Repérages botaniques au Sultanat d’Oman
Title
Botanical spottings in the Sultanate of Oman
Résumé
Cet article présente quelques observations botaniques faites lors d’un voyage d’agrément au Sultanat d’Oman, dans l’objectif de permettre aux botanistes désireux d’appréhender la flore de ce pays de la Péninsule arabique de préparer au mieux leur voyage.
Abstract
This article presents some botanical observations made during a leisure trip to the Sultanate of Oman, with the aim of enabling botanists wishing to understand the flora of this country of the Arabian Peninsula to better prepare their trip.
Pour un botaniste, même les voyages d’agrément – dont la botanique n’est évidemment pas l’objectif principal – permettent de faire des repérages rapides, pour préparer un éventuel retour sur place à des fins d’herborisation. Ainsi, une semaine passée fin mars 2022 au Sultanat d’Oman, si elle n’a pas permis de faire des relevés détaillés d’espèces, a été l’occasion de se faire une idée de la végétation de ce pays du Sud-Est de la Péninsule arabique, et plus précisément de sa zone Nord, au climat particulièrement sec. Nous présenterons ici quelques données dont le double objectif est d’inviter certains à visiter ces magnifiques contrées et de donner un avant-goût des espèces qu’ils pourront y rencontrer.
1. Nos conseils pour voyager à Oman
Si fueris Romae, Romano vivito more. Ce vieil adage, classiquement traduit par « À Rome fais comme les Romains », doit s’appliquer à Oman comme ailleurs. Une attention particulière doit être apportée à ne choquer personne, mais l’ouverture au tourisme du Sultanat, depuis une décennie environ, en fait toutefois l’un des pays du Moyen-Orient les moins exigeants en terme de tenue vestimentaire, notamment pour les femmes. Le voile n’y est ni exigé ni attendu pour les visiteuses, les manches courtes ne posent aucun problème et, à notre grande surprise, le short est même accepté pour les hommes sans que cela ne choque ; certains jeunes Omanais le portent eux-mêmes en cette semaine du 26 mars au 1e avril, au cours de laquelle la température n’est jamais descendue sous 35°C la journée, et rarement sous 30°C la nuit. Le port de tenues couvrant les jambes reste toutefois préférable.
L’accès au pays est très simple et ne nécessite plus aucune procédure de visa particulière pour les séjours de moins de deux semaines. Un visa gratuit est automatiquement apposé sur le passeport lors du passage de douane à l’arrivée. La sécurité est quant à elle de haut niveau, la criminalité étant particulièrement basse à Oman. Il n’est objectivement pas plus dangereux de se promener dans le Sultanat que dans aucune région française. La seule zone de vigilance est la frontière avec le Yémen, dans le Dhofar (extrême sud), qu’il convient d’éviter.
La qualité de la voirie est remarquable, avec de larges quatre-voies dans les zones de plaine, éclairées et dotées de radars fixes de vitesse tous les deux kilomètres (!), mais nous recommandons toutefois la location d’un véhicule tout-terrain. En effet, dans les monts Hajar, et en particulier dans le Djebel Shams, de nombreuses routes parfaitement goudronnées se transforment soudainement en piste, rendant certains accès impossibles sans un véhicule 4×4. Quant aux cartes routières, elles sont rares et approximatives ; celle dont nous étions dotés (International Travel Maps Oman et Yemen) a la grande vertu d’exister, mais ne nous a été que d’une piètre utilité, ne permettant pas toujours, dans les zones de montagne, de distinguer les routes des pistes. Nous conseillons donc l’utilisation d’une application GPS.
Le risque sanitaire alimentaire nous semble faible, en comparaison de nombreux pays où nous avons voyagé. Nous n’avons pas pris d’autres précautions que celle de ne boire que de l’eau en bouteille, sans subir aucun désagrément digestif. Le circuit du traitement de l’eau potable semble de bonne qualité. Aucune vaccination n’est requise pour voyager à Oman (sauf contre la covid-19), même si nous ne pouvons que conseiller vivement d’être à jour de sa vaccination contre l’hépatite A, principe de base de tout voyageur à notre avis. Le paludisme était encore présent à Oman il y a quelques années, mais y est considéré comme éradiqué depuis peu. Le pays est placé par l’Organisation mondiale de la santé dans la catégorie « phase de prévention de la réintroduction du paludisme » (OMS, World malaria report 2021). Aucune chimioprophylaxie antipaludéenne n’est donc nécessaire pour voyager dans le Sultanat.
