Les ornithopodaies et les pelouses silicicoles thérophytiques acidiphiles à trèfles nains du sud-ouest de la France (Nouvelle-Aquitaine)

Title

The bird's-foot ephemeral swards and pioneer silicicolous and acidophilous therophytic clovers vegetations from southwestern France (Nouvelle-Aquitaine)

Résumé

Nous décrivons ici une nouvelle association de pelouse thérophytique éphémère silicicole acidiphile pour les Landes de Gascogne, l’Ornithopodetum perpusillo-compressi. Nous présentons ses caractéristiques floristiques, écologiques et dynamiques. Nous mettons également en évidence une nouvelle sous-association plus thermophile, xérophile et psammophile du Vulpio bromoidis-Trifolietum subterranei, l’ornithopodetosum compressi. Nous indiquons ses différences comparativement aux typicum et trifolietosum glomerati déjà décrits ainsi qu’avec le nouvel Ornithopodetum perpusillo-compressi. Les investigations récentes sur les pelouses acidiphiles thérophytiques mésoxérophiles du sud-ouest de la France nous amènent à la définition d’une nouvelle formation végétale herbacée, dans laquelle les ornithopes sont structurants et dominants sur les trèfles annuels nains, que nous dénommons « ornithopodaie ».

Abstract

We describe here a new annual, ephemeroid silicolous and acidophilous sward from the Landes de Gascogne, the Ornithopodetum perpusillocompressi. We present its floristical, ecological and dynamical characteristics. A new more thermophilous, xerophilous and psammophilous sub-association of the Vulpio bromoidis-Trifolietum subterranei is also highlighted, the ornithopodetosum compressi. We indicate its differences compared to the already described typicum and trifolietosum glomerati as well as with the new Ornithopodetum perpusillo-compressi. Recent vegetation surveys on acidophilous and mesoxerophilous annual swards from southwestern France highlight a new herbaceous plant formation in which Ornithopus species determine the overall physiognomy and structure of the swards that we call “ornithopodaie”.

1. Introduction

À la suite de plusieurs études des pelouses acidiphiles à thérophytes réalisées en Nouvelle-Aquitaine ces dernières années (Le Fouler et al., 2013 ; Mady, 2016 ; Mady et al., 2018 ; Lafon & Dufay, 2024), il est possible de mettre en évidence plusieurs syntaxons nouveaux riches en éléments méditerranéo-atlantiques typiques du sud-ouest de la France.

 

2. Méthodes

La réalisation des relevés phytosociologiques des pelouses thérophytiques a été conduite dans le cadre de l’école classique sigmatiste (Braun-Blanquet, 1964 ; Guinochet, 1973 ; Géhu & Rivas-Martínez, 1981), affectant à chaque taxon de la liste floristique réalisée sur une surface floristiquement, structurellement et écologiquement homogène un coefficient d’abondance-dominance. Ces végétations ont été relevées lors de leur pleine expression en phase vernale, de mi-avril à mi-juin.

Une colonne de fréquence et une colonne synthétique sont dressées en fin de chaque tableau. La colonne synthétique indique la classe de fréquence des taxons de r (< 6 %) à V (81 à 100 %), permettant la comparaison avec d’autres travaux antérieurs.

La taxinomie suit le Référentiel taxonomique pour la France TAXREF v. 16.0 (Gargominy et al., 2022), élaboré et diffusé par le Muséum national d’histoire naturelle. Le cadre syntaxinomique repose ici sur le Catalogue de la végétation de Nouvelle-Aquitaine (Lafon et al., 2024a).

 

3. La pelouse à Ornithope délicat et Ornithope comprimé (Ornithopodetum perpusillo-compressi ass. nov.)

3.1. Diagnose floristique

Cette pelouse, dominée par des espèces annuelles, se caractérise par la présence de trois ornithopes : Ornithopus compressus (photo 1), qui domine parfois physionomiquement les autres espèces annuelles pelousaires, O. pinnatus (photo 2) et O. perpusillus (photo 3). Deux autres ornithopes peuvent s’ajouter aux précédents, comme caractéristiques rares : Ornithopus sativus subsp. sativus (photo 4), qui marque bien l’ouest et le sud-ouest de la France, et O. Ímartinii (photo 5). Ce dernier taxon est un hybride entre Ornithopus compressus et O. perpusillus, reconnu depuis la fin du xixe siècle dans l’ouest de la France (Guétrot, 1929) et notamment en Gironde aux environs de Bordeaux (Jeanjean, 1928). Nous l’avons reconnu surtout en se basant sur sa corolle jaune pâle à étendard strié de pourpre (photo 5) et à ses gousses intermédiaires entre celles produites par les deux parents. D’après Talavera & Arista (2000 : 878), ces plantes pourraient ne constituer que de simples formes d’O. compressus. À ce premier groupe d’espèces, peuvent être rajoutés Hypochaeris glabra et Aira praecox pour différencier notre association des syntaxons récemment décrits d’Occitanie (Corriol et al., 2022).

