Découverte de Nitella capillaris (A.J. Krocker) J. Groves & Bull.-Webst., 1920 sur le Causse du Larzac

Title

Discovery of Nitella capillaris (A.J. Krocker) J. Groves & Bull-Webst., 1920 on the Causse du Larzac

Résumé

Une population de Nitella capillaris (A.J. Krocker) J. Groves & Bull.-Webst., 1920 a été découverte dans une mare au sud du Causse du Larzac, dans le département de l’Hérault. Cette note reprend la description de l’espèce, sa répartition actuelle et présente son écologie dans la station découverte.

Abstract

A population of Nitella capillaris (A.J. Krocker) J. Groves & Bull.-Webst., 1920 has been discovered in a pond south of the Causse du Larzac in the Hérault department. This note gives a description of the species, its current distribution and presents its ecology at the site discovered.

1. Préambule

Les zones humides en région méditerranéenne sont propices au développement d’espèces rares, menacées et/ou protégées. C’est à ce titre que des prospections sont réalisées chaque année par les botanistes locaux dans les lavognes et mares du Causse du Larzac, plateau calcaire situé à l’étage supraméditerranéen à cheval entre les départements de l’Aveyron et de l’Hérault, connu pour sa grande richesse floristique et accueillant notamment la seule mention historique de Damasonium alisma pour la région méditerranéenne française. Les noms scientifiques utilisés dans cette note floristique suivent le référentiel taxinomique TAXREF v. 16 (Gargominy et al., 2022)

 

2. Description et répartition de Nitella capillaris

Nitella capillaris est une algue de la famille des Characeae. Les plantes qui composent cette famille sont généralement peu étudiées par les botanistes, car leur identification passe par l’apprentissage d’un vocabulaire spécifique qui n’est pas employé dans l’étude des Trachéophytes. En France métropolitaine, on compte une quarantaine d’espèces réparties dans cinq genres : Chara, Lamprothamnium, Nitella, Nitellopsis et Tolypela. Le sud-est de la France a la chance de bénéficier d’un ouvrage majeur et incontournable, le Guide des Characées de France méditerranéenne (Mouronval et al., 2015), qui propose une clé d’identification et des monographies illustrées des 42 taxons présents dans la dition.

Le genre Nitella compte en France méditerranéenne dix espèces divisées en deux groupes, les Arthrodactylae, caractérisés par des dactyles unicellulaires, et les Anarthrodactylae, caratérisés par des dactyles pluricellulaires, dont Nitella capillaris fait partie.

Cette espèce vert jaunâtre mesure de 10 à 40 cm et présente des axes de 0,5 à 0,9 mm. Comme les autres nitelles, elle est totalement dépourvue de stipulodes, de cortex et d’acicules (photos 1 et 2). Les rameaux sont au nombre de quatre à onze par verticille, certains étant étalés et dépourvus de gamétanges, les autres étant denses et formant des glomérules mucilagineux très fertiles. Les dactyles sont tous unicellulaires, à apex acuminé (parfois obtus), au nombre de deux à cinq par rameau. Il s’agit d’une espèce dioïque, les plantes mâles et femelles étant fréquemment observées en mélange. Les gamétanges sont généralement pédicellés et insérés à la division des rameaux (photo 3). Les oogones sont groupées par deux à quatre et les anthéridies sont solitaires (Urbaniak & Gąbka, 2014).

Photo 1. N. capillaris, rameau fourchu (22/04/2023) ; L. Giardi (image sous licence CC-BY-NC-ND)
Photo 2. N. capillaris, axe sans cortex ni stipulodes et absence d’acicules (22/04/2023) ; L. Giardi (image sous licence CC-BY-NC-ND)
Photo 3. N. capillaris, inflorescence mâle (22/04/2023) ; L. Giardi (image sous licence CC-BY-NC-ND)

Nitella capillaris se distingue aisément de N. opaca par la présence d’un amas mucilagineux sur certains verticilles (photo 4). En revanche la distinction avec N. syncarpa est plus délicate, espèce à laquelle elle a été initalement rattachée au rang variétal (N. syncarpa var. capitata). N. syncarpa est une espèce estivalo-automnale, à rameaux femelles simples et à oospores présentant des crêtes peu saillantes, tandis que N. capillaris est vernale, à rameaux femelles divisés et à oospores présentant des crêtes ailées.

Photo 4. N. capillaris, inflorescence présentant un amas mucilagineux (22/04/2023) ; L. Giardi (image sous licence CC-BY-NC-ND)

Nitella capillaris est une espèce à répartition eurasiatique et nord-africaine, l’essentiel de ses populations se retrouvant en Europe centrale (carte 1).

