Molènes hybrides de France, 3 - Verbascum ×flagriforme Pfund (V. blattaria L. × V. phlomoides L.)
Title
Hybrid mulleins of France, 3 - Verbascum ×flagriforme Pfund (V. blattaria L. × V. phlomoides L.)
Résumé
Verbascum ×flagriforme a été récemment observé dans cinq communes de l’Hérault et une en Ukraine. Un néotype est désigné. Pour la première fois, la morphologie de cet hybride est comparée avec celle de ses parents sous forme de tableau illustré et commenté. Les données disponibles sont compilées et illustrées par des cartes de répartition connue et potentielle.
Abstract
Verbascum ×flagriforme has been observed in five communes of the Hérault department and one in Ukraine. A neotype is designated. For the first time, the morphology of this hybrid is compared with that of its parents in an illustrated and commented table. The available data are compiled and illustrated by maps of known and potential distribution.
1. Préambule
Lors d’une prospection au bord d’une vigne avec présence de plusieurs espèces de Verbascum et après détection d’un groupe de V. ×geminatum, un autre individu à rameaux dressés et feuilles relativement grandes nous a interpellés (photo 1). Ses feuilles vert franc évoquaient une proximité avec V. blattaria, tout en étant bien plus grandes et pubescentes, et ses fleurs relativement grandes rappelaient les V. phlomoides également très présents dans cette zone rudérale de bord de piste.
Après consultation des flores historiques traitant des hybrides (Pfund, 1840 ; Godron & Grenier, 1850 ; de Pouzolz, 1857 ; Rouy, 1909 ; Fournier, 1928), nous avons conclu qu’il devrait s’agir de l’hybride Verbascum blattaria × V. phlomoides. La seule donnée de cet hybride actuellement connue sur iNaturalist (https://www.inaturalist.org/taxa/1347970-Verbascum—flagriforme) est intégrée au présent article.
2. Présentation de l’hybride
2.1. Historique
Reproduit de manière expérimentale par Kölreuter (1784) et Wiegmann (1828), deux auteurs qui l’ont par ailleurs décrit en détail, l’hybride Verbascum blattaria L. × V. phlomoides L. est certainement un des Verbascum les plus anciennement étudiés. Ce nothotaxon est ensuite validement décrit sous Verbascum ×flagriforme par Pfund (1840) à partir d’échantillons récoltés près de Prague (photo 2).
Afin de rendre la description de l’hybride plus accessible, nous en proposons la traduction suivante (la transscription en allemand et la traduction en anglais sont disponibles en annexes) :
6. V. flagriforme nob.
Molène en forme de fouet.
Diagnose :
Feuilles : vertes, à pilosité courte et fine ; limbe décurrent sur le pétiole ; feuilles supérieures ovoïdes-lancéolées, sessiles, semi-embrassantes, à base presque cordiforme, un peu décurrentes.
Fleurs : corolle 4 à 5 fois plus grande que le calice ; 3 filets d’étamines à poils blancs denses, les 2 autres prolongés, à pilosité fine vers le milieu. Étamines : 3 réniformes, 2 longuement décurrentes.
Floraison : juillet.
Fructification : septembre.
Localité : près de Prague, sur sol aride.
Allure : presque celle du V. blattaria, mais non glabre, avec grappe allongée, et fleurs bien plus grandes, aux filets d’étamines à poils blancs, comme chez le V. phlomoides L.
Description
Bisannuel.
Pilosité : tige avec poils étoilés épars, ceux-ci devenant plus denses sur les rameaux, les feuilles, les pédicelles et les calices.
Tige : arrondie, dressée, finement sillonnée, à base rougeâtre, ramifiée en panicule avec 2-3 rameaux.
Feuilles : d’un vert vif, crénelées à dents obtuses, pointues, à face inférieure plus claire ; feuilles basales longuement ovoïdes, à limbe décurrent sur le pétiole, obtuses ; feuilles caulinaires inférieures semblables, plus petites, à limbe étroitement décurrent sur le pétiole et la tige ; feuilles caulinaires moyennes et supérieures ovoïdes-lancéolées, à base élargie voire cordiforme, crénelées, courtement décurrentes.
Bractées : lancéolées, longuement acuminées, dépassant le calice uniquement à la base de la grappe principale ; plus haut et sur les rameaux de forme lancéolée-linéaire, plus courtes que les pédicelles.