Photo 1. Ornithopus compressus L. ; P. Lafon, CC-BY-NC-ND
Photo 2. Ornithopus pinnatus (Mill.) Druce ; P. Lafon, CC-BY-NC-ND.
Photo 3. Ornithopus perpusillus L. ; P. Lafon, CC-BY-NC-ND
Photo 4. Ornithopus sativus Brot. subsp. sativus ; P. Lafon, CC-BY-NC-ND.
Photo 5. Ornithopus xmartinii Giraudias ex Rouy ; M. Mady, CC-BY-NC-ND.

Il s’agit ici d’une pelouse clairement thérophytique, structurée floristiquement et dominée physionomiquement par les représentants du genre Ornithopus, que nous dénommons ici « ornithopodaie ». Cette ornithopodaie est ainsi bien différente des autres végétations d’affinité méditerranéo-atlantique (Vulpio bromoidisTrifolietum subterranei Wattez, Géhu &t B. Foucault 1978, groupement à Trifolium campestre et Trifolium arvense Wattez 1978) à méditerranéennes (Trifolietum cherleribocconii Aubert et R.J. Loisel 1971, Trifolietum scabrotomentosi Aubert et R.J. Loisel 1971), structurées par les trèfles annuels.

Nous proposons de nommer cette association nouvelle (photo 6) Ornithopodetum perpusillo-compressi ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : relevé 4 (identifiant Lobelia 1383828) du tableau 1 en annexe et reproduit ci-dessous :

Morcenx (40), P. Lafon, 05/05/2021, N 44.00138, O 0.87868, 5 m², 30 % de recouvrement, 17 taxons

combinaison caractéristique d’association : Ornithopus pinnatus 2, O. perpusillus 1, O. compressus +, Aira praecox + ;

caractéristiques des unités supérieures : Erodium cicutarium 2, Vulpia bromoides 2, Tuberaria guttata 2, Hypochaeris glabra 1, Arenaria gr. serpyllifolia [inclus A. serpyllifolia, A. leptoclados] 1, Cerastium semidecandrum 1, Lupinus angustifolius +, Logfia minima +, Plantago arenaria + ;

taxons vivaces : Cynodon dactylon +, Oenothera sp. +.

Photo 6. L’Ornithopodetum perpusillo-compressi ; P. Lafon, CC-BY-NC-ND.

Annexe du tableau 1 – Auteur(s), date, commune (département), localisation précise.

  • rel. 1 : Lafon Pierre (CBNSA), 16/05/2023, Arjuzanx (40), rive nord-est du lac d’Arjuzanx ;
  • rel. 2 : Lafon Pierre (CBNSA), 05/05/2021, Arjuzanx (40), sud de Bégueyrie ;
  • rel. 3 : Guisier Rémi (CBNSA), 05/05/2021, Villenave (40), nord-ouest du lac d’Armayans ;
  • rel. 4 : Lafon Pierre (CBNSA), 05/05/2021, Morcenx (40), sud-ouest du lac de Morcenx ;
  • rel. 5 : Guisier Rémi (CBNSA), 05/05/2021, Villenave (40), ouest du lac d’Armayans ;
  • rel. 6 : Guisier Rémi (CBNSA), 05/05/2021, Villenave (40), nord-ouest du lac d’Armayans ;
  • rel. 7 : Guisier Rémi (CBNSA), 20/05/2021, Arjuzanx (40), est de Piassot ;
  • rel. 8 : Royaud Alain (CBNSA), 12/05/2013, Uza (40), parcelle en bord de la rue de Saint-Julien-en-Born ;
  • rel. 9 : Mady Mickaël, 24/04/2016, Bias (40), terrain communal à proximité du tennis et de la mairie ;
  • rel. 10 : Mady Mickaël, 28/04/2016, Mimizan (40), Archus ;
  • rel. 11 : Aird Adeline & Lafon Pierre (CBNSA), 21/04/2017, Blanquefort (33), Bigney ;
  • rel. 12 : Lafon Pierre (CBNSA), 05/05/2021, Villenave (40), sud du lac d’Armayans ;
  • rel. 13 : Lafon Pierre (CBNSA), 04/05/2021, Morcenx (40), nord-ouest du lac de Commanday ;
  • rel. 14 : Lafon Pierre (CBNSA), 04/05/2021, Morcenx (40), nord du lac de Commanday ;
  • rel. 15 : Lafon Pierre (CBNSA), 05/05/2021, Morcenx (40), sud-est de Locques ;
  • rel. 16 : Dufay Josselin, Guisier Rémi & Lafon Pierre (CBNSA), 23/04/2021, Arjuzanx (40), sud-est de Piassot ;
  • rel. 17 : Dufay Josselin, Guisier Rémi & Lafon Pierre (CBNSA), 23/04/2021, Morcenx (40), sud-est de Péchoune ;
  • rel. 18 : Lafon Pierre (CBNSA), 24/04/2023, Audenge (33), domaine de Certes en face du château ;
  • rel. 19 : Lafon Pierre (CBNSA), Lévy William (CBNSA) & Mady Mickaël, 28/04/2017, Audenge (33), pelouse à proximité du Conservatoire botanique national Sud-Atlantique ;
  • rel. 20 : Lafon Pierre (CBNSA), 05/05/2021, Morcenx (40), nord-ouest du lac des Quatre-Cantons ;
  • rel. 21 : Royaud Alain (CBNSA), 06/06/2013, Pontenx-Les-Forges (40), parcelle au bord de l’avenue Gustave-Caliot ;
  • rel. 22 : Royaud Alain (CBNSA), 11/06/2013, Cachen (40), Trouillé de Bise ;
  • rel. 23 : Royaud Alain (CBNSA), 12/06/2013, Messanges (40), parcelle à proximité de l’école ;
  • rel. 24 : Royaud Alain (CBNSA), 12/06/2013, Leon (40), parking du sentier de découverte de la Réserve naturelle du Courant d’Huchet ;
  • rel. 25 : Royaud Alain (CBNSA), 28/06/2013, Castets (40) ;
  • rel. 26 : Dufay Josselin (CBNSA), 20/05/2021, Arjuzanx (40), nord de Barreyre ;
  • rel. 27 : Dufay Josselin (CBNSA), 20/05/2021, Arjuzanx (40), bord de sentier entre Barreyre et Labitoun ;
  • rel. 28 : Guisier Rémi, 19/05/2023, Onesse-et-Laharie (40), aire de repos d’Onesse-Laharie Ouest ;
  • rel. 29 : Dufay Josselin (CBNSA), 02/06/2021, Arjuzanx (40), bord de sentier entre l’observatoire de Bedade et la Porte de Vision de Villenave ;
  • rel. 30 : Guisier Rémi, 09/05/2023, Saugnacq-et-Muret (40), aire de service de la Porte des Landes Ouest ;
  • rel. 31 : Lafon Pierre (CBNSA), 05/05/2021, Villenave (40), bord de sentier au nord-est du lac d’Armayans ;
  • rel. A : Ornithopodetum perpusillo-compressi typicum ;
  • rel. B : Ornithopodetum perpusillo-compressi teesdalietosum nudicaulis ;
  • rel. C : Ornithopodetum perpusillo-compressi trifolietosum cernui ;
  • rel. D : Ornithopodetum perpusillo-compressi vulpietosum myuri ;
  • rel. E : Ornithopodetum compresso-pinnati Menand, F. Kessler & Corriol in Corriol, Laigneau, Menand & F. Kessler 2022 ;
  • rel. F : Ornithopodo compressi-Tuberarietum guttatae sherardietosum arvensis Laigneau, F. Kessler & Corriol in Corriol, Laigneau, Menand & F. Kessler 2022 ;
  • rel. G : Ornithopodo compressi-Tuberarietum guttatae typicum Laigneau, Menand, F. Kessler & Corriol in Corriol, Laigneau, Menand & F. Kessler 2022 ;
  • rel. H : Ornithopodo compressi-Tuberarietum guttatae radioletosum linoidis Laigneau, F. Kessler & Corriol in Corriol, Laigneau, Menand & F. Kessler 2022.

