exclusivement ou presque néotropicales (Heliconiaceae, Cyclanthaceae) se retrouve en Guyane française, avec Heliconia spathocircinata, H. acuminata, Cyclanthus bipartitus, Costus claviger, C. scaber, Rapatea paludosa (Rapateaceae), d’autres Marantaceae (Monotagma spicatum, Goeppertia elliptica, G. propinqua, Ischnosiphon obliquus, Maranta unilateralis) (de Granville, 1978). Cuatrecasas (1934, lámina IV) publie une photo très suggestive d’une telle mégaphorbiaie.
Tous les genres de Marantaceae ne sont toutefois pas inféodés aux mégaphorbiaies. C’est ainsi qu’on a observé Thalia geniculata dans des roselières à Typha aux environs et dans la ville de Monteira (photo 41). Ce type de végétation n’est pas cité dans l’étude de Hernández & Rangel (2009) réalisée non loin de Bogotá.
3. Le Cerro de Montserrate
À l’est de la ville de Bogotá s’étend un petit massif montagneux culminant à 3 152 m d’altitude, donc surplombant la capitale (celle-ci s’étendant à une altitude moyenne de 2 625 m), le Cerro de Montserrate. On peut y accéder facilement par un chemin traversant le Bosque oriental, par un funiculaire ou par un téléphérique. Ce massif est densément boisé, bien que Sturm et Abouchaar (1981) y aient étudié une zone de páramos à Espeletia grandiflora sur lesquels on reviendra.
Notre virée consista surtout à redescendre du sommet à pied à travers la forêt et à observer la flore. Parmi les arbres, y croissent Weinmannia tomentosa, Oreopanax incisus Quercus humboldtii, le beau Fuchsia arborescens, Alnus acuminata (respectivement photos 42 à 46). Dans les lisières, on peut admirer un Bomarea (genre néotropical de plus de 120 espèces ; photo 47), Meriania speciosa (photo 48), Passiflora cuatrecasasii (photo 49), Macleania rupestris (photo 50), Clusia multiflora (photo 51), Holodiscus argenteus (photo 52).
La végétation de certains páramos a été décrite grâce à aux données de Sturm & Abouchaar (1981) pour le Cerro de Montserrate, de Lozano-Contreras & Schnetter (1976) pour Cruz Verde, au sud de Montserrate, et Franco et al. (1986) pour la laguna de Chingaza. On peut d’abord remarquer qu’en général la strate arbustive est dominée par Espeletia grandiflora (Asteraceae), associé à Aragoa abietina (Plantaginaceae ; sur le genre Aragoa en Colombie, voir Fernández Alonso, 1995), Arcytophyllum nitidum (Rubiaceae), Vaccinium floribundum, Linochilus phylicoides (Asteraceae) ; on peut définir l’Aragoo abietinae-Espeletietum grandiflorae ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : composante arbustive (estrato arbustivo) du relevé 5 du tableau 2 in Lozano-Contreras & Schnetter (1976, Caldasia, XI (54) hors texte). Par ailleurs, la rareté des thérophytes n’autorise pas la définition d’une végétation spécifique.
Pour le reste de cette végétation (tableau 1), plusieurs syntaxons s’isolent, malheureusement aucune information n’est fournie par les auteurs sur les altitudes (Schnell, 1987, donne N 4° 33’, O 74° 02’, comme localisation approximative), alors que cette donnée pourrait expliquer la diversité phytocénotique.
Sur la base de trente relevés, la colonne 1 décrit la végétation du Cerro de Montserrate qui s’isole assez nettement des autres, apparaissant comme un appauvrissement floristique de celles-ci. On y trouve un Rhynchospora « daweana » dont aucun équivalent n’existe dans les référentiels nomenclaturaux actuels (ce nom se retrouve aussi dans la colonne 8). Cette association peut être dénommée Oreobolo obtusanguli-Paramochloetum effusae ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : relevé 11 du tableau 1 in Sturm & Abouchaar (1981, Caldasia XIII (62) hors texte, en changeant Calamagrostis effusa en Paramochloa e.).