Inflorescences : en grappes simples, très allongées en fin de floraison. Fleurs fasciculées en groupes espacés à la base, plus denses vers le haut, à fleurs solitaires ; pédicelles égalant le calice, rarement un peu plus longs ; pédicelles et calices plus densément poilus que les autres parties de la plante.
Calice comme chez le V. blattaria, d’un vert foncé. Sépales lancéolés, à pointes incurvées après la floraison.
Corolle (du V. phlomoides L.) 4,5-5 fois plus grand que le calice, étalée en forme de roue, à face interne glabre, presque luisante, et face externe à poils étoilés devenant plus denses vers le centre. Lobes inégaux, arrondis ovoïdes, celui du bas étant le plus large. 5 étamines, à filets inégaux : trois filets densément poilus, à poils blancs ou blancs-rougeâtres et anthères réniformes ; les deux autres filets plus longs, à poils fins vers le milieu uniquement, à anthères décurrents sur la partie interne. Pollen de couleur jaune-orangée. Style filiforme ; stigmate claviforme, obtus.
À noter ici que la partie « diagnose » décrit les étamines comme « à poils blancs denses ». La partie « description » quant à elle précise « trois filets densément poilus, à poils blancs ou blanc-rougeâtre ». Un an plus tard, Pfund (in Berchtold & Opiz, 1841 : 399) reprend sa description de l’hybride à l’identique, à un détail près : les poils des filets d’étamines sont décrits « à poils blancs ». Cette modification n’est toutefois pas retenue par la Flore de Bohême (Čelakovsky, 1871 : 318).
Dix ans plus tard, sans doute par méconnaissance des travaux de Pfund (1840, 1841), Grenier et Godron (1850) décrivent l’hybride sous un autre nom et sans l’avoir observé eux-mêmes (photo 3). À souligner qu’ils mettent en avant un critère morphologique en désaccord flagrant avec les descriptions antérieures, à savoir les « étamines munies de poils tous violets ».
Peu après, Grisebach et Schenk (1852) décrivent de Hongrie un hybride proche sous le nom de Verbascum phlomoidi-blattariforme qui est aujourd’hui considéré comme un synonyme de Verbascum ×flagriforme Pfund (pour cette synonymie, voir Nyman, 1890 ; Domin, 1936 ; Boros, 1947 ; GBIF Secretariat, 2023). La description par Grisebach & Schenk évoque d’ailleurs des poils staminaux blanc-rougeâtre.
La publication de Godron & Grenier (1850), non valide, est utilisée comme référence par de Pouzolz (1857, photo 4) qui a observé l’hybride près de Saint-Gilles (Gard). Lui aussi décrit les « filets des étamines garnis de poils tous violets ».
Le critère des « poils staminaux tous violets » est également repris par Fournier (1928), auteur qui n’a pas observé l’hybride lui-même sur le terrain.
De manière générale, des poils staminaux tous violets seraient très étonnants chez un hybride issu de V. blattaria qui a des poils blancs et violets et de V. phlomoides dont les poils sont tous blancs. En effet, nos observations de terrain mettent en évidence des filets staminaux à poils toujours blancs et violets chez V. ×flagriforme (tableau 1).
2.2. Recherche d’un échantillon type
Sur le site internet Global plants (2023) sont référencées trois planches de l’herbier Haussknecht (Jena, Germany) qualifiées de « holotypes » de Verbascum ×flagriforme (JE00020769, JE00020770, JE00020771). Ces plantes ont été récoltées en 1885 par Haussknecht lors d’une expédition menée en Grèce. Dans la mesure où la description du nothotaxon a été publiée par Pfund (1840), ces échantillons ne peuvent évidemment pas être considérés comme « holotypes » (voir article 9.1 du Code de Shenzhen ; Turland et al. 2019). Il doit simplement s’agir d’une erreur de saisie dans la mesure où ces trois échantillons font partie d’une série de cinq planches avec date de récolte identique (« 1885-06-18 »), dont deux sont désignées comme « holotypus of Verbascum parallelum Hausskn. » (JE00020767, « sheet 1/5 » ; JE00020768, « sheet 2/5 ») et les trois autres cités plus haut comme « holotypus of Verbascum ×flagriforme Pfund », « sheet 3/5 », « sheet 4/5 », « sheet 5/5 » (JACQ consortium, 2004 ff.). À noter que Verbascum ×parallelum Hausskn. est l’hybride accepté de V. blattaria × V. samniticum (POWO, 2023). Un de ses synonymes a possiblement ajouté de la confusion dans la mesure où il s’appelle Verbascum ×pseudoflagriforme Hausskn.