 

Le positionnement synsystématique de cette pelouse n’est pas sans poser quelques questionnements. Sa composition floristique mêle de manière très originale des taxons caractéristiques des pelouses acidiphiles ouest-européennes à subatlantiques du TheroAirion (Aira praecox, Ornithopus perpusillus, Logfia minima, Aphanes australis) à des taxons méditerranéo-atlantiques à euryméditerranéens (Ornithopus pinnatus, O. compressus, Silene gallica, Lupinus angustifolius) qui trouvent leur optimum au sein de l’Helianthemion guttati méditerranéen. D’après Rivas-Martínez (1978 : 61) et Rivas-Martínez et al. (2002 : 499), Ornithopus pinnatus et Hypochaeris glabra, constants dans nos relevés, sont caractéristiques de l’Helianthemion guttati. Dans sa synthèse des pelouses sèches à thérophytes, de Foucault (1999 : 56 ; tab. 2 p. 59) retient Ornithopus pinnatus, O. compressus, Silene gallica, Lupinus angustifolius, etc. comme caractéristiques de l’Helianthemion guttati (sub Vulpion ligusticae Aubert & Loisel 1971).

Tout comme l’ont constaté Corriol et al. (2022 : 3) au sujet des Ornithopodetum compressopinnati et Ornithopodo compressiTuberarietum guttatae, notre végétation, avec les plantes structurantes signalées précédemment, se retrouve à la charnière chorologique des unités méditerranéennes et ouest-européennes.

Le Tuberario guttataeAirion praecocis B. Foucault 1999, alliance de transition chorologique entre l’Helianthemion guttati et le TheroAirion (de Foucault, 1999 : 58), pourrait conceptuellement regrouper les ornithopodaies du Sud-Ouest. Toutefois, cette alliance ne semble partager que Tuberaria guttata, Trifolium glomeratum, Lotus hispidus, Crassula tillaea, Arnoseris minima et plus rarement Trifolium bocconei, Sedum andegavense et Linaria pelisseriana avec les pelouses eu-méditerranéennes des Tolpido barbataeTuberarienalia guttatae B. Foucault 1999 nom. nud. (art. 2b, 8) (cf. tab. 2 p. 59 in de Foucault, 2001). Dans un article récent, de Foucault (2023 : 12) précise que le Tuberario-Airion praecocis se distingue floristiquement des pelouses eu-méditerranéennes par l’absence ou la rareté significative d’Ornithopus compressus, O. pinnatus, Lupinus angustifolius, Silene gallica, Tolpis umbellata, etc. ; les ornithopodaies du Sud-Ouest n’y trouveraient donc pas bien leur place, sauf à réviser profondément la définition de cette alliance charnière.

