Compte-rendu de la sortie Initiation à la bryologie sur le causse du Larzac

Title

Report on the initiation to bryology on the causse du Larzac

Résumé

Le samedi 4 février 2022, une initiation à la bryologie a eu lieu sur le causse du Larzac, dans le département de l’Hérault. Ce fut également l’occasion de lancer la section bryologie de la Société botanique d’Occitanie. Le but de la journée était de découvrir la bryoflore locale tout en se familiarisant avec la terminologie. Une introduction sur la bryologie est présentée, suivie d’une description de la zone prospectée. Les taxons observés sont ensuite présentés par ordre chronologique et suivant le référentiel taxinomique TAXREF v. 15.0.

Abstract

On Saturday 4 February 2022, an initiation to bryology took place on the causse du Larzac in the Hérault department. It was also the occasion to launch the bryology section of the Société botanique d’Occitanie. The aim of the day was to discover the local bryoflora while becoming familiar with the terminology. An introduction on bryology is presented, followed by a description of the surveyed area. The taxa observed are then presented in chronological order and according to the TAXREF v. 15.0 taxonomic reference system.

1. Introduction

Les Bryophytes forment un groupe complexe et difficile à étudier. Ces plantes sont en effet de taille bien inférieure, pour la plupart, aux Trachéophytes (plantes à fleur, fougères et plantes alliées, conifères). En outre, ils font preuve d’une diversité morphologique moins marquée et sont donc plus compliqués à identifier. Il est en effet plus difficile d’observer la forme de l’apex d’une feuille de mousse de 2 mm que celle d’un arbre (photo 1). De plus, l’observation des Bryophytes sur le terrain nécessite quasi systématiquement l’usage d’une loupe (×10 au minimum), ce qui entraîne une certaine fatigue visuelle en cas de prospections prolongées.

L’étude des mousses nécessite également l’usage d’un microscope pour observer les critères non visibles à l’œil nu (taille et forme des cellules et des spores, présence ou absence de papilles, etc.). Le temps consacré au laboratoire est donc important, contrairement à l’étude des végétaux supérieurs qui peut se faire quasi en totalité sur le terrain, à l’exception de certains groupes comme les fougères ou les fétuques.

À ce jour, le seul ouvrage complet sur le territoire français est la Flore des Bryophytes (Augier, 1966) qui est hélas un peu dépassée, mais reste un incontournable pour qui veut étudier les mousses. Les bryologues utilisent de nombreux ouvrages, la plupart étant étrangers. Les deux plus importants sont The Moss Flora of Britain and Ireland (Smith, 1990, 2004) et Handbook of mosses of the Iberian Peninsula and the Balearic Islands (Casas et al., 2006 2009), cette dernière étant particulièrement utile en région méditerranéenne car les habitats naturels et les Bryophytes observés dans le sud de la France sont plus proches de ceux qu’on retrouve en Espagne qu’au Royaume-Uni. Ces deux ouvrages sont des flores qui emploient des critères microscopiques. Pour le terrain nous pouvons conseiller deux livres, Mosses and Liverworts of Britain and Ireland: a field guide (Atherton et al., 2010) et Mousses et hépatiques de France, manuel d’identification des espèces communes (Hugonnot et al., 2015).

Face à ces difficultés, il est d’autant plus important que les bryologues, experts comme béotiens, partagent leur savoir, leur expérience, et fassent émerger une certaine dynamique en faveur de l’amélioration des connaissances de la bryoflore française. C’est dans cet état d’esprit que nous nous sommes réunis ce samedi, afin de faire découvrir la bryologie et créer des vocations.

Photo 1. Tortella nitida (Lindb.) Broth., 1902, acrocarpe commune en région méditerranéenne dont les feuilles atteignent 4 mm de longueur ; L. Giardi (photo sous licence CC-BY-NC-ND).

2. Descriptif de la zone étudiée

La commune du Cros (34520) se situe au nord du département de l’Hérault, dans la région Occitanie. Elle se trouve dans la partie méridionale du causse du Larzac, qui est partagé entre les départements de l’Aveyron et de l’Hérault.

Le Larzac, le plus grand de tous les Causses, est délimité au nord-est par la Dourbie, qui le sépare du causse Noir, et à l’ouest par la dépression de Roquefort, célèbre pour son fromage du même nom. Ses altitudes variées (entre 400 m et 1 000 m environ), ses différentes influences climatiques (méditerranéenne, continentale, atlantique et montagnarde), ses variabilités d’exposition et sa gestion traditionnelle pastorale ont donné lieu à une biodiversité exceptionnellement riche et originale. La flore vasculaire y est par exemple extrêmement diversifiée, avec plus de 1 500 espèces recensées, dont un contingent notable de plantes subméditerranéennes, méditerranéo-montagnardes ou montagnardes et près de 70 taxons endémiques (Bernard, 2012). De plus, soumis à de fortes précipitations (de 700 mm à 1 200 mm annuels), le plateau du Larzac, dont le substrat est essentiellement calcaire et dolomitique, est largement érodé, ce qui a donné naissance à de grandioses chaos ruiniformes (photo 10) et à un vaste réseau karstique.

