Deux nouvelles espèces du genre Vicia (Fabaceae) découvertes en France
Title
Two new species of the genus Vicia (Fabaceae) discovered in France
Résumé
Deux nouvelles espèces du genre Vicia, V. vicioides (Desf.) Cout. et V. monardii Boiss., ont été découvertes cette année dans le sud de la France, en Provence, à quelques jours d’intervalle. Ces deux espèces occasionnelles sont en cours de naturalisation, tout particulièrement la première. Elles nous semblent devoir être intégrées à la liste des plantes de la flore de France et à la clé d’identification du genre. Ces deux taxons, endémiques du sud-ouest de la Méditerranée, n’avaient jamais été observés en France, sauf à considérer une citation imprécise de la fin du XIXe siècle. Nous proposons une synthèse de ces observations, un rappel sur la chorologie des espèces et une clé des « faux Ervum » présents en France.
Abstract
Two new species of the genus Vicia, V. vicioides (Desf.) Cout. and V. monardii Boiss., have been discovered this year in the south of France, in Provence, within a few days of each other. These two occasional species are being naturalized, especially the first one. They seem to us to have to be integrated into the list of the plants of the flora of France and into the identification key of the genus. These two taxa, endemic to the southwestern Mediterranean, had never been observed in France, except for an imprecise citation from the end of the 19th century. We propose a synthesis of these observations, a reminder of the chorology of the species and a key to the « false Ervum » present in France.
Deux nouvelles vesces, très proches l’une de l’autre, ont été découvertes en France à une journée d’intervalle au printemps 2021. Ces deux plantes sont naturalisées pour l’une près de Toulon et pour l’autre près de Nice. Même si la première semble moins stabilisée que la seconde, il nous semble pertinent de considérer ces deux espèces comme appartenant à la flore de France, au titre de néophytes. Nous reprendrons ici le détail de ces observations et le positionnement de ces deux espèces au sein du genre. Enfin, nous proposerons une clé de ce qu’il convient d’appeler les « faux Ervum », plantes du genre Vicia appartenant à la section Cracca, mais dont la petite taille des fleurs les a souvent fait considérer à tort comme proches des espèces du genre Ervum.
1. Découvertes simultanées de deux nouvelles vesces en France
Le genre Vicia vient de s’enrichir, pour la flore de France, de deux nouvelles espèces en l’espace de vingt-quatre heures. En effet, au début du mois de mai 2021, deux plantes appartenant à la section Cracca (Medik.) Dumort. ont été observées pour la première fois en France dans le Var et les Alpes-Maritimes.
Le 2 mai 2021, l’un d’entre nous (RD) a découvert une légumineuse annuelle dans la zone de l’ancienne carrière romaine de La Turbie, au dessus de Beausoleil, au mont Justicier. La plante, très caractéristique par ses petites fleurs et sa pilosité dense, a été d’emblée identifiée comme Vicia vicioides (Desf.) Cout. (photos 1 et 2). Cette espèce n’avait jamais été observée en France.
Une analyse approfondie du site faite le 17 mai 2021, montre que la plante est manifestement bien implantée, une petite centaine de pieds étant visible dans des zones rocheuses et des éboulis grossiers, au sein d’un maquis dominé par Euphorbia dendroides L. Les autres arbustes présents sont notamment Pistacia lentiscus L., P. terebinthus L., Olea europaea L., Phillyrea latifolia L., Cytisus spinosus (L.) Bubani, Cistus albidus L., Jasminum fruticans L. Parmi les espèces herbacées présentes, Allium acutiflorum Loisel., A. roseum L., Asplenium petrarchae (Guérin) DC., Argyrolobium zanonii (Turra) P.W. Ball, Bituminaria bituminosa (L.) C.H. Stirt., Centaurea paniculata L., Centhranthus ruber DC., Convolvulus cantabrica L., Euphorbia spinosa L., Himantoglossum robertianum (Loisel.) P. Delforge, Hypericum perforatum L., Lathyrus cicera L., L. clymenum L., L. oleraceus subsp. biflorus (Raf.) H. Schaef., Coulot & Rabaute, L. setifolius L., Malva subovata (DC.) Molero & J.M. Monts., Nigella damascena L., Ophrys bertolonii Moretti, Ophrys massiliensis Viglione & Véla, Ophrys fusca Link, Phagnalon saxatile (L.) Cass., Phelipanche nana (Reut.) Soják, Potentilla pedata Willd. ex Hornem., Ruta angustifolia Pers., Stachys recta L. subsp. recta, Sideritis romana L., Trifolium scabrum L. subsp. scabrum et Urospermum dalechampii (L.) Scop. ex F.W. Schmidt.