Cette synsystématique, justifiée par l’existence de syntaxons qui ne trouvent leur place optimale ni dans le TheroAirion ni dans l’Helianthemion guttati, n’a pas été retenue en France par la plupart des référentiels nationaux (Bardat et al., 2004 ; Lafon et al., 2024b) ni au niveau européen dans l’EuroVegChecklist (Mucina et al., 2016). D’après ces éléments, nous proposons de positionner provisoirement l’Ornithopodetum perpusillocompressi et plus globalement les ornithopodaies du Sud-Ouest dans le TheroAirion (entendu ici comme une alliance réunissant les communautés à caractère atlantique d’Europe de l’Ouest, du nord de la péninsule Ibérique et de Madère) et les Helianthemetalia guttati, avec la présence de nombreux taxons caractéristiques de ces unités dans nos relevés, dans l’attente d’une synthèse actualisée des Helianthemetea guttati.

 

Cette pelouse du TheroArion se différencie des autres associations de l’alliance par la présence des quatre ornithopes : Ornithopus compressus, O pinnatus, O. perpusillus et O. sativus. Elle est proche de l’Ornithopodetum compresso-pinnati Menand, F. Kessler & Corriol in Corriol, Laigneau, Menand & Kessler 2022 par la présence de ces trois premiers ornithopes mais s’en différencie par la présence d’Aira caryophyllea, A. praecox, Hypochaeris glabra, Silene gallica, Cerastium glomeratum, Teesdalia nudicaulis, Lotus hispidus et l’absence d’Aira multiculmis, Linaria pelisseriana, Ervilia hirsuta, Tolpis umbellata et Andryala integrifolia.

Cette pelouse rappelle aussi le Lupino rothmaleriOrnithopetum isthmocarpi Rivas Goday 1958 [recte : Lupino gredensisOrnithopodetum isthmocarpi Rivas Goday 1958] dans sa structuration et composition floristique, association elle aussi riche en ornithopes (Ornithopus sativus subsp. isthmocarpus, O. pinnatus, O. compressus), souvent dominée par Ornithopus compressus (cf. tab. 14 in Rivas Goday, 1958 : 593-594) mais bien plus riche en trèfles annuels (Trifolium subterraneum, T. glomeratum, T. cernuum, T. campestre, T. striatum, T. angustifolium, T. arvense) et taxons méditerranéens (Chamaemelum fuscatum, Biserrula pelecinus, Tolpis barbata, etc.) qui lui valent une affiliation nette à l’Helianthemion guttati.

 

3.2. Synécologie et synchorologie

Cette végétation se développe sur des sables acides (formation du Sable des Landes, sables fins hydroéoliens), pauvres en matière organique et en nutriments, notamment en phosphore. Ces sables sont quasiment purs avec une fraction limoneuse faible ou absente, ce qui limite la rétention en eau. Ainsi, cette végétation se développe sur des sables très secs (xériques à mésoxériques) pouvant être très légèrement hydromorphes du fait du tassement du sol lorsqu’elle se positionne sur des layons forestiers, mais toujours très sèchards durant la période estivale. Les taxons qui composent cette pelouse réalisent leur cycle biologique au printemps lorsque les conditions climatiques leurs sont encore favorables (pluies encore abondantes et températures encore clémentes). Ces taxons monocarpiques fructifient et disparaissent rapidement lors des premières périodes de sécheresse et de fortes températures, c’est-à-dire début juin (pelouse éphémère).

Cette pelouse est actuellement connue uniquement des Landes de Gascogne, du massif de la Double et du Landais, dont elle pourrait être synendémique.

 

3.3. Variations

En plus du typicum, différencié floristiquement négativement, trois autres sous-associations peuvent être mises en évidence.

La première, constituant l’aile la plus xérophile et oligotrophile de l’association, se différencie par Teesdalia nudicaulis, Aphanes australis, Mibora minima, et une plus faible fréquence d’Ornithopus pinnatus. Nous proposons de nommer cette sous-association teesdalietosum nudicaulis P. Lafon, Dufay & Guisier subass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : relevé 15 (identifiant Lobelia 1383825) du tableau 1 en annexe et reproduit ci-dessous :

Morcenx (40), P. Lafon, 05/05/2021, N 43.9994, O 0.87866, 3 m², 50 % de recouvrement, 18 taxons

différentielles de sous-association : Teesdalia nudicaulis 1, Aphanes australis 1 ;

combinaison caractéristique d’association : Ornithopus pinnatus 2, O. compressus 1, O. perpusillus +, Aira praecox 1 ;

caractéristiques des unités supérieures : Tuberaria guttata 3, Vulpia bromoides 2, Aira caryophyllea 1, Lotus angustissimus 1, Hypochaeris glabra +, Cerastium glomeratum +, C. semidecandrum +, Vicia angustifolia + ;

autre taxon annuel : Galium parisiense + ;

taxons vivaces : Cynodon dactylon 1, Hypericum perforatum +.