Les colonnes 2 à 8, de Cruz Verde, partagent un lot important de taxons, avec Gentianella corymbosa comme chef de file. Une césure majeure apparaît entre les colonnes 5 et 6. Ce sont
- en 2, l’association à Calamagrostis effusa, Espeletia grandiflora et Geranium santanderiense Lozano & Schnetter 1976, un nom invalide (car basé sur trois taxons au lieu de un ou deux), qu’on peut renommer Geranio santanderiensis-Paramochloetum effusae Lozano & Schnetter ex Lozano, Schnetter & B. Foucault nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : composante estrato subarbustivo du relevé 6 du tableau 1 in Lozano-Contreras & Schnetter (1976, Caldasia XI (54) hors texte en changeant Calamagrostis effusa en Paramochloa e.) ;
- en 3, l’Espeletio corymbosae-Calamagrostietum effusae Lozano & Schnetter 1976, muté ici en Espeletio corymbosae-Paramochloetum effusae nom. mut. hoc loco, lectotypus nominis hoc loco : composante estrato subarbustivo du relevé 5 du tableau 3 in Lozano-Contreras & Schnetter (1976, Caldasia XI (54) hors texte en changeant Calamagrostis effusa en Paramochloa e.) ;
- en 4, le Spirantho vaginatae–Calamagrostietum effusae Lozano & Schnetter 1976, muté ici en Stenorrhyncho vaginati-Paramochloetum effusae nom. mut. hoc loco, lectotypus nominis hoc loco : composante estrato subarbustivo du relevé 5 du tableau 5 in Lozano-Contreras & Schnetter (1976, Caldasia XI (54) hors texte, en changeant Spiranthes vaginata en Stenorrhynchos vaginatum et Calamagrostis effusa en Paramochloa e.) ;
- en 5, l’Altesteinio fimbriatae-Calamagrostietum effusae Lozano & Schnetter 1976, de passage vers l’ensemble suivant, muté et corrigé ici en Altensteinio fimbriatae-Paramochloetum effusae nom. corr. et mut. hoc loco, lectotypus nominis hoc loco : composante estrato subarbustivo du relevé 5 du tableau 6 in Lozano-Contreras & Schnetter (1976, Caldasia XI (54) hors texte en changeant Altesteinia fimbriata en Altensteinia f. et Calamagrostis effusa en Paramochloa e.).
Cet ensemble formé par les colonnes 2 à 5 possède la valeur d’une alliance caractérisée par Geranium santanderiense, Castratella piloselloides (Melastomataceae), Gaultheria hapalotricha et G. anastomosans (Ericaceae), Hypochaeris sessiliflora, Achyrocline lehmannii (Asteraceae), Espeletia corymbosa, Castilleja fissifolia (Orobanchaceae), Oreobolus obtusangulus (Cyperaceae), le Gaultherio anastomosantis-Geranion santanderiensis all. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : le Geranio santanderiensis-Paramochloetum effusae Lozano & Schnetter ex Lozano, Schnetter & B. Foucault nov.
Les colonnes 6 à 8 consistent en
- colonne 6, l’association à Calamagrostis effusa, Espeletia grandiflora et Geranium multiceps Lozano & Schnetter 1976, un nom invalide (car à nouveau basé sur trois taxons), qu’on peut renommer Geranio multicipitis-Paramochloetum effusae Lozano & Schnetter ex Lozano, Schnetter & B. Foucault nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : composante estrato subarbustivo du relevé 2 du tableau 2 in Lozano-Contreras & Schnetter (1976, Caldasia XI (54) hors texte en changeant Calamagrostis effusa en Paramochloa e.) ;
- colonne 7, l’association à Espeletia argentea (Espeletietum argenteae) Lozano & Schnetter 1976, lectotypus nominis hoc loco: composante estrato subarbustivo du relevé 3 du tableau 4 in Lozano-Contreras & Schnetter (1976, Caldasia XI (54) hors texte, en changeant Calamagrostis effusa en Paramochloa e.) ; Schnell (1987 : 97, fig. 37) publie une photo de cette association ;
- colonne 8, l’association à Diplostephium revolutum (Linochiletum revoluti) Lozano & Schnetter 1976, lectotypus nominis hoc loco: composante estrato subarbustivo du relevé 3 du tableau 8 in Lozano-Contreras & Schnetter (1976, Caldasia XI (54) hors texte en changeant Diplostephium revolutum en Linochilus revolutus, Asteraceae) ; dans cette colonne, les auteurs mettent aussi en évidence une microphorbiaie (estrato rasante) à Nertera granadensis (photo 53) et Arcytophyllum muticum (deux Rubiaceae).
