Roemeria hybrida (L.) DC. subsp. maculata Tavakkoli & Assadi (Papaveraceae), nouveau taxon pour la flore de Turquie

Title

Roemeria hybrida (L.) DC. subsp. maculata Tavakkoli & Assadi (Papaveraceae), a new taxon for the flora of Turkey

Résumé

Roemeria hybrida (L.) DC. subsp. maculata Tavakkoli & Assidi, sous-espèce décrite récemment d’Iran (2014), est présente dans le sud-est de la Turquie. Nous détaillons ici la première observation de ce taxon dans ce pays, que nous avons identifié sur une récolte éffectuée en mai 2009 entre Silvan et Diyarbakır, dans la province du même nom.

Abstract

Roemeria hybrida (L.) DC. subsp. maculata Tavakkoli & Assidi, a recently described subspecies from Iran (2014), occurs in southeastern Turkey. We detail here the first observation of this taxon in this country, which we identified from a harvest carried out in May 2009 between Silvan and Diyarbakır, in the province of the same name.

Lors d’un voyage dans le sud-est de la Turquie en mai 2009, nous avions récolté près de Diyarbakır un Roemeria à fleurs rouges resté jusqu’alors sans identification dans nos herbiers. Après reprise récente de cet échantillon, nous avons mis en évidence qu’il se rapportait à R. hybrida (L.) DC. subsp. maculata, décrite depuis par des auteurs iraniens en 2014.

1. L’observation de la plante

Lors d’un voyage dans le sud-est de la Turquie en mai 2009 (Coulot et al., 2013), nous avons observé une papaveracée évoquant spontanément un Papaver par ses corolles rouges à cœur violacé noirâtre. Après une rapide observation des fruits de la plante, son rattachement au genre Roemeria ne pouvait faire aucun doute.

La récolte s’est faite au bord de la route reliant Diyarbakır à Silvan, une cinquantaine de kilomètres à l’est. Cette portion de la route E99 ou D360 (ou Diyarbakır Bitlis Yolu) est d’une richesse botanique exceptionnelle, et nous y avons fait de nombreuses observations remarquables, dont la plus notable est celle d’un spectaculaire sainfoin à fleurs blanches du sous-genre Sysirosema jamais décrit jusqu’alors, ce que nous venons de faire sous le nom d’Onobrychis silvanensis Aytaç, Rabaute & Coulot (Aytaç et al., 2020).

Sur quelques kilomètres, les talus et coteaux calcaires entre Silvan et la route de Bingöl (D950) nous ont permis d’observer de nombreuses espèces, pour la plupart annuelles : Aegilops triuncialis L., Astragalus hamosus L., Astragalus oleaefolius DC., Bromus hordeaceus L., Bromus lanceolatus Roth, Bupleurum aleppicum Boiss., Bupleurum croceum Fenzl, Campanula strigosa Banks & Sol., Centaurea balsamita Lam., Cephalaria syriaca (L.) Schrad., Cicer pinnatifidum Jaub. & Spach, Coronilla scorpioides (L.) W.D.J. Koch, Gundelia tournefortii L., Hedysarum pannosum (Boiss.) Boiss., Hypericum amblysepalum Hochst., Lathyrus inconspicuus L., Lathyrus oleraceus Lam. subsp. biflorum (Raf.) H. Schaef., Coulot & Rabaute var. pumilio Meikle, Medicago noeana Boiss., Medicago orbicularis (L.) Bartal., Medicago polymorpha L., Medicago radiata L., Medicago rigidula (L.) All., Onobrychis caput-galli (L.) Lam., Onobrychis galegifolia Boiss., Onobrychis silvanensis, Onosma isauricum Boiss. & Heldr., Orobanche crenata Forssk. (sur Vicia lens), Phalaris paradoxa L., Salvia candidissima Vahl subsp. candidissima, Salvia ceratophylla L., Salvia multicaulis Vahl, Salvia palaestina Benth., Salvia suffruticosa Montbr. & Auch., Salvia syriaca L., Sclerochloa dura (L.) Beauv., Tordylium syriacum L., Trifolium bullatum Boiss. & Hausskn., Trifolium echinatum M. Bieb., Trifolium hirtum All., Trifolium leucanthum M. Bieb., Trifolium nigrescens Viv., Trifolium pamphylicum Boiss. & Heldr., Trifolium spumosum L., Trigonella macrorrhyncha Boiss., Trigonella spicata Sibth. & Sm., Vaccaria hispanica (Mill.) Rausch., Vicia galilaea Plitmann & Zohary, Vicia lens (L.) Coss. & Germ. et Vicia sativa L. ss str.

La Roemeria a été observée très exactement dix kilomètres à l’ouest du hameau de Bağdere, au niveau de celui de Alabal. Le milieu est une friche calcaire à thérophytes le long de champs de céréales (figure 1).

Figure 1. Observation de Roemeria hybrida subsp. maculata en Turquie (point rouge).

