Taraxacum tiroliense Dahlst., nouveau pour la flore de France

Title

Taraxacum tiroliense Dahlst., new for the French flora

Résumé

Taraxacum tiroliense Dahlst. a été découvert en plusieurs stations des Alpes françaises. Il s’agit de la première mention française de ce taxon indigène. Cette note présente les circonstances de son observation, une description de l’espèce, son écologie et sa chorologie. Nous proposons également une clé de détermination actualisée pour la section Cucullata Soest. en France.

Abstract

Taraxacum tiroliense Dahlst. was discovered at few localities of French Alps. This is the first French mention of this native taxon. This note presents the circumstances of its observation, the species description, its ecology and its chorology. We also offer an updated determination key for the Cucullata Soest section in France.

1. Introduction

Le 24 juillet 2018, lors d’un inventaire floristique sur le territoire de la commune d’Uvernet-Fours (Alpes-de-Haute-Provence), un pissenlit perché sur les vires rocheuses du couloir nord du Ventebrun, à 2 770 m d’altitude, attire notre attention. Ses ligules involutées (photo 1) nous font penser de prime abord à Taraxacum cucullatum Dahlst. Sa morphologie foliaire et son écologie différente de ce dernier nous interpellent, d’autant que les morphoses sont très fréquentes chez les pissenlits. Des échanges s’en suivent avec Jean-Marc Tison, spécialiste du genre en France, qui confirme que ce taxon n’est pas T. cucullatum Dahlst. et qu’un pissenlit semblable a été observé par Lenz Meierott, botaniste allemand, vers le col de l’Izoard à Casse Déserte le 13/07/2010 (J.-M. Tison, comm. pers., 2018). Le genre Taraxacum F.H. Wigg. étant assez méconnu dans les Alpes du Sud, il est possible que nous ayons affaire à un taxon non encore décrit ou simplement à une morphose d’individus de la section Alpestria Soest.

Photo 1. Taraxacum tiroliense Dahlts., Uvernet-Fours, le 24/07/2018 ; © S. Abdulhak.

Au cours de l’année 2020, nous avons mené des recherches ciblées sur les pissenlits alpins, ce qui nous a permis de découvrir trois nouvelles stations de ce taxon dans le Queyras (Hautes-Alpes). Sur le terrain, les individus présentent les mêmes caractéristiques morphologiques. Suite à leur mise en culture estivale, nous observons des caractères morphologiques stables sur les repousses automnales et printanières. Un dépouillement bibliographique de la section Cucullata Soest nous a permis de déterminer ce taxon comme Taraxacum tiroliense Dahlst., une similitude confirmée par un taraxacologue autrichien, Ingo Uhlemann (comm. pers., 2020).

2. Caractéristiques morphologiques de Taraxacum tiroliense

De prime abord, ce taxon se caractérise par ses fleurs aux ligules involutées de couleur jaune pâle (photo 2), attributs propres uniquement à la section Cucullata Soest (Soest, 1959).

Photo 2. Caractères morphologiques de Taraxacum tiroliense Dahlst. ; © S. Abdulhak.

D’après nos observations réalisées in situ et ex situ (photos 2 et 3) et grâce à la mise en culture de trois individus collectés en France, les plantes françaises présentent les caractéristiques suivantes : les premières feuilles et les feuilles externes (photo 5) sont d’abord indivises munies de larges dents acuminées, puis roncinées avec deux-trois paires de segments médians. La base du limbe est progressivement atténuée en long pétiole finement ailé. Le segment terminal est subentier obtus ou sagitté. Les feuilles internes (photo 6) sont quant à elles pennatipartites à pennatiséquées, pourvues de (3)4 à 6(7) paires de segments médians falciformes à base élargie et à marges distales munies de longues dents subulées. Les segments foliaires peuvent être extrêmement laciniés et dentés lorsque les individus sont exposés au stress (hydrique, thermique). Les sinus sont tout aussi dentés ou munis de lobes subulés. Le lobe terminal est triangulaire, plus long que large, hasté ou sagitté, subentier ou muni de rares dents. Les feuilles sont recouvertes d’une pilosité courte bien visible sur les deux faces, la nervure centrale est souvent rosée et les nervures secondaires sont marquées. Les pétioles sont étroitement ailés sur les premières feuilles et les feuilles externes mais s’élargissent considérablement sur les feuilles médianes et internes pour atteindre près de 3 mm de largeur.