Cet ensemble formé par les colonnes 6 à 8 possède la valeur d’une seconde alliance de páramos, caractérisée par Geranium multiceps, Chusquea tessellata, Carex bonplandii, Alchemilla nivalis, Hypericum goyanesii j, Aulonemia trianae (Poaceae), Ageratina gynoxoides j, Valeriana pilosa, Agrostis foliata, Galium hypocarpium (photo 54), Blechno loxensis-Aulonemion trianae all. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : le Geranio multicipitis-Paramochloetum effusae Lozano & Schnetter ex Lozano, Schnetter & B. Foucault nov.
Les colonnes 9 à 14, de la laguna de Chinguza, semble former une troisième entité difficilement réductible aux deux premières et caractérisée par Calamagrostis bogotensis, Jamesonia imbricata (Pteridaceae), Paepalanthus karstenii (Eriocaulaceae), Arcytophyllum muticum, Gaylussacia buxifolia (Ericaceae), Chusquea tesselata (Poaceae), le Jamesonio imbricatae-Calamagrostion bogotensis all. nov. hoc loco ; elle rassemble
- en colonne 9 le Vaccinio floribundi-Arcytophylletum nitidi Franco et al. 1986 ;
- en 10, un syntaxon interprété comme « Espeletio argenteae-Calamagrostietum effusae Lozano & Schnetter 1976 emend. Rangel 1985 » qui est incorrect et ne correspond pas à l’Espeletietum argenteae Lozano & Schnetter 1976 (voir colonne 7), redéfini ici comme Espeletio argenteae-Festucetum dolichophyllae (Franco, Rangel & Lozano 1986) nov. hoc loco, typus nominis hoc loco: relevé 139 du tableau 3 in Franco et al. (1986, Caldasia XV (71-75) : 230) ;
- en 11, l’Aragoetum abietinae Cleef 1981 chusqueetosum tesselatae;
- en 12, interprété comme « Castratello piloselloidis-Calamagrostietum effusae Lozano & Schnetter 1976 emend. Rangel 1985 » qui paraît ne pas exister dans la publication de Lozano & Schnetter (1976), redéfini ici comme Castratello piloselloidis-Calamagrostietum bogotensis nov. hoc loco, typus nominis hoc loco: relevé 152 du tableau 4 in Franco et al. (1986, Caldasia XV (71-75) : 232) ;
- en 13, interprété comme « Castratello-Espeletietosum grandiflorae subass. nov», nom évidemment totalement incorrect ;
- en 14, le Calamagrostio bogotensis-Swallenochloetum tesselatae Franco et al. 1986, muté ici en Calamagrostio bogotensis-Chusqueetum tesselatae nom. mut. hoc loco ;
Le Calamagrostio bogotensis-Chusqueetum tesselatae Franco et al. 1986 est choisi comme typus nominis hoc loco du Jamesonio imbricatae-Calamagrostion bogotensis nov.
