Quelques nouvelles définitions de végétations forestières algériennes
Title
Some new definitions of Algerian forest vegetation
Résumé
À la suite d’un article consacré à la végétation de la Kroumirie algéro-tunisienne, on étend les investigations vers d’autres forêts algériennes étudiées par Quézel (1956) et Meddour (1993). On reconnaît des associations antérieurement définies, mais aussi de nouvelles associations, une arbustive, trois herbacées thérophytiques et six herbacées vivaces ; ces dernières s’intègrent sans trop de difficultés dans les deux alliances déjà reconnues en Kroumirie.
Abstract
Following an article devoted to the vegetation of the Algerian-Tunisian Kroumirie, investigations are extended to other Algerian forests studied by Quézel (1956) and Meddour (1993). Previously defined associations are recognised, as well as new associations, one shrub, three therophytic herbaceous and six perennial herbaceous; the latter can be integrated without too much difficulty into the two alliances already recognised in Kroumirie.
Dans un article récent (de Foucault, 2025) a été étudiée la végétation forestière de la Kroumirie, région naturelle surtout tunisienne, mais s’étendant vers le nord-est de l’Algérie. Plus à l’ouest de ce pays, s’étendent encore diverses forêts, sur lesquelles Quézel (1956) a publié une contribution phytosociologique, à laquelle on peut aussi associer celle de Meddour (1993). L’objet du présent article est de reprendre cette contribution selon le paradigme synusial et de comparer les résultats obtenus avec les données issues de l’article sur la Kroumirie. La nomenclature suivie est toujours celle de Plants of the World online (POWO).
1. La végétation arborescente
En premier lieu, le tableau 1 synthétise les données sur la végétation arborescente, notamment caractérisée par Quercus faginea et Prunus avium. La colonne 1 décrit une association où manquent les Acer des colonnes 2 à 4, elle correspond au Quercetum afares-canariensis B. Foucault & Claisse ex B. Foucault 2020 (Meddour, 2010 ; de Foucault, 2020). Les colonnes 2 et 3 décrivent deux variations d’une unique association déjà connue, le Pruno avium-Quercetum fagineae (Aimé et al. 1986) B. Foucault 2020, développée ici entre 1 200 et 1 700 m d’altitude.
La colonne 6 (et sans doute aussi la 7 plus fragmentaire) de ce même tableau 1 décrit plutôt l’Aceri obtusati-Cedretum atlanticae (Meddour & Géhu 1997) B. Foucault 2020, du massif du Babor, développé entre 1 800 et 2 000 m d’altitude.
Les colonnes 8 à 11 restent d’interprétation plus délicate.
2. La végétation arbustive intraforestière
Le tableau 2 synthétise les données sur la végétation arbustive intraforestière, notamment caractérisée par Cytisus villosus. Avec Phillyrea angustifolia (photo 1), les colonnes 4 et 5 décrivent une unique association relevant clairement des Pistacio lentisci-Rhamnetea alaterni B. Foucault & Julve in B. Foucault 2020, des Cytiso villosi-Genistetalia monspessulanae Rivas Mart. et al. in Rivas Mart. et al. 2002 ; plus précisément, elle doit se rattacher au Cytision spinoso-villosi B. Foucault & Meddour in B. Foucault 2021 (de Foucault, 2021). Pour aller plus loin dans son interprétation, on a ajouté à droite de la colonne 5 les syntaxons Csv1 à Csv4 issus du tableau 31 du Cytision spinoso-villosi in de Foucault (2021). On voit que l’association considérée ici ne peut se rattacher à l’une de ces quatre associations, on décrit donc ici le Clematido cirrhosae-Viburnetum tini ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : composante arbustive du relevé 3 de la partie droite du tableau 3 in Quézel (1956, Mém. Soc. Hist. Nat. Afrique N., n. s., 1, hors texte).
Le reste du tableau 2 est difficilement interprétable pour l’instant.
3. La végétation herbacée intraforestière vivace
Le tableau 3 synthétise les données sur la végétation herbacée vivace intraforestière, notamment caractérisée par Galium ellipticum, G. tunetanum, Brachypodium sylvaticum, Bellis sylvestris, Polystichum aculeatum, Asperula laevigata… ; les auteurs citent aussi Asplenium adiantum-nigrum, mais sans précision sur A. onopteris peut-être quelque peu méconnu à l’époque.