Photo 3. Part d’herbier de Taraxacum tiroliense Dahlst., provenant de Ristolas, Queyras (cultivé) ; © S. Abdulhak.
Photo 5. Rosettes de premières feuilles de Taraxacum tiroliense Dahlst., les premières feuilles sont indivises dentées, les suivantes roncinées, puis pennatipartites à pennatiséquées à segments dentés ; noter aussi les nervures secondaires marquées ; individu cultivé provenant du Queyras (Hautes-Alpes) ; © S. Abdulhak.
Photo 6. Variabilité foliaire de Taraxacum tiroliense Dahlst., individu cultivé provenant du Queyras (Hautes-Alpes) ; © S. Abdulhak.

Les ligules externes sont involutées et soudées en tube en deçà de leur mi-longueur. Elle sont de couleur jaune champagne à jaune paille et lavées de pourpre à la face externe. Les pédoncules des capitules sont aranéeux, verdâtres et parfois teintés de rose. Critère remarquable chez cette espèce, les bractées involucrales externes sont ovales lancéolées particulièrement imposantes, avec une largeur de 3,5 à 4 mm et une longueur de 7 à 10 mm. Celles-ci sont munies d’une large marge translucide et sont fortement rosées, notamment à la face externe. Elles sont en position dressée, récurvée, voire enroulée extérieurement à l’anthèse. Les bractées involucrales internes ont une nervure médiane saillante et épaissie à l’apex. Les individus observés étaient dépourvus de pollen. Les stigmates sont jaunes à la face interne, munis de poils noirs à la face externe, ce qui leur donne une teinte légèrement verdâtre. Enfin, les akènes, de couleur beige très pâle, sont remarquables par leur grande taille, avec un corps de 4 à 4,5 mm (3,75 mm dans la diagnose) et un cône de 0,5-0,8 mm de long.

Ces observations morphologiques correspondent aux informations relevées dans le protologue (Dahlstedt, 1907), ainsi qu’aux observations que nous avons réalisées sur une vingtaine de parts d’herbier numérisées (Herbarium WU, Institute of Botany, University of Vienna, http://herbarium.univie.ac.at/ ; Naturalis Biodiversity Center, https://www.naturalis.nl ; Sweden’s Virtual Herbarium, http://herbarium.emg.umu.se ; Stöhr & Pils, 2018 : 30) et sur les photographies disponibles sur internet (Uhlemann, 2015, fig. 3 p. 21 ; Stöhr, Botanik im Bild http://flora.nhm-wien.ac.at/Seiten-Arten/Taraxacum-tirolense.htm).

Ainsi, sur un des types de H. Dahlstedt (photo 4), on note les segments médians aux marges distales et aux sinus dentés, ainsi que des bractées involucrales externes de 3-4 mm de large. Le niveau d’incision et la dentition des limbes sont variables d’un individu à l’autre, ce qui s’observe également sur les différentes parts d’herbier. L’individu photographié par O. Stöhr le 26 juillet 2010 et provenant de Carinthie en Autriche (Botanik im Bild) présente des feuilles identiques aux individus rencontrés en France, avec des segments médians à base élargie fortement dentée sur les marges distales.

Photo 4. Syntype de Taraxacum tiroliense Dahlst., Sweden’s virtual herbarium, catalogue n° S13-10679.

3. Contexte floristique et écologique

Taraxacum tiroliense Dahlst. est décrit du Tyrol, au nord de l’Autriche, sur des sols calcaires peu végétalisés à 2 226 m d’altitude (Dahlstedt, 1907). En Autriche, Stöhr et Pils notent qu’il occupe les pâturages alpins riches en blocs entre 1 600 m et 2 160 m d’altitude. Ils supposent que l’espèce est plutôt silicicole (Stöhr & Pils, 2018 : 28). Soest (1959) rapporte sa présence uniquement aux régions alpines orientales à des altitudes situées entre 1 770 m. et 2 700 m sans préciser la nature du milieu. Nous n’avons pas trouvé d’informations plus détaillées sur son habitat dans la littérature.