 

Une sous-association originale des sables légèrement plus riches en nutriments, et peut-être légèrement plus humides, peut être identifiée. Elle pourrait notamment se développer sur d’anciennes cultures. Nous proposons de nommer cette sous-association nouvelle trifolietosum cernui P. Lafon, Dufay & Guisier subass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : relevé 22 (identifiant Lobelia 36529) du tableau 1 en annexe et reproduit ci-dessous :

Cachen (40), A. Royaud, 11/06/2013, N 44.07799, O 0.42267, 16 m², 90 % de recouvrement, 30 taxons

différentielles de sous-association : Trifolium cernuum 1, T. subterraneum 1, T. arvense +, T. glomeratum 2, T. dubium 3, Poa annua 2 ;

combinaison caractéristique d’association : Ornithopus pinnatus 3, O. perpusillus 2, O. compressus + ;

caractéristiques des unités supérieures  : Tuberaria guttata 2, Aira caryophyllea 1, Hypochaeris glabra 1, Vulpia bromoides 1, Silene gallica 1 ;

autres taxons annuels : Cerastium pumilum 1, Trifolium scabrum 1, Euphrasia stricta +, Veronica arvensis + ;

taxons vivaces : Plantago lanceolata 2, Cynodon dactylon 2, Agrostis capillaris 2, Achillea millefolium 2, Danthonia decumbens +, Sagina procumbens 1, Trifolium repens +, T. pratense +, Lotus corniculatus 1, Potentilla montana 2, Festuca sp. 1.

 

Enfin, il est également possible de différencier une sous-association des sols légèrement plus riches en azote faisant transition vers les pelouses thérophytiques nitrophiles des Cardaminetea hirsutae. Nous proposons de nommer cette sous-association nouvelle vulpietosum myuri P. Lafon, Dufay & Guisier subass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : relevé 26 (1383198) du tableau 1 en annexe et reproduit ci-dessous :

Arjuzanx (40), J. Dufay, 20/05/2021, N 44.01609, O 0.86855, 4 m², 50 % de recouvrement, 25 taxons

différentielles de sous-association : Vulpia myuros 2, Bromus hordeaceus 2, Anthoxanthum aristatum 2, Erodium cicutarium 1, Trifolium dubium +, T. campestre + ;

combinaison caractéristique d’association : Ornithopus pinnatus 1, O. compressus 3, O. perpusillus 1, O. Ímartinii +, Aira praecox + ;

caractéristiques des unités supérieures : Tuberaria guttata 3, Aira caryophyllea 1, Vulpia bromoides 1, Logfia minima +, Trifolium glomeratum + ;

autres taxons annuels : Galium parisiense +, Crepis capillaris +,

taxons vivaces : Rumex acetosella 1, Plantago lanceolata 1, Sporobolus indicus +, Luzula campestris +, Erica cinerea +, Rubus sp. +.

 

3.4. Syndynamique

Dans les Landes de Gascogne, cette pelouse thérophytique s’insère dans la série du Pino pinastri-Quercetum roboris (Timbal 1985) Rameau ex P. Lafon 2019. Elle vient ainsi combler les lacunes du tableau dynamique présenté par Lafon (2019, tableau 5). Elle s’intègre donc dans la série xérophile et dans celle mésophile non hydromorphe.

Cette pelouse annuelle évolue directement vers les landes du Potentillo montanae-Ericetum cinereae Géhu & Géhu-Franck 1975 ou de l’Arrhenathero thorei-Helianthemetum alyssoidis Géhu & Géhu-Franck 1975 puis vers des fourrés de l’Erico scopariae-Franguletum alni Géhu & Géhu-Franck 1975 ou de l’Ulici europaei-Cytisetum scoparii Oberd. ex B. Foucault, Lazare & Bioret 2013.

Dans certains cas, ces pelouses annuelles évoluent progressivement vers des pelouses vivaces de l’Agrostion curtisii B. Foucault 1986 (groupement à Simethis mattiazzii et Agrostis curtisii P. Lafon 2019).

Photo 7. Pelouse de l'Ornithopodetum perpusillo-compressi sur la RNN d'Arjuzanx, se maintenant sur une grande surface par simple gyrobroyage annuel ; P. Lafon, CC-BY-NC-ND.

3.5. Vulnérabilité, menaces

Ces pelouses sont souvent infiltrées d’espèces exotiques qui progressent dans le Sud-Ouest et plus largement en France, notamment Gamochaeta coarctata, G. antillana, Eleusine indica, Sporobolus indicus, Paspalum dilatatum, etc. Ces végétations sont régulièrement situées sur des layons ou des chemins dont le passage humain favorise, parfois de manière importante, la colonisation par des espèces rudérales et/ou exotiques ; un certain appauvrissement floristique s’observe dans de telles situations. Plus globalement, la menace la plus importante est la fermeture de ces milieux par la colonisation d’espèces vivaces qui prennent le pas sur les annuelles.

Dans certains cas, à proximité des secteurs touristiques ou urbains, cette pelouse des terrains plans sur sol sableux bien drainé est menacée par la construction de lotissements. Nous avons pu tristement le constater à Bias (Landes) où nous avions relevé un magnifique individu possédant les quatre ornithopes (dont Ornithopus sativus subsp. sativus, très abondant) en 2016 (planche 1), terrain aujourd’hui construit et artificialisé.

Planche 1. L’Ornithopodetum perpusillo-compressi riche en Ornithopus compressus et O. sativus subsp. sativus à Bias le 29 avril 2016, avant destruction par extension de l’urbanisation ; M. Mady, CC-BY-NC-ND.

