Sur les pas de J. Braun-Blanquet : quelques associations végétales sur Grabels et environs (Hérault)
Title
In the footsteps of J. Braun-Blanquet: some plant associations around Grabels (Hérault)
Résumé
À la suite de J. Braun-Blanquet, on apporte ici de nouvelles données phytosociologiques sur l’arrière-pays montpelliérain, avec huit associations végétales nouvelles : l’Erico multiflorae-Viburnetum tini, le Veronico cymbalariae-Geranietum purpurei, le Geranietum columbino-purpurei, l’Erodietum ciconio–malacoidis, le Teucrio aurei-Lavanduletum latifoliae (des dolomies héraultaises), l’Irido foetidissimae-Achnatheretum paradoxi, le Sileno italicae-Vincetoxicetum nigri et l’Olopto miliacei-Parietarietum judaicae.
Abstract
Following in the footsteps of J. Braun-Blanquet, this report provides new phytosociological data on Montpellier and its hinterland, with eight new plant associations: Erico multiflorae-Viburnetum tini, Veronico cymbalariae-Geranietum purpurei, Geranietum columbino-purpurei, Erodietum ciconio–malacoidis, Teucrio aurei-Lavanduletum latifoliae (from the dolomites of the Hérault region), Irido foetidissimae-Achnatheretum paradoxi, Sileno italicae-Vincetoxicetum nigri and Olopto miliacei-Parietarietum judaicae.
Entre 2012 et le début de l’année 2024, mes recherches phytosociologiques ont surtout porté sur le département de l’Aude et ont donné lieu à une trentaine de publications. Depuis le printemps 2024, une migration vers le département de l’Hérault a ouvert de nouvelles perspectives sur la végétation franco-méditerranéenne. En 1930, le fondateur de la phytosociologie, J. Braun-Blanquet (1884-1980), avait fondé à Montpellier la Station internationale de géobotanique méditerranéenne et alpine, dite plus brièvement la SIGMA, dans le cadre de laquelle il a apporté de nombreuses informations sur la végétation ouest-méditerranéenne. Depuis cette période, les méthodes d’approche du tapis végétal se sont affinées et on s’aperçoit que Braun-Blanquet n’avait pas tout vu ou avait vu trop largement. Dans cette première publication de ma part sur la végétation centre-héraultaise, j’apporte des données nouvelles sur des fourrés, des friches thérophytiques, des garrigues, des ourlets vernaux.
Au centre des investigations actuelles et développées dans la suite de cet article, se situe la ville de Grabels (16 km², environ neuf mille habitants), au nord de Montpellier. On y distingue habituellement le « village », cœur historique, et la Valsière plus à l’est. Entourée de collines calcaires, cette commune a fait l’objet d’un atlas de la biodiversité communale (https://www.ville-grabels.fr/17675-atlas-de-biodiversité-communale.htm), qui apporte toutefois peu de données sur la végétation présente, en dehors de la liste des habitats selon le référentiel Corine-biotopes et un focus sur la ripisylve de la Mosson et ses populations d’Ulmus minor.
On suit en grande partie la nomenclature de Flora Gallica (Tison & de Foucault, 2014).
1. Un fourré à Erica multiflora
Le tableau 1 réunit trente-deux relevés d’un fourré caractérisé par une combinaison de Phillyrea angustifolia, Ph. media, Viburnum tinus, Erica multiflora (photo 1), Quercus coccifera, Juniperus oxycedrus subsp. o., Smilax aspera, Rhamnus alaternus subsp. a., Asparagus acutifolius, Lonicera implexa (photo 2), Pistacia lentiscus, Genista scorpius (photo 3), Clematis flammula, Daphne gnidium…, qui l’oriente clairement vers le Rhamno lycioidis-Quercion cocciferae Rivas Goday ex Rivas Mart. 1975 au sein des Pistacio lentisci-Rhamnetea alaterni, bien que la présence d’Arbutus unedo et Cistus monspeliensis, réputés acidiphiles, le fasse légèrement pencher vers les Cytiso villosi-Genistetalia monspessulanae Rivas Mart. et al. in Rivas Mart. et al. 2002 (de Foucault, 2021a). Au sein du Rhamno-Quercion cocciferae, l’association connue la plus proche paraît être le Quercetum cocciferae Braun-Blanq. ex Braun-Blanq., Roussine & Nègre 1952 (Braun-Blanquet et al., 1952 : 240), dont les données synthétiques sont reprises dans les colonnes Qp1 et Qp2 du tableau 1. La comparaison montre que notre groupement se différencie positivement du Quercetum cocciferae par Viburnum tinus, Erica multiflora, Arbutus unedo, Phillyrea media, Ph. latifolia, Buxus sempervirens, Cistus monspeliensis et négativement par la rareté de Rubus ulmifolius, Euphorbia characias subsp. ch., Lonicera etrusca. De telles différences paraissent étonnantes dans une aire somme doute assez réduite, mais on n’a pas beaucoup d’informations sur la localisation géographique des relevés de Braun-Blanquet. Quoi qu’il en soit, on peut interpréter les relevés du tableau 1 comme association originale sous le nom de Erico multiflorae-Viburnetum tini ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : relevé 9 du tableau 1 hoc loco, retranscrit ci-après :
Grabels (34), chemin du Tambourin, N 43° 38’ 49,7’’, E 3° 47’ 26,1’’, 92 m, 25/05/2024, 90 %, 60 m², 17 taxons, photo 4
- Rhamno-Quercion cocciferae et unités supérieures: Viburnum tinus 3, Smilax aspera 3, Rhamnus alaternus *a. 3, Erica multiflora 2, Quercus coccifera 2, Juniperus oxycedrus *o. 2, Phillyrea angustifolia 1, media 1, Ph. latifolia 1, Asparagus acutifolius 1, Lonicera implexa 1, Pistacia lentiscus +, Arbutus unedo +,
- autres taxons : Pinus halepensis j 1, Quercus ilex j 1, pubescens j +, Cytisophyllum sessilifolium +.
Riche de 15,6 taxons par relevé en moyenne, ce fourré neutrophile apparaît sans variation significative tant dans le sous-bois que dans les formes de dégradation de pinèdes dominées par Pinus halepensis qui peuvent se rattacher au Querco ilicis-Pinetum halepensis B. Foucault & Julve ex B. Foucault & Julve in B. Foucault 2020 nom. inv. (de Foucault, 2020, sub Pino halepensis-Quercetum ilicis), à une altitude moyenne de 96 m.
Annexe du tableau 1 (tous les relevés proviennent de la commune de Grabels, 34, sauf n° 26, 30 à 32) – rel. 1 : ancien chemin de Montpellier, côté sud, 30/03/2024 ; rel. 2 : id. rel. 1, côté nord du chemin, 30/03/2024 ; rel. 3 : chemin du Redonnel, 01/04/2024 ; rel. 4 : chemin du Salinier, 01/04/2024 ; rel. 5 : sud-est de la source de Dammartin, 01/04/2024 ; rel. 6 : vers les rues P.-J.-David et rue François-Ranchin, 06/04/2024 ; rel. 7 : au sud du chemin de Guillery, 06/04/2024 ; rel. 8 : id. rel. 4, 07/04/2024 ; rel. 9 : au-dessus de la rue de la Pinède, sur la D 127, 13/04/2024 ; rel. 10 : sud-ouest de Montalet, 13/03/2024 ; rel. 11 : nord du chemin de Montalet, 13/03/2024 ; rel. 12 : est de la route de Saint-Gély, 13/03/2024 ; rel. 13 : au-dessus du chemin du Perdigal, 14/04/2024 ; rel. 14 : nord de la D 127, ouest du chemin du Salinier, 21/04/2024 ; rel. 15 : sud de la D 127, vers la déchèterie, 21/04/2024 ; rel. 16 et 17 : vers le club de tennis ASCH, 04/05/2024 ; rel. 18 : sortie de commune, au sud-ouest, sur la D 102, 05/05/2024 ; rel. 19 : est du cimetière du Clot, 08/05/2024 ; rel. 20 : vers Les Terrasses, 08/05/2024 ; rel. 21 : est du chemin du Salinier, 19/05/2024 ; rel. 22 : val de la Mosson, 20/05/2024 ; rel. 23 : versant du val de la Mosson, Descente à moi, 20/05/2024 ; rel. 24 : val de la Mosson, 25/05/2024 ; rel. 25 : chemin du Tambourin, 25/05/2024 ; rel. 26 : Castries (34), chemin de Bannières, 02/06/2024 ; rel. 27, 28 et 29 : val de la Mosson, Belial, 16/06/2024 ; rel. 30 : Clapiers (34), sous-bois, 21/08/2024 ; rel. 31 et 32 : Saint-Clément-de-Rivière (34), bois de Saint-Sauveur, Grand Devois de la Grange, 24/06/2024.
2. Des ourlets vernaux à Geranium purpureum
La notion d’ourlet thérophytique vernal n’était pas connue de J. Braun-Blanquet ; l’affinement de la vision du tapis végétal a en effet permis l’émergence de telles unités végétales à partir des années 1980 grâce notamment aux travaux de phytosociologues espagnols (S. Rivas-Martínez) et italiens (S. Brullo).
Le tableau 2 rassemble seize relevés d’un premier ourlet surtout étudié entre fin mars et début mai, caractérisé par la combinaison de Geranium purpureum (photo 5), G. rotundifolium, Veronica cymbalaria (photo 6), Galium aparine, Euphorbia peplus, Bromus diandrus, Crepis sancta, Fumaria capreolata, Cardamine hirsuta, Scandix pecten-veneris subsp. p. ; il peut entrer en contact avec une végétation vivace plus ou moins rudérale à Oloptum miliaceum, Dittrichia viscosa subsp. v., Parietaria judaica… Les affinités méditerranéennes de cet ourlet ne sont donc que faiblement exprimées, il semble toutefois assez bien se ranger dans le Valantio muralis-Galion muralis Brullo in Brullo & Marcenò 1985 (de Foucault, 2009), alliance au sein de laquelle il n’a guère d’équivalent déjà connu. On peut le décrire sous le nom nouveau de Veronico cymbalariae-Geranietum purpurei ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : relevé 5 du tableau 2 hoc loco, retranscrit ci-dessous :
Grabels (34), avenue de Rome, N 43° 38’ 35,4’’, E 3° 49’ 09,1’’, 102 m, 11/04/2024, 60 %, 30 m², 11 taxons, photo 7
- Valantio-Galion muralis et unités supérieures : Geranium purpureum 4, Galium aparine 3, Geranium rotundifolium 2, Bromus diandrus 2, Veronica cymbalaria 1, Euphorbia peplus 1, Fumaria capreolata 1, Scandix pecten-veneris *p. +,
- autres taxons : Sonchus oleraceus 2, Vicia segetalis 1, Cerastium glomeratum +.
Accueillant en moyenne environ 10 taxons annuels par relevé, cette association ne paraît pas très rare dans la région montpelliéraine à une altitude moyenne de 77 m, mais la courte fenêtre temporelle d’observation en limite le nombre de relevés. Les relevés 14 à 16 définissent une petite variation un peu plus rudérale différenciée par Medicago polymorpha, Hordeum leporinum subsp. l., Sherardia arvensis.