D’après nos observations, l’espèce affectionne les milieux instables situés entre 2 200 et 2 800 m d’altitude, à la transition entre des pelouses arctico-alpines chionophiles et des végétations d’éboulis ou d’alluvions calcaires à acidiclines alpins. Ainsi en compagnie de Taraxacum tiroliense, nous avons noté les espèces suivantes : Agrostis alpina, Armeria alpina, Astragalus alpinus, Carex curvula subsp. rosae, C. parviflora, Cerastium latifolium, Cirsium spinosissimum, Doronicum grandiflorum, Helictotrichon sedenense, Hornungia alpina, Isatis alpina, Linaria alpina, Noccaea rotundifolia, Oxyria digyna, Oxytropis helvetica, Ranunculus glacialis, Saxifraga oppositifolia, Silene acaulis subsp. longiscapa, Soldanella alpina. Physionomiquement il s’agit de végétations très éparses, d’éboulis ou de pelouses primaires écorchées sur substrats rocailleux frais et humides neutro-acidiclines à calcaires. Ces habitats appartiennent principalement aux alliances phytosociologiques suivantes :

  • Androsacion alpinae (code PVF1 71.0.6.0.3 ; code EUNIS H2.31, H2.32 ; code Eur 28 8110),
  • Drabion hoppeanae (code PVF1 71.0.4.0.2 ; code EUNIS H2.41 ; code Eur 28 8120),
  • Thlaspion rotundifolii (code PVF1 71.0.3.0.2 ; code EUNIS H2.42, H2.43 ; code Eur 28 8120),
  • Oxytropido-Elynion myosuroidis (code PVF1 17.0.1.0.1 ; code EUNIS E4.42, code Eur 28 6170),
  • Arabidion caeruleae (code PVF1 61.0.1.0.1 ; code EUNIS E4.12, F2.12, code Eur 28 6170),
  • Salicion herbaceae (code PVF1 61.0.2.0.1 ; code EUNIS E4.11, F2.11 ; code Eur 28 6150).

 

En termes d’écologie, Taraxacum tiroliense Dahlst. est un taxon probablement spécialiste du fait de sa tolérance au stress et aux perturbations du milieu plus ou moins mouvant, mais peu compétitif car il est inféodé aux sols minéraux où la végétation se fait rare. Taraxacum cucullatum Dahlst. présente une tout autre écologie : il est systématiquement associé aux pelouses chionophiles assez denses en végétation du Salicion herbaceae. Plus compétitif, il est implanté au sein de gazons à Alopecurus gerardii, Carex foetida, Salix herbacea, Sibbaldia procumbens, Alchemilla spp. et la flore classique des combes à neiges acides.

Nous n’avons jamais observé plus de deux individus de Taraxacum tiroliense sur chaque station, ce qui révèle probablement des populations non seulement rares et localisées mais aussi peu dynamiques. C’est un facteur de vulnérabilité qui devra être considéré lors de l’évaluation de son statut UICN dans le cadre des listes rouges de la flore vasculaire.

4. Chorologie

Le taxon a été décrit du Tyrol autrichien et observé en plusieurs localités des Alpes autrichiennes, de la Carinthie jusqu’au Liechtenstein et à la frontière suisse (Soest, 1959 ; Uhlemann, 2015). Il a été observé en Italie dans le Sud-Tyrol, versant sud du Torwand à 2 200 m. d’altitude (Uhlemann, 2015 ; Bartolucci et. al., 2018), et en Allemagne au Frauenalpl (Dunkel, 1992 ; Metzing et al., 2018). Il n’est pas mentionné en France (Tison & de Foucault, 2014) et a été cité par erreur en Suisse (Soest, 1969).

À ce jour, il n’était donc connu que des Alpes d’Autriche, du Liechtenstein et du Tyrol en Italie (Kirschner et al., 2007+). L’espèce était donc considérée comme endémique des Alpes orientales.

Depuis 2018, nous l’avons observé en cinq localités du Queyras et de l’Ubaye dans les Alpes sud-occidentales, à plus de 300 km à vol d’oiseau des sites les plus proches connues au Liechtenstein. Ce hiatus spatial est probablement lié à sa rareté, mais aussi aux confusions possibles avec Taraxacum cucullatum Dahlst. et à la méconnaissance générale du genre Taraxacum dans les Alpes françaises.

Ainsi nous pouvons rapporter à ce taxon des observations antérieures de Taraxacum indéterminés : celle de Lenz Meierott (J.-M. Tison, comm. pers., 2018) à Casse Déserte, col de l’Izoard, Hautes-Alpes, le 13 juillet 2010, et celle de F. Le Driant (comm. pers. 2020) au même endroit le 29 juin 2010.

Aujourd’hui, ce pissenlit endémique alpin n’est connu que de sept localités françaises (carte 1) situées dans le Queyras (Hautes-Alpes) et l’Ubaye (Alpes-de-Haute-Provence) : une à Arvieux (observations de L. Meierott et F. Le Driant, détermination de S. Abdulhak), deux à Ristolas, une à Saint-Véran (observation de L. Bizard du 26/07/2021, détermination de S. Abdulhak), une à Molines-en-Queyras, une à Uvernet-Fours et une à Saint-Paul-en-Ubaye (03/08/2021).