4. La pelouse à Vulpie faux Brome et Trèfle souterrain (Vulpio bromoidis-Trifolietum subterranei Wattez, Géhu & B. Foucault 1978)

Cette pelouse, décrite des buttons des grès arkosiques de la Brenne (Wattez et al., 1978), a été reconnue d’une grande partie des régions atlantiques françaises (Felzines & Loiseau, 2005 : 10 ; Delassus & Magnanon, 2014 ; Mady, 2016 : 21-23 ; Fernez & Causse, 2017 : 62 ; Mady et al., 2018 : 480-481 ; Lafon et al., 2024b).

À Brive-la-Gaillarde et dans sa périphérie immédiate où nous l’avons régulièrement rencontrée et échantillonnée (tableau 2, relevés 1 à 18), elle se développe préférentiellement sur les grès blancs et bariolés du Trias qui forment une entité bien individualisée au sud de l’agglomération. Ces grès sont formés de sables siliceux gris ou jaunâtres, au milieu desquels se rencontrent souvent des lits de galets, faiblement agrégés par un ciment argileux peu abondant. Ils sont friables et garantis d’une désagrégation rapide par leur perméabilité (Ombret, 1936 : 180). L’association s’y développe sur des sols plus profonds et plus riches en nutriments que d’autres associations thérophytiques ; les dalles de grès n’apparaissent pas en surface et l’exposition est également peu prononcée (terrains assez plans, contexte mésique) ; elle est plus mésophile et mésotrophile que l’association précédente et que bien d’autres associations du TheroAirion. Ces caractéristiques stationnelles se traduisent par l’absence ou la grande rareté des thérophytes liées aux lithosols (Aira praecox, Logfia minima, Tuberaria guttata, Teesdalia nudicaulis) et corrélativement par la présence de nombreuses prairiales vivaces mésophiles (Plantago lanceolata, Achillea millefolium, Hypochaeris radicata, Agrostis capillaris, etc.) qui traduisent les contacts avec des prairies maigres acidiphiles à acidiclinophiles (Orchido morionisSaxifragetum granulatae Gaume ex B. Foucault 1989, Luzulo campestris-Cynosuretum cristati K. Meisel 1966.

Sa physionomie est marquée par l’abondance des trèfles annuels nains (Trifolium subterraneum, T. dubium, T. striatum, T. glomeratum, etc.) qui forment un tapis dense surmonté par les nombreuses panicules étroites de Vulpia bromoides mêlées à celles plus larges d’Aira caryophyllea. Trifolium subterraneum trouve dans cette association son optimum de développement et y forme très souvent des faciès (photo 8). Son abondance dans ces stations tient à la fois à son mode de reproduction et à l’action du pâturage/piétinement. Trifolium subterraneum est un taxon géocarpique, qui enterre lui-même son infrutescence dans le substrat par recourbement de ses pédoncules vers le sol. Le pâturage ovin extensif, qui a très souvent lieu dans les stations du Vulpio bromoidis-Trifolietum subterranei et qui permet son blocage dynamique vers des prairies mésotrophiles (M. Mady, obs. pers. en Brenne, Basse-Marche, environs de Limoges et bassin de Brive-la-Gaillarde ; cf. aussi Felzines & Loiseau, 2005 : 11), favorise cette géocarpie par piétinement régulier des moutons.

La combinaison caractéristique d’association initialement donnée par Wattez et al. (1978 : tab. 2 non paginé) comprenait les taxons suivants : Vulpia bromoides, Trifolium dubium [incl. T. micranthum], T. campestre, T. striatum et T. subterraneum. De nouvelles observations en contexte ligérien (Felzines & Loiseau, 2005 : 10-11) ont permis de restreindre cette combinaison à Vulpia bromoides, Trifolium subterraneum, T. dubium et T. striatum. C’est également cette même combinaison caractéristique d’espèces que nous constatons à Brive-la-Gaillarde, Trifolium campestre étant absent de nos relevés (tableau 2).

Photo 8. Aspect du Vulpio bromoidis-Trifolietum subterranei ornithopodetosum compressi à Brive-la-Gaillarde ; M. Mady, CC-BY-NC-ND.

Annexe du tableau 2 – Auteur(s), date, commune (département), localisation précise.

