Carnets botaniques

Le 15 juin 2021, l’une d’entre nous (DC), lors de la prospection d’une station de Cytisus striatus (Hill) Rothm. à La Bodinais en Saint-Anne-sur-Brivet, pour répertorier les espèces compagnes en vue de l’inventaire permanent de la flore, a remarqué un genêt aux gousses poilues sur les faces, mais non renflées comme celles de C. striatus. Après avoir envisagé qu’il s’agissait d’un hybride entre ce dernier et C. scoparius (L.) Link, présent lui aussi au bord de la route départementale où il s’est naturalisé, l’analyse plus précise de la plante laissait envisager qu’il s’agisse en réalité d’un autre taxon naturalisé.

1. Identification de l’espèce

Lors du travail sur herbier réalisé au retour d’herborisation, la consultation de Flora Gallica (Tison & de Foucault, 2014) puis la réalisation de coupes des rameaux remettaient en cause l’identification initiale. En effet, les coupes montraient huit côtes en forme de T séparées par des poils crépus (photo 1), critère caractéristique de C. cantabricus (Willk.) Rchb. f. & Beck (Talavera et al., 1999). La comparaison avec des coupes de rameaux de C. striatus confirmait cette approche, les huit côtes de cette dernière espèce étant très proches mais ne laissent pas voir les vallées intercostales (photo 2). La consultation de deux d’entre nous (PR et PC) a permis de confirmer cette identification.

Photo 1. Cytisus cantabricus, coupe de rameau, Saint-Anne-sur-Brivet (44), 15/06/2021 ; © D. Chagneau.

Photo 2. Cytisus striatus, coupe de rameau, Saint-Anne-sur-Brivet (44), 15/06/2021 ; © D. Chagneau.

2. Localisation de l’espèce et présence en France

L’introduction de C. cantabricus dans cette localité de La Bodinais peut être datée avec une relative précision à la fin des années 1990. D’après Gilles Couëron (comm. pers.), les remaniements effectués en ce lieu dateraient de 1996. En effet, sur une photo aérienne de cette année-là sur le site Vu du ciel, on voit les échangeurs et très peu de végétation aux abords de la route nationale. Il y a donc eu probablement, lors des travaux, des semis de C. striatus pour fixer le sol sur les pans rocheux très abrupts de la RN 165. On peut imaginer que des graines de C. cantabricus se trouvaient dans le lot.

Il faut noter que, le même jour, un autre genêt aux gousses poilues sur les faces a été repéré (photo 3), au lieu-dit la Sublaire, à 350 m de La Bodinais. Une autre visite sur site, le 4 juillet (DC), a permis de le récolter, sur le talus de la route, dans un fourré à Cytisus scoparius L. subsp. scoparius et Ulex europaeus L. subsp. europaeus accompagnés d’espèces indigènes comme Jasiona montana L., Teucrium scorodonia L., Agrostis curtisii Kerguélen, Hypericum pulchrum L., Digitalis purpurea L., ainsi que des Rubus de l’aggrégat R. fruticosus L., dont R. leightonii Lees ex Leighton fréquent dans les landes.

Photo 3. C. cantabricus x C. scoparius, fruits, La Sublaire (44), 15/06/2021 ; © D. Chagneau.

L’analyse de cette plante, à tiges à sept côtes disposées de manière irrégulière (photo 4), laisse penser qu’il s’agit probablement d’un individu hybride entre C. scoparius et C cantabricus, ou plutôt d’une introgression, les caractères de C cantabricus dominants ; les gousses contiennent des graines bien formées, cet individu est donc fertile. Ce pied introgressé est probablement issu du pied de La Bodinais. Cette observation montre l’évidente proximité génétique entre C. scoparius et C. cantabricus. Il serait par ailleurs intéressant de suivre la population de C. scoparius de la Sublaire pour noter si d’autres pieds introgressés apparaissent dans ce site ou à proximité.