Ces trois alliances peuvent être rapprochées dans une unité supérieure de páramos colombiens à valeur d’ordre, caractérisée par Rhynchospora macrochaeta, Arcytophyllum nitidum j, Gaultheria myrsinoides, Neobartsia santolinifolia, Linochilus phylicoides j, Eryngium humboldtii (photo 55), Blechnum loxense (photo 56), Espeletia grandiflora j, Halenia asclepiadea (Gentianaceae), Lycopodium clavatum subsp. contiguum, Hypericum juniperinum, H. mexicanum, Monticalia abietina j (Asteraceae), Ageratina gracilis (Asteraceae), Gaultherio myrsinoidis-Rhynchosporetalia macrochaetae ord. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : le Blechno loxensis-Aulonemion trianae nov. Il est probable que l’Oreobolo obtusanguli-Paramochloetum effusae (colonne 1) s’y rattache aussi, mais paraît bien appauvri.
La présence d’Eriocaulaceae (surtout Paepalanthus alpinus) et de Xyridaceae (Xyris subulata subsp. acutifolia ; sur les Xyridaceae de Colombie, voir Idrobo, 1954) incite à poser l’hypothèse qu’une humidification édaphique de tels páramos pourrait mener à des bas-marais oligotrophiles mieux caractérisés se rattachant à la S(Xyridaceae-Eriocaulaceae) (de Foucault, 1988).
D’autres associations affines de celles présentées ici sont aussi à emprunter à la publication de Vargas & Zuluaga (1985).
Parmi les données publiées par Lozano-Contreras et Schnetter (1976), on peut encore évoquer des marais (p. 59) où une communauté vivace à Pilularia americana (seul taxon du genre présent en Colombie selon POWO), Agrostis breviculmis, Juncus ebracteatus et un Isoetes resté indéterminé est associée à une communauté thérophytique à Elatine minima (toutefois absent de Colombie selon POWO et Catalogue of Life ; les cartes de POWO citent trois autres taxons en Colombie : E. ecuadoriensis, E. fassettiana et E. paramoana [21/04/2025]), Isolepis inundata, rappellant des situations européennes homologues avec respectivement les végétations des Littorelletea uniflorae ou Isoetetea velatae d’un côté, des Juncetea bufonii d’un autre (de Foucault, 1988, 2013).
De son côté, dans d’autres páramos colombiens, Cleef (1981, 81 et suivantes, tableau 3) décrit divers Isoeteta : Isoetetum karstenii, Isoetetum glacialis, Isoetetum sociae, Isoetetum andicolae, Isoetetum cleefii, Isoetetum palmeri, mais en dehors des Isoetes éponymes, l’auteur ne relève guère que des Bryophytes et des thérophytes. D’ailleurs cette végétation amphibie thérophytique se réduit pratiquement à Crassula peduncularis et Elatine chilensis (Tillaeetum paludosae Cleef 1981, muté ici en Crassuletum peduncularis nom. mut. hoc loco), rangé dans le Crassulion peduncularis Cleef 1981 nom. mut. hoc loco, les Crassuletalia peduncularis Cleef 1981 nom. mut. hoc loco et les Limoselletea australis Cleef 1981 prov. Dans un autre páramo, Rangel et Aguirre (1983) citent Isoetes boyacensis et on reconnaît dans les données de leur tableau 5 le Crassuletum peduncularis Cleef 1981. Dans leur tableau 7, Franco et al. (1986) décrivent entre autres une communauté thérophytique à Crassula peduncularis et Ranunculus flagelliformis, reliée à une végétation hélophytique vivace à Eleocharis stenocarpa et Lilaeopsis schaffneriana (Apiaceae), élevées ici au rang d’association sous les noms respectivement de Crassulo peduncularis-Ranunculetum flagelliformis ass. nov. hoc loco [typus nominis hoc loco : composante thérophytique du relevé 107 du tableau 7 in Franco et al. (1986, Caldasia XV (71-75) : 238)] et Lilaeopsio schaffnerianae-Eleocharitetum stenocarpae ass. nov. hoc loco [typus nominis hoc loco : composante vivace du relevé 106 du tableau 7 in Franco et al. (1986, Caldasia XV (71-75) : 238)] ; la première des deux entre bien dans le Crassulion peduncularis Cleef 1981.