D’après Wickens (1970 : 192), l’herbier personnel de J. Pfund avec les plantes récoltées aux alentours de Prague est conservé au National Museum de Prague. Contacté au sujet de l’holotype de Verbascum ×flagriforme, le responsable des collections O. Šída (comm. pers.) nous a répondu le 16/06/2022 qu’il n’a pas réussi à en trouver une trace à l’herbier de Prague et que l’herbier personnel de Pfund avec les plantes d’Europe aurait été déposé à Berlin. Nos recherches en ligne dans les collections à Berlin (http://ww2.bgbm.org/herbarium/default.cfm) ont en effet permis d’identifier quatre plantes récoltées par Pfund, mais aucun Verbascum. S’il a vraiment été transféré à Berlin, il paraît relativement probable que l’herbier de Pfund a été détruit lors de l’incendie destructeur en 1943. En conclusion, aucun échantillon type de Verbascum ×flagriforme ne semble être connu à l’heure actuelle.
Par ailleurs, d’après nos recherches, aucun auteur n’a depuis désigné un quelconque type de Verbascum ×flagriforme. Au vu de ces éléments et de notre objectif d’amélioration des connaissances des molènes et de leurs hybrides en France, il nous a semblé pertinent de procéder à la néotypification de ce nothotaxon (art. 9.8 du Code de Shenzhen ; Turland et al. (eds.), 2019).
Il n’existe actuellement aucun spécimen scanné de Verbascum ×flagriforme sur GBIF (GBIF Secretariat, 2023) et seulement trois échantillons historiques sur E-RECOLNAT (https://www.recolnat.org/ ; voir tableau 2). Ainsi, le groupe des parts d’herbiers candidates à la néotypification est très restreint. Aucune des parts de Touchy ou de Godron ne paraît complète, comprenant aussi bien une feuille basale, une part de tige avec feuilles caulinaires et une part d’inflorescence. Aux échantillons disponibles s’ajoutent quatre parts d’herbier que nous avons transférées à l’herbier de l’Université de Montpellier (MPU ; tableau 2).
Afin de suivre au mieux la recommandation 9B du Code de Shenzhen qui stipule « d’exercer un soin particulier et une connaissance critique pour discerner ce qui s’accorde le mieux avec le protologue », nous choisissons parmi les échantillons disponibles celui qui paraît le plus complet, avec feuilles caulinaires et inflorescence entière.
Au vu de ces éléments, nous désignons ici le spécimen MPU1403147 comme néotype de l’hybride Verbascum ×flagriforme Pfund 1840 (photo 5).
Par ailleurs, le néotype est complété par deux planches en provenance du même individu, comprenant une part plus basse du même rameau (MPU313195 ; photo 6) et deux feuilles presque basales (MPU1403148 ; photo 7). Ces deux spécimens sont désignés ici comme isonéotypes.
2.3. Synthèse des données taxonomiques
Nom valide : Verbascum ×flagriforme Pfund 1840
Formule hybride : V. blattaria L. × V. phlomoides L.
Synonymes : Verbascum phlomo-blattaria Godr. & Gren. 1850, Verbascum phlomoidi-blattariforme Grisebach & Schenk 1852
Néotype (désigné ici) : MPU1403147 ; https://science.mnhn.fr/institution/um/collection/mpu/item/mpu1403147
Isonéotypes (désignés ici) : MPU313195, MPU1403148.
3. Comparaison morphologique illustrée
Ci-dessous, les critères morphologiques distinctifs sont présentés sous forme de tableau illustré, avec comparaison des deux taxons parents (tableaux 1a à 1k).
À signaler par ailleurs que certains individus de V. ×flagriforme peuvent atteindre une taille impressionnante dépassant les deux mètres, comme V. phlomoides.
En résumé, V. ×flagriforme se reconnaît à ses feuilles vert-vif mais pubescentes, celles du bas parfois très grandes, élargies et peu crénelées, ses rameaux très allongés et surtout dressés, ses grandes corolles et ses filets staminaux à poils blancs et violets.