2. Géographie et climat du Sultanat d’Oman
Le Sultanat d’Oman, pays du Moyen-Orient, occupe la partie Sud-Est de la Péninsule arabique. Bordé par la mer d’Arabie, qui n’est en réalité qu’une partie de l’Océan indien, il est séparé du Sud de l’Iran au nord par le golfe d’Oman, et situé à environ 1000 kilomètres à l’ouest de l’Inde. Le pays est presque entièrement situé entre le tropique du Cancer, qui le coupe au nord, et l’équateur (carte 1).
De façon très schématique le Sultanat d’Oman peut être présenté selon quatre zones, telles que nous les avons representées sur la carte 2. La région que nous avons traversée est celle de la côte nord et du massif montagneux des Monts Hajar. Elle a un climat très aride, avec une pluviométrie annuelle d’environ 100 mm d’eau (à titre de comparaison, la pluviométrie annuelle à Montpellier et de 740 mm). En ce printemps 2022 nous avons été surpris par la sécheresse, toutes les plantes annuelles étant déjà dessechées en cette fin mars, et depuis plusieurs semaines. À l’analyse de la pluviométrie de l’hiver 2021-2022, nous avons constaté que le déficit hydrique a été particullièrement marqué cette année (figure 1), avec une pluviométrie mensuelle moyenne de 3,5 mm d’octobre 2021 à mars 2022, pour une moyenne habituelle de 13 mm. Entre le 1e février et le 31 mars 2022, il n’est tombé qu’un seul millimètre d’eau à Mascate et à Niswa, contre 33 mm en moyenne (source https://fr.climate-data.org/).
Les deux zones les plus remarquables de cette partie nord sont incontestablement les monts Hajar, massif montagneux culminant à 3100 mètres, au Djebel Shams, et la côte entre Mascate et Sur, appelée « côte des tortues » ; nous pouvons témoigner que ce nom n’est pas usurpé : en nous arrêtant au hasard en plusieurs points de cette côte rocheuse, nous avons observé des dizaines de tortues vertes (Chelonia mydas L.) venir respirer en surface, dont la plupart dépassaient largement un mètre de longueur (planche 1).
Cette zone nord est complétée par une péninsule séparée du reste du pays par une bande territoriale appartenant aux Émirats arabes unis. Elle a une situation stratégique de tout premier ordre pour le Sultanat, puisqu’elle occupe la partie sud du détroit d’Hormuz. Cette péninsule de Musandam, que nous n’avons pas eu le temps de visiter en une semaine, est également très aride (122 mm par an), et présente un relief très escarpé et rocheux. Sa flore est assez spécifique et compte plusieurs espèces endémiques.
Plus au sud, s’étend une vaste zone de désert de sable, sur presque 1000 kilomètres du nord au sud, dite « désert central ». Encore plus aride (36 mm de pluviométrie annuelle à Duqm et 17 mm à Haima), elle est bien connue pour sa petite population d’oryx d’Arabie (Oryx leucoryx Pallas), espèce en extrême précarité qui est omniprésente dans les représentations du pays, et par ailleurs l’emblême du Qatar voisin. D’autres animaux emblêmatiques peuvent s’y rencontrer, comme l’outarde houraba (Chlamydotis undulata Jacq.), le bouquetin de Nubie (Capra nubiana F.Cuvier) ou le lynx caracal (Caracal caracal Schreber). Au niveau floristique, cette zone est évidemment moins variée, les espèces s’y rencontrant étant celles des régions d’erg, communes pour l’essentiel à l’ensemble de la Péninsule arabique.
Enfin, la partie Sud du Sultanat d’Oman est la région du Dhofar. Elle se caractérise par un climat certes aride en plaine (77 mm de pluviométrie annuelle à Salalah) mais soumis en été à la mousson venue d’Inde (khareef), avec une pluviométrie beaucoup plus importante dans les montagnes. Cette situation climatique est assez unique dans la Péninsule arabique. De petites montagnes, moins étalées que celles du Nord du pays, traversent le Dhofar d’ouest en est ; elles culminent toutefois à 1850 m. au Djebel Samhan. De toute évidence, la bonne période pour y faire de la botanique est la fin de l’été, quand les montagnes verdissent après les pluies de mousson. Cette région, riche en espèces endémiques, est en outre connue pour être la patrie de l’encens, produit par un arbre de la famille des Burseraceae, Boswellia sacra Flueck. L’encens en est la résine (hojari), obtenue par incision du tronc ou des grosses branches. Le Dhofar mérite à lui seul un voyage botanique, car environ la moitié des espèces visibles dans le Sultanat d’Oman ne s’y rencontrent que dans cette région.
