Quelques aspects de la végétation forestière et de lisière du Bas-Vivarais
Title
Some aspects of forest vegetation and edges of Bas-Vivarais.
Résumé
Une brève reconnaissance phytosociologique dans le Bas-Vivarais a permis de décrire un nouveau fourré éricoïde, l’Ilici aquifolii-Ericetum scopariae, et une nouvelle lande du Cisto salviifolii-Ericion cinereae, le Cisto pouzolzii-Callunetum vulgaris, apportant ainsi des informations sur ce taxon protégé au niveau national qu’est le Ciste de Pouzolz.
Abstract
A brief phytosociological investigation in Bas-Vivarais allows the description of a new ericoid thicket, the Ilici aquifolii-Ericetum scopariae, and a new heath of Cisto salviifolii-Ericion cinereae, the Cisto pouzolzii-Callunetum vulgaris, thus providing information on this nationally protected taxon, Cistus pouzolzii.
Cette petite étude trouve son origine dans la consultation de la publication de Quézel & Barbero (1988) sur des pinèdes de Pinus nigra subsp. salzmannii et un passage de quelques jours dans le Bas-Vivarais siliceux où se développe justement l’une de ces pinèdes patrimoniales. Antérieurement à 1988, cette région avait fait l’objet d’une cartographie écologique (Coûteaux, 1974).
Le Bas-Vivarais forme la partie sud-orientale des Cévennes et appartient pour une part au Parc naturel régional des Monts d’Ardèche. Il se prolonge sur le nord du département du Gard, autour de Bessèges et Bordezac.
Les roches mères et les sols qui en dérivent sont plutôt acides et les premières consistent en des schistes, des grès, des psammites ou des gneiss du Stéphanien moyen (ère primaire ; Elmi et al., 1989). Soumise aux « épisodes cévenols », cette région possède par ailleurs un climat est assez pluvieux, 1 200 à 1 500 mm annuels (Quézel & Barbero, 1988).
La nomenclature botanique retenue ici suit Flora Gallica (Tison & de Foucault, 2014).
1. Les boisements
Le Bas-Vivarais est assez densément boisé. Les arbres spontanés sont principalement Pinus nigra subsp. salzmannii, P. sylvestris, Quercus ilex, Sorbus aria, parfois Quercus pubescens et Acer monspessulanum. Ces boisements ont surtout été étudiés par Quézel & Barbero (1988) qui rapportent un tableau de 22 relevés interprété comme Asplenio onopteridis-Quercetum ilicis (Braun-Blanq. 1936) Rivas Mart. 1975 pinetosum salzmannii. Cette étude, menée selon la très classique méthodologie phytosociologique, mais sans séparer les strates de végétation des forêts étudiées, pose cependant quelques difficultés, notamment au niveau de la végétation basse du sous-bois.
La végétation arborescente combine réellement ou potentiellement Pinus nigra subsp. salzmannii, P. sylvestris, Quercus ilex, Q. petraea subsp. p., Castanea sativa (spontané ?), Sorbus aria, S. torminalis ; Pinus pinaster y a été introduit et tend à supplanter le pin de Salzmann, avec en outre hybridation interspécifique. Dans notre récente synthèse (de Foucault, 2020), cette combinaison taxonomique n’avait pas donné lieu à la définition d’une association, mais simplement rapprochée de l’alliance du Quercion suberis B. Foucault & Julve ex B. Foucault & Julve in B. Foucault 2020, au sein des Pino-Quercetea ilicis B. Foucault & Julve ex B. Foucault & Julve in B. Foucault 2020, sur la base de l’acidité des sols et la présence de P. pinaster et Castanea sativa.
Selon les conditions édaphiques, le sous-bois est une lande à Calluna vulgaris dominant (ce que l’on retrouve aussi dans les données de Choisnet & Mulot, 2008, tableau L : colonne 7 ‘strate herbacée’ ; photo 1) et/ou plus rarement une végétation herbacée à Asplenium onopteris, Brachypodium sylvaticum, Poa nemoralis subsp. n., Pulmonaria longifolia (subsp. l. ?), Epipactis atrorubens, E. helleborine subsp. h., Cephalanthera rubra, C. damasonium, Neottia ovata, Primula vulgaris subsp. v., Dioscorea communis. Ce mélange de cortèges édaphiquement problématique interroge vraiment sur l’homogénéité de la strate herbacée, puis du tableau phytosociologique dérivant de ces données. Seul le paradigme synusial peut répondre à une véritable homogénéité des relevés dans de tels habitats.