Carte 1. Carte de répartition des observations de Taraxacum tiroliense en France ; réalisation S. Abdulhak, source : Géoportail – IGN.

5. Risque de confusion et proposition de clé de détermination pour la section Cucullata Soest en France

Au stade de la floraison, ce taxon peut être confondu principalement avec Taraxacum cucullatum Dahlst. aux ligules jaune paille, mais lavées de brun ou de gris extérieurement, et aux feuilles bien différentes. D’autres taxons présentent des ligules enroulées et peuvent porter à confusion : c’est surtout le cas de Taraxacum mattmarkense Soest (section Erythrocarpa Soest). Ce taxon est dépourvu de pollen, ses ligules sont jaunes à jaune-orangé et ses bractées involucrales sont corniculées. Le risque d’erreur est également possible avec des morphoses de divers taxons de la section Alpestria Soest ou Alpina G.E. Haglund (photo 6) qui présentent des ligules enroulées. Dans tous les cas, la présence ou l’absence de pollen, la couleur des ligules, la forme des bractées involucrales et des limbes sont discriminantes.

La section Cucullata Soest comptait initialement une dizaine d’espèces (Tutin, 1976). Deux taxons ont été déplacés dans une autre section :

  • Taraxacum cucullatiforme Soest a été placé en section Alpestria car ses akènes sont robustes, mesurent plus d’1,2 mm d’épaisseur et ont un cône plus long, ce qui ne correspond pas à la section Cucullata Soest (akènes longs de 3,8 à 4,2 mm et 0,9-1 mm de large avec un cône subconique et subcylindrique de 0,4-0,7 mm de long ; Štěpánek & Kirschner, 2013) ;
  • Taraxacum sulger-bueelii Soest a été transféré dans la section Alpestria car « les nombreuses plantes du locus classicus (Suisse, Churfürsten) en 2001 présentaient toutes sans exception des fleurons plats, jaune d’or, et étaient par ailleurs typiques de la section Alpestria Soest » (Uhlemann, 2011, traduit par nous).

 

Aujourd’hui la section Cucullata Soest comprend cinq espèces décrites (Kirschner et al. 2007+ ; Kilian, 2011 ; Uhlemann, 2011) : Taraxacum aureocucullatum Soest (Croatie, Italie, Suisse), Taraxacum concucullatum A.J. Richards (Autriche), Taraxacum cucullatum Dahlst. (Allemagne, Autriche, France, Italie, Slovénie, Suisse), Taraxacum luteocucullatum Soest (France ?, Suisse), Taraxacum tiroliense Dahlst.(Allemagne, Autriche, France, Italie). Toutes ces espèces sont inféodées aux massifs alpin et balkanique (Soest, 1958 ; Kirschner et al., 2007+) : l’Allemagne, l’Autriche (dont Liechtenstein), la Croatie, la France, l’Italie, la Slovénie et la Suisse. Leur point commun tient à leurs ligules enroulées de couleur jaune paille. En l’état des connaissances, nous ne pouvons exclure la présence d’autres représentants de la section Cucullata Soest en France.

 

Clé de détermination de la section Cucullata en France

1Ligules planes …………………………………………………………………………………………………………………………………………………………  Autres sections

1’Ligules involutées sur toute leur longueur ou partiellement, à marges soudées ou non ………………………  2

 

2Ligules de couleur vive : jaune ou jaune-orangé, et/ou akène à cône > 1 mm …………………………………………..  3

2’Ligules délavées : jaune peu intense à jaune paille très clair ; akène à cône < 0,8 mm ………………………  4

 

3Présence de cornicules sur les bractées involucrales ; akène à cône >1 mm

………………………………………………………………………………………………………….  Taraxacum mattmarkense Soest [sect. Erythrocarpa]

VI-VIII – Alpes et Carpathes (Fr., Ch., It., Au., Bu.) ; Alpes du Sud (Isère, Hautes-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes) ; 2200-2800 m – Éboulis, alluvions et pelouses écorchées sur substrat calcaire (Thlaspion rotundifolii, Drabo-Seslerion, Oxytropido-Elynion myosuroidis, Epilobion fleischeri)

3’Absence de cornicules sur les bractées involucrales ; akène à cône court (< 0,5 mm)

