Étude phytosociologique de quelques végétations vasculaires lithophiles, silicicoles du sud-ouest de la France
Title
Phytosociological study of some lithophilic, silicicolous vascular vegetations from south-western France
Résumé
Quatre associations végétales nouvelles de dalles siliceuses sont décrites sur la base de relevés phytosociologiques réalisés dans le sud-ouest de la France, entre le massif pyrénéen et le sud-ouest du Massif central français. Une association végétale inédite des dalles de serpentine est également présentée. Les tableaux de relevés triés ordonnés, ainsi que la caractérisation floristique et la physionomie de ces associations sont présentés. Leurs caractères synécologiques, chorologiques, phénologiques et dynamiques sont précisés. Leur classification syntaxinomique est discutée. Un tableau synthétique permettant la comparaison des syntaxons cités est donné.
Abstract
Four new plant associations from siliceous slabs are described on the basis of phytosociological relevés carried out in southwestern France between the Pyrenean massif and the southwestern French Massif central. An unpublished plant association from serpentine bedrock is also presented. Tables of sorted and ordered relevés as well as the floristic characterization and physionomy of these associations are presented. Their synecological, chorological, phenological and dynamic properties are specified. Their syntaxinomic classification is discussed. A synthetic table allowing the comparison of the cited syntaxons is given.
1. Introduction
Les lithosols constitués sur substrats rocheux plus ou moins inclinés constituent des stations particulièrement contraignantes pour la végétation. La très faible épaisseur de ces sols induit une faible capacité de développement du système racinaire des végétaux vasculaires, une faible réserve en eau et une pauvreté nutritive. Les plantes peuvent y être soumises à des périodes de sécheresse intense pendant la saison estivale. On y rencontre en conséquence des végétations très spécialisées, capables de survivre à de tels stress ; elles sont structurées en particulier par de petites plantes grasses parmi les espèces vivaces. Ces végétations ouvertes de pelouses crassulescentes ont été reconnues appartenir en Europe occidentale à la classe phytosociologiques des Sedo albi-Scleranthetea biennis Braun-Blanq. 1955. Cette classe a fait l’objet d’une récente synthèse à l’échelle de la France (Royer & Ferrez, 2018). Par rapport à d’autres parties de notre pays, les végétations du sud-ouest de la France souffrent encore de nombreuses lacunes de description.
Des relevés phytosociologiques réalisés notamment dans le cadre d’un programme de connaissance des milieux secs de Midi-Pyrénées, mené en partenariat par le Conservatoire botanique national des Pyrénées et de Midi-Pyrénées (CBNPMP) et l’association Nature en Occitanie (NeO), et dans la perspective de compléter les catalogues des végétations pour le programme national de cartographie des végétations de la France (dit CarHab), ont permis de décrire un large échantillon de végétations de dalles rocheuses de Midi-Pyrénées et des Pyrénées françaises. Parmi elles, nous avons pu identifier une importante diversité de types de végétations différents et bien caractérisés. Pourtant, la tentative de rattachement à des associations végétales déjà décrites s’est avérée, dans de nombreux cas, problématique.
Nous présentons ici l’analyse phytosociologique de nos relevés réalisés sur des roches non carbonatées (principalement siliceuses, mais aussi serpentiniques). Les syntaxons élémentaires issus du tableau de relevés trié ordonné sont comparés aux colonnes synthétiques des associations les plus proches déjà décrites. Cinq associations végétales sont identifiées sur la base de 67 relevés, réunis entre le revers sud-ouest du Massif central et le versant nord des Pyrénées, parmi lesquelles quatre sont formellement décrites. Le tableau détaillé obtenu pour chacune d’entre elles montre la combinaison caractéristique de taxons et la variabilité interne à chacune d’elle.