4. Variabilité morphologique observée
La variabilité observée chez V. ×flagriforme est liée à la taille des individus. Celle-ci peut aller d’à peine un mètre à nettement plus du double. Si les petits individus sont à peine ramifiés, ceux approchant les deux mètres le sont d’autant plus (photos 8 et 9).
Franchet (1874 : 173) décrit les hybrides de Verbascum comme « des individus toujours semblables entre eux, au moins à un degré égal à celui des ascendants […] ». Nos observations confirment cette variabilité toute relative des hybrides du genre (voir aussi Klesczewski & Rossi, 2023a, b).
Photo 8. Verbascum ×flagriforme en fruits (Montferrier-sur-Lez, 04 septembre 2022) ; individu ramifié dès sa base et dépassant les 200 cm ; les échantillons du néotype (MPU1403147) et des isonéotypes (MPU313195 et MPU1403148) proviennent de cet individu ; M. Klesczewski (image sous licence CC-BY-NC-ND).
5. Stations historiques avérées
À notre connaissance, cet hybride aux parents pourtant largement répandus en Europe et Asie occidentale n’a été que très rarement observé depuis la fin du xixe siècle. Par exemple, la base de données en ligne du Système mondial d’information sur la biodiversité (GBIF Secretariat, 2023) n’affiche que deux données historiques gardoises issues du SINP (Inventaire national du patrimoine naturel ; MNHN & OFB [eds], 2003-2022) et la donnée d’Ukraine recensée par l’un d’entre nous (DD) via iNaturalist.
La donnée gardoise par Cabanès (Société d’études des sciences naturelles de Nîmes, 1890) s’est avérée erronée, il s’agit probablement d’un hybride de V. phlomoides, mais avec V. sinuatum (= V. ×pseudosinuatum Hausskn.). Reste l’observation gardoise par de Pouzolz (1857) que nous n’avons pas pu vérifier, faute d’échantillon d’herbier.
Verbascum ×flagriforme est par ailleurs inconnu du site POWO (2023), ainsi que du SI Flore (FCBN, 2016). Une recherche approfondie sur E-RECOLNAT nous a toutefois permis d’identifier des échantillons récoltés par Touchy et Godron aux alentours de Montpellier (voir aussi Grenier & Godron, 1850).
Finalement, une recherche en ligne nous a permis de recenser une donnée au sein de la bilbliothèque du Conservatoire botanique national de Bailleul, sous forme de trois photos d’un individu trouvé et déterminé par David Mercier en août 2004 à Venables dans l’Eure (références nos Na-PNU-A-001-003878 à 003880). Au vu de la forme des feuilles, de leurs oreillettes arrondies courtes et des fleurs à filets staminaux à poils blancs et violets, il pourrait bien s’agir de Verbascum ×flagriforme. Cette donnée mériterait alors d’être intégrée au SINP.
Le tableau 2 résume les données historiques avérées. Avec seulement cinq données historiques avérées, Verbascum ×flagriforme apparaît comme un nothotaxon très méconnu.
6. Stations actuelles
En France, nos prospections au cours de la saison 2022 ont permis le recensement d’un total de 29 individus répartis sur cinq stations héraultaises (tableau 3). Au vu de ces résultats obtenus en si peu de temps (voir aussi Klesczewski & Rossi, 2023a), on peut se demander si les hybrides sont vraiment si « rares dans la nature » (Jauzein & Nawrot, 2011 : 897). En ce qui concerne les hybrides de Verbascum tout au moins, ils nous paraissent avant tout méconnus.
En Ukraine, un seul pied a été observé lors de prospections aléatoires (photo 10), mais aucune recherche ciblée n’y a encore été entreprise. Il s’agit d’ailleurs de la première mention de l’hybride pour ce pays (voir Kotov, 1960 ; Mosyakin & Fedoronchuk, 1999 ; UkrBIN, 2017-2023).
Verbascum ×flagriforme apparaît soit en petits groupes, soit par pieds isolés (voir aussi Tison, 2014a, b). Six échantillons ont été intégrés à l’herbier général de l’Herbier de l’Université de Montpellier (MPU).