2. La végétation arbustive
Tant dans les pinèdes ouvertes que sur leurs lisières, on peut couramment observer un fourré éricoïde dont le tableau 1 rapporte onze relevés. Il est caractérisé par Erica scoparia subsp. s., Phillyrea angustifolia (taxon que Quézel et Barbero ne citent pourtant absolument pas), Arbutus unedo, Amelanchier ovalis subsp. o., Ilex aquifolium ; de jeunes Quercus ilex et surtout Pinus sont aussi présents ; mais, en ce qui concerne le dernier genre, il a été difficile de distinguer le pin de Salzmann et le pin maritime sur ces formes juvéniles. Cette association se reconnaît aussi parmi les données rapportées par Choisnet & Mulot (2008, tableau K : colonne 3 ; tableau L : colonne 7 ‘strate arbustive’). Le meilleur nom pour cette association originale aurait été « Phillyreo angustifoliae-Ericetum scopariae », mais ce nom a été utilisé antérieurement par Julve (1993, Lejeunia, NS, 140 : 110) pour actualiser le nom de l’« association à Erica scoparia et Lavandula stoechas » du Bas-Languedoc rapportée par Braun-Blanquet et al. (1940 : 20), assez différente de celle présentée ici et d’ailleurs illégitime [non Phillyreo angustifoliae-Ericetum scopariae Braun-Blanq., P. Silva & Rozeira 1964 (Agron. Lusit. 23 (4) : 256) prov.]. Malgré la faible représentation d’Ilex aquifolium, on propose de retenir alors le nom de Ilici aquifolii-Ericetum scopariae ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : relevé 11 du tableau 1 hoc loco (photo 2). Cette association accueille en moyenne 8,5 taxons et a été relevée entre 240 m et 370 m d’altitude, avec une moyenne d’environ 320 m. Clairement, elle peut être incluse dans l’Ericion arboreae Rivas Mart. (1975) 1987, bien que le taxon éponyme de l’alliance y soit assez peu représenté.
3. La lande à Calluna vulgaris
Comme le montre la photo 1, le sous-bois des pinèdes étudiées est souvent dominé par une lande dense à Calluna vulgaris. La compilation des données de Quézel & Barbero (1988, tableau 6 : tous les relevés sauf 18 à 20 et 22) fournit la liste synsystématique suivante avec les présences des taxons sur 18 relevés :
- combinaison floristique caractéristique : Calluna vulgaris V, Erica cinerea V, Genista pilosa *p. V, Cistus salviifolius IV, Centaurea pectinata III, Cistus pouzolzii II, Erica scoparia *s. j II, arborea j II, Arbutus unedo j II,
- autres taxons : Pinus pinaster j V, Pteridium aquilinum IV, Quercus ilex j IV, Avenella flexuosa *f. III, Teucrium scorodonia III, Rubia peregrina *p. II, Jacobaea adonidifolia II, Solidago virgaurea *v. I, Hieracium virgultorum I, Brachypodium rupestre *r. I, Jasione montana I, Festuca ovina *guestfalica I, Adenocarpus complicatus j I, Lavandula stoechas *s. I, Pilosella officinarum I, Cistus albidus +, Pinus nigra *salzmannii j +.
Sans Erica cinerea, cette combinaison floristique est aussi évoquée du Gard par Aubin (1986). Il s’agit clairement d’une lande méconnue, caractérisée notamment par C. pouzolzii, taxon patrimonial au niveau national, endémique marocano-cévenol, sans doute sous-représenté ici : Cisto poulzozii-Callunetum vulgaris ass. nov. hoc loco, typus nominis hoc loco : composante hémicryptophyto-chaméphytique du relevé 16 du tableau 6 in Quézel & Barbero (1988, Ecol. Medit. 14 (1-2) : 62) (photo 3, d’après AMBE, 2020 : 127). Le Cisto pouzolzii-Callunetum vulgaris apparaît clairement dans un dossier de demande de dérogation pour le transfert de l’espèce protégée C. pouzolzii consécutive à des travaux de réhabilitation d’une ligne électrique à 63 000 volts entre Bessèges (Gard) et Les Salelles (Ardèche) par Réseau de transport d’électricité (AMBE, 2020).
Cette nouvelle lande ne peut semble-t-il pas se ranger dans les Cisto-Lavanduletea stoechadis Braun-Blanq. in Braun-Blanq. et al. 1940, mais va plutôt vers le Cisto salviifolii-Ericion cinereae Géhu in Bardat et al. 2004, alliance des Calluno-Ulicetea minoris Braun-Blanq. & Tüxen ex Klika & Hadač 1944 et des Ulicetalia minoris Quantin 1935 de transition vers les landes plus strictement méditerranéennes, à côté notamment du Lavandulo stoechadis-Ericetum cinereae Géhu ex B. Foucault 2021 (Glemarec et al., à paraître).
4. L’ourlet à Cervaria rivini
À deux reprises a aussi été observé un ourlet en lien avec la lande et le fourré précédents, ourlet assez inattendu puisque combinant, dans ce contexte géologique plutôt acide, Cervaria rivini, Lotus dorycnium, Vincetoxicum hirundinaria, Serratula tinctoria, Agrimonia eupatoria, Origanum vulgare subsp. v. d’un côté, Centaurea pectinata, Jacobaea adonidifolia, Calluna vulgaris, Erica cinerea… d’un autre. Deux relevés seulement ont pu être réalisés (tableau 2 ; photo 4) ; il faudra donc attendre de nouvelles investigations pour statuer sur sa position syntaxonomique au sein du Geranion sanguinei Tüxen in T. Müll. 1962, alliance dont il relève probablement.