2. Méthodes
Les relevés phytosociologiques ont été réalisés sur des surfaces homogènes d’un point de vue écologique, physionomique et floristique, en étendant la surface jusqu’à atteindre la saturation du relevé. Le tableau des relevés a été trié et synthétisé selon la méthode classique des tableaux phytosociologiques, manuellement et à l’aide de classifications ascendantes hiérarchiques automatisées (méthode de Ward). Les relevés, tous originaux, hormis trois relevés issus de de Foucault (2017), ont été saisis et cartographiés dans la base de données géoréférencées Flora Pyrenaica du CBNPMP. Dans le texte, les auteurs des noms de syntaxons ne sont cités que lors de leur première citation.
La nomenclature des taxons suit le référentiel TAXREF v10.0, référentiel taxonomique pour la France du Muséum national d’histoire naturelle (Gargominy et al., 2016). Les annexes des tableaux 1 à 5 comportent la localisation spatio-temporelle des relevés, le noms des observateurs (GC = G. Corriol, FK = F. Kessler, MN = M. Menand), la source des tableaux utilisés pour les comparaisons syntaxinomiques.
3. Résultats
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L’Anarrhino bellidifolii-Sedetum rupestris Kessler, Menand & Corriol ass. nov. hoc loco
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Typus nominis hoc loco : relevé 2 du tableau 1 hoc loco.
Combinaison caractéristique de taxons : Anarrhinum bellidifolium, Sedum rupestre, Hypericum linariifolium, Jasione montana, Rumex acetosella, Scleranthus perennis.
Physionomie (photos 1 et 2) : végétation rase, plus ou moins ouverte, aux différentes espèces caractéristiques à dominance variable, mais assez souvent dominée par Sedum rupestre ou Rumex acetosella, et espèces crassulescentes parfois discrètes, marquée par la floraison lavande de l’Anarrhinum, bleu pâle de la Jasione, jaune du Millepertuis et de Sedum rupestre, ou plus discrètement blanc rosé de Sedum hirsutum (sauf dans la subass. typicum), occupant des croupes rocheuses planes à fortement déclives.
Synécologie : végétation xérothermophile, acidiphile, des lithosols sur roches siliceuses (schistes, granites) généralement exposées au sud, à l’étage collinéen, entre 230 et 610 m d’altitude.
Chorologie : région siliceuse atlantique, du Ségala, dans les départements du Lot, de l’Aveyron et du Tarn (pour les subass. typicum et sedetosum hirsuti), contreforts sud-ouest du Massif central, du Sidobre à la vallée du Lot au moins, pour les subass. hylotelephietosum maximi et leucanthemetosum monspeliensis ; à rechercher plus à l’est dans le Massif central.
Phénologie : optimum de développement en fin de printemps-début d’été (juin) selon l’altitude.
Variabilité
Le nombre important de relevés réunis (34 ; tableau 1) sur un vaste territoire géographique nous permet de mettre en évidence une importante variabilité au sein de cette association. En plus de la sous-association typicum, différenciée négativement (relevés 1-8 du tableau 1), nous avons reconnu :
– une sous-association sedetosum hirsuti Menand, F. Kessler & Corriol subass. nov. hoc loco (typus nominis hoc loco : relevé 12 du tableau 1 hoc loco), différenciée positivement relativement au typicum par Sedum hirsutum, peut-être sur des roches affleurantes moins fracturées, faisant la transition avec l’association suivante ;
– une sous-association hylotelephietosum maximi F. Kessler, Menand & Corriol subass. nov. hoc loco (typus nominis hoc loco : relevé 26 du tableau 1 hoc loco), différenciée positivement par rapport aux deux précédentes par Hylotelephium maximum et dans une moindre mesure Biscutella lima ;
– une sous-association leucanthemetosum monspeliensis prov, que l’on peut supposer plus thermophile, différenciée par Leucanthemum monspeliense/delarbrei[1].