7. Répartition : synthèse
L’aire de répartition actuellement connue de Verbascum ×flagriforme est très vaste, à l’image des zones de présence des espèces parentes (carte 1). Initialement décrit des environs de Prague (République tchèque) par Pfund (1840 ; voir aussi Čelakovsky, 1871), l’hybride a été signalé dans un certain nombre de pays du centre et de l’est de l’Europe. Ainsi, Grisebach et Schenk (1852 : 322) le décrivent de Hongrie, Focke (1881) le cite d’Allemagne (voir aussi Schubert & Vent, 1990) et de Pologne, et Murbeck (1933) ajoute la Roumanie et la Bulgarie comme zones de présence de V. ×flagriforme. La base de données pour la flore et la végétation de la République tchèque (Pladias, 2014-2023) propose bien une fiche pour cet hybride, mais n’affiche actuellement aucune donnée avérée.
Notons par ailleurs que les flores de l’Espagne (Benedi, 2009), des îles Britanniques (Stace & Easy, 2015), de l’USSR (Fedtschenko, 1955), de l’Ukraine (Kotov, 1960 ; Mosyakin & Fedoronchuk, 1999), de la Turquie (Huber-Morath, 1978), les bases de données sur la flore d’Allemagne (FloraWeb, 2023) et de Suède (Botanikportalen, 2023) ou encore le catalogue floristique de la Grèce (Dimopoulos et al., 2013) ne le mentionnent pas.
En France, les seules stations connues de Verbascum ×flagriforme sont situées dans l’Eure, l’Hérault et le Gard. Au vu du nombre de localités recensées en une seule saison, l’hybride semble se former facilement. Des prospections ciblées à l’aide des critères de reconnaissance mis en évidence ci-dessus devraient permettre de détecter d’autres stations françaises.
Un recoupement des zones de présence des deux espèces parentes (données GBIF Secretariat, 2023) suggère que V. ×flagriforme pourrait être trouvé non seulement en Europe depuis l’Espagne jusqu’en Russie (carte 2), mais aussi en Amérique du Nord où V. blattaria et V. phlomoides ont été introduites (carte 3). En Europe, la présence de l’hybride dans des pays comme le Royaume-Uni, l’Italie, la Suède et la Grèce paraît possible mais reste à prouver. À noter que la présence de V. phlomoides en Espagne est mise en doute par Murbeck (1933 : 53) et Benedi (2009 : 51).
En Amérique du Nord, il existe un certain nombre de zones de présence potentielle de Verbascum ×flagriforme, notamment dans les plaines du centre et de l’est. Actuellement, l’hybride ne semble pas y avoir été signalé (http://bonap.net/napa ; Kartesz, 2015).
8. Fertilité de l’hybride et dynamique des populations
Verbascum ×flagriforme est un des rares hybrides de molènes ayant été produits artificiellement par plusieurs auteurs, et ce depuis la fin du xviiie siècle (Kölreuter, 1784 ; Wiegmann, 1828 ; Arts-Damler, 1960 : 284). De façon concordante, ces auteurs ont constaté la stérilité a priori totale de l’hybride. Malgré ces données historiques univoques, nous avons récolté les capsules d’une dizaine d’inflorescences sèches en fin d’été et semé le matériel ainsi obtenu en conditions contrôlées. Après plusieurs mois d’observation, aucune germination n’a été observée.
Nous avons par ailleurs revisité les deux populations bien fournies (Villeneuve et Fabrègues) au cours de l’automne 2022 et observé une mortalité majoritaire des plantes ayant fleuri, à l’image des deux parents aux modes de vie habituellement bisannuels. À Villeneuve, aucune plante vivante n’a été recensée à l’automne, tandis qu’à Fabrègues presqu’une dizaine de rosettes plus ou moins jeunes se préparent pour une floraison courant 2023.
Comme Verbascum ×geminatum (Klesczewski & Rossi, 2023a), V. ×flagriforme peut donc occuper certaines stations plusieurs années de suite. L’hybride étant a priori parfaitement stérile, la pérennité des stations serait liée au développement d’individus issus de semis de l’année (voir à ce sujet Franchet, 1868a : 104 ; Préaubert & Bouvet, 1899 : 84). Un suivi pluriannuel de certaines stations permettrait de mieux comprendre ce phénomène.
9. Risques de confusion
Au vu de la forme et couleur de ses feuilles, il est possible que des individus de faible taille aient été confondus avec V. virgatum ou éventuellement V. blattaria, deux espèces à fleurs toujours solitaires.
