Découverte d’une deuxième station française de Bowlesia incana Ruiz & Pav. à Toulouse (Haute-Garonne)

Title

Discovery of a second French station of Bowlesia incana Ruiz & Pav., 1802 in Toulouse (Haute-Garonne)

Résumé

Une nouvelle station française de Bowlesia incana a été découverte en février 2020 à Toulouse. La présente note reprend les circonstances de la découverte, les  caractères distinctifs de l’espèce et  l’état actuel des connaissances sur ce taxon, dont les critères d’identification sont discutés.

Abstract

A new French station of Bowlesia incana was discovered in February 2020 in Toulouse. A description of the distinguishing characteristics of the species and the station is presented as well as the current state of knowledge on this taxon, and then the identification criteria are discussed.

C’est en me promenant dans les rues de Toulouse au début de l’année 2020 que j’ai découvert en pleine ville une curieuse plante qui m’était jusqu’alors inconnue. Une centaine d’individus se développaient à l’interstice du mur et du trottoir à l’entrée de la rue de Gascogne.

1. Description de la station

La station est située au centre de Toulouse dans le quartier Saint-Cyprien (photo 1). La rue de Gascogne est à sens unique ; voitures et piétons y circulent toute la journée. La pression de piétinement y est forte et, comme généralement dans les zones très urbanisées, la végétation spontanée y est très pauvre. La bowlésie s’y développe sur une distance linéaire d’environ 15 mètres et la plupart des individus étaient en pleine floraison lors de mon observation le 16 février 2020. La station bénéficie d’un ensoleillement dans la première moitié de la journée, et profite de l’ombre des immeubles pendant l’autre moitié. Le long de ce mur poussent seulement deux autres espèces, Poa infirma Kunth, espèce annuelle des tonsures eutrophiles surpiétinées, et Parietaria judaica L., chasmophyte de parois et murs eutrophiles.

Photo 1. Bowlesia incana rue de Gascogne, à Toulouse, le 16 février 2020. © Léo Giardi.

2. Taxinomie et nomenclature

Bowlesia incana est une dicotylédone (eudicots) de la famille des Apiaceae. Ses synonymes sont Bowlesia geraniifolia Cham. & Schltdl. (1826), B. nodiflora DC. (1830), B. rotundifolia Phil. (1856) et B. septentrionalis Coult. & Rose (1900). Le genre Bowlesia a été intégré à la sous-famille des Azorelloideae, récemment créé suite à des études de phylogénie moléculaire (Plunkett et al., 2004). Elle comprend les genres Azerolla Lam, Asteriscium Cham. & Schltdl. et Diposis DC. Aucun autre taxon de cette sous-famille n’est présent en France métropolitaine. Le genre Bowlesia comporte 15 espèces et est surtout présent en Amérique du Sud à l’état sauvage.

3. Répartition

Cette espèce est présente à l’état sauvage dans différents pays du continent américain : États-Unis d’Amérique, Mexique, Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay et Chili. Elle est également présente en tant qu’espèce introduite dans certains autres pays comme la Nouvelle-Zélande, le Pakistan, la Corée du Sud ou la France (Mathias et al., 1965).

En France, cette espèce fut observée pour la première fois au xxe siècle d’un jardin situé à Agde, dans l’Hérault, autour duquel elle se naturalisait (Reduron, 2008). La plante ne semble jamais avoir été observée au xxie siècle, quand elle fut redécouverte en 2016 par Pierre-Olivier Cochard dans la rue du Midi à Toulouse (Belhacène et al., 2018). Il convient de noter que Marie-Thérèse Cerceau-Larrival a cultivé cette plante en 1957 à Toulouse pour ses travaux les plantules des Ombellifères. Selon Jean-Pierre Reduron (comm. pers.), cette date semble trop lointaine pour être à l’origine des deux populations actuellement observée à Toulouse.

Notre observation est donc la deuxième station française actuelle de l’espèce.

4. Critères d’identification

Cette plante est aisément reconnaissable sur le terrain et son identification est assez simple. Ses feuilles sont opposées (sauf les basales) et orbiculaires-réniformes, lobées-digitées en 5 à 9 lobes séparés par des sinus atteignant environ la moitié du limbe (photo 2). Cette forme est évidemment très singulière pour une apiacée sous nos latitudes et diffère sensiblement des feuilles des ombellifères autochtones.

Photo 2. Bowlesia incana. Feuille. Le 16 février 2020. © Léo Giardi.

Ses fleurs sont jaunes verdâtres ou pourprées et les pétales sont ovales (photo 3). Les ombelles sont courtement pédonculées et souvent présentes par deux à la base des feuilles. Un autre critère distinctif de cette espèce est la présence de poils étoilés (photo 4).

Photo 3. Bowlesia incana. Ombelle. Le 16 février 2020. © Léo Giardi.
Photo 4. Bowlesia incana. Tige avec des poils étoilés. Le 16 février 2020. © Léo Giardi.

Ce néophyte semble bien se plaire dans ses deux stations toulousaines. Sa dynamique actuelle étant peu connue sous nos latitudes, elle est donc à chercher.

Bibliographie

Belhacène L., Thèbe J. & Menand M., 2018. Espèces rares et méconnues trouvées en Haute-Garonne en 2018 : Bowlesia incana. Isatis 18 : 88.

Mathias M. & Contance L., 1965. A revision of the genus Bowlesia Ruiz & Pav. (Umbelliferae-Hydrocotyloideae) and its relatives. University of California Publications in Botany 38 :1-73.

Plunkett G., Chandler G., Lowry II P., Pinney S. & Sprenkle T., 2004. Recent advances in understanding Apiales and a revised classification. South African Journal of Botany 70 (3) : 371-381.

Reduron J.-P., 2008. Ombellifères de France : monographie des Ombellifères (Apiaceae) et plantes alliées, indigènes, naturalisées, subspontanées, adventices ou cultivées de la flore française, 1. Bulletin de la Société Botanique du Centre-Ouest, NS, n° sp. 26 : 1-563.

Remerciements

Ils vont à Jean-Pierre Reduron ainsi qu’à Lionel Belhacène pour leurs réponses à mes questions.