Le déterminisme respectif des différentes sous-associations reste à préciser, notamment peut-être vis-à-vis des roches mères. Il est probable que les subass. hylotelephietosum et leucanthemetosum monspeliensis soient plus thermophiles et avec une différenciation géographique, la dernière se rapprochant des communautés cévenoles.
Syntaxinomie
Les relevés ici réunis pour décrire cette association nouvelle avaient été préalablement pour partie assimilés à l’Hyperico linariifolii-Sedetum rupestris B. Foucault 1979, dont ils présentent plusieurs taxons caractéristiques (essentiellement les taxons éponymes et dans une moindre mesure Rumex acetosella). Mais l’Anarrhino bellidifolii-Sedetum rupestris est nettement plus diversifié que l’association décrite de Basse-Normandie armoricaine par de Foucault (1979). Il s’en différencie positivement par Anarrhinium bellidifolium, Scleranthus perennis et dans une moindre mesure par Jasione montana, Festuca arvernensis et Allium lusitanicum. Pour d’autres de nos relevés, un rapprochement avait été envisagé avec l’Anarrhino bellidifolii-Sedetum maximi Billy ex Thébaud, Roux, Bernard & Delcoigne 2014, une association de climat d’abri, subcontinentale, décrite de la basse Sioule et des rebords de la Limagne en Auvergne (Billy, 2002). Une analyse plus précise sur la base d’un échantillon important de relevés nous amène à renoncer à ce rapprochement et à décrire une nouvelle association, sans doute vicariante de cette dernière, plus diversifiée et différenciée positivement par Jasione montana, Scleranthus perennis, Hypericum linariifolium (et Sedum hirsutum, à l’exception de la subass. typicum) et négativement par Sedum album. Alors que l’Anarrhino-Sedetum maximi est positionné par Royer & Ferrez dans l’alliance du Sedo-Scleranthion Braun-Blanq. 1955, l’Hylotelephio maximi-Sedetum hirsuti nous semble devoir être positionné dans le Sedion anglici Braun-Blanq. in Braun-Blanq. & Tüxen 1952, son vicariant atlantique, par la présence de Jasione montana et d’Hypericum linariifolium, mais aussi de Sedum anglicum, même s’il semble s’agir ici de la subsp. pyrenaicum (non reconnue par Castroviejo et al., 1997, ni Tison & de Foucault, 2014), auxquelles on pourrait ajouter Anarrhinum bellidifolium. On pourrait aussi évoquer l’Hyperico linariifolii-Sedetum anglici B. Foucault ex B. Foucault, J.-M. Royer & Ferrez in J.-M. Royer & Ferrez 2018, qui s’éloigne plus encore de notre association par l’absence de Sedum rupestre et la présence de Sedum anglicum subsp. anglicum (de Foucault, 1979 ; Royer & Ferrez, 2018). De Foucault (1987 : 357) décrit un Sempervivo arvernensis-Festucetum arvernensis sur des dalles basaltiques d’Aubrac dont nous nous contentons d’intégrer la colonne synthétique à titre indicatif dans notre tableau 1 tant il s’éloigne de notre association.
Dynamique
Compte-tenu des contraintes stationnelles, la plupart des végétations des Sedo-Scleranthetea constituent la tête de curtaséries édaphoxérophiles. On peut trouver occasionnellement en contact ou en superposition des végétations annuelles relevant du Thero-Airion ou du Tuberario guttatae-Airion praecocis B. Foucault 1999 (cf. Arnoserido minimae-Micropyretum aristati B. Foucault 1988) à caractère plus pionnier et mobile, parfois un peu plus eutrophiles (tendance vers les Cardaminetea hirsutae Géhu 1999). Sur les sols plus évolués se trouve en contact une pelouse fermée acido-xérophile à Festuca arvernensis.
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L’Anthemido saxatilis-Plantaginetum holostei Foucault, Menand & Corriol ass. nov. hoc loco
Typus nominis hoc loco : relevé 8 du tableau 2 hoc loco.