2. L’identification de la plante

Si l’appartenance au genre Roemeria n’a fait aucun doute dans nos esprits, la couleur des pétales, d’un rouge orangé à macule foncée au niveau de l’onglet, ne nous a pas permis de classer cette population au sein de l’espèce R. hybrida. Les caractéristiques principales de la plante peuvent être établies ainsi :

  • thérophyte de 25-40 cm de haut (photo 4), à entrenœuds allongés,
  • pilosité éparse, blanche et longue de 1-2 mm,
  • feuilles pinnatiséquées à 3-5(7) segments (photo 1),
  • boutons floraux réfléchis puis dressés, assez densément velus, de 10-15 mm de long, obtus,
  • pétales de 12-18 mm, ne se recouvrant pas, de couleur rouge orangé à macule violacée ou noirâtre sur l’onglet et filaments staminaux non dilatés (photo 2),
  • fruits linéaires de 60-120 × 1,5-2 mm, à pilosité éparse, dressée, de poils blancs de 1-1,5 mm (photo 3).

Photo 1. Roemeria hybrida subsp. maculata, aspect general. Alabal (Diyarbakır, Turquie), le 27 mai 2009. © Pierre Coulot & Philippe Rabaute.
Photo 2. Roemeria hybrida subsp. maculata, corolle. Alabal (Diyarbakır, Turquie), le 27 mai 2009. © Pierre Coulot & Philippe Rabaute.
Photo 3. Roemeria hybrida subsp. maculata, apex des fruits. Alabal (Diyarbakır, Turquie), le 27 mai 2009. © Pierre Coulot & Philippe Rabaute.

C’est en reprenant une étude du genre Roemeria en Iran récemment publiée (Tavakkoli et al., 2014) que nous avons identifié cette plante, qui correspond à R. hybrida subsp. maculata Tavakkoli & Assadi, décrite de Karadj, près de Téhéran, dans la province d’Alborz, au pied des monts Elbourz. Ce taxon est présent en Iran près de Téhéran et plus au nord dans la province de Zandjan. Probablement mal connue, cette sous-espèce est donc présente plus à l’ouest jusque dans l’est de la Turquie. Apparemment, notre observation est la première de ce taxon en Turquie.

Son appartenance à R. hybrida est incontestable, les fruits sont velus et ne présentent pas les trois-quatre longs poils raides présents entre les lobes stigmatiques, caractéristiques de R. refracta DC., qui a des fleurs rouges mais des capsules le plus souvent glabres, ce qui n’est pas le cas de notre plante.

3. Le genre Roemeria

Le genre Roemeria a été créé en 1821 par Medikus, distingué des Papaver par ses fruits très allongés. Il ne compte que trois espèces, R. hybrida, R. refracta et R. carica A. Baytop, dont de nombreux taxons infraspécifiques ont été décrits (Kadereit, 1987). Même si des études récentes concernant des éléments anatomiques tendent à confirmer la validité de ce genre et sa séparation avec le genre Papaver (Chalestori & Attar., 2011 ; Al-Mousawi et al., 2019), une solide étude de phylogénie moléculaire réalisée sur le genre Papaver et les genres affines (Carolan et al., 2006) montre, sur plusieurs analyses (ITS, trnL-F) que ces plantes ont une extrême proximité avec la section Argemonidium Spach du genre Papaver (P. argemone L., P. apulum Ten., P. pavonium Fisch. & Mey. et P. hybridum L.). Morphologiquement, les Roemeria et ces pavots ont de nombreux points communs, notamment les entrenœuds très longs, l’ornementation des grains de pollen, etc. (Kadereit, 1986). Le rattachement des Roemeria au genre Papaver nous semblerait cohérent, induisant la nécessité d’une recombinaison pour R. hybrida subsp. maculata.

Photo 4. Roemeria hybrida subsp. maculata, aspect général. Alabal (Diyarbakır, Turquie), le 27 mai 2009. © Pierre Coulot & Philippe Rabaute.

Bibliographie

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Aytaç Z., Rabaute Ph. & Coulot P., 2020. Onobrychis silvanensis sp. nov., a new Fabaceae (sect. Hymenobrychis) taxon from Turkey. Phytotaxa (sous presse).

Carolan J., Hook I., Chase M., Kadereit J. & Hodkinson T., 2006. Phylogenetics of Papaver and related genera based on DNA sequences from ITS nuclear ribosomal DNA and plastid trnL intron and trnL–F intergenic spacers. Annals of Botany 98 : 141-155. DOI : https://doi.org/10.1093/aob/mcl079

Chalestori Z. & Attar F., 2011. Comparative anatomy of some selected species of the poppy family (Papaveraceae) in Iran. Taxonomy and Biosystematics, 4th year, 13, Winter 2012.

Coulot P., Rabaute Ph. & Michaud H., 2013. Voyage dans l’est de la Turquie. Mai 2009. Bulletin de la Société botanique du Centre-Ouest, nouvelle série 44 : 259-300.

Kadereit J.,1986. A revision of Papaver section Argemonidium. Notes of the Royal Botanic Garden Edinburgh 44 : 25-43.

Kadereit J., 1987. The taxonomy, distribution and variability of the genus Roemeria Medik. (Papaveraceae). Flora 179 (2) : 135-153.

Tavakkoli Z., Assadi M. & Zeraatkar A., 2014. A revision of the genus Roemeria in Iran. Rostaniha 15 (2) : 146-152. DOI : https://doi.org/10.22092/botany.2014.101238