3. Quelques repérages botaniques
Comme évoqué en préambule de cet article, nous n’avons pas réalisé d’herborisations détaillées au cours de notre voyage omanais, mais seulement quelques observations sporadiques. Le constat général, qui nous a surpris, est de l’état d’avancement de la végétation en cette fin mars 2022, toutes les annuelles étant séchées par le soleil. La plupart des plantes herbacées pérennes étaient également dans un état très avancé, et les floraisons ont été, de toute évidence, très réduites cette année. Le déficit pluviométrique majeur de la fin de l’année 2021 et du début de l’année 2022 explique manifestement cette situation (cf. supra).
Pour autant, il nous semble évident que l’optimum des floraisons dans la zone littorale et planitiaire nord du Sultanat, mais également dans les parties basses des Monts Hajar, se situe au cours de la deuxième quinzaine du mois de février. Quand nous reviendrons pour faire de la botanique dans cette zone (nous n’y manquerons pas), c’est donc fin février que nous le ferons.
Les identifications des espèces omanaises nécessitent évidemment des ressources bibliographiques adaptées. L’ouvrage de référence à cet effet est la flore du Sultanat d’Oman en quatre tomes (Ghazanfar, 2003, 2007, 2015 & 2018), éditée par le jardin botanique national de Belgique, que nous avons acquise, sauf le tome 1 qui est épuisé. Il s’agit d’une flore complète, à laquelle sont associés des CD-Rom avec l’iconographie, et dont le coût est modique (moins de 100 euros pour les trois tomes disponibles). Elle a été rédigée par Shahina Ghazandar, botaniste à Kew, avec qui nous avons eu le plaisir de correspondre et qui nous a généreusement fourni le volume 1 de sa flore.
Une flore de la Péninsule arabique est également disponible, mais seuls deux volumes semblent avoir été édités sur les six tomes prévus (Cope, 2007 ; Miller & Cope, 1996), et son coût est beaucoup plus élevé. Nous ne l’avons ni acquise ni consultée.
Un guide de terrain de la flore omanaise (Pickering & Patzelt, 2010), qui n’est plus disponible qu’en format électronique (à l’achat), permet de confirmer certaines identifications, même si la plupart des plantes représentées sont des endémiques du Dhofar. Enfin, un guide sur les plantes sauvages d’Oman (Winbow, 2008) a été publié il y a une dizaine d’années. Il est lui aussi peu onéreux et permet de se repérer dans les différents milieux naturels. Pour autant, il n’apporte pas grand-chose à la phase d’identification des récoltes. Annette Patzelt, grande spécialiste de la flore omanaise, a également publié le livre rouge des espèces du Sultanat (2014) ainsi qu’un article de synthèse très intéressant sur la végétation d’Oman (2015).
À l’aide de ces différents outils nous sommes parvenus à identifier toutes les plantes observées et récoltées lors du voyage, à la seule exception de deux espèces de la famille des Poaceae. Tous les échantillons sont présents dans l’herbier PCPR.
Les sites consultables sont la liste actualisée des plantes d’Oman, également produite par Shahina Ghazanfar, et un site sur la flore du Qatar, exclusivement photographique, mais fort utile pour toutes les espèces de plaine et en particulier celles poussant sur les sables.
Pour présenter nos observations, nous avons retenu la classification des milieux proposée par Patzelt (2015), en tout cas pour ceux que nous avons traversés, dans le nord du pays. Il s’agit donc pour nous de la végétation des côtes, des plaines, des monts Hajar, des wadis et des espèces rudérales. Nous ne traiterons pas des zones non explorées (désert de sable, Musandam et montagnes du sud).
3.1. La végétation des zones côtières
Nous avons observé trois types de côtes, bien distinctes les unes des autres : la côte sablonneuse, la côte rocheuse et la mangrove (planche 2).