Combinaison caractéristique de taxons : Plantago holosteum, Festuca arvernensis, Sedum hirsutum, Allium lusitanicum, Anthemis cretica subsp. saxatilis, Anarrhinum bellidifolium, Scleranthus perennis, Rumex acetosella, Sedum rupestre, Jasione montana.
Physionomie (photo 3) : végétation rase, assez fortement marquée par les touffes glauques de Festuca arvernensis qui peut dominer ou co-dominer avec Allium lusitanicum, Plantago holosteum ou Sedum hirsutum, à espèces crassulescentes pouvant être discrètes, marquée par les touches bleues et violacées de Jasione montana, Anarrhinum bellidifolium et Allium lusitanicum et la floraison blanche et jaune des Anthemis.
Synécologie : végétation xérothermophile, acidiphile, des lithosols sur roches siliceuses (schistes plus ou moins déclives), généralement exposée au sud, entre 690 et 940 m d’altitude.
Chorologie : Haut-Languedoc, connu de la Montagne noire.
Phénologie : optimum de développement en fin de printemps (mai).
Variabilité : végétation très homogène sur la base des relevés dont nous disposons. Elle avait initialement été considérée comme une race géographique d’une association du Sedo-Scleranthion Braun-Blanq. 1955 (voir syntaxinomie).
Syntaxinomie
De Foucault (2017 : 336), qui en avait réuni trois relevés, avait initialement rapproché cette association du Sclerantho perennis-Plantaginetum holostei B. Foucault 2017 en la considérant comme une simple race géographique. Sur la base des nouveaux relevés ici réunis, nous pouvons mettre en évidence que l’Anthemido-Plantaginetum holostei est différencié du Sclerantho-Plantaginetum holostei, de façon significative et constante, par Sedum hirsutum, Anthemis cretica subsp. saxatilis, Allium lusitanicum et dans une moindre mesure par Poa bulbosa et Centaurea pectinata. Conopodium majus, lui, semble être préférentiel du Sclerantho-Plantaginetum holostei. Nous considérons dès lors l’Anthemido saxatilis-Plantaginetum holostei comme une association vicariante bien caractérisée du Sclerantho-Plantaginetum holostei.
La place syntaxinomique de cette nouvelle association n’est pas évidente. De Foucault (2017) classe son Sclerantho-Plantaginetum holostei dans le Sedo-Scleranthion, alliance d’affinités orophile et centre-européenne. Mais les taxons caractéristiques donnés par Royer & Ferrez (2018) pour cette alliance sont ici bien discrets, voire complètement absents. Et la présence dans l’Anthemido-Plantaginetum holostei d’espèces comme Sedum hirsutum, Hypericum linariifolium, Anarrhinum bellidifolium, Plantago holosteum ou encore Festuca arvernensis, ayant des chorologies bien circonscrites, d’affinités atlantique, pyrénéo-cévenole à « pyrénéo-massif-centralienne », suggère un éloignement du Sedo-Scleranthion. Nous serions tentés, dans une solution d’attente, en raison de son caractère atlantique et de ses affinités avec l’Anarrhino-Sedetum rupestris précédemment décrit, de rapprocher également l’Anthemido-Plantagineteum holostei du Sedion anglici.
Dynamique
L’Anthemido-Plantaginetum holostei semble être occasionnellement lié dynamiquement à une lande acido-xérophile atlantique à Erica cinerea et Calluna vulgaris (Ulicion minoris), qui est peut-être à rattacher à l’Erico cinereae-Genistetum microphyllae Braun-Blanq. in Braun-Blanq., Roussine & Nègre 1952. Quoi qu’il en soit, les conditions stationnelles rendent la dynamique très lente, déterminant une curtasérie de végétation.
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L’Hyperico linariifolii-Sedetum pyrenaici Corriol & Menand nov. hoc loco
Typus nominis hoc loco : relevé 3 du tableau 3 hoc loco.