  • rel. 1 : Mady Mickaël (CBNMC), 15/05/2014, Brive-la-Gaillarde (19), parc des Perrières ;
  • rel. 2 : Mady Mickaël & Nawrot Olivier (CBNMC), 28/04/2015, Noailles (19), prairie au nord-ouest du pont de Coudert ;
  • rel. 3 : Mady Mickaël, Nawrot Olivier (CBNMC) & Gaudefroy Dominique, 04/05/2016, Brive-la-Gaillarde (19), sud de la Chassagne ;
  • rel. 4 : Mady Mickaël (CBNMC), 26/05/2015, Brive-la-Gaillarde (19), nord-est de Laumont ;
  • rel. 5 : Mady Mickaël (CBNMC), 27/05/2015, Brive-la-Gaillarde (19), côteau entre Champ et Marcillac ;
  • rel. 6 : Mady Mickaël (CBNMC), 24/05/2016, Brive-la-Gaillarde (19), Puy Laporte ;
  • rel. 7 : Mady Mickaël (CBNMC), 27/05/2016, Brive-la-Gaillarde (19), côteau à l’ouest des Escrozes ;
  • rel. 8 : Mady Mickaël & Nawrot Olivier (CBNMC), 16/06/2016, Brive-la-Gaillarde (19), les Escrozes ;
  • rel. 9 : Mady Mickaël & Nawrot Olivier (CBNMC), 29/04/2015, Brive-la-Gaillarde (19), sud-ouest du Rechaulier ;
  • rel. 10 : Mady Mickaël & Nawrot Olivier (CBNMC), 28/04/2015, Brive-la-Gaillarde (19), sud-ouest du Rechaulier ;
  • rel. 11 : Mady Mickaël & Nawrot Olivier (CBNMC), 28/04/2015, Brive-la-Gaillarde (19), sud du Rechaulier ;
  • rel. 12 : Mady Mickaël & de Foucault Bruno, Noailles (19), côteau au sud-est de Malefarge ;
  • rel. 13 : Mady Mickaël (CBNMC), 16/05/2016, Brive-la-Gaillarde (19), bord d’un chemin à l’est du Mas ;
  • rel. 14 : Mady Mickaël & Nawrot Olivier (CBNMC), 29/04/2015, Brive-la-Gaillarde (19), parc des Perrières ;
  • rel. 15 : Mady Mickaël & Nawrot Olivier (CBNMC), 04/05/2016, Brive-la-Gaillarde (19), Bassaler ;
  • rel. 16 : Nawrot Olivier (CBNMC), 19/05/2015, Lissac-sur-Couze (19), sud de Moriolles-Bas ;
  • rel. 17 : Mady Mickaël & Nawrot Olivier (CBNMC), 22/05/2015, Brive-la-Gaillarde (19), sud du Mas ;
  • rel. 18 : Mady Mickaël & Nawrot Olivier (CBNMC), 29/04/2015, Brive-la-Gaillarde (19), sud du Rechaulier ;
  • rel. 19 : Lafon Pierre (CBNSA), 15/04/2019, Lalande-de-Pomerol (33) ;
  • rel. 20 : Lafon Pierre (CBNSA), 18/04/2019, Cestas (33), pelouse de l’INRAE ;
  • rel. 21 : Lafon Pierre (CBNSA), 02/05/2023, Audenge (33), domaine de Certes ;
  • rel. A : colonne synthétique de nos relevés du Vulpio bromoidis-Trifolietum subterranei typicum ;
  • rel. B : colonne synthétique de nos relevés du Vulpio bromoidis-Trifolietum subterranei trifolietosum glomerati ;
  • rel. C : colonne synthétique de nos relevés du Vulpio bromoidis-Trifolietum subterranei ornithopodetosum compressi subass. nov. ;
  • rel. D : colonne synthétique du Vulpio bromoidis-Trifolietum subterranei typicum (source : Wattez et al. 1978) ;
  • rel. E : colonne synthétique du Vulpio bromoidis-Trifolietum subterranei trifolietosum glomerati (source : Wattez et al. 1978) ;
  • rel. F : colonne synthétique du Ornithopodetum perpusillo-compressi typicum ;
  • rel. G : colonne synthétique du Ornithopodetum perpusillo-compressi teesdalietosum nudicaulis ;
  • rel. H : colonne synthétique du Ornithopodetum perpusillo-compressi trifolietosum cernui ;
  • Rel. I : colonne synthétique du Ornithopodetum perpusillo-compressi vulpietosum myuri.

 

Dans la région, le typicum (relevés 1 à 3, tableau 2) et le trifolietosum glomerati (relevés 4 à 8, tableau 2), lié à la proximité des dalles gréseuses à la surface du sol qui provoquent une hydromorphie temporaire, sont actuellement reconnus (Mady, 2016). Mais d’autres individus (tableau 2, relevés 9 à 21), même s’ils sont toujours dominés par ces trèfles annuels, possèdent des taxons plus thermophiles (Ornithopus compressus, O. Ímartinii, Vicia angustifolia, Lupinus angustifolius, Tolpis umbellata) et nitrophiles (Ervilia hirsuta et Arabidopsis thaliana), contrairement à ceux de la Brenne (cf. rel. D et E, tableau 2). Cette variation, liée à des sols plus secs, squelettiques et moins cohésifs en surface (arènes gréseuses, sables éoliens) en conditions thermophiles, assure la transition vers les pelouses thermoxérophiles et notamment l’Ornithopodetum perpusillo-compressi. Nous proposons de nommer cette sous-association nouvelle Vulpio bromoidisTrifolietum subterranei ornithopodetosum compressi Mady, B. Foucault & P. Lafon subass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : relevé 12 de notre tableau 2 reproduit ci-dessous :

Noailles (19), coteau au sud-est de Malefarge, M. Mady & B. de Foucault, 16/05/2016, N 45.0977, E 1.5305, 231 m, exposition sud, 4 m², 98 % de recouvrement, 0,1 m hauteur moyenne, 24 taxons

différentielles de sous-association : Ornithopus compressus 3, O. Ímartinii 1, Vicia angustifolia 1, Ervilia hirsuta +, Tolpis umbellata + ;

combinaison caractéristique d’association : Vulpia bromoides 2, Trifolium subterraneum 3, T. dubium 1, T. striatum 1 ;

caractéristiques des unités supérieures : Ornithopus perpusillus 2, Aira caryophyllea +, Silene gallica 1, Veronica arvensis +, Myosotis discolor +, Teesdalia nudicaulis + ;

autres taxons annuels : Bromus hordeaceus subsp. hordeaceus 1, Geranium molle +, G. dissectum +,

taxons vivaces : Rumex acetosella 3, Agrostis capillaris 2, Festuca rubra subsp. rubra. 2, Plantago lanceolata 1, Hypochaeris radicata 1, Hypericum linariifolium +.