La majeure partie de la côte nord, de Sohar à Mascale, est constituée de plages de sable, très plates et sans véritables dunes. Cette zone de sable s’étend parfois sur plusieurs kilomètres, sur lesquels la végétation est identique. Cette flore des sables se retrouve également à l’intérieur des terres, quand les sols ne sont pas trop rocheux. Nous n’y avons observé pratiquement aucun arbre, à l’exception de quelques pieds isolés de Prosopis cineraria (L.) Druce (photo 1) et Vachellia tortilis (Forssk.) Hayne (= Acacia tortilis Forssk.). L’espèce la plus remarquable de ces sables est évidemment Cistanche tubulosa (Schrenk) Hook.f., spectaculaire orobanche omniprésente, qui parasite différentes espèces. Elle était malheureusement totalement fanée à cette époque, ne laissant parfois paraître que quelques rares fleurs jaunes en haut des inflorescences.
Les espèces que nous avons notées sont par ailleurs Suaeda vermiculata Forssk. ex J.F.Gmel., le souchet Cyperus conglomeratus Rottb. subsp. conglomeratus (photo 2), très commun, Pergularia tomentosa L., les graminées Halopyrum mucronatum (L.) Stapf (fanée), Cenchrus echinatus L. (photo 3), Sporolobus spicatus (Vahl) Kunth (photo 4) et Aristida adscensionis L. (photo 5), et quelques espèces monocarpiques ayant fleuri cette année malgré la sécheresse exceptionnelle, Aizoon canariense L., Pteranthus dichotomus Forssk., Indigofera argentea L. (photo 6), Heliotropium bacciferum Forrsk. (photo 7), l’endémique arabique Tribulus macropterus Boiss. (= T. pentandrus Forssk.) (photo 8) et Lotus garcinii DC., lotier à fleurs roses déjà en extrême fin de floraison (photo 9).
La côte rocheuse, que nous avons observée entre Qurayyat et Sur (la fameuse côte des tortues), est constituée de roches basaltiques totalement dénudées à la végétation extrêmement pauvre. Elle est essentiellement couverte de lichens et, à l’exception de quelques Senna italica Mill. inattendus, nous avons observé abondant l’endémique Limonium sarcophyllum Ghaz. & J.R. Edm. (photo 10), espèce glauque sous-arbustive particulièrement robuste et cassante.
Enfin, nous avons effleuré les zones de marécages de mangrove à l’est de Mascate, au niveau de la réserve naturelle de Qurum. Très peu accessible, nous n’y avons pas herborisé et n’y avons observé qu’un palétuvier, signature de ce type de milieux, en l’occurrence Avicennia marina (Forssk.) Vierh. subsp. marina (photo 11), de la famille des Acanthaceae. Il faut rappeler ici que le terme de « palétuvier » désigne une vingtaine de plantes tropicales différentes, de familles elles-mêmes différentes (Acanthaceae, Rhizophoraceae, Combretaceae, Clusiaceae, Phyllanthaceae, etc.) dont le système racinaire aérien donne un aspect commun et qui vivent dans ces zones de marécages bercées par la marée, les pieds dans l’eau saumâtre. En bordure de mangrove, les seules espèces observées ont été Prosopis cineraria et Leucaena leucocephala (Lam.) de Vit. (photo 12), cette dernière étant ici naturalisée et en expansion, comme partout en zone intertropicale.
3.2. La végétation des plaines
Les zones de plaines de la partie nord du Sultanat sont essentiellement constituées de déserts, au substrat rocheux assez fin et dont la pluviométrie annuelle est inférieure à 100 mm (cf. supra). Les arbres y sont sporadiques, essentiellement des acacias (genres Acacia et Vachellia), et la végétation est basse, constituée de sous-arbrisseaux et de plantes herbacées. Les cultures sont rares, et essentiellement concentrées le long de la côte et autour des palmeraies (planche 3).
Cette année n’était de toute évidence pas propice à la botanique, les espèces annuelles n’étant manifestement sorties que de façon limitée, et très précocement. Nous n’avons pu en observer que très ponctuellement, et presque toujours totalement sèches, même les fruits étant déjà tombés. C’est par exemple le cas de Monsonia heliotropioides (Cav.) Boiss., magnifique géraniacée dont nous n’avons observé que les feuilles et des tiges sèches. Il en est de même pour Astragalus tribuloides Delile (ici le vrai, souvent confondu avec d’autres espèces de la section Sesamei), Erodium laciniatum (Cav.) Willd. ou Neurada procumbens L. Parmi les espèces typiques de ces zones nous n’avons pu observer en fin de floraison qu’Arnebia hispidissima (Lehm.) DC. (photo 13) ou les deux Poaceae du genre Dactyloctenium, D. aegyptium (L.) Willd. (photo 14) et surtout D. aristatum Link, beaucoup plus rare (photo 15).