La plante maralpine est en tous points conforme à nos échantillons récoltés en Andalousie et au Maroc et à la description faite par Desfontaines (1799) sous le nom d’Ervum vicioides :
- plante densément pubescente, volubile (photo 15),
- feuilles à 5-7 paires de folioles elliptiques ou lancéolées (photo 3),
- stipules linéaires lancéolées, aiguës et entières (photo 4),
- pédoncules portant 5-10 (15) fleurs, de taille proche de celle de la feuille adjacente (photo 5),
- calices courts (moins de 5 mm), densément velus, à dents subégales, subulées et généralement plus longues que le tube (photo 6),
- corolles de 5-7 mm environ, de couleur rose, à carène tachée de pourpre à l’apex (photo 2),
- gousses de 15-20 mm de long, assez larges (6-10 mm), comprimées, glabres et non réticulées, à 2-3 graines (photo 7).
Le 3 mai 2021, à l’occasion d’une herborisation visant à répertorier des orchidées, l’un d’entre nous (YM) a découvert une petite vesce en pleine floraison, au niveau de l’ancien lazaret de Saint-Mandrier-sur-Mer, dans le Var (photos 8 et 9). La plante poussait dans une garrigue sur sol acide, manifestement partiellement plantée de jeunes arbres et arbustes au milieu d’arbustes de garrigue classiques. Nous y avons relevé le 16 mai 2021 Acer monspessulanus L., Arbutus unedo L., Cercis siliquastrum L., Cistus albidus L., C. monspeliensis L., Coronilla juncea L., Cytisus spinosus, Phillyrea angustifolia, Ph. latifolia, Pistacia lentiscus, P. terebinthus, Quercus coccifera L. et Q. ilex L., ainsi que de très nombreux thérophytes comme Andryala integrifolia L., Anisantha madritensis (L.) Nevski, A. rubens (L.) Nevski, Arenaria leptoclados (Rchb.) Guss., Avellinia festucoides (Link) Valdés & H. Scholz, Bituminaria bituminosa, Briza maxima L., Erodium malacoides (L.) L’Hérit., Euphorbia exigua L., Fumaria capreolata L., Galactites tomentosus Moench, Hordeum murinum L. subsp. leporinum (Link) Arcang., Hyoseris radiata L., Lathyrus clymenum L., Medicago minima (L.) L., M. truncatula Gaertn., Plantago afra L., Rapistrum rugosum (L.) All., Reichardia picroides (L.) Roth, Rostraria cristata (L.) Tzvelev, Trigonella smallii Coulot & Rabaute, Scorpiurus subvillosus L., Silene gallica L., Trifolium subterraneum L., Tuberaria guttata (L.) Fourr., Urospermum dalechampii, et des herbacées vivaces, Asparagus acutifolius L., Brachypodium retusum (Pers.) P. Beauv., Carex halleriana Asso, Cephalanthera rubra (L.) Rich., Coris monspeliensis L., Dactylis glomerata L. subsp. hispanica (Roth) Nyman, Daphne gnidium L., Himantoglossum robertianum, Hypericum perforatum L., Lobularia maritima (L.) Desv., Lotus dorycnium L., Oloptum miliaceum (L.) Röser & Hamasha, Pallenis spinosa (L.) Cass., Phagnalon saxatile, Pulicaria odora (L.) Rchb., Ruta angustifolia, Serapias vomeracea (Burm. f.) Briq., S. parviflora Parl. et Smilax aspera L.
Initialement rapportée sans conviction à Vicia leucantha Biv., espèce naturalisée dans les Alpes-Maritimes et le Var, cette plante a été identifiée sur photos comme étant V. monardii Boiss., ce que nous avons pu confirmer lors d’une nouvelle visite sur site le 16 mai 2021.