….. ……………………………………………..  Autres taxons [incl. morphoses (!), sect. Alpestria, sect. Alpina, sect. Officinale]

 

4Absence de pollen, ligules involutées en tube dès la base ou en-deçà de 50% de leur longueur, à teinte violacée au revers. Bractées involucrales externes étalées à enroulées extérieurement, larges de 3 à 4 mm. Feuilles allongées à (3)4-7(9) paires segments médians, à lobe terminal triangulaire aigu, hasté à sagitté, et à pétiole largement ailé (photo 8). Akènes à corps de 3.5-4.5 mm et cône de 0,5-0,7 mm ………………………………………………………………………………………………..  Taraxacum tiroliense Dahlst. [sect. Cucullata]

VI-VIII – Alpes (Au., Fr., It.) ; Alpes du Sud (Hautes-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence) ; 2200-2800 m – Pelouses ouvertes chionophiles et éboulis alpins neutro-calcicoles (Androsacion alpinae, Drabion hoppeanae, Thlaspion rotundifolii, Oxytropido-Elynion myosuroidis, Arabidion caeruleae, Salicion herbaceae)

4’Présence de pollen, ligules involutées en tube au delà de 50% de leur longueur, brun-jaunâtre ou grisâtre au revers. Bractées involucrales externes lâchement appliquées, larges de 1,5-2,5 mm. Feuilles obovales entières grossièrement dentées ou à 0-3(4) paires de segments medians, à lobe terminal obtus et à base cunéiforme étroitement atténuée en pétiole peu ailé (photo 9). Akène à corps de 3-3,2 mm et cône de 0,5-0,7 mm …………………….  Taraxacum cucullatum Dahlst. [sect. Cucullata]

VI-VIII – Alpes (Au., Ch., Fr., Ge., It., Sl.) ; Alpes internes (Haute-Savoie, Savoie, Isère, Hautes-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes) ; 1800-2800 m – Combes à neige et groupement fontinaux (Salicion herbaceae, Caricion incurvae).

Photo 8a. Taraxacum tiroliense Dahlst., col d’Agnel, 07-2020 ; © S. Abdulhak.
Photo 8b. Taraxacum tiroliense Dahlst., col d’Agnel, 07-2020 ; © S. Abdulhak.
Photo 9a. Taraxacum cucullatum Dahlst., col du Galibier, 07-2021 ; © S. Abdulhak.
Photo 9b. Taraxacum cucullatum Dahlst., col du Galibier, 07-2021 ; © S. Abdulhak.

6. Conclusion

Décrit par Dahlstedt en 1907, le pissenlit du Tyrol (Taraxacum tiroliense Dahlst.) est passé inaperçu en France pendant plus d’un siècle. Pourtant remarquable dans le genre Taraxacum F.H. Wigg. par ses fleurs aux ligules fortement enroulées de couleur jaune paille, ce taxon attire l’œil. Il a probablement été confondu avec le pissenlit à capuchons (Taraxacum cucullatum Dahlst.).

Le fait qu’un pissenlit si singulier ne soit pas mentionné pourrait s’expliquer d’une part par une faible détéctabilité dans un habitat vaste et difficile d’accès pour le botaniste, d’autre part par la méconnaissance du genre Taraxacum dans les Alpes occidentales. Vraisemblablement, nous pouvons aussi penser que ceci traduit une relative rareté de l’espèce. Contrairement à T. cucullatum où l’on compte parfois plus d’une cinquantaine d’individus sur le même site, nous n’avons jamais dénombré plus de trois individus par station, soit une vingtaine d’individus au total recensés en France. Les observations françaises correspondent aux limites méridionale et occidentale de son aire de répartition. Nous pouvons supposer que l’espèce ne trouve pas chez nous des conditions écologiques optimales et que sa présence est aujourd’hui relictuelle (post-glaciaire).

Il convient donc d’améliorer la connaissance de sa répartition alpienne à aire disjointe, depuis les Alpes-Maritimes jusqu’au Tyrol italien où il a été cité au plus proche des localités françaises. Un bilan des effectifs sur les stations inventoriées devrait permettre de statuer sur la rareté de l’espèce et de réaliser l’évaluation UICN à l’échelle régionale (2018) et nationale, et de contribuer à son évaluation UICN mondiale.

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Remerciements

Nos remerciements vont à I. Uhlemann, ainsi qu’à J.-M. Tison, Y. Ferrez, Ch. Girod & P. Schwab, membres du projet Chorology and systematics of French Dandelions (Taraxacum), pour les nombreux échanges.