Verbascum phlomoides est un taxon relativement proche de deux autres espèces, V. densiflorum et V. thapsus (Tison, 2014a, b). Son hybride V. ×flagriforme devrait par conséquent avoir beaucoup de critères morphologiques en commun avec les hybrides de ces deux espèces proches avec V. blattaria (V. ×ramosissimum (Bastard) DC., pour V. blattaria × V. densiflorum ; V. ×pterocaulon Franch. pour V. blattaria × V. thapsus). D’après Franchet (1868b) et Čelakovsky (1871 : 318), un critère très visible permet de distinguer V. ×flagriforme de ces deux autres hybrides : leurs feuilles sont longuement décurrentes sur la tige.
Comme évoqué précédemment (Klesczewski & Rossi, 2023a), V. ×flagriforme se trouve parfois en compagnie d’un autre hybride assez répandu, V. ×geminatum. Cet hybride se distingue facilement de V. × flagriforme par ses feuilles à bord lobé-ondulé et de ses rameaux étalés-ascendants.
10. Perspectives
Le présent article apporte des éléments de connaissance sur un hybride jusqu’alors très mal connu. Nous espérons que les éléments descriptifs fournis permettront un meilleur recensement de ce nothotaxon sur l’ensemble de son aire de répartition potentielle. Ensuite et comme annoncé auparavant (Klesczewski & Rossi, 2023a, b), l’objectif à terme consiste d’abord à compiler des descriptions illustrées des hybrides de Verbascum connus en France. Il pourrait ensuite être tenté d’actualiser la clé de Fournier (1928) en tant qu’outil de détermination des Verbascum de France incluant les hybrides.
Annexe 1 : Transcription du protologue de Pfund (1840)
6. V. flagriforme nob.
Gertenförmige Königskerze. […]
Diagn.: Blätter sehr kurz und dünnfilzig, grün; die untern lang eiförmig, am Blattstiel herablaufend, die obern ei-lanzettförmig, mit fast herzförmiger Basis den Stengel halb umfassend, und kurz herabsteigend. Blumenkrone 4-5mal so groβ als der Kelch. Staubfäden 3, dicht weiβwollig, 2 verlängert, nur in der Mitte dünn behaart. Staubbeutel: 3 gleich, nierenförmig, 2 lang herablaufend.
Blüthenzeit: Juli.
Fruchtreife: Sept.
Kömmt unfern Prag auf dürrem Boden vor.
Habit.: Fast der des V. blattaria; doch nicht glatt, mit verlängerter Traube, und bedeutend gröβern Blumen, deren Staubfäden weiβe Bekleidung haben, wie beim V. phlomoides L.
Beschreibung: Zweijährig.
Filz: Über den Stengel dünn zerstreute, auf den Zweigen, Blättern, Blumenstielen und Kelchen nach oben stets dichtere Sternhaare.
Stengel rundlich, grade aufrecht, fein gefurcht, unten geröthet, oben 2-3 rispenartig gestellten Zweige treibend.
Blätter lebhaft grün, stumpf gekerbt, spiz, auf der Unterseite heller; Wurzelblätter lang ei-förmig, am Blattstiel herablaufend, stumpf; die untern Stengelblätter diesen ähnlich, kleiner, am Blattstiele und selbst noch am Stengel schmal herablaufend; die folgenden und oberen mit allmählig breiterer bis herzförmiger Basis eiförmig-lanzettlich, feiner und undeutlicher gekerbt, kurz herablaufend.
Deckblätter lanzettlich, lang zugespitzt, nur an der Basis der Haupttraube den Kelch überragend; nach oben und an den Zweigen linienförmig-lanzettlich, kürzer als die Blumenstiele.
Trauben einfach, nach der Blüthenzeit sehr verlängert. Blumenstiele gepaart, entfernt stehend, nach oben einzeln und dichter, meist von der Länge des Kelches, selten um etwas länger; doch stets, gleich ihm, dichter filzig, als alle übrigen Theile der Pflanze.
Kelch wie beim V. blattaria L., dunkelgrün[.] Abschnitte lanzettlich, mit nach dem Abfall der Blüthen einwärts gekrümmten Spitzen.