Photo 10. Pause déjeuner à l’abri du vent, dans les dolomies ; L. Giardi (photo sous licence CC-BY-NC-ND).

Les paysages typiques du Larzac sont les pelouses steppiques à Stipa gallica Čelak., 1883 (photo 2), les boisements de Quercus pubescens Willd., 1796 et les paysages minéraux des sols dolomitiques (la dolomie est une roche grise et caverneuse composée de carbonate de calcium et de carbonate de magnésium) où la roche sculptée par l’érosion prend des formes très caractéristiques.

Derrière une certaine aridité qui pourrait rebuter les bryologues, le causse du Larzac, comme les autres grands Causses, recèle des chaos rocheux, parois et corniches calcaires constamment ombragées et sources pétrifiantes qui peuvent être particulièrement favorables aux Bryophytes. Peu prospectés, ces secteurs de Grands Causses peuvent abriter des espèces particulièrement rares, comme par exemple Mannia triandra (Scop.) Grolle, 1975, Microhypnum sauteri (Schimp.) Jan Kučera & Ignatov, 2019 ou Alleniella besseri (Lobarz.) S. Olsson, Enroth & D. Quandt, 2011 (Bardat & Boudier, 2004).

Photo 2. Pelouse steppique à Stipa gallica Čelak., 1883 ; L. Giardi (photo sous licence CC-BY-NC-ND).

3. Habitats et espèces observées

Lors du premier arrêt nous avons observé diifférentes pleurocarpes et acrocarpes sur un bloc rocheux, au sol et sur un tronc de Quercus pubescens :

  • Barbula unguiculata Hedw., 1801
  • Frullania dilatata (L.) Dumort., 1835
  • Grimmia pulvinata (Hedw.) Sm., 1807
  • Homalothecium lutescens (Hedw.) H. Rob., 1962
  • Homalothecium sericeum (Hedw.) Schimp., 1851
  • Leucodon sciuroides (Hedw.) Schwägr., 1816
  • Orthotrichum anomalum Hedw., 1801 (photo 3)
  • Pulvigera lyellii (Hook. & Taylor) Plášek, Sawicki & Ochyra, 2015
  • Pseudoscleropodium purum (Hedw.) M. Fleisch., 1923
  • Syntrichia ruraliformis (Besch.) Mans., 1904
  • Tortella nitida (Lindb.) Broth., 1902
  • Tortella squarrosa (Brid.) Limpr., 1888
  • Weissia brachycarpa (Nees & Hornsch.) Jur., 1882

Photo 3. Orthotrichum anomalum Hedw., 1801 ; L. Giardi (photo sous licence CC-BY-NC-ND).

Le long du chemin qui mène aux canoles, nous avons observé d’autres espèces sur des blocs rocheux et parois ombragées :

  • Anomodon viticulosus (Hedw.) Hook. & Taylor, 1818
  • Ctenidium molluscum var. molluscum (Hedw.) Mitt.
  • Encalypta streptocarpa Hedw., 1801 (photo 5)
  • Exsertotheca crispa (Hedw.) S. Olsson, Enroth & D. Quandt, 2011
  • Flexitrichum flexicaule (Schwägr.) Ignatov & Fedosov, 2016 (photo 4)
  • Hypnum cupressiforme Hedw., 1801 var. cupressiforme
  • Hypnum cupressiforme var. lacunosum Brid., 1801
  • Lewinskya affinis (Schrad. ex Brid.) F. Lara, Garilleti & Goffinet, 2016
  • Nogopterium gracile (Hedw.) Crosby & W.R. Buck, 2011
  • Plagiochila porelloides (Torr. ex Nees) Lindenb., 1840
  • Metzgeria furcata (L.) Corda, 1829
  • Plasteurhynchium meridionale (Schimp.) M. Fleisch., 1925 (photo 6)
  • Porella arboris-vitae (With.) Grolle, 1969
  • Pseudocrossidium revolutum (Brid.) R.H. Zander, 1979
  • Scorpiurium circinatum (Brid.) M. Fleisch. & Loeske, 1907
  • Reboulia hemisphaerica (L.) Raddi, 1818
  • Thamnobryum alopecurum (Hedw.) Gangulee
  • Tortella tortuosa (Hedw.) Limpr., 1888
  • Trichostomum crispulum Bruch, 1829

Photo 4. Flexitrichum flexicaule (Schwägr.) Ignatov & Fedosov, 2016 ; L. Giardi (photo sous licence CC-BY-NC-ND).
Photo 5. Encalypta streptocarpa Hedw., 1801 ; L. Giardi (photo sous licence CC-BY-NC-ND).
Photo 6. Plasteurhynchium meridionale (Schimp.) M. Fleisch., 1925 ; L. Giardi (photo sous licence CC-BY-NC-ND).