Une césure majeure passe entre les colonnes 5 et 6, l’ensemble des colonnes 1 à 5 se différenciant du second ensemble par Senecio perralderianus, Paeonia algeriensis, Daphne laureola, Conopodium glaberrimum, Phlomis bovei, Doronicum plantagineum subsp. atlanticum, Tulipa sylvestris subsp. australis (photo 2), Corydalis solida subsp. bracteosa, Geum sylvaticum.
Reliées au Pruno avium-Quercetum fagineae, les colonnes 1 et 2 peuvent être interprétées comme deux variations d’un unique Lamio garganici-Epimedietum perraldereriani ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : composante herbacée vivace du relevé 6 du tableau 1 in Quézel (1956, Mém. Soc. Hist. Nat. Afrique N., n. s., 1, hors texte, en changeant Lamium longiflorum subsp. numidicum en L. garganicum subsp. g.). La première de ces deux colonnes correspond au typicum et est différenciée de la seconde variation par Digitalis atlantica, Hordelymus europaeus, Veronica montana, Silene choulettii, Mercurialis perennis. La colonne 2 s’en différencie par Chelidonium majus, Campanula trichocalycina, Hypericum montanum, Melissa officinalis, Cephalanthera longifolia, campanuletosum trichocalycini subass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : composante herbacée vivace du relevé 18 du tableau 1 in Quézel (1956, Mém. Soc. Hist. Nat. Afrique N., n. s., 1, hors texte, en changeant Podanthium trichocalycinum en Campanula trichocalycina).
Passant sur la colonne 3 statistiquement faiblement caractérisée, les colonnes 4 et 5, reliées à l’Aceri obtusati-Cedretum atlanticae, peuvent être considérées comme représentant deux variations du Conopodio glaberrimi-Senecionetum perralderiani ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : composante herbacée vivace du relevé 2 du tableau 2 in Quézel (1956, Mém. Soc. Hist. Nat. Afrique N., n. s., 1, hors texte, en changeant Balansaea glaberrima en Conopodium glaberrimum). La colonne 4 en représente le typicum, différencié de la variation suivante par Galium odoratum, Clinopodium grandiflorum subsp. baborense, C. alpinum subsp. meridionale, Helichrysum lacteum, alors que la colonne 5 décrit le bunietosum atlantici subass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : composante herbacée vivace du relevé 11 du tableau 2 in Quézel (1956, Mém. Soc. Hist. Nat. Afrique N., n. s., 1, hors texte, en changeant Bunium alpinum subsp. atlanticum en B. atlanticum), différencié par B. atlanticum, Gagea foliosa, Hypochaeris laevigata, Bupleurum atlanticum.
Les colonnes 6 à 12 partagent Hedera helix, Carex distachya (photo 3), C. halleriana, Dioscorea communis, Pteridium aquilinum, Arisarum vulgare, Pulicaria odora, Simethis mattiazzii. On peut distinguer les associations suivantes :
- colonnes 6 à 8 : Selaginello denticulatae-Ruscetum hypophylli ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : composante herbacée vivace du relevé 3 de la partie droite du tableau 3 in Quézel (1956, Mém. Soc. Hist. Nat. Afrique N., n. s., 1, hors texte), avec trois variations : typicum (colonne 8), lysimachietosum cousinianae subass. nov. hoc loco (colonne 6), différencié par le taxon éponyme et Ranunculus spicatus, typus nominis hoc loco : composante herbacée vivace du relevé 1 de la partie gauche du tableau 3 in Quézel (1956, Mém. Soc. Hist. Nat. Afrique N., n. s., 1, hors texte), la troisième (colonne 7) étant statistiquement moins bien définie ;
- colonne 9, intéressante malgré le nombre réduit de relevés, car elle rappelle les végétations à fougères identifiées dans d’autres régions en des stations à haute humidité atmosphérique (ici des abords de fontaines) : Athyrium filix-femina, Polystichum aculeatum, Blechnum spicant, Dryopteris filix-mas, Primulo atlanticae-Athyrietum filicis-feminae ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : composante herbacée vivace du relevé 9 du tableau 4 in Quézel (1956, Mém. Soc. Hist. Nat. Afrique N., n. s., 1, hors texte) ; ces données sont reprises par Aimé et al. (1986, tableau 3 : relevés 1 à 3) ;
- colonne 10 : Cyclamini africani-Ranunculetum spicati nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : composante herbacée vivace du relevé 3 du tableau 4 in Quézel (1956, Mém. Soc. Hist. Nat. Afrique N., n. s., 1, hors texte) ;
- colonne 12 : Pulicario odorae-Geranietum atlantici nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : composante herbacée vivace du relevé 7 du tableau 1 in Meddour (1993, Ecol. Medit. XIX (3-4) : 46).