Les espèces encore visibles étaient donc des plantes vivaces, pour la plupart largement fructifiées. Parmi elles, certaines sont très communes. Nous pouvons citer notamment Arvaea javanica (Burm.f.) Juss. ex Schult., étonnante amaranthacée blanchâtre (photo 16), les deux Tephrosia sous-arbustives que sont T. nubica (Boiss.) Baker subsp. arabica (Boiss.) Gillett, longuement velue et à fruits courts (photo 17) et T. apollinea (Delile) Link, pubescente et à fruits allongés et arqués (photo 18), Convolvulus prostratus Forssk. (photo 19), formant de lâches coussins de plus d’un mètre de diamètre, Rhazya stricta Decne. (photo 20), apocynacée dressée rappelant un petit laurier-rose quand il est en fruits, Ochradenus aucheri Boiss. (planche 4), resedacée aux fruits allongés ou encore Dypterigium glaucum Decne. (photo 21), dont les fleurs et les fruits évoquent une crucifère mais qui appartient à la famille des Cleomaceae.
D’autres taxons sont également communs, comme Crotalaria aegyptiaca Benth. (photo 22), les petites zygophyllacées crassulescentes Tetraena qatarensis (Hadidi) Beier & Thulin, (photo 23) et Tetraena simplex (L.) Beier & Thulin, l’acanthacée Blepharis ciliaris (L.) B.L. Burtt, aux bractées longuement et triplement vulnérantes et dont la mise sous presse est un vrai plaisir (photo 24), Salvia aegyptiaca L., la délicate Boerhavia elegans Choisy (photo 25) et les graminées Dicanthium foveolatum (Delile) Roberty, Leptochloa fusca (L.) Kunth (photo 26), Cymbopogon commutatus (Steud.) Stapf et Cenchrus ciliaris L.
Nous avons également observé plus sporadiquement d’autres espèces, qui sont probablement assez communes, comme Indigofera intricata Boiss. (photo 27), espèce subspinescente, Senna italica Miller (photo 28), qui se comporte parfois comme une rudérale, les zygophyllacées épineuses Fagonia indica Burm. f. (photo 29) et Fagonia bruguieri DC. (photo 30), Cometes surratensis L., caryophyllacée formant des coussins velus (planche 5), la labiée ligneuse Leucas inflata Benth. (photo 31), Pulicaria glutinosa (Boiss.) Jaub. & Spach (photo 32), et plus rarement l’astéracée endémique Iphionia horrida Boiss. (photo 33), Reseda aucheri Boiss. (photo 34), Echinops erinaceus Kit Tan, les fabaceaeTephrosia uniflora Pers. (= T. quartiniana Cufod. ex Greuter & Burdet ; photo 35), Tephrosia subtrifolia Hochst. ex Baker et Vachellia oerfota (Forssk.) Kyal. & Boatwr. (= Acacia nubica Benth.), magnifique acacia à grands fruits renflés, velus et pendants (photo 36).
3.3. La végétation des monts Hajar
Les Monts Hajar sont un haut lieu de la géologie mondiale. En effet, ils ont la spécificité de proposer de vastes zones de roches ophiolithiques. Il s’agit de masses de roches de lithosphère océanique qui ont été charriées sur le continent il y a environ 80 millions d’années ; il s’agit donc d’un des seuls endroits au Monde où il est possible d’étudier à pied sec la structure rocheuse de la croûte et du manteau terrestre, ici exondés (Nicolas & Ildefons, 2009), sur environ 500 kilomètres de long d’ouest en est. L’aspect général est celui de roches basaltiques, d’aspect grisâtre, souvent profondément entaillées par des failles, comme au grand canyon d’Oman (planche 6).