 

Il est intéressant de noter que, dans le Sud-Ouest, Trifolium glomeratum se trouve aussi bien dans la variation liée aux sols à hydromorphie temporaire hivernale (trifolietosum glomerati) que dans la variation plus xérophile à Ornithopus compressus (ornithopodetosum compressi). Ce taxon semble adopter un comportement plus thermoxérophile à mesure qu’il se rapproche de son aire méridionale, rendant la mise en évidence plus délicate du Vulpio bromoidisTrifolietum subterranei trifolietosum glomerati dans le Sud-Ouest. Outre l’absence remarquable de Trifolium campestre dans nos relevés par rapport à la diagnose originelle (Wattez et al., 1978), nous constatons aussi dans la région que Silene gallica, Veronica arvensis, Cerastium glomeratum, Myosotis discolor et Geranium molle sont bien plus fréquents dans nos relevés, tout comme la présence significative du trèfle annuel méditerranéo-atlantique Trifolium incarnatum var. molinerii, absent des relevés de Brenne (cf. rel. D et E, tableau 2).

En Nouvelle-Aquitaine, cette pelouse est connue essentiellement en Basse-Marche (Mady, 2018 : 6), dans le bassin de Brive-la-Gaillarde (Mady, 2016 : 21-23 ; Mady et al., 2018 : 480-481) mais également dans l’Entre-Deux-Mers, sa périphérie et sur les marges des Landes de Gascogne (P. Lafon, obs. pers.).

 

5. Synsystématique des pelouses étudiées

Nous replaçons dans le schéma synsystématique ci-dessous les deux associations étudiées précédemment et leurs variations, avec les réserves émises sur leur affiliation au TheroAirion qui n’est pas complètement satisfaisante :

Helianthemetea guttati (Braun-Blanq. ex Rivas Goday 1958) Rivas Goday & Rivas Mart. 1963

       Helianthemetalia guttati Braun-Blanq. in Braun-Blanq., Molin. & He. Wagner 1940

                   Thero-Airion Tüxen ex Oberd. 1957

                      * Ornithopodetum perpusillo-compressi ass. nov.

                             typicum

                             teesdalietosum nudicaulis P. Lafon, Dufay & Guisier subass. nov.

                             trifolietosum cernui P. Lafon, Dufay & Guisier subass. nov.

                             vulpietosum myuri P. Lafon, Dufay & Guisier subass. nov.

                      * Vulpio bromoidis-Trifolietum subterranei Wattez, Géhu & Foucault 1978

                              ornithopodetosum compressi Mady, B. Foucault & P. Lafon subass. nov.

 

6. Conclusion

Dès la fin des années 1970, Wattez et al. (1978 : 194) soulignaient la méconnaissance des associations atlantiques ou méditerranéennes de trèfles nains dans les régions de l’Ouest et incitaient aux excursions phytosociologiques vernales pour combler ces lacunes. Presque un demi-siècle plus tard, nous répondons à cet appel en montrant l’originalité des ornithopodaies du Sud-Ouest (Ornithopodetum perpusillocompressi décrit ici, Ornithopodetum compresso-pinnati Menand, F. Kessler & Corriol in Corriol et al. 2022), qui constituent une formation végétale originale dans laquelle les ornithopodes trouvent un développement optimal par rapport aux trèfles annuels nains, en conditions xériques et sur sédiments silicatés. Le nouveau Vulpio bromoidisTrifolietum subterranei ornithopodetosum compressi illustre bien cette charnière entre ces ornithopodaies et les pelouses annuelles à trèfles nains.

La description de ces pelouses thérophytiques acidiphiles permet de combler des lacunes de connaissance en Nouvelle-Aquitaine. Toutefois, d’autres communautés de pelouses annuelles resteraient à y être étudiées, parfois composées de taxons à très forte valeur patrimoniale : Linaria spartea, Airopsis tenella, Neoschischkinia elegans, etc.

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Remerciements

Nous avons le plaisir de remercier Sophie Laugareil (Syndicat mixte de gestion des milieux naturels – SMGMN) et toute son équipe pour nous avoir guidés et accompagnés sur la Réserve naturelle nationale d’Arjuzanx (Landes), Patrick Gatignol pour nos discussions sur les pelouses à thérophytes méditerranéo-atlantiques et pour les informations sur Ornithopus ´martinii, Laurent Chabrol, Olivier Nawrot et Dominique Gaudefroy pour les prospections menées conjointement dans le bassin de Brive-la-Gaillarde et Bruno de Foucault pour nos échanges et investigations relatifs au Vulpio bromoidis-Trifolietum subterranei à Ornithopus compressus ainsi que pour sa relecture de notre texte.