4. Quelques aspects de la végétation forestière
Il est évidemment hors de propos d’aborder la végétation forestière colombienne dans cet article. On se contentera d’illustrer quelques arbres particulièrement caractéristiques comme Lafoensia acuminata (photo 57), Trigonobalanus excelsa, Billia columbiana (voisin de Aesculus ; photo 58), Ceroxylon quindiuensis (qui serait le plus haut des palmiers du monde ; photo 59) formant de grandes forêts à canopée ouverte dans la vallée de Cocora, près de Salento (photo 60), Juglans neotropica (photo 61), Cavanillesia platanifolia (photo 62), Ochoterenaea colombiana (Anacardiaceae). Il existe aussi des pinèdes caractérisées par un Pinus à aiguilles groupées par cinq, mais qui ne semble pas spontané en Colombie.
Un ensemble boisé fréquent est formé par les boisements juvéniles héliophiles à essences nomades à bois tendre (photo 63) colonisant les espaces ouverts et caractérisés par Ochroma pyramidale (photo 64) et des Cecropia (photos 65 et 66). Ce dernier genre est trop diversifié en Colombie pour donner lieu à des déterminations précises (plus de la moitié des soixante-trois espèces y sont représentées).
5. La végétation littorale
C’est à Santa Marta puis à Palomino et Cartagena de Indias, sur la côte caraïbe, que la végétation littorale a été observée. Des éléments de mangrove accueillent Rhizophora (localement deux espèces, Rh. mangle et Rh. racemosa), Avicennia germinans (photo 67), Conocarpus erectus (photo 68). En arrière-mangrove, à Palomino, il existe des fourrés à Chrysobalanus icaco (photo 69) et de hautes roselières subhalophiles à Gynerium sagittatum (photo 70). Sur les zones littorales plutôt sableuses, on observe de grands arbres comme Coccoloba uvifera (photo 71) et Thespesia populnea (photo 72), une association arborescente que l’on retrouve sur les plages antillaises (de Foucault, 1987).
6. Quelques aspects de la végétation anthropophile
Dans le paragraphe 1, on a évoqué la végétation à Cnidoscolus urens et Calotropis procera colonisant des sites anthropisés dans l’étage xérophile à Cactaceae. Dans des étages supérieurs, au climat plus humide, cette végétation est remplacée par un fourré à Bocconia frutescens (photos 74 et 75) et Ricinus communis, avec parfois un sureau (Sambucus cf. peruviana ; photo 73) ; j’ai remarqué ce fourré au moins à Salento et à Manizales.
Il faut citer aussi les bases de murs humides, colonisées par une végétation pouvant se rattacher au Peperomio pellucidae-Pileetum microphyllae B. Foucault 2014, bien étudié en Asie du Sud-Est (de Foucault, 2014), présent aussi aux Antilles françaises (Sastre & Breuil, 2007 : 584 et 591). En Colombie, j’ai eu du mal à observer le premier taxon éponyme, le second colonisant souvent seul ses stations. Mais finalement, quelques représentants assez complets ont pu être rencontrés, par exemple à La Plata et à Minca (photo 76). Selon la carte donnée par POWO [19.04.2025], Pilea microphylla est originaire d’Amérique tropicale (du sud des États-Unis au nord et nord-est de l’Amérique du Sud) et s’est naturalisé dans le reste de l’Amérique du Sud ainsi que dans l’Ancien Monde.
7. Conclusion
Ce compte rendu de voyage illustré a donc apporté de nouvelles données sur la végétation colombienne. En particulier ce biome original que constitue le páramo des Andes du nord a fait l’objet d’un focus spécial, donnant lieu à la définition de nouvelles associations, de trois alliances et d’un ordre. À l’avenir, il conviendrait de poursuivre les investigations bibliographiques vers les páramos vénézuéliens et équatoriens pour aboutir à une grande synthèse ; mais il y a là un travail énorme à réaliser…
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Remerciements
Un grand merci à Pierre Coulot pour la détermination de quelques Fabaceae colombiennes.