Molènes hybrides de France, 2 - Verbascum ×hybridum Brot. (V. pulverulentum Vill. × V. sinuatum L.)

Title

Hybrid mulleins of France, 2 - Verbascum ×hybridum Brot. (V. pulverulentum Vill. × V. sinuatum L.)

Résumé

Verbascum ×hybridum a été récemment observé dans trois communes de l’Hérault et une en Corse. Un néotype est désigné. Pour la première fois, la morphologie de cet hybride est comparée avec celle de ses parents sous forme d’un tableau illustré et commenté. Les données disponibles sont compilées et illustrées sous forme de cartes de répartition connue et potentielle.

Abstract

Verbascum × hybridum has recently been observed in three municipalities of the Hérault department and one in Corsica. A neotype is designated. For the first time, the morphology of this hybrid is compared with that of its parents in an illustrated and commented table. The available data are compiled and illustrated in the form of maps of known and potential distribution.

1. Préambule

Mi-juin 2022, un déplacement sur la D 986 entre les Matelles et Saint-Martin-de-Londres nous a permis de détecter en bord de route deux tiges d’un Verbascum dressé mais particulièrement ramifié (photo 1). Ses feuilles blanchâtres finement pubescentes évoquaient une proximité avec V. pulverulentum, espèce présente à proximité, mais ses poils de filaments staminaux légèrement violets étaient un premier indice de son statut hybride.

Après consultation de différentes flores historiques proposant des descriptions d’hybrides (Brotero, 1804 ; Noulet, 1837 ; Godron & Grenier, 1850 ; Loret & Barrandon, 1887 ; Béguinot, 1900-1902 ; Rouy, 1909 ; Fournier, 1928), nous avons conclu qu’il devrait s’agir de l’hybride Verbascum pulverulentum × V. sinuatum.

Photo 1. Verbascum ×hybridum en fleurs (Viols-en-Laval, 18 juin 2022) ; individu haut d’environ 120 cm ; M. Klesczewski (image sous licence CC-BY-NC-ND).

2. Présentation de l’hybride

2.1. Historique

L’hybride Verbascum pulverulentum × V. sinuatum a été validement décrit sous Verbascum ×hybridum par Brotero (1804) à partir d’échantillons récoltés au Portugal près de la ville de Coimbra (photo 2). Il s’agit du premier hybride de Verbascum jamais décrit.

Photo 2. Description de l’hybride V. pulverulentum × V. sinuatum par Brotero (1804).

Dans l’objectif de rendre cette diagnose plus accessible pour la suite, nous en proposons la traduction suivante :

Verbascum hybridum
Feuilles caulinaires en partie décurrentes, tomenteuses sur les deux faces ; tige rameuse ; fleurs à pédoncules courts, agglomérées, glomérules à trois bractées. [trouvé par ?] Brotero. Habitat : près de clôtures, dans les graviers à proximité de Coimbra. Floraison juin et juillet. Bisannuel.
Racine longue, ramifiée.
Tige haute de quatre à cinq pieds1, dressée, feuillée, ramifiée depuis sa base jusqu’au sommet, anguleuse depuis la base des feuilles, toute la plante couverte de poils courts, denses, verdâtres.
Rameaux alternes ; les inférieurs parfois très allongés, étalés, subdivisés en rameaux très nombreux.
Feuilles basales longues d’un pied1 et demi et larges de sept pouces2, sessiles, obovales-lancéolées, tomenteuses sur les deux faces, vertes, rugueuses, à bord soit faiblement ondulé, soit faiblement sinué, ou crénelé (la nervure principale est semi-cylindrique jusqu’au milieu, ensuite carénée jusqu’à l’apex) planes sur le dessus, faiblement canaliculées vers leur base : les caulinaires toutes alternes, oblongues-cordées, aiguës, crénelées, sessiles, à base décurrente avec à peine deux ou trois lignes, vertes-tomenteuses sur les deux faces, progressivement décrescentes vers l’apex ; les plus hautes cordées, acuminées, non décurrentes. La plupart des grappes en rameaux terminaux et à l’aisselle des rameaux les plus hauts.
Fleurs en grappes agglomérées, de sept à huit par glomérule, à leur base trois bractées ovales, acuminées, tomenteuses, plus larges au milieu, fournies ; toutes les fleurs pédicellées, pédicelles longs d’une ligne3 ou d’une ligne et demie.
Calice laineux, à poils jaune verdâtre, petit, à peine long d’une ligne3 et demie, à cinq divisions laciniées, aiguës, égales.
Corolle inégale, à diamètre égalant plus ou moins dix lignes3, jaune, à la gorge striée de pourpre, glabre sur le pourtour, faiblement pubescente au centre.
Filaments des étamines tout couverts de poils pourpres, deux un peu plus longs : anthères crochus.
Style glabre, jaune : stigmate en massue.
Fruit blanc, tomenteux, ovale.
Plante très rare, hybride issue de Verