Redécouverte de Buxbaumia aphylla Hedw., 1801 en Bretagne, espèce non revue depuis 1876
Title
Rediscovery of Buxbaumia aphylla Hedw., 1801 in Brittany, a species not seen in the region since 1876
Résumé
Une population de Buxbaumia aphylla Hedw., 1801 a été découverte en février 2023 à La Bouëxière en Ille-et-Villaine. Cette espèce n’avait pas été observée en Bretagne depuis 1876. Cette note présente l’espèce, son écologie et sa répartition actuelle, ainsi que la description de la station découverte.
Abstract
A population of Buxbaumia aphylla Hedw., 1801 was discovered in February 2023 at La Bouëxière in Ille-et-Villaine. This species had not been observed in Brittany since 1876. This note presents the species, its ecology and current distribution as well as the description of the station discovered.
1. Préambule
La commune de La Bouëxière a réalisé un atlas de la biodiversité communale en 2022-2023 (www.calameo.com/books/000382828d4ed28918b1b). Le but est d’inventorier les espèces et les milieux sur un territoire donné afin de connaître, préserver et valoriser son patrimoine naturel. Une journée de terrain a été organisée le 21 février 2023 pour inventorier les bryophytes dans le bois de Villeray, situé au sud du bourg. Lors des prospections, le premier auteur a observé une minuscule mousse terricole sur un talus en bordure nord du boisement appartenant au genre Buxbaumia. Après vérification des critères morphologiques et écologiques, l’individu observé a été identifié comme Buxbaumia aphylla, espèce présumée éteinte en Bretagne. Il s’agit d’une redécouverte régionale de fort intérêt et ouvrant les portes à des prospections ciblées sur cette espèce.
2. Description
Le genre Buxbaumia comprend deux sections : Eubuxbaumia, dont les capsules présentent des dents sur un rang et des stomates unicellulaires, enfoncés ; et Poylodon, dont les capsules présentent quatre rangs de dents et des stomates bicellulaires et superficiels (Augier, 1966).
Buxbaumia aphylla Hedw., 1801 est une bryophyte acrocarpe réputée difficile à observer sur le terrain. En effet, sa petite taille peut la faire facilement passer inaperçue : elle ne dépasse guère les 6 mm. Son mode de croissance est divisé en deux parties ; la phase gamétophytique est minuscule et quasi invisible à l’œil nu : tige de 1 mm environ, simple, avec des feuilles sans nervures et lobées (Augier, 1966) ; la phase sporophytique est composée d’une soie d’environ 5 mm qui porte une capsule brillante, brun jaunâtre à brun rougeâtre à maturité, dont la face supérieure est aplatie, souvent avec une marge distincte et striée. La capsule est oblique à presque horizontale, les stomates sont unicellulaires et l’exostome est formé d’un seul rang (Charissou & Happe, 2016).
Buxbaumia aphylla (photos 1 et 2) est proche de B. viridis (photos 3 et 4), source de confusion entre ces deux espèces. Un bon critère est la couleur de la capsule : celle de B. viridis est jaune verdâtre à brun pâle et mate à maturité ; l’exostome est composé de dents sur quatre rangs chez B. viridis, contre un rang chez B. aphylla.
3. Écologie et description de la station découverte
Buxbaumia aphylla se développe principalement sur les talus forestiers sur sol humifère. On la retrouve par exemple dans des bords de piste, fossés, ornières, rarement sur substrat rocheux (Charissou & Happe, 2016). Elle a également été observée sur un tronc de Pinus sylvestris (Hugonnot, 2008) et sur une souche (Friren, 1902). B. aphylla se développe souvent en mélange avec d’autres mousses et des hépatiques ainsi que des lichens.
La population observée se situe sur la commune de La Bouëxière, en Bretagne, à une vingtaine de kilomètres à l’est de Rennes. Elle se développe à la jonction entre une prairie de pâturage mésohygrophile et une hêtraie acidiphile, sur un talus haut, sablonneux et humifère (photo 5). Le 21 février 2023, un seul sporophyte a été observé, en compagnie d’autres bryophytes typiques de ce milieu comme Cephaloziella divaricata, Dicranum scoparium, Diplophyllum albicans, Campylopus introflexus, Bartramia pomiformis, Polytrichum formosum, Hypnum jutlandicum, Isothecium myosuroides, Pleuridium acuminatum, ainsi que quelques lichens comme des Cladonia terricoles et Baeomyces rufus. La donnée précise de cette observation ainsi que le relevé bryologique complet ont été transmis sur le site internet du Conservatoire botanique national de Brest dédié aux bryophytes : eCollibry (www.cbnbrest.fr/ecolibry/).
Suite à cette observation, des prospections ont été ciblées plus tard en saison par des bryologues locaux, Julie Coudreuse, Valentin Hamon et Dominique Delarue. Ces prospections ont mis en avant la présence d’une dizaine d’individus sur le même talus. La station a été suivie jusqu’en juin 2023 et les individus seraient probablement prédatés par des limaces, la présence de nombreuses soies sans sporophytes (photo 6) nous faisant pencher vers cette hypothèse. Il est important de faire mention de la présence sur ce même talus de Pogonatum nanum, découvert et identifié par Dominique Delarue, un acrocarpe de la famille des Polytrichaceae, non observé en Île-et-Villaine depuis plusieurs décennies.
4. Répartition
Buxbaumia aphylla est présente dans une grande partie du monde, à l’exception du continent africain et de l’Amérique du Sud (carte 1). Sa niche de présence se situe en Europe du Nord et en Scandinavie, ainsi qu’en Amérique du Nord (GBIF, 2023).
En France métropolitaine Buxbaumia aphylla est connue dans 48 départements (carte 2). Les mentions postérieures à 2000 concernent 18 départements, principalement dans le massif vosgien, le Bassin parisien et la région Rhône-Alpes (Charissou & Happe, 2016).
Les deux seules mentions de Buxbaumia aphylla pour la région Bretagne remontent au xixe siècle, avec une première observation en 1856 dans la forêt de Fougères (35115 ; Husnot, 1884) et à Châteaubourg (35068) dans le bois autour de l’étang de Fayelle (Husnot, 1882). La station observée en février 2023 est située sur la commune adjacente à Châteaubourg.
5. Conclusion
Sa petite taille et la fugacité de la période où elle est observable rendent Buxbaumia aphylla difficile à détecter sur le terrain et probablement sous-observée. Des efforts de prospection sont à fournir dans les milieux naturels qui lui sont favorables et lors des périodes de développement du sporophyte, entre février et mai/juin. Pour plus d’informations concernant la chorologie, la morphologie, la phénologie, l’écologie et le statut de conservation de cette espèce, nous renvoyons le lecteur à l’excellent article de Charissou et Happe (2016).
Bibliographie
Atlas de la biodiversité communale de La Bouëxière (35), 2023, www.calameo.com/books/000382828d4ed28918b1b.
Augier J., 1966. Flore des Bryophytes. Paul Lechevalier, Paris, 700 p
Charissou I. & Happe D., 2016. Buxbaumia aphylla Hedw. en France et en Europe. Bull. Soc. bot. Centre-Ouest 47, 67-88
eColibry. Une application du Conservatoire botanique national de Brest pour la connaissance des charophytes, des lichens et des bryophytes de l’ouest de la France, www.cbnbrest.fr/ecolibry/.
Friren A., 1902. Promenades bryologiques en Lorraine, 2e série. Bulletin de la Société d’histoire naturelle de Metz 22 : 41-77.
Hugonnot V., 2008. Inventaire des bryophytes de la Réserve naturelle de Mantet (Pyrénées-Orientales). 89 p.
Husnot T., 1882. Flore analytique et descriptive des mousses du Nord-Ouest (environs de Paris, Normandie, Bretagne, Anjou, Maine), 2e édition. Ed. Husnot, Cahan(Orne), et F. Savy, Paris, 175 p.
Husnot T., 1884-1890. Muscologia Gallica. Description et figures des mousses de France et des contrées voisines, 1re partie, Acrocarpes. Paris, 458 p.
Remerciements
Nous remercions Aurélien Labroche, Gaëtan Masson et José Dufort pour les échanges concernant l’identification de Buxbaumia aphylla. Nous remercions également Isabelle Charissou pour le partage de la carte de répartition.