Combinaison caractéristique de taxons : Atocion rupestre, Rumex acetosella, Festuca longifolia, Hypericum linariifolium, Sedum rupestre, S. anglicum subsp. pyrenaicum, Scleranthus perennis.
Physionomie (photos 4 et 5) : végétation rase et ouverte, crassulescente, colonisant des croupes siliceuses planes, arrondies, à fortement déclives, parfois largement pénétrée de lichens, notamment des genres Cladonia et Umbilicaria, aux différentes espèces caractéristiques à dominance variable bien qu’assez souvent dominée alternativement par Sedum hirsutum, S. anglicum subsp. pyrenaicum et S. brevifolium, plus rarement Rumex acetosella (subsp. pyrenaica), à floraison blanc rosé des orpins, avec quelques touches jaunes du Millepertuis et parfois de Sedum rupestre.
Synécologie : végétation xérophile thermocline, acidiphile, des lithosols sur roches siliceuses surtout exposées au sud ou, pour les stations de basse altitude, à toutes expositions, de l’étage collinéen supérieur à l’étage montagnard, entre 600 et 1 400 m d’altitude environ.
Chorologie : vallées abritées des Pyrénées centro-orientales, dans les départements de l’Ariège, de la Haute-Garonne et des Hautes-Pyrénées.
Phénologie : optimum de développement en début d’été (juin à début juillet).
Variabilité
On identifie nettement deux sous-associations :
– typicum, différenciée positivement par Sedum brevifolium, S. hirsutum, Hylotelephium telephium et Sempervivum tectorum ;
– une sous-association anarrhinetosum bellidifolii Menand & Corriol subass. nov. hoc loco (typus nominis hoc loco : relevé 10 du tableau 3 hoc loco), différenciée positivement par Anarrhinum bellidifolium et Festuca lemanii, actuellement uniquement connue de la haute vallée de la Garonne.
Syntaxinomie
Cette association s’insère dans l’alliance pyrénéenne du Sedion pyrenaici Tüxen ex Rivas Mart., T.E. Diaz, Fern.Prieto, Loidi & Penas in T.E. Diaz & Fern.Prieto 1994, dont elle présente Sedum brevifolium et S. anglicum subsp. pyrenaicum auxquels on peut ajouter l’espèce orophile Atocion rupestre. Dans cette alliance, elle peut être comparée essentiellement à deux associations décrites par Tüxen & Oberdorfer (1958) des Pyrénées espagnoles : le Sileno rupestris-Sedetum pyrenaici Tüxen & Oberd. 1958 et le Sedo pyrenaici-Sempervivetum montani Tüxen in Tüxen & Oberd. 1958. L’Hyperico linariifolii-Sedetum pyrenaici se différencie de ces deux associations positivement par Festuca longifolia, Hypericum linariifolium et Sedum hirsutum et négativement par l’absence de Sempervivum montanum et Conopodium majus, notamment. L’Hyperico linariifolii-Sedetum anglici B. Foucault ex B. Foucault, J.-M. Royer & Ferrez in J.-M. Royer & Ferrez 2018 décrit du Massif armoricain (de Foucault, 1979 : 275), présente quelques similitudes avec notre association, mais s’en éloigne largement par l’absence des éléments pyrénéens et orophiles (voir tableau 3).
Dynamique
Compte-tenu des contraintes stationnelles, la plupart des végétations des Sedo-Scleranthetea constituent la tête de curtaséries édaphoxérophiles. On peut trouver occasionnellement en contact ou en superposition des végétations annuelles relevant du Thero-Airion praecocis (cf Trifolio striati-Vulpietum myuri Susplugas 1942) à caractère plus pionnier et mobile. Sur les sols plus évolués se trouve en contact une pelouse fermée acido-xérophile à Festuca longifolia (Koelerio-Phleion phleoidis Korneck 1974).