La présence de C. cantabricus en France a été évoquée suite à l’observation d’un exemplaire à gousses velues faite le 3 août 1973 en Gironde, aux environs du Pyla-sur-Mer, sur la commune de La Teste-de-Buch, par Christian Bernard et Gabriel Fabre, dans une dune littorale boisée (Bernard & Fabre, 1975). Dans la Monographie des Leguminosae de France (tome 4), deux d’entre nous (PR & PC) ont mis en évidence qu’il ne s’agissait pas de l’espèce type, mais sans doute, là également, d’un pied introgressé, probablement avec C. scoparius (Coulot & Rabaute, 2016). Plus imprécis, Rouy a décrit en 1897 une forme richteri de C. scoparius à partir d’une plante observée dans la vallée de la Nive, entre Saint-Jean-Pied-de-Port et Ossès, dans le département des Pyrénées-Atlantiques. Elle pourrait également s’y rapporter. L’observation de La Bodinais serait donc très probablement la première en France d’un pied de C. cantabricus, issu de semis il y a environ 25 ans.

3. Présentation de Cytisus cantabricus

3.1. Description

C. cantabricus appartient à la section Spartiopsis Dumort. (Talavera, 1999). C’est un arbuste de 1 à 2 m, à port érigé et ramifié. Les jeunes rameaux sont pubescents puis glabrescents avec l’âge ; ils portent des feuilles trifoliolées pétiolées à la base et des unifoliolées plus petites à l’apex des jeunes tiges. Les rameaux ont huit côtes en forme de T avec des poils crépus dans les vallées intercostales (photo 5). Les fleurs sont axillaires, pédicellées (pédicelle 7-13 mm), à calice campanulé bilabié à dents très courtes à l’apex, glabre, de 5-7,5 mm, à corolle jaune possédant un étendard de 18-22 × c. 20 mm, émarginé à l’apex et arrondi à la base. Le style, enroulé en spirale à l’anthèse, est pubescent et aplati dans le tiers supérieur (caractères de la section Spartiopsis). L’androcée possède quatre étamines longues, une médiane et cinq courtes. Les gousses de 25-45 × 10-11 mm sont planes velues sur les face (photo 6) et les semences de dimension 3-4 x 2-3 mm, ovoïdes, possèdent une large strophiole blanche.

Photo 5. C. cantabricus, rameaux, Saint-Anne-sur-Brivet (44), 15/06/2021 ; © D. Chagneau.

Photo 6. C. cantabricus, fruits, Saint-Anne-sur-Brivet (44), 15/06/2021 ; © D. Chagneau.

3.2. Comparaison avec les espèces proches : C. striatus et C. scoparius

Les caractères discriminants ces trois espèces sont les suivants (Talavera, loc.cit.) :

• Cytisus striatus (Hill) Rothm. : rameaux à (7)8(9) côtes longitudinales en forme de T très rapprochées (photo 2), densément velus dans leur jeunesse puis glabres ; calice velu à poils appliqués, seulement deux longues étamines, des gousses renflées biconvexes, densément velues (photo 7) de 17-35 mm ;
• Cytisus scoparius : rameau à cinq côtes aiguës bien marquées en V inversé ; calice glabre, gousses planes, glabres sur les faces et ciliées sur les marges, de 20-50 mm.

Photo 7. C. striatus, fruits, Saint-Privat-de-Vallongue (48), 10/06/2014 ; © P. Coulot & Ph. Rabaute.

4. Conclusion

La présence de C. cantabricus à Saint-Anne-sur-Brivet (photo 8) est donc la première mention pour la France, comme précisé dans la Monographie des Leguminosae de France (loc. cit.). Nous pensons que cette situation n’est pas isolée sur le territoire, notamment dans toute la zone atlantique et généralement sur silice, où la naturalisation de Cytisus striatus est fréquente, en particulier le long des voies rapides.

Photo 8. C. cantabricus, aspect général, récolte de D. Chagneau à Saint-Anne-sur-Brivet (44), 15/06/2021 ; © P. Coulot & Ph. Rabaute.