La proximité géographique entre ces associations nouvelles et celles définies plus tôt en 2025 et rattachées à des alliances et un ordre originaux incite à les rapprocher dans un tableau plus large afin d’en préciser les affinités sociologiques. À cet effet, le tableau 4 reprend les douze syntaxons du tableau 3 et les rapproche de douze des treize syntaxons décrits de la Kroumirie algéro-tunisienne. Ce rapprochement montre que les Selaginello denticulatae-Ruscetum hypophylli, Primulo atlanticae-Athyrietum filicis-feminae, Cyclamini africani-Ranunculetum spicati et Pulicario odorae-Geranietum atlantici s’intègrent assez bien au Polysticho aculeati-Ruscion hypophylli B. Foucault 2025. Les Lamio garganici-Epimedietum perralderiani et Conopodio glaberrimi-Senecionetum perralderiani s’intègrent quant à eux au Doronico atlantici-Lamion flexuosi.
La présence de Saxifraga carpetana dans les syntaxons du Doronico-Lamion flexuosi incite à poser l’hypothèse de l’existence dans ces boisements d’un groupement plus strictement chasmophytique affine de l’Umbilico horizontalis-Saxifragetum atlanticae B. Foucault 2021 décrit d’une cédraie de l’Algérie occidentale (de Foucault, 2020), nom muté ici en Umbilico horizontalis-Saxifragetum carpetanae nom. mut. hoc loco.
4. La végétation herbacée intraforestière thérophytique
Le tableau 5 reprend enfin la végétation annuelle des sous-bois herbacés, à valeur d’ourlet thérophytique. Avec ses 21 relevés, la colonne 1 peut être définie comme Moehringio pentandrae-Alliarietum petiolatae ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : composante thérophytique du relevé 10 du tableau 1 in Quézel (1956, Mém. Soc. Hist. Nat. Afrique N., n. s., 1, hors texte). La colonne 8 peut se rattacher au Moehringio pentandrae-Cynosuretum elegantis décrit antérieurement de Kroumirie (de Foucault, 2025).
Dans le reste de la documentation rassemblée dans ce tableau 5, il n’y a guère que l’ensemble formé par les colonnes 6 et 7 qui soit vraiment significatif, avec notamment Theligonum cynocrambe (photo 4) ; on peut en effet y reconnaître un Valeriano graciliflorae-Geranietum purpurei ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : composante thérophytique du relevé 15 du tableau 4 in Quézel (1956, Mém. Soc. Hist. Nat. Afrique N., n. s., 1, hors texte, en remplaçant Fedia caput-bovis par Valeriana graciliflora). Enfin la colonne 9 est originale : Campanulo dichotomae-Geranietum purpurei ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : composante thérophytique du relevé 4 du tableau 1 in Meddour (1993, Ecol. Medit. XIX (3-4) : 46).
5. Conclusion
Tout en confirmant des alliances décrites antérieurement d’Algérie et de Tunisie, cet article rapporte une nouvelle association de fourré et six associations herbacées vivaces intraforestières. Il s’y ajoute trois associations herbacées annuelles intraforestières à valeur d’ourlet thérophytique vernal.
Bibliographie
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Meddour R., 2010. Bioclimatologie, phytogéogaphie et phytosociologie en Algérie : exemple des groupements forestiers et préforestiers de la Kabylie djurdjuréenne. Thèse, Tizi Ouzou, 397 p. et annexes.
POWO, Plants of the World online, https://powo.science.kew.org.
Quézel P., 1956. Contribution à l’étude des forêts de chênes à feuilles caduques d’Algérie. Mémoires de la Société d’histoire naturelle de l’Afrique du Nord, n. s., 1 : 1-57 + 6 planches (Publications du Service des forêts de l’Algérie 1)