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Le Sedetum pyrenaico-hirsuti Corriol nov. hoc loco
Typus nominis hoc loco : relevé 5 du tableau 4 hoc loco.
Combinaison caractéristique de taxons : Sedum hirsutum, S. anglicum subsp. pyrenaicum.
Physionomie (photo 6) : végétation rase et ouverte, crassulescente, colonisant des croupes siliceuses planes, arrondies, à fortement déclives, parfois largement pénétrées de lichens (Cladonia…) et de bryophytes (Hedwigia…), dominée ou co-dominée par les deux Sedum éponymes, à floraison blanc rosâtre, plutôt discrète.
Synécologie : végétation xérophile, acidiphile, des lithosols développés sur roches siliceuses cristallines ou schisteuses, mais également sur ophites, à toutes expositions, des étages collinéen et montagnard, entre 500 et 1 500 m d’altitude environ.
Chorologie : largement réparti dans les Pyrénées centro-occidentales, dans les départements des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Atlantiques. Un relevé du Tarn semble pouvoir se rattacher à cette association, dans la mesure où il n’est pas fragmentaire.
Phénologie : optimum de développement en début d’été (juin à début juillet).
Variabilité
On identifie deux sous-associations :
– typicum, collinéenne, différenciée par Rumex acetosella (subsp. pyrenaica) et Allium lusitanicum ;
– et une sous-association atocionetosum rupestris Corriol subass. nov. hoc loco (typus nominis hoc loco : relevé 7 du tableau 4 hoc loco), montagnarde, différenciée par Atocion rupestre ; Thymus pulegioides et Jasione montana également identifiées dans le tableau resteraient à éprouver étant donné leur affinité non particulièrement montagnarde.
Syntaxinomie
Cette association végétale paucispécifique est largement répartie en situation primaire sur les roches cristallines et plutoniques des Pyrénées centrales et occidentales, montrant une composition floristique remarquablement constante. Dans certains sites, elle occupe des surfaces considérables (parfois des dizaines de mètres carrés contigus), excluant ainsi l’interprétation d’une expression fragmentaire d’une végétation potentiellement plus saturée en espèces. Cette hypothèse pourrait en effet être suggérée par la combinaison caractéristique des deux sous-associations mises en évidence, qui est entièrement incluse dans celle de l’Hyperico linariifolii-Sedetum pyrenaici précédemment décrit. Il ne faut donc pas considérer le Sedetum pyrenaico-hirsuti comme une expression fragmentaire de l’Hyperico linariifolii-Sedetum pyrenaici pour des raisons de surfaces insuffisantes de ces stations, mais bien plutôt comme une association géovicariante de ce dernier, naturellement plus pauvre. Le rattachement à l’alliance pyrénéenne du Sedion pyrenaici, avec l’association précédente, semble logique. Le rattachement dans notre tableau d’un relevé tarnais pose la question de l’extension géographique de cette alliance hors Pyrénées et de ses liens avec le Sedion anglici, d’autant plus si l’on ne considère pas comme pertinentes les variations infraspécifiques de Sedum anglicum. Parmi les autres associations pyrénéennes, le Sedetum pyrenaico-hirsuti se distingue du Sileno rupestris-Sedetum pyrenaici et du Sedo pyrenaici-Sempervivetum montani par la constance de Sedum hirsutum et l’absence de Sedum brevifolium, Scleranthus perennis et Sempervivum montanum, entre autres.
Dynamique
Dynamique très lente, voire inexistante. On peut trouver en contact sur les sols un peu plus épais une pelouse acidoxérophile à Festuca nigrescens sensu lato.
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Le Potentillo fagineicolae-Sedetum rupestris prov.
Combinaison caractéristique de taxons : Sedum rupestre, S. acre, Rorippa pyrenaica, Festuca lemanii/auquieri[2], Potentilla fagineicola, Scleranthus perennis.