La plante varoise est en tous points conforme à la description de l’espèce, telle qu’établie par Pierre-Edmond Boissier en 1852 dans les addenda de son ouvrage écrit avec George Reuter pour décrire de nouvelles plantes du sud de l’Espagne et d’Afrique du Nord (Boissier & Reuter, 1852). Ses principales caractéristiques sont les suivantes :
- plante à pubescence peu dense (photo 16),
- feuilles à 5-8 paires de folioles elliptiques (photo 10),
- stipules dimorphes, l’une entière, l’autre dentée (photo 11 ; nous devons remarquer que les échantillons de Saint-Mandrier ont des stipules moins découpées que dans certaines descriptions, et assez variables d’une feuille à l’autre. Leur aspect rappelle plutôt celui des stipules de Vicia monantha. Ce critère semble très variable de façon générale au sein de l’espèce, le lobe principal présentant de zéro à trois dents sur les échantillons espagnols et algériens que nous avons observés),
- pédoncules portant 5 à 9 fleurs, plus courts ou atteignant la feuille adjacente (photo 12 ; il faut remarquer que le nombre de fleurs par pédoncule sur les plantes du Var est légèrement plus important que dans les descriptions des plantes ibériques mais conforme à la description de Boissier sur des plantes d’Algérie),
- calices courts et zygomorphes (moins de 5 mm), à dents inégales, étroitement triangulaires, l’inférieure plus longue que les médianes et les supérieures (photo 13),
- corolles de 7-9 mm, de couleur rose lilacé à carène tachée de pourpre à l’apex, devenant bleues à la dessiccation (photos 9 et 12),
- gousses de plus 30-35 mm de long, larges (12-15 mm), comprimées, glabres et réticulées, à 4 graines (photo 14).
2. Répartition de Vicia vicioides et V. monardii
Vicia vicioides a été décrite en 1799 sous le genre Ervum par Desfontaines, dans sa flore d’Algérie. Cette approche montre bien la confusion historique entre les « vrais Ervum » et ce qu’il convient d’appeler les « faux Ervum », sur laquelle nous reviendrons. Le type est algérien, sans plus de précisions.
Cette espèce est présente dans le Maghreb, au Maroc (Raynaud, 1976 ; Hormat, 1999) et en Algérie, mais n’a jamais été observée en Tunisie. Elle semble en effet ne pas se rencontrer très à l’est de l’Oranais, où Battandier (1888) la considère comme assez commune. Sa limite orientale semble toutefois à préciser.
Dans la péninsule Ibérique V. vicioides est également présente, où elle a été originellement décrite par Edmond Boissier sous le nom de Vicia erviformis (1839), qu’il synonymise d’ailleurs avec la plante de Desfontaines sans en retenir l’épithète, qui était pourtant parfaitement valide. Il n’a été rectifié qu’en 1913 par Coutinho dans sa flore du Portugal. Le choix de Boissier de retenir une autre épithète est probablement lié à l’existence du binome Arachus vicioides, établi en 1787 par Medikus, qui était déjà, à l’époque, synonymisé avec Vicia bithynica (L.) L. Par contre, la combinaison Vicia vicioides n’avait jamais été publiée quand Boissier a décrit Vicia erviformis.
L’espèce est actuellement connue dans une large zone et elle semble en expansion dans la péninsule Ibérique, en Espagne et au Portugal (Valdès et al., 1987 ; Romero Zarco, 1999 ; Blanca et al., 2009), remontant même jusqu’à la province d’Alicante (Pérez-Haase, 2008). Il semble toutefois difficile d’établir les zones où la plante est sauvage et celles où elle est naturalisée. Le doute demeure notamment sur son indigénat au Portugal.
Vicia monardii a quant à elle été décrite sur des échantillons récoltés près d’Alger. La mention de Boissier « Hab. propè Algeriam (Monnard in herb. Fauché), in dumetis montis Boudjareah (Bové) » a permis à Romero Zarco (1997) de lectotypifier ce taxon sur une récolte faite près d’Alger en 1840 et présente dans l’herbier Fauché sous la référence 589. Il est d’ailleurs intéressant de noter dans le protologue la référence à « Monnard » (avec deux « n ») alors que l’épithète utilisé est « monardi » (avec un seul n). Le récolteur du type est très probablement Pascal Monard, médecin, militaire qui a servi à Alger de 1830 à 1844, et non pas Jean-Pierre Monnard, botaniste suisse plus connu que le précédent (V. Malécot, comm. pers.). L’épithète de Boissier « monardi », latinisée postérieurement en « monardii », est donc correctement orthographiée.
La plante était considérée comme endémique maghrébine. Selon Battandier (1888), elle était connue uniquement d’Algérie dans les régions de Kabylie, du Chélif et de l’Atlas, mais elle est manifestement plus répandue dans ce pays (Melzi, 2018). Elle est également connue du nord de la Tunisie (Pottier-Alapetite, 1979). Mais Romero Zarco (loc. cit.) a mis plus récemment en évidence la synonymie de Vicia monardii et de V. baetica Lange in Willkomm & Lange (1877, Prodr. Fl. Hispan., 3 : 306), espèce supposée endémique andalouse et décrite postérieurement. V. monardii a donc une aire réduite, du nord de la Tunisie et de l’Algérie à la moitié occidentale de l’Andalousie, dans les provinces de Cadix, Séville, Ronda et Malaga (Valdès et al., 1987 ; Romero Zarco, 1999 ; Blanca et al., 2009). La plante pousse à moins de 1 000 m d’altitude.