Là encore, cette année particulièrement sèche a donné à ces reliefs un aspect particulièrement minéral, d’aspect totalement dépourvu de toute végétation à l’exception, notamment sur les parties les plus hautes, du genévrier local, Juniperus seravschanica Kom. Les arbres y sont également sporadiques, les seuls observés en fleurs ou fruits étant des acacias, notamment Vachellia flava (Forssk.) Kyal. & Boatwr. (= Acacia ehrenbergiana Hayne ; photo 37), finement et longuement vulnérant. Deux arbustes se dégagent également des sols rocheux des monts Hajar, le premier dans les parties basses, Acridocarpus orientalis A.Juss., de la famille des Malphigiaceae, à grandes fleurs jaunes et dont les fruits sont des doubles samares (ressemblant à des fruits d’érable ; planche 7), et le deuxième, dans les parties proches des sommets, Dodonaea viscosa subsp. viscosa (L.) Jacq., de la famille des Sapindaceae, qui est parfois cultivé sous le nom de « bois de reinette » (planche 8). Ces deux arbustes sont particulièrement ornementaux, et tranchent sur ces reliefs grisâtres.
Sur les rochers, notamment en montant au grand canyon d’Oman, les plantes sont rares. Certaines espèces vues en plaine se rencontrent encore dans les parties les moins élevées, comme Boerhavia elegans Choisy, Fagonia indica Burm. f., Cometes surratensis L., Forsskaolea tenacissima L. ou Asphodelus fistulosus L., mais également des plantes rupicoles comme Andrachne telephioides L., la résédacée épineuse Ochradenus arabicus Chaudhary, aux inflorescences courtes (photo 38), la composée Euryops arabicus Steud. ex Jaub. & Spach, dans les parties les plus élevées (photo 39), ou les deux crucifères Morettia philaeana (Delile) DC. (photo 40), assez commune, et Morettia parviflora Boiss. (photo 41), beaucoup plus localisée dans les infractuosités rocheuses.
Il est évident qu’une année à pluviométrie normale nous aurait permis de voir de nombreuses autres espèces dans ces montagnes magnifiques, riches en espèces endémiques. Pour nous en convaincre nous avons observé, sur quelques mètres carrés, plusieurs espèces remarquables au bord du seul ruisseau coulant encore un peu que nous avons croisé. Il s’agit des fabacées Taverniera cuneifolia (Roch) Arn. (= T. glabra Boiss.), qui est probablement assez commune (photo 42) et Argyrolobium roseum Jaub. & Spach, délicate annuelle qui est la seule espèce du genre à fleurs roses (photo 43), de Lavandula subnuda Benth., espèce manifestement commune, de la grande crucifère à fleurs violettes Physorhynchus chamaerapistrum (Boiss.) Boiss. (planche 9) et de la boraginacée Trichodesma ehrenbergii Schweinf. ex Boiss., l’une des trois espèces du genre observée lors de cette semaine.
3.4. La végétation des wadis et des palmeraies
La sécheresse est telle en ce printemps 2022 que les zones de culture irriguée jouxtant les palmeraies à Phoenix dactylifera L. sont des endroits de choix pour observer des plantes (planche 10). C’est ce que nous avons fait pour y découvrir, au milieu des pieds de maïs (Zea mays L.) et des papayers (Carica papaya L.), de nombreuses espèces, pour la plupart annuelles. Ainsi nous avons noté les euphorbes tropicales Euphorbia heterophylla L. (photo 44) et Euphorbia hirta L. (photo 45), Diplotaxis harra (Forssk.) Boiss., les amaranthacées Amaranthus viridis L., Amaranthus albus L., Alternanthera pungens Kunth et Digera muricata (L.) Mart. à fleurs roses, la composée à capitules axillaires Flaveria trinervia (Spreng.) C. Mohr (photo 46), Bidens pilosa L., Euphorbia peplis L., Ricinus communis L., la délicate Phyllanthus niruri L., Physalis angulata L., la malvacée Sida spinosa L. (photo 47), les trois trigonelles Trigonella alba (Medik.) Coulot & Rabaute, Trigonella wojciechowskii Coulot & Rabaute et Trigonella hamosa L. (= T. glabra Thunb.), Rhynchosia minima (L.) DC. (photo 48), Cyperus rotundus L. et de nombreuses graminées : Chloris gayana Kunth (photo 49), Chloris barbata Sw. (photo 50), Cynodon dactylon L., Dactyloctenium aegyptium, Echinochloa colonum (L.) Link (photo 51) Setaria verticillata (L.) P. Beauv. et Setaria intermedia Roem. & Schult. (photo 52).