Parfois, le Veronico-Geranietum purpureae colonise les ouvertures des strates forestières herbacées vivaces des chênaies vertes locales dégradées par des perturbations biotiques. Cinq relevés d’une telle végétation vivace sont rapportés dans le tableau 3. À côté de plusieurs taxons juvéniles de l’Erico–Viburnetum tini, on reconnaît une composition floristique à base de Carex distachya, Ruscus aculeatus, Hedera helix, Asparagus acutifolius, Rubia peregrina subsp. p., permettant de rapprocher ce syntaxon de la classe des Rubio peregrinae-Asplenietea onopteridis B. Foucault 2020 (de Foucault, 2020).
Dans des situations plus naturelles, moins anthropisées, notamment au sein des garrigues à Quercus coccifera, il existe un second type d’ourlet thérophytique vernal à Geranium purpureum, mais aussi avec G. columbinum (photo 8), Centranthus calcitrapae (photo 9)…, dont le tableau 4 rapporte neuf relevés. Avec G. columbinum, il rappelle un peu le Geranietum lucido-columbini décrit de Basse-Normandie (de Foucault, 1989) et le Geranio columbini-Sedetum cepaeae décrit du Limousin (Mady et al., 2019). Ici la tonalité méditerranéenne est cependant plus marquée. On peut définir le Geranietum columbino-purpurei ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : relevé 5 du tableau 4 hoc loco (photo 10).
Annexe du tableau 2 (tous les relevés proviennent de la commune de Grabels, 34, sauf n° 6, 9 et 11) – rel. 1 : ancien chemin de Montpellier, 06/04/2024 ; rel. 2 : vers le 303 ancien chemin de Montpellier, 06/04/2024 ; rel. 3 : La Valsière, vers la crèche municipale, 07/04/2024 ; rel. 4 : route de Montpellier, 07/04/2024 ; rel. 5 : avenue de Rome, 11/04/2024 ; rel. 6 : Montpellier (34), jardin botanique, 11/04/2024 ; rel. 7 id. rel. 2, 13/04/2024 ; rel. 8 : face au 47 rue des Cévennes, 14/04/2024 ; rel. 9 : Montpellier (34), jardin des plantes, 25/02/2025 ; rel. 10 : square René-Maury, 27/02/2025 ; rel. 11 : Montpellier (34), campus de l’université des sciences, 05/03/2025 ; rel. 12 : vers la source de l’Avy, 27/04/2025 ; rel. 13 : bord de la D 986 E2 ; rel. 14 : vers le club de tennis ASCH, 04/05/2024 ; rel. 15 : vers le 22 rue des Écoles, 05/05/2024 ; rel. 16 : vers le City Stade, 11/05/2024.
Annexe du tableau 3 (tous les relevés proviennent de la commune de Grabels, 34, sauf n° 4 et 5) – rel. 1 : près du parking du club de tennis ASCH, 04/05/2024 ; rel. 2 : ouest de la rue Edmond-Frémy, 21/04/2025 ; rel. 3 : nord-ouest du club de tennis ASCH, 21/04/2025 ; rel. 4 : Prades-le-Lez (34), domaine de Restinclières, sud du château, 12/06/2024 ; rel. 5 : Vailhauquès (34), extrémité de l’impasse de Pégase, près de la déchèterie, 09/06/2025.
Annexe du tableau 4 (tous les relevés proviennent de la commune de Grabels, 34) – rel. 1 : sud-est du cimetière du Clot, 12/05/2024 ; rel. 2 à 5, 7 et 8 : différents points au-dessus de la source de l’Avy, chemin de Belial, 13/05/2025 et 24/05/2025 ; rel. 6 : est du Pradas, 17/05/2025 ; rel. 9 : sur GR 653, 22/05/2025.
3. Une friche thérophytique vernale à Erodium malacoides
Biologiquement (végétation thérophytique) et phénologiquement (végétation vernale) proche de l’ourlet précédent, mais à développement souvent spatial et non plus linéaire, en outre plus héliophile et plus rudérale, la friche à Erodium ciconium est décrite par les huit relevés du tableau 5. On peut la caractériser par la combinaison de Erodium malacoides (photo 11), E. ciconium (photo 12), Hordeum leporinum subsp. l./subsp. glaucum, Geranium rotundifolium, Carduus pycnocephalus (photo 29), Medicago polymorpha, Calendula arvensis, Diplotaxis erucoides. Au sein des Sisymbrietea officinalis, elle peut se rattacher à l’Hordeion leporini Braun-Blanq. ex Braun-Blanq. et al. 1947 (de Foucault, 2012). La comparaison des colonnes Emc, Hl (Hordeetum leporini, d’après de Foucault, 2012, tableau 4 : colonne 45) et CHl (Carduo pycnocephali-Hordeetum leporini Braun-Blanq. 1936 em. O. Bolòs 1962, d’après Roselló, 1994, tableau 36) du tableau 5 montre que le groupement étudié ici est suffisamment distinct de ces Hordeeta leporini, les associations les plus proches au sein de l’alliance, pour être décrit comme association originale sous le nom de Erodietum ciconio-malacoidis ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : relevé 4 du tableau 5 hoc loco, retranscrit ci-dessous :
Grabels (34), centre, vers le carrefour route de Saint-Gély ´ route de Lodève, sur la D 102,
N 43° 39’ 01,9’’, E 3° 47’ 26,7’’, 63 m, 13/04/2024, 95 %, 2 m², 12 taxons, photo 13
- Hordeion leporini et unités supérieures : Erodium ciconium 3, malacoides 2, Hordeum leporinum *l./*glaucum 3, Geranium rotundifolium 1, Carduus pycnocephalus *p. 1, Medicago polymorpha 1, Bromus diandrus +, B. sterilis +,
- autres taxons : Galium aparine 2, Scandix pecten-veneris *p. +, Capsella bursa-pastoris 1, Silybum marianum +.
Avec une moyenne de 12 taxons par relevé, cet Erodietum ciconio-malacoidis paraît assez commun au printemps dans les environs de Montpellier, à une altitude moyenne de 80 m. Dans le paysage urbain où on le rencontre de préférence, il entre en contact avec une friche vivace d’optimum estival à Malva sylvestris, Dittrichia viscosa subsp. v., Foeniculum vulgare, Cichorium intybus… pouvant se rattacher au Brachypodion phoenicoidis Braun-Blanq. ex Molin. 1934, au sein des Dittrichietea viscosae Trinajstić et al. in B. Foucault & Jasprica 2019 (de Foucault & Jasprica, 2019).
Annexe du tableau 5 (tous les relevés proviennent de la commune de Grabels, 34, sauf n° 8) – rel. 1 : La Valsière, vers le magasin Auchan (ex-Casino), rue Gaston-Planté, 06/04/2024 ; rel. 2 : La Valsière vers la rue Dante-Alighieri et le ruisseau de la Valsière, 07/04/2024 ; rel. 3 : centre, vers le carrefour ancien chemin de Montpellier ´ route de Montpellier, 07/04/2024 ; rel. 4 : centre, vers le carrefour route de Saint-Gély ´ route de Lodève, sur la D 102, 13/04/2024 ; rel. 5 : La Valsière, vers le carrefour rue Antoine-Jérôme-Balard ´ rue Édouard-Branly, 04/05/2024 ; rel. 6 : id. rel. 5, vers le 245 rue Antoine-Jérôme-Balard, résidence Victoria Garden, 04/05/2024 ; rel. 7 : centre, entre les stations de bus Les Terrasses et Source, bord de la D 102, 08/05/2024 ; rel. 8 : Saint-Jean-de-Védas (34), centre commercial de la Condamine derrière le magasin Leroy-Merlin, 16/05/2025.
4. La garrigue à Lithodora fruticosa
Au voisinage des formes héliophiles de l’Erico multiflorae-Viburnetum tini, on observe souvent une belle pelouse chaméphytique à Lithodora fruticosa (photo 14), dont le tableau 6 rassemble neuf relevés inédits numérotés de 1 à 9. Avec Salvia rosmarinus, Bupleurum rigidum, Aphyllanthes monspeliensis, Teucrium polium, Brachypodium retusum, Fumana ericifolia, Thymus vulgaris, Globularia vulgaris (photo 15), Carex halleriana, Stipa offneri (photo 16), cette association coïncide avec le Rosmarino-Lithospermetum Braun-Blanq. ex Molin. 1934 [syn. : association à Rosmarinus et Lithospermum fruticosum Braun-Blanq. 1924 (Bull. Soc. Bot. France 71 (4) : 888) nom. inval.], muté ici en Salvio rosmarini-Lithodoretum fruticosae nom. mut. hoc loco (Braun-Blanquet, 1924 ; Molinier, 1934). Dans leur synthèse de 1952, Braun-Blanquet et al. décrivent pas loin de onze variations, leur tableau II étant synthétisé dans la partie droite du tableau 6 (colonnes a à k). Entre mes données inédites et celles de Braun-Blanquet et al., on note de nombreuses différences floristiques ; les listes de 1952 sont volontairement incomplètes, notamment manquent les formes juvéniles des arbustes de la garrigue, ainsi que Schoenus nigricans qui apparaît dans leur tableau III en tant que taxon différentiel du schoenetosum nigricantis. Mais on relève des différences plus significatives, ainsi Ononis minutissima, Asperula cynanchica, Sideritis hyssopifolia, Thymelaea sanamunda, Leontodon hirtus, Linum salsoloides, Astragalus monspessulanus, Leucanthemum graminifolium, Leontodon crispus, Trinia glauca n’ont guère été rencontrées dans la garrigue de Grabels. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas de raison de distinguer ici une association différente du Salvio rosmarini-Lithodoretum fruticosae (photo 17). Il est toutefois évident qu’une reprise moderne de cette association serait souhaitable.
Braun-Blanquet (1955, tableau V) rattache encore à cette association une forme dolomiticum, avec deux variantes (à Pinus salzmannii, à Trichostomum crispulum-Pleurochaete), synthétisées respectivement en colonnes RLf d1 et RLf d2 dans le tableau 6. Ce rattachement paraît cependant quelque peu extrême, de nombreux taxons autorisant l’autonomie de cette forme dolomiticole en tant que Teucrio aurei-Lavanduletum latifoliae (Braun-Blanq. 1955) ass. nov. hoc loco, les différences floristiques entre les deux variations ne justifiant guère de définir des sous-associations, typus nominis hoc loco : relevé 1 du tableau V in Braun-Blanquet (1955, Collect. Bot. IV (III) hors texte).
Annexe du tableau 6 (tous les relevés proviennent de la commune de Grabels, 34) – rel. 1 : au-dessus de la rue de la Pinède, 13/04/2024 ; rel. 2 : au-dessus du chemin de Guillery, 14/04/2024 ; rel. 3 : ancien chemin de Montpellier, 23/04/2024 ; rel. 4 : vers le club de tennis ASCH, 04/05/2024 ; rel. 5 : au-dessus de la D 127, ouest du chemin du Salinier, 21/04/2024 ; rel. 6 : id. rel. 4, 04/05/2024 ; rel. 7 : sortie de Grabels sur D 102, sud-ouest de la commune, 05/05/2024 ; rel. 8 : est du chemin du Salinier, 19/05/2024 ; reel. 9 : nord-est du stade Serge-Oltra, 17/05/2025.
5. Des ourlets vivaces
La rivière Mosson prend sa source à Montarnaud, se dirige vers le nord pour baigner Vailhauquès, puis oblique vers l’est, longeant Combaillaux, repart vers le sud en effleurant Grabels, Juvignac, Lavérune et Saint-Jean-de-Védas, puis se dirige vers l’est pour rejoindre le Lez vers l’étang d’Arnel et l’étang du Méjean à Palavas-les-Flots, soit un parcours d’un peu plus de trente-sept kilomètres ; à Grabels, elle reçoit sur sa rive droite un minuscule affluent de deux cents mètres de long, l’Avy. Elle est partiellement bordée d’une ripisylve à Fraxinus angustifolia (photo 18). Parfois, et c’est le cas sur Grabels, elle s’encaisse assez fortement en contrebas de plateaux calcaires ; alors la ripisylve entre en contact avec une forêt plus xérophile où l’on peut observer l’Erico multiflorae-Viburnetum tini déjà présenté.
Ces deux types de boisement font apparaître des ourlets vivaces qui partagent notamment Silene italica, Achnatherum bromoides (photo 19), Asparagus acutifolius, Rubia peregrina subsp. p., ainsi que plusieurs formes juvéniles des arbustes du sous-bois. Cette notion d’ourlet préforestier vivace n’était guère connue de J. Braun-Blanquet puisque ce sont surtout les phytosociologues allemands (R. Tüxen, Th. Müller) qui l’ont mis en exergue au début des années 1960. D’abord au voisinage de la ripisylve, c’est un ourlet à Achnatherum paradoxum (photo 20), dont le tableau 7 rassemble neuf relevés (nos 1 à 9) ; assez original, il mérite d’être élevé au rang d’association en tant qu’Irido foetidissimae-Achnatheretum paradoxi ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : relevé 1 du tableau 7 hoc loco, repris ci-dessous :
Grabels (34), vallée de la Mosson, N 43° 38’ 44,6’’, E 3° 47’ 40,3’’, 56 m, le 25 mai 2014, 90 %, 6 m², 22 taxons, photo 21
- combinaison caractéristique : Achnatherum paradoxum 3, bromoides 2, Ruscus aculeatus 2, Brachypodium sylvaticum 2, Hedera helix 2, Asparagus acutifolius 2, Rubia peregrina * p. 2, Geum urbanum 1, Iris foetidissima +, Silene italica +,
- jeunes ligneux : Clematis flammula j 1, Celtis australis j 1, Smilax aspera j +, Viburnum tinus j +, Quercus ilex j +,
- autres taxons : Osyris alba 2, Centaurea 1, Rubus sp. 1, Agrimonia eupatoria +, Hypericum perforatum +, Campanula rapunculus +, Dactylis glomerata *g. +.
L’ourlet de la forêt xérophile (tableau 7 : relevés 10 à 13), bien plus rare que le précédent, se différencie du précédent par plusieurs taxons issus des garrigues locales (Brachypodium retusum, Bupleurum rigidum…), tout en étant particulièrement caractérisé par Vincetoxicum nigrum (photo 22) : Sileno italicae-Vincetoxicetum nigri ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : relevé 10 du tableau 7 hoc loco, repris ci-dessous :
Prades-le-Lez (34), domaine de Restinclières, ancien chemin du Triadou à Prades, N 43° 42’ 36,7’’,
E 3° 51’ 41,6’’, 75 m, le12 juin 2024, 70 %, 5 m², 21 taxons
- combinaison caractéristique : Silene italica 2, Teucrium chamaedrys 2, Rubia peregrina *p. 1, Vincetoxicum nigrum +, Achnatherum bromoides +,
- jeunes ligneux : Quercus coccifera j 2, Viburnum tinus j 2, Rosa sempervirens j 2, Asparagus acutifolius 1, Lonicera etrusca j 1, Quercus pubescens j +,
- autres taxons : Lotus dorycnium 2, Carex flacca 2, Brachypodium retusum 2, Bromus erectus 2, Bupleurum rigidum 2, Potentilla hirta 1, Osyris alba 1, Rumex intermedius 1, Ruscus aculeatus +, Ononis minutissima +.
La présence de formes juvéniles de Cercis siliquastrum au sein de l’Irido–Achnatheretum paradoxi montre la potentialité d’un fourré accueillant ce taxon, dont le tableau 8 rapporte quatre relevés. Ces fourrés, sans doute à rattacher au Pruno spinosae-Rubion ulmifolii O. Bolòs 1954, correspondent clairement à un élément des ripisylves locales évoquées par Coulot & Rabaute (à paraître, fiche Cercis siliquastrum, § Habitat – Chorologie – Floraison) dans « le vallon de la Mosson entre Vailhauquès et Combaillaux ». C. siliquastrum peut se développer en arbre et ainsi atteindre la canopée de la ripisylve, s’associant à Fraxinus angustifolia, Ulmus minor, parfois Quercus pubescens, Populus nigra, P. alba (Populo neapolitanae-Fraxinetum angustifoliae (Tchou 1948) B. Foucault & Julve ex B. Foucault & Julve in B. Foucault 2020 ; photo 24).
Annexe du tableau 7 – rel. 1 : Grabels (34), au-dessus de la Mosson, 25/05/2024 ; rel. 2 : id., au-dessus de la source de l’Avy, 13/05/2025 ; rel. 3 : id., base du chemin de Sue, 13/05/2025 ; rel. 4 : id., vers chemin du Reclus, vallée de la Soucarède, 22/05/2024 ; rel. 5 : Combaillaux (34), Mas de Gentil, ruisseau de Pézouillet, 24/05/2025 ; rel. 6 : id., vers le croisement ruisseau de Pézoulliet ´ D 102 ; rel. 7 : Grabels (34), Mosson rive droite, 24/05/2025 ; rel. 8 : id., hameau de Matour, près du parc des enfants, vallée de la Soucarède, 27/05/2027 ; rel. 9 : Vailhauquès (34), bord de la Mosson, impasse de Pégase, 09/06/2025 : rel. 10 et 11 : Prades-le-Lez (34), domaine de Restinclières, ancien chemin du Triadou à Prades, 12/06//2024 ; rel. 12 : id. rel. 1, chemin du Sue, 13/05/2025 ; rel. 13 : Grabels (34), est du Pradas, 17/05/2025.
Annexe du tableau 8 – rel. 1 : Combaillaux (34), vers le croisement ruisseau de Pézouillet ´ D 102, 24/05/2025 ; rel. 2 : Vailhauquès (34), route de Murles, vers croisement D 127 ´ D 127E6, 09/05/2025 ; rel. 3 : Vailhauquès (34), vallée de la Mosson, impasse de Pégase, 09/06/2025 ; rel. 4 : Grabels, vallée de la Mosson, non loin de la source de l’Avy, 12/06/2025.
6. Des pelouses mésotrophiles à thérophytes
Il faut encore évoquer les rares petites pelouses à Sideritis romana, Xeranthemum inapertum, Neastostema apulum, Campanula erinus (photos 25 à 28) et surtout Medicago minima, Catapodium rigidum, Filago pyramidata, Malva setigera, Petrorhagia prolifera…, dont le tableau 9 rassemble cinq relevés. Relevant clairement du Brachypodion distachyi Rivas Mart. ex Rivas Mart. et al. 1999, cette pelouse (photo 29) est encore trop incomplètement caractérisée pour donner lieu à une interprétation synsystématique. On remarque que son eutrophisation, surtout dans le relevé 5, permet l’arrivée de taxons des friches thermophiles de l’Onopordion illyrici, dont la description fait l’objet du paragraphe suivant.
Une de ces pelouses à thérophytes entre en contact avec une pelouse vivace assez différente du Salvio-Lithodoretum fruticosae étudié précédemment (présence notamment de Phlomis lychnitis, Iris lutescens, Phleum phleoides, Convolvulus cantabrica) :
Grabels (34), au-dessus de la Mosson rive droite, N 43° 38’ 43,9’’, E 3° 47’ 30,6’’, 123 m, le 25 mai 2024, 75 %, 10 m², 20 taxons, photo 29
- combinaison caractéristique : Brachypodium retusum 3, Iris lutescens 2, Dactylis glomerata *hispanica 2, Ononis minutissima 1, Phleum phleoides 1, Lotus dorycnium 1, Petrosedum sediforme 1, Eryngium campestre 1, Rumex intermedius +, Phlomis lychnitis +, Convolvulus cantabrica +, Asphodelus cerasifer +,
- autres taxons : Plantago lanceolata 2, Bituminaria bituminosa 2, Quercus coccifera j 2, Clematis flammula j 1, Hypericum perforatum +, Stachys recta +, Asparagus acutifolius +, Silene italica +.
Annexe du tableau 9 (tous les relevés proviennent de Grabels) – rel. 1, 2 et 5 : au-dessus de la Mosson rive droite, 25/05/2024 ; rel. 3 : est du cimetière du Clot, 12/05/2025 ; rel. 4 : id. rel. 1, 13/05/2025.
7. Une haute friche armée à Tyrimnus leucographus
Dans la végétation locale, on peut encore rencontrer la haute friche armée par de grands « chardons » annuels à bisannuels (en fait des Asteraceae Cardueae ou plutôt maintenant Cynareae), surtout Carduus pycnocephalus (photo 30), C. nigrescens subsp. vivariensis (photo 31), Tyrimnus leucographus (photo 32), Silybum marianum, Carthamus lanatus, Onopordon illyricum (photo 33), O. tauricum (photo 34), auxquels on peut ajouter Galactites tomentosus peu présent dans le tableau 10 qui en rassemble onze relevés. La comparaison avec la liste synthétique de Soroceanu (1936, tableau 51 p. 200, repris en colonne S dans ce tableau 10) fait apparaître des différences floristiques à presqu’un siècle de distance : Galactites tomentosus, Cynoglossum cheirifolium, Carduus tenuiflorus en 1936, Hordeum murinum subsp. leporinum/glaucum, Carduus pycnocephalus, Onopordum tauricum, Avena barbata aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, c’est à l’Onopordetum illyrici Braun-Blanq. ex Soroceanu 1936 (photo 35) qu’il faut rattacher le groupement décrit dans ce tableau 10, malgré la faible représentation du taxon éponyme, peut-être en concurrence avec O. tauricum.
Annexe du tableau 10 – rel. 1 et 2 : Prades-le-Lez (34), Restinclières, 12/06/2024 ; rel. 3 et 4 : Saint-Clément-de-Rivière (34), bois de Saint-Sauveur, 24/06/2024 ; rel. 5 : Cazevieille (34), crête ouest du pic Saint-Loup, 11/07/2024 ; rel. 6 : Aumelas (34), 04/10/2024 ; rel. 7 : Grabels (34), sud-ouest de Mas Dammartin, 01/05/2025 rel. 8 : Grabels (34), est du Pradas, 17/05/2025 ; rel. 9 : Grabels (34), ouest de la Goule de Laval et de la maison des Pins, 17/05/2025 ; rel. 10 : Grabels (34), rue du Mas d’Armand, sud-est du stade Serge-Oltra, 17/05/2025 ; rel. 11 : Grabels, « Soucarède », vers croisement D 102 ´ GR 653, 22/05/2025.
8. Une friche vivace chasmophytique
Bien souvent, en ville, un trottoir plus ou moins horizontal entre en contact avec un mur plus ou moins vertical, la jonction des deux étant souvent imparfaite, surtout dans les quartiers un peu anciens, de sorte que l’espace résultant peut être colonisé par une végétation annuelle ou vivace rudérale. C’est ainsi que l’on peut y observer une « friche vivace chasmophytique » où les Dittrichietea viscosae (classe de végétation vivace rudérale méditerranéenne) rencontrent les Parietarietea judaicae (classe de végétation vivace chasmophytique rudérale), où Oloptum miliaceum s’associe à Parietaria judaica (photo 36) ; le tableau 11 en rapporte treize relevés : Olopto miliacei-Parietarietum judaicae ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : relevé 3 du tableau 11 hoc loco, accueillant en moyenne près de six taxons par relevé, à rattacher au Centrantho-Parietarion judaicae Rivas Mart. 1969, au sein des Parietarietea judaicae.
Annexe du tableau 11 (tous les relevés viennent de Grabels « village », sauf les nos 2, 3, 8, 11 et 12) – rel. 1 : ancien chemin de Montpellier, 31/03/2024 ; rel. 2 : Montpellier (34), vers le 11 rue de la Verrerie-Basse, 08/04/2024 ; rel. 3 : Montpellier (34), vers le 151 rue Jean-Cavaillès, 11/04/2024 ; rel. 4 : parking du magasin la Grabelloise, sur D 127, 13/04/2024 ; rel. 5 : vers le 3 rue de la Treille, 12/07/2015 ; rel. 6 : vers le 15 rue des Iris, 12/07/2015 ; rel. 7 : vers le 12 rue du Faubourg, 12/07/2015 ; rel. 8 : Montpellier (34), vers le carrefour rue des Chasseurs ´ avenue de Toulouse, 16/07/2025 ; rel. 9 : vers le 63 route de Saint-Gély, 13/04/2024 ; rel. 10 : vers le carrefour rue des Perdreaux ´ rue de la Croix de Guillery, 24/07/2025 ; rel. 11 : Montpellier (34), rue Pagézy, 12/08/2025 ; rel. 12 : Castelnau-le-Lez, chemin du Lez, 13/08/2025 ; rel. 13 : vers le 18 rue du Calvaire, 24/07/2025.
9. Des pelouses sur marne
Dans le paysage général de la garrigue montpelliéraine, il peut parfois se présenter des clairières sur sol marneux, colonisées par une pelouse vivace à Deschampsia media dont le tableau 12 rapporte deux relevés. Elle est notamment caractérisée par Hypericum tomentosum (photo 37) et Prunella hyssopifolia. Une telle pelouse du Deschampsion mediae Braun-Blanq. in Braun-Blanq. et al. 1952 a été décrite pour la Crau sous le nom d’Hyperico tomentosi-Deschampsietum mediae par Loisel et al. (1990). Leurs données sont reprises dans les deux colonnes de droite du tableau 12 (d’après le tableau 2 des auteurs, relevés 58 à 77), en ne retenant que la composante vivace (la composante thérophytique a été isolée précédemment comme Blackstonio perfoliatae-Ranunculetum sardoi B. Foucault 2013 ; de Foucault, 2013) et en séparant deux formes de cette association. Il paraît difficile de rattacher la pelouse présentée ici à l’Hyperico tomentosi-Deschampsietum mediae ; d’un autre côté, seuls deux relevés sont actuellement connus à Grabels. Malgré tout, on retiendra donc ce rattachement, au moins à titre provisoire (photo 38).
Non loin de cette pelouse, dans l’une des deux stations, il existe une pelouse un peu différente surtout marquée par Chrysopogon gryllus (photos 39 et 40) ; le tableau 13 en présente deux relevés. Ce groupement de statut encore indéterminé n’est en tout cas pas l’Oenantho lachenalii-Chysopogonetum grylli Aubert & R.J. Loisel 1971 provençal.
Dans le chemin menant à ces deux stations, il existe une végétation temporairement submergée très ouverte sur sol défoncé par des animaux et avec fentes de dessiccation en été (photo 40) :
Grabels (34), en contrebas de la D 102, N 43° 38’ 51,4’’, E 3° 46’ 35,9’’, 104 m, le 6 juillet 2025, 30 %, 30 m², 20 taxons
- combinaison caractéristique : Jasonia tuberosa 2, Prunella hyssopifolia 2, Carex flacca 1, Hypericum tomentosum 1, Globularia bisnagarica 1, Lotus glaber 1, dorycnium 1, Helictochloa bromoides 1, Molinia caerulea *c. +, Deschampsia media +, Schoenus nigricans +, Seseli longifolium *l. +, Euphorbia nicaeensis +, Danthonia decumbens +,
- autres taxons : Agrostis stolonifera *arenaria 2, Cynodon dactylon 2, Fraxinus angustifolia *a. j 1, Leucanthemum pallens 1, Centaurea jacea 1, Dittrichia viscosa *v. +,
aussi à rattacher au Deschampsion mediae.
Annexe du tableau 12 – Les deux relevés proviennent de la commune de Grabels (34) en contrebas de la D 102, 27/05/2025.