Nous n’avons trouvé aucune trace dans la littérature de naturalisation ni de Vicia vicioides ni de V. monardii, si ce ne sont les populations naturalisées de V. vicioides dans le sud de la péninsule Ibérique (cf. supra). Ces deux espèces sont donc inédites en Europe en dehors de leur aire de répartition.
La seule observation de Vicia vicioides en Europe non ibérique est en réalité celle faite par le botaniste niçois Francis Ivaldi au printemps 2012 à La Turbie, exactement au même endroit que le lieu de sa découverte en 2021 ; il avait identifié la plante sans certitude comme Vicia villosa Roth ss str (F. Ivaldi, comm. pers.). Les photographies prises à l’époque étaient restées non identifiées et ont été retrouvées cette année par Benoît Offerhaus (comm. pers.). La plante est donc présente sur le site du mont Justicier depuis au moins dix ans.
3. Vicia monardii en France : une nouveauté ?
L’observation faite par Yves Morvant est la première pouvant incontestablement être rapportée à Vicia monardii en France. Pour autant, un doute existe sur la présence ponctuelle de la plante dans le Var depuis la fin du xixe siècle, après qu’Émile Jahandiez ait cité une observation de « Vicia durandi Boiss. » sur la commune de Sanary-sur-Mer, dans un champ inculte « vers la Coudoulière », faite par Honoré Roux en 1875. Ce lieu-dit se situe en réalité sur la commune de Six-Fours-les-Plages, sur la côte ouest de la péninsule située au sud-ouest de la ville de Toulon et dont les deux autres communes sont La Seyne-sur-Mer et, plus à l’est, Saint-Mandrier-sur-Mer. À vol d’oiseau, les deux observations de 1875 et 2021 sont distantes d’à peine dix kilomètres (carte 1).
Le binome Vicia durandii a été créé par Boissier en 1843 dans le neuvième volume de Diagnoses Plantarum Orientalium novarum. Il a été lectotypifié par Romero Zarco en 1997 (loc. cit.), sur un échantillon récolté par Philippe Durand à Tanger, au Maroc, et ayant été propriété successive de Pavon puis de Boissier. La plante correspond à Vicia altissima Desf., très grande vesce à grandes fleurs et longs fruits, appartenant à la section Pedunculatae Rouy.
Pour des raisons que nous n’arrivons pas à établir, les auteurs espagnols du xxe siècle avaient jusqu’alors synonymisé V. durandii avec V. baetica Lange, synonyme de V. monardii. C’est notamment le cas de Guinea López, monographe des vesces d’Espagne (1953) ou plus récemment de Valdès et al. (1987) dans la flore d’Andalousie occidentale. C’est probablement la raison de la mention manifestement erronée de V. monardii à Tanger dans la Flore pratique du Maroc (Hormat, loc. cit.).
La mention de Jahandiez est donc énigmatique, et jusqu’à présent il était, sans échantillon d’herbier, impossible de savoir si elle correspondait à V. monardii ou à V. altissima (Coulot & Rabaute, 2016). Il est possible qu’il s’agisse de la seconde espèce, désormais largement répandue dans la corniche des Maures, où elle a été observée pour la première fois en 1904 entre Cavalaire et Le Lavandou (Verguin, 1906). Toutefois, d’une part l’observation de Verguin était située à une cinquantaine de kilomètres de celle de Roux, dans des milieux manifestement différents, et d’autre part Jahandiez connaissait bien Vicia altissima. L’hypothèse la plus probable est donc qu’il ait cité Vicia durandii au sens des auteurs espagnols, donc de Vicia monardii .
La découverte de Vicia monardii à Saint-Mandrier-sur-Mer, près de cent-cinquante ans après l’observation de Roux, laisse donc imaginer que cette mention de Vicia durandii corresponde bien à V. monardii. Dans cette hypothèse, cette espèce annuelle aurait pu se maintenir à bas bruit dans la péninsule du Sud-Toulonnais, sans s’y développer. La population observée en 2021 pourrait alors être une descendance lointaine de celle de 1875. Pour mémoire, le lieu de l’observation de notre vesce est situé dans le périmètre de l’ancien lazaret, construit au cours de la deuxième moitié du xviie siècle, alors que Saint-Mandrier était un quartier de La Seyne-sur-Mer (Faivre-Chevrier, 2020). Il s’agissait d’un lieu de mise en quarantaine des passagers, équipages et marchandises arrivant au port de Toulon en provenance de ports où sévissait la peste, en particulier d’Afrique du Nord. Le stockage de marchandises, contenant de nombreuses semences, a provoqué l’implantation, le plus souvent temporaire, de très nombreuses plantes occasionnelles.