Les canoles sont des des entailles rocheuses calcaires creusées par l’érosion. L’ambiance ombragée et fraîche est très originale pour le climat sec et ensoleillé du Larzac, ainsi plusieurs Trachéophytes originales pour la région s’y développent comme Asplenium scolopendrium L., 1753 ou Valeriana tripteris L., 1753. Les canoles abritent une grande quantité de Bryophytes, en voici quelques exemples :

  • Alleniella complanata (Hedw.) S. Olsson, Enroth & D. Quandt, 2011
  • Amblystegium serpens (Hedw.) Schimp., 1853
  • Eucladium verticillatum (With.) Bruch & Schimp., 1846
  • Frullania tamarisci (L.) Dumort., 1835
  • Lejeunea cavifolia (Ehrh.) Lindb., 1871
  • Lophocolea heterophylla (Schrad.) Dumort., 1835
  • Pedinophyllum interruptum (Nees) Kaal., 1893 (photo 7)
  • Plagiomnium undulatum (Hedw.) T.J. Kop., 1968
  • Porella platyphylla (L.) Pfeiff., 1855
  • Rhynchostegiella tenella (Dicks.) Limpr., 1890
  • Seligeria donniana (Sm.) Müll.Hal., 1848 (photo 9)

Photo 7. Plaquage de Pedinophyllum interruptum (Nees) Kaal., 1893 ;  L. Giardi (photo sous licence CC-BY-NC-ND).
Photo 9. Seligeria donniana (Sm.) Müll.Hal., 1848 ; L. Biais (photo sous licence CC-BY-NC-ND).

Enfin, quelques dernières espèces que nous n’avions pas observées jusque là ont été trouvées sur le chemin du retour :

  • Syntrichia montana Nees, 1819 (photo 8)
  • Syntrichia ruraliformis (Besch.) Mans., 1904
  • Syntrichia ruralis (Hedw.) F. Weber & D. Mohr, 1803
  • Tortula muralis subsp. muralis Hedw., 1801

Photo 8. Syntrichia montana Nees, 1819 ; L. Giardi (photo sous licence CC-BY-NC-ND).

Bibliographie

Atherton I.D.M., Bosanquet S.D.S. & Llawley M., 2010. Mosses and Liverworts of Britain and Ireland: a field guide. British Bryological Society, 856 p.

Augier J., 1966. Flore des Bryophytes. Paul Lechevalier, Paris, 700 p.

Bardat J., & Boudier P., 2006. Some remarkable bryophytes of the Causse Méjean (Lozère, France). Cryptogamie, Bryologie, 27 (1) : 165-180.

Bernard Ch., 2012. Petite flore portative de l’Aveyron. Bulletin de la Société botanique du Centre-Ouest, NS, n° sp. 37 : 1-544.

Casas C., Brugués M., Cros R.M. & Sérgio C., 2006. Handbook of mosses of the Iberian Peninsula and the Balearic Islands: illustrated keys to genera and species. Institut d’Estudis Catalans, Seccio de Ciences Biologiques, Barcelona, 349 p.

Casas C., Brugués M., Cros R.M. & Sérgio C., 2009. Handbook of liverworts and hornworts of the Iberian Peninsula and the Balearic Islands: illustrated keys to genera and species. Institut d’Estudis Catalans, Seccio de Ciences Biologiques, Barcelona, 177 p.

Hugonnot V., Celle J. & Pépin F. 2015. Mousses et hépatiques de France, manuel d’identification des espèces communes. Biotope, Mèze, 288 p.

Smith A.J.E., 1990. The Liverworts of Britain and Ireland. Cambridge University Press, Cambridge, 362 p.

Smith A.J.E., 2004. The Moss Flora of Britain and Ireland. Cambridge University Press, Cambridge, 1 024 p.

Remerciements

L’auteur tient à remercier tous les participants de cette première session du groupe bryologie de la Société botanique d’Occitanie, avec une mention particulière à Julie-Anne Bukhart, Jérémie Scagni et Lucas Biais pour le partage de leurs connaissances. Merci également à ce dernier pour la relecture.