5. Conclusion
Cette trop brève reconnaissance dans le Bas-Vivarais a surtout permis de décrire un nouveau fourré éricoïde, l’Ilici aquifolii-Ericetum scopariae, et une nouvelle lande du Cisto salviifolii-Ericion cinereae, le Cisto pouzolzii-Callunetum vulgaris, apportant ainsi des informations écologiques et phytosociologiques sur ce taxon protégé au niveau national qu’est le Ciste de Pouzolz. Il faudrait poursuivre les investigations de terrain pour mieux connaître cette végétation, et par ailleurs décrire plus complètement l’ourlet à Cervaria rivini.
Annexe du tableau 1 – rel. 1 : Les Vans, bord de la D 216, sud du mas de l’Ayre, 03/09/2020 ; rel. 2 : Les Vans, bord de la D 216, sud-ouest du mas de l’Ayre, 03/09/2020 ; rel. 3 : Les Vans, bord de la D 216, vers la Bonderie, 03/09/2020 ; rel. 4 : Les Vans, sud-ouest de Martrimas, 03/09/2020 ; rel. 5 : Malbosc, vers carrefour D 216 × route de Sabuscles, 03/09/2020 ; rel. 6 : Malbosc, bord de la D 216, vers Le Chambon et le pylône 24 de la ligne HT 63 kV, 03/09/2020 ; rel. 7 : Bordezac, bord de la D 51, nord de la Côte de Long, 03/09/2020 ; rel. 8 : Bordezac, sur la D 184, vers le col de la Matte, 03/09/2020 ; rel. 9 : Malbosc, sur la D 310 (route de la Loubatière), avant le pont du Martinet, 03/09/2020 ; rel. 10 : Bordezac, bord D 51, « Le Sauvezon », vers chemins du Nicolas et du Lacas, 04/09/2020 ; rel. 11 : Bordezac, au sud-ouest, sur D 51 à l’arrivée du sentier DFCI n° A110, 04/09/2020.
Annexe du tableau 2 – rel. 1 : Les Vans, bord de la D 216, vers la Bonderie, 03/09/2020 ; rel. 2 : Bordezac, bord de la D 51, nord de la Côte de Long, 03/09/2020.
Bibliographie
AMBE, 2020. Dossier scientifique de demande de dérogation pour le transfert d’une espèce végétale protégée, le Ciste de Pouzolz (Cistus pouzolzii), au titre des articles L411-2 et R411-6 et suivants du Code de l’environnement. Rapport pour Réseau de transport d’életricité, Bruay-sur-l’Escaut, 208 p.
Aubin P., 1986. Deuxième aperçu sur la flore des environs de Génolhac (Gard), la Cézarenque. Bulletin de la Société linnéenne de Lyon 55 (4) : 133-136.
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Braun-Blanquet J., Pinto da Silva A.R. & Rozeira A., 1964. Résultats de trois excursions géobotaniques à travers le Portugal septentrional et moyen, III – Landes à cistes et Ericacées (Cisto-Lavanduletea et Calluno-Ulicetea). Agronomia Lusitana 23 (4) : 229-313.
Choisnet G. & Mulot P.-E., 2008. Catalogue des végétations du Parc naturel régional des Monts d’Ardèche. Conservatoire botanique national du Massif central/Conseil régional Rhône-Alpes, Chavaniac-Lafayette, 263 p.
Coûteaux M., 1974. Essai de cartographie écologique du Bas-Vivarais : feuilles de Bessèges et Bourg-St-Andéol. Documents de cartographie écologique XIII : 49-68.
Elmi S., Brouder P., Berger G., Gras H., Busnardo R., Bérard P. & Vautrelle C., 1989. Notice explicative de la feuille Bessèges à 1/50 000. Carte géologique de la France à 1/50 000, BRGM, Orléans, 115 p.
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Glemarec E., Delassus L. & Boullet V., à paraître. Contribution au prodrome des végétations de France : les Calluno vulgaris – Ulicetea minoris Braun-Blanq. & Tüxen ex Klika & Hadač 1944.
Julve Ph., 1993. Synopsis phytosociologique de la France (communautés de plantes vasculaires). Lejeunia, NS, 140 : 1-160.
Quézel P. & Barbero M., 1988. Signification phytoécologique et phytosociologique des peuplements naturels de Pin de Salzmann en France. Ecologia Mediterranea 14 (1-2) : 41-63.
Remerciements
Un grand merci à Jean-Luc Mériaux, directeur des études à l’Association multidisciplinaire des biologistes spécialistes de l’environnement (AMBE), pour avoir autorisé la citation du rapport de demande de dérogation et l’utilisation d’une des photos de ce rapport.