Blumenkrone (von V. phlomoides L.) 4,5-5mal so groβ als der Kelch, radförmig, ausgebreitet, innen glatt, fast glänzend, auβen, der Röhre zu mehr und mehr mit kurzen Sternhaaren besetzt. Lappen ungleich, rundlich eiförmig, der unterste am breitesten. Staubfäden 5, ungleich: drei gleich lang, dicht mit weiβer oder röthlich-weiβer Wolle bekleidet und gleichen, nierenförmigen Antheren, zwei verlängert, nur in der Mitte feinhaarig, mit an der innern Seite verlängert herablaufenden Antheren. Blüthenstaub orangegelb. Griffel fadenförmig; Narbe keulenförmig, stumpf.
Annexe 2 : Traduction anglaise du protologue de Pfund (1840)
6. V. flagriforme nob.
Whip-like mullein.
Diagnosis:
Leaves: green, with short, thin pilosity; blade decurrent on the petiole; upper leaves ovate-lanceolate, sessile, semi-embarrassing, almost cordate-based, somewhat decurrent.
Flowers: corolla 4-5 times as large as calyx; stamens with 3 filaments that have dense white hairs, the other 2 prolonged, finely hairy towards the middle. Stamens: 3 kidney-shaped, 2 long decurrent.
Flowering: July.
Fructification: September.
Location: Near Prague, on arid soil.
Habit: Almost like V. blattaria, but not glabrous, with elongated raceme, and much larger flowers with white-hairy stamen filaments, as in V. phlomoides L.
Description
Bisannual.
Pilosity: Stem with scattered star hairs, these becoming denser on twigs, leaves, pedicels and calyxes.
Stem: Rounded, erect, finely furrowed, reddish-based, panicled with 2-3 branches.
Leaves: bright green, crenate with obtuse teeth, pointed, lighter underside; basal leaves long ovate, blade decurrent on the petiole, obtuse; lower stem leaves similar, smaller, with narrowly decurrent leaf blades on petiole and stem; middle and upper stem leaves ovate-lanceolate, with broadened or even cordate base, crenate, short decurrent.
Bracts: lanceolate, long acuminate, exceeding the calyx only at the base of the main raceme; higher up and on the branches the bracts are lanceolate-linear, shorter than the pedicels.
Inflorescences: in simple racemes, very elongated at the end of flowering. Flowers fasciculate in spaced groups at the base, denser towards the top, with solitary flowers; pedicels equalling the calyx, rarely a little longer; pedicels and calyxes more densely hairy than other parts of the plant.
Calyx as in V. blattaria, dark green. Sepals lanceolate, with curved tips after flowering.
Corolla (of V. phlomoides L.) 4.5-5 times as large as calyx, spreading wheel-shaped, inner surface glabrous, almost shiny, outer surface with star-like hairs becoming denser towards the centre. Lobes unequal, rounded ovate, the lower one broadest. Stamens 5, with unequal filaments: three densely hairy, with white or reddish-white hairs and kidney-shaped anthers; the other two filaments longer, with fine hairs towards the middle only, with decurrent anthers on the inner part. Pollen yellow-orange. Style filiform; stigma clavate, obtuse.
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Remerciements
Nous remercions les personnes suivantes pour leur aide essentielle : Otakar Šída (National Museum/Department of Botany : Herbarium PR ; recherche de spécimens), Dr. Jochen Müller & Dr. Hermann Manitz (Herbarium Haussknecht, Friedrich Schiller Universität Jena ; envoi de bibliographie et relecture), Prof. Dr. Panayotis Dimopoulos & Dr. Aris Zografidis (University of Patras ; échanges taxonomiques), Caroline Loup (Herbier de l’Université de Montpellier, MPU ; recherche et gestion de spécimens), David Mercier (envoi d’informations), Laura Morazzani (Herbier du Muséum de Nîmes ; recherche de spécimens), Renaud Ward (Conservatoire botanique national de Bailleul ; envoi de photos), Julien Geslin (Conservatoire botanique national de Brest ; envoi de bibliographie), Elodie Klesczewski (détection de stations et gestion graphique sous GIMP). Merci aussi à E-RECOLNAT (ANR-11-INBS-0004 ; https://www.recolnat.org/fr/) qui nous a permis la recherche efficace de spécimens en ligne, ainsi qu’à la Biodiversity Heritage Library (BHL) at Smithsonian Libraries and Archives (Washington, D.C., USA) dont le site www.biodiversitylibrary.org rend les références bibliographiques anciennes si facilement et librement accessibles.