Les wadis sont des zones particulièrement réputées à Oman, objet de l’intérêt de la plupart des touristes visitant le pays, mais également des Omanais, qui viennent s’y baigner en famille. Il s’agit de ruisseaux de montagne serpentant au milieu de canyons plus ou moins profonds (planche 10). Ce sont des endroits magnifiques, justifiant à eux seuls le voyage dans le Sultanat, et dont la végétation est particulièrement intéressante. Nous avons observé celle du Wadi Shab, à Tiwi, près de Sur.
Les rives d’oued sont composées d’alternance de zones de roselières à Phragmites australis (Cav.) Trin. ex Steud. et de petites plages sablonneuses. Au milieu des roseaux on trouve en mélange Cladium mariscus (L.) Pohl, Typha domingensis Pers., Juncus rigidus Desf. et la spectaculaire graminée de plus de deux mètres Cenchrus purpureus (Schumach.) Morrone, l’herbe à éléphant, naturalisée à Oman, qui évoque de prime abord une grande sétaire à épi jaune (photo 53). À leurs pieds quelques espèces poussent dans les zones les plus humides, comme Fimbristylis ferruginea (L.) Vahl subsp. sieberiana (Kunth) Lye, la lythracée Ammania baccifera L. ou la composée Eclipta prostrata (L.) L.
La flore des zones sablonneuses des bords d’oued est de toute évidence particulièrement riche. Une observation rapide nous a permis d’y noter Eleusine indica (L.) Gaertn., Taverniera cuneifolia (Roch) Arn., l’ombellifère Ducrosia anethifolia (DC.) Boiss., les poacées Chrysopogon plumulosus Hochst. (photo 54) et Tricholaena teneriffae (L.f.) Link, une petite asteracée grisâtre, Vernonia arabica F.G. Davies (photo 55) et deux boraginacées du genre Trichodesma, T. africanum (L.) Sm. (photo 56) et l’endémique T. stocksii Boiss. (photo 57).
3.5. Les espèces rudérales et naturalisées
Nous finirons cette énumération d’espèces observées lors du séjour par les plantes rencontrées dans les espaces verts et friches urbaines, dont la plupart sont naturalisées. Il s’agit notamment des arbres Parkinsonia aculeata L., Albizzia lebbeck (L.) Benth., Pithecellobium dulce (Roxb.) Benth., aux fruits spiralés (planche 11) et Leucaena leucocephala, des graminées Eragrostis pilosa (L.) P. Beauv., Echinochloa colona, Cynodon dactylon L., Dichanthium annulatum (Forrsk.) Stapf et Cenchrus pennisetiformis Steud., et d’un ensemble d’espèces vues dans les rares endroits frais, Achyranthes aspera L., Argemone mexicana L., Oldenlandia corymbosa L. (photo 58) et les malvacées Corchorus depressus (L.) Stocks (photo 59), Corchorus trilocularis L. (photo 60) et Abutilon pannosum (G. Forst.) Schltdl. (photo 61). Sur les zones plus sèches nous avons noté les deux cléomacées Cleome amblyocarpa Barratte & Murb. (complètement fanée) et Cleome noeana Boiss. (photo 62), encore fleurie. Enfin, le pommier de Sodome, Calotropis procera (Aiton) W.T. Aiton, spectaculaire apocynacée atteignant trois mètres de hauteur, est présent un peu partout sur les sables (photo 63).
4. Conclusion
Cette présentation succincte de quelques espèces observées lors de notre excursion omanaise de fin mars 2022 montre à quel point un voyage botanique organisé fin février dans cette zone nord du pays, augmenté de passages dans la péninsule du Musandam et sur les sables du désert des Wahiba sands, sera d’un intérêt majeur. La découverte de la flore du Sultanat passera également par un deuxième voyage, en septembre-octobre, pour observer la flore du Dhofar, très différente et particulièrement riche en endémiques omanaises ou arabiques (dont beaucoup d’espèces communes avec le Yémen voisin).
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Sergeev A. Flora of Qatar. https://www.floraofqatar.com/
Remerciements
Ils s’adressent tout particulièrement à Shahina Ghazanfar, pour nos échanges cordiaux, et en particulier pour ses avis sur certains échantillons et pour le don d’un exemplaire du premier tome de sa flore du Sultanat d’Oman, ainsi qu’à Philippe Rabaute pour sa relecture de cet article.