Physionomie : végétation rase et ouverte, crassulescente, sur des croupes serpentiniques de pentes faibles à modérées, dominée ou codominée par les deux Sedum, qui marquent également la floraison par leur jaune vif.
Synécologie : végétation xérophile, faiblement acidiphile, des lithosols sur roche serpentinique, à l’étage collinen, autour de 400-500 m d’altitude, en exposition ouest et sud-ouest.
Chorologie : végétation actuellement uniquement connue des affleurements serpentiniques du bassin de Decazeville, dans le département de l’Aveyron, au sud-ouest du Massif central français.
Phénologie : optimum de développement en fin de printemps (mai-juin).
Variabilité : à étudier sur la base d’un plus grand nombre de relevés.
Syntaxinomie
Comme la plupart des végétations se développant sur des roches ultrabasiques, pauvres en calcium et riches en magnésium, la composition floristique du Potentillo fagineicolae-Sedetum rupestris est un peu déroutante, mêlant des espèces réputées acidiphiles et d’autres réputées calcicoles, voire calcaricoles. On peut constater ici l’occurrence d’espèces comme Linaria supina, Koeleria vallesiana ou Hippocrepis comosa, espèces que l’on peut trouver facilement dans des associations calcicoles de l’Alysso-Sedion albi Oberd. & T. Müll. in T. Müll. 1961. Toutefois, la balance floristique reste en faveur d’un rattachement à l’ordre acidiphile des Sedo albi-Scleranthetalia biennis Braun-Blanq. 1955 avec la fréquence élevée de Sedum rupestre et Scleranthus perennis. La présence de Potentilla fagineicola et Rorippa pyrenaica, taxons à tendance acidiphile, qui participent à l’originalité de cette association végétale, semble également militer en ce sens. Le rattachement à une alliance est lui plus délicat. Tout au plus pouvons-nous remarquer quelques similitudes avec le Saxifrago tridactylitae-Potentilletum neglectae, classé dans l’alliance du Sedo albi-Veronicion dillenii Oberd. ex Korneck 1974 regroupant des associations faiblement acidiphiles et des associations développées sur roche volcanique (Royer & Ferrez, 2018). Cette dernière association, décrite en Auvergne (Billy, 2002 : 39 ; Thébaud et al., 2014 : 225), présente Rorippa pyrenaica et Scleranthus perennis en commun avec l’association ici présentée, mais s’en éloigne de beaucoup par ailleurs (tableau 5, colonne B).
Dynamique
Dynamique très lente, voire inexistante. On peut trouver en contact sur les sols un peu plus épais une pelouse xérophile à Festuca lemanii/auquieri relevant du Koelerio-Phleion phleoidis.
4. Conclusion
À travers la description de plusieurs associations végétales nouvelles à l’échelle d’une grande région du sud-ouest de la France, cette étude illustre la méconnaissance phytosociologique dont souffre encore ce territoire. Ce travail permet ainsi de renforcer les référentiels nationaux qui constituent des outils très utiles, notamment dans le cadre des travaux en cours de cartographie des végétations de la France.
[1] Certaines populations tarnaises ayant une morphologie foliaire intermédiaire.
[2] L’identification précise de cette fétuque serpentinicole pose question. Elle devrait se résoudre par la connaissance du niveau de ploïdie des populations observées (que nous n’avons pu mener à bien), F. auquieri étant à 2n =28 et F. lemanii à 2n = 42.
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Remerciements
Merci à François Prud’homme (CBNPMP) et Anne Paris, pour les relevés qu’ils nous ont confiés. Ce travail a bénéficié de contributions financières de la région Occitanie et de l’Europe (fonds FEDER), dans le cadre d’un appel à projet connaissance (milieux secs de Midi-Pyrénées), et de l’Office français de la biodiversité dans le cadre de la participation du CBN au déploiement du programme national de cartographie des habitats (CarHab) de 2017 à 2020.