En France, cette espèce est présente sur une grande partie du territoire, à l’exception du Nord-Est. En Méditerranée française, la majorité des populations est localisée dans le département du Var. La seule mention actuelle à l’ouest du Rhône se situe dans le département du Gard, sur la commune de La Capelle-et-Masmolène (carte 2). La station découverte sur le Causse du Larzac est donc la deuxième mention actuelle pour le Languedoc-Roussillon et une redécouverte pour le département de l’Hérault puisque la dernière observation, localisée sur la commune de Montpellier, date de plus de cent ans (Hy, 1913).

Carte 1. N. capillaris, répartition en Europe ; © GBIF Secretariat (2023.
Carte 2. N. capillaris, répartition en France méditerranéenne ; le point violet représente la station découverte sur le Larzac ; CBNMED (2023.

3. Description de la station découverte

Nitella capillaris est une algue pionnière adaptée aux faibles températures. Cette espèce à éclipse se développe uniquement quand les conditions écologiques le permettent (Mouronval et al., 2015) et affectionne dans la dition les eaux stagnantes sur substrat argileux, sableux ou limoneux, de préférence mésotrophes à oligo-mésotrophes, à pH neutre à légèrement acide. Elle peut s’observer dans des milieux artificialisés comme les fossés, les retenues d’eau ou les lavognes, mais également dans les mares naturelles des maquis et des garrigues.

La station observée est située sur la commune du Cros, dans le département de l’Hérault. Il s’agit d’une mare d’un mètre cinquante de profondeur en son centre, en eau toute l’année, mésotrophe à légèrement eutrophe et colonisée en partie par Typha latifolia. Les bordures présentent une végétation typiquement mésohygrophile avec Carex otrubae, Eleocharis palustris subsp. palustris, Mentha aquatica, Glyceria notata ou encore Juncus inflexus. Les plantes aquatiques se développant dans cette mare sont des espèces communes dans les milieux pionniers et mésotrophes à légèrement eutrophes comme Potamogeton natans, Ranunculus peltatus, Lemna minor ou Groenlandia densa (photos 5 et 6). Nitella capillaris pousse à une profondeur d’environ quarante centimètres en compagnie de deux autres Characeae, Chara globularis et Ch. vulgaris, espèces pionnières courantes en France méditerranéenne que l’on retrouve dans la plupart des milieux aquatiques pionniers, mésotrophes à eutrophes.

Des prospections poussées ont été réalisées dans cette mare durant l’année 2022, mais aucune Characeae n’y a été observée. Cette découverte met donc en évidence la forte dépendance de ces espèces fugaces avec les conditions climatiques et écologiques annuelles et l’importance de réaliser des inventaires sur plusieurs années consécutives.

Photo 5. N. capillaris in situ en mélange avec Groenlandia densa et Chara globularis (22/04/2023) ; L. Giardi (image sous licence CC-BY-NC-ND)
Photo 6. Mare encore en eau au début de l’été, présentant une riche diversité végétale hygrophile et aquatique (02/07/2023) ; L. Giardi

Bibliographie

Gargominy O., Tercerie S., Régnier C., Ramage T., Dupont P., Daszkiewicz P. & Poncet L., 2022. TAXREF, référentiel taxonomique pour la France : méthodologie, mise en œuvre et diffusion. Rapport PatriNat (OFB-CNRS-MNHN), Muséum national d’histoire naturelle, Paris, 47 pp.

GBIF Secretariat, 2022. Nitella capillaris (Krock.) J. Groves & Bull.-Webst. In GBIF Backbone Taxonomy, checklist.

Hy F., 1913. Les Characeae de France. Bulletin de la Société botanique de France 60, 4e série, XIII, mémoire 26 : 1-46.

Mouronval J.-B., Baudouin S., Borel N., Soulié-Märsche I., Klesczewski M. & Grillas P., 2015. Guide des Characeae de France méditerranéenne. Office national de la chasse et de la faune sauvage, Paris, 211 p.

Urbaniak K. & Gąbka M., 2014. Polish Charophytes: an illustrated guide to identification. Wydawnictwo Uniwersytetu Przyrodniczego, Wroclaw, 120 p.

Remerciements

Mes remerciements vont à Nicolas Borel pour la confirmation de l’identification, au Conservatoire botanique national méditerranéen pour l’édition de la carte de répartition de Nitella capillaris, ainsi qu’à Camille Lecompte, Vianney Franssens et Julien Mieusset pour leur soutien et les échanges sur les Characeae.