Annexe du tableau 13 – rel. 1 : voir annexe du tableau 12 ; rel. 2 : Grabels (34), ouest de la route de Ganges (D 986) et sud du plateau de Piquet, 19/07/2025.
10. Conclusion
Tout en décrivant huit associations végétales nouvelles, cette étude surtout axée sur la commune de Grabels (nord de Montpellier, Hérault), mais parfois étendue à des communes proches, montre bien l’évolution de la méthodologie phytosociologique depuis J. Braun-Blanquet et ses élèves, avec notamment des formations végétales qui leur étaient inconnues, surtout les « ourlets », dont les plus internes convergent souvent vers la végétation des sous-bois herbacés. On peut encore ajouter à cet inventaire le Cynodonto dactyli-Convolvuletum arvensis initialement décrit de la végétation commensale des moissons de la Malepère, dans l’Aude, associé au Resedo phyteumatis-Ammietum majoris thérophytique (de Foucault, 2019) et finalement assez fréquent autour de Montpellier :
Grabels (34), plates-bandes de la résidence Miramonte, en mosaïque avec une végétation ornementale (Callistemon, Schinus, Penstemon, Kniphofia, Yucca, Elaeagnus, Bulbine…) et thérophytique, N 43° 39’ 05,6’’, E 3° 49’ 50,7’’, 95 m, le 19 juin 2025, 50 %, 50 m², 14 taxons, photo 41
- combinaison caractéristique et taxons caractérisant les Dittrichietea viscosae: Convolvulus arvensis 3, Cynodon dactylon 3, Sorghum halepense 1, Oloptum miliaceum 1, Helminthotheca echioides +, Anchusa italica +, Scabiosa atropurpurea +, Verbascum sinuatum +,
- autres taxons : Rubus 1 (dans l’étude citée, le taxon avait été rattaché à R. caesius var. arvalis inconnu des référentiels actuels), Poterium sanguisorba +, Cichorium intybus +, Verbena officinalis +, Echium vulgare +, Plantago lanceolata + ;
on avait alors proposé de rattacher cette association aux Dittrichietea viscosae (de Foucault & Jasprica, 2019), ce qui se confirme ici aussi.
On peut encore citer la présence de l’association arbustive du Fico caricae-Sambucetum nigrae :
Grabels (34), parc du Château, N 43° 39’ 00,4’’, E 3° 47’ 28,3’’, 63 m, le 6 juillet 2025, 90 %, 50 m², 13 taxons, photo 42
- combinaison caractéristique : Sambucus nigra 4, Ficus carica j 3, Cornus sanguinea 2, Prunus spinosa 1, Clematis vitalba 1, Rubus ulmifolius +, Viburnum tinus +,
- autres taxons : Hedera helix 2, Rubus 2, Prunus avium j +, Ulmus minor j +, Celtis australis j +, Fraxinus angustifolia *a. j +,
association initialement décrite de l’Aude, connue aussi des Bouches-du-Rhône (de Foucault, 2015) et de Grèce (de Foucault, 2022).
On peut enfin citer un exemple de végétation hygronitrophile thérophytique observée dans le lit mineur du Rieumassel, un petit affluent de rive gauche de la Mosson, au contact d’une végétation élevée vivace à Lythrum salicaria sans doute à rattacher au Loto recti-Lythretum salicariae B. Foucault (2018) 2023 (bien que le premier taxon éponyme n’ait pas été rencontré) :
Grabels (34), rive du Rieumassel au sud de l’école Jean-Ponsy, N 43° 38’ 38,9’’, E 3° 48’ 02,1’’, 56 m, le 12 juillet 2025, 50 %, 40 m², 8 taxons,
- combinaison caractéristique : Bidens frondosa 2, Echinochloa crus-galli 2, Persicaria lapathifolia 2, Atriplex prostrata 2, Xanthium orientale 1,
- autres taxons : Erigeron sumatrensis 1, Sonchus asper +, Polygonum aviculare s. l. +,
à rattacher au Xanthio orientalis-Persicarietum maculosae O. Bolòs 1957 (de Foucault, 2021b).
Cette étude n’a guère donné lieu ouvertement à une approche synusiale de la végétation forestière, en dehors de la reconnaissance de l’Erico multiflorae-Viburnetum tini, présent sans variation significative tant à l’extérieur des forêts sempervirentes que dans leur sous-bois (photo 4). Dans un mémoire plutôt théorique (de Foucault, 1986), j’ai montré comment une surface occupée par une végétation biologiquement (au sens des formes biologiques de Raunkiær) complexe peut être décomposée par la pensée en feuillets superposés, chacun d’eux étant alors associé à une forme biologique, phanérophytes, nanophanérophytes, plantes basses vivaces (chaméphytes + cryptophytes), thérophytes. Le passage de cette représentation théorique au relevé concret passe par le choix des taxons selon leur forme biologique (relevés d’arbres, d’arbustes, d’herbes vivaces basses, de thérophytes), ce choix a priori choquant étant justifié par l’approche méthodologique et théorique préalable. Cette démarche peut s’employer sur le terrain, au moment de réaliser un relevé, mais aussi sur des tableaux déjà publiés, à condition de bien connaître les formes biologiques des taxons ou que celles-ci soient bien indiquées par les auteurs. Les taxons potentiellement ligneux (arbres ou arbustes) sont à relever dans le feuillet étudié, mais on recommande fortement de signaler leur forme juvénile éventuelle par un ‘j’ (d’autres auteurs utilisent ‘juv’). C’est ainsi que la méthode initiale de Braun-Blanquet a été progressivement remplacée par le paradigme synusial actuel via les approches affinées de R. Tüxen et S. Rivas-Martínez.
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