Une autre hypothèse, incontestablement la plus crédible, est une implantation indépendante de V. monardii à Saint-Mandrier. Le coteau où se développe la plante est manifestement planté de jeunes arbres depuis quelques années, en mélange avec des arbustes et arbres sauvages. Il est tout simplement possible que V. monardii soit arrivé là avec ces végétaux horticoles.
4. Position de ces espèces au sein du genre Vicia et clé d’identification des « faux Ervum » de France et tableau comparatif
Ces deux espèces appartiennent à une groupe de vesces ouest-méditerranéennes à petites fleurs, pouvant évoquer, quand elles sont en fleurs, des Ervum. C’est d’ailleurs ce qui vaut le nom d’une d’entre elles, Vicia suberviformis Maire, également présente au Maroc et en Andalousie. Mais ce groupe compte également V. leucantha Biv., un peu plus orientale en Italie, Tunisie et jusqu’en Croatie, les endémiques marocaines V. fairchildiana Maire et V. lecomtei Font Quer & Maire, et enfin V. disperma DC., plus commune mais également cantonnée à l’ouest de la région méditerranéenne.
Ces espèces, dont certaines ont souvent été intégrées au sein du genre Ervum, en sont en réalité très éloignées, et appartiennent à la section Cracca (Medik.) Dumort. Elles ont notamment des grands fruits, larges et fortement comprimés, qui n’ont rien à voir avec les fruits d’Ervum. Dans sa description de Vicia erviformis, Boissier (1839) écrivait déjà qu’il ne pouvait s’agir d’un Ervum en raison, notamment, de la forme du fruit, qu’il qualifie de « infiniment plus élargis en proportion de leur longueur » (par rapport aux Ervum, ndlr).
Les études de phylogénie moléculaire récentes ont depuis réaffirmé d’une part que ces plantes n’étaient pas des Ervum et d’autre part qu’elles étaient à classer au sein de la section Cracca, à côté des plantes des groupes de Vicia cracca L. et de V. villosa. C’est notamment le cas dans l’étude considérable de Schaffer et al. (2012). Ce constat est d’ailleurs parfaitement corrélé à la morphologie. Le seul critère de la taille des fleurs a donc longtemps trompé les botanistes.
Les observations de V. monardii et V. vicioides en France nécessitent de les intégrer au sein de la clé d’identification du genre Vicia en France, comme le sont d’autres espèces introduites actuellement présentes sur le territoire en populations réduites, comme V. leucantha ou V. grandiflora Scop. Nous nous contenterons pour le présent article de distinguer les quatre « faux-Ervum » de la flore française, en l’occurrence V. disperma, V. leucantha, V. monardii et V. vicioides et de présenter un tableau permettant de les discriminer (tableau 1).
Clé d’identification des « faux Ervum » de la flore française
1 – Étendards de 3,5-5,5 (7) mm ; fruits subrhomboïdaux ou elliptiques, de moins de 20 mm de long ………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….. 2
1’ – Étendards de 6-9 mm ; fruits oblongs-elliptiques, de plus de 25 mm de long …………………………………………… 3
2 – Plante peu velue à subglabre ; inflorescences à (1)2-4(5) fleurs ; dents du calice pubérulentes, inégales, les supérieures nettement plus courtes que le tube ; étendards de moins de 6 mm ; carènes non tachées à l’apex ………………………………………………………………………… V. disperma (R : Occitanie, AC : PACA, C : Corse)
2’ – Plante densément pubescente ; inflorescences à (3)5-10(20) fleurs ; dents du calice densément velues, subégales, toutes aussi longues ou plus longues que le tube ; étendards de 5-8 mm ; carènes tachées à l’apex ………………………………………………………………………………………………………………………………………………… V. vicioides (RR : 06)
3 – Dents du calice subulées, subégales, de 2,5-3,5 mm ; corolles bleutées ou blanchâtres à carène tachée de bleu ; ailes environ 1,5 fois aussi longues que la carène ……………………… V. leucantha (RR : 06, 83)
3’ – Dents du calice étroitement triangulaires, inégales, les plus longues (inférieures) de 2,5 mm : corolles d’un rosé lilacé à carène tachée de pourpre ; ailes près de deux fois aussi longues que la carène ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… V. monardii (RR : 83)
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Remerciements
Nous remercions Francis Ivaldi, Benoît Offerhaus, ainsi que Valéry Malécot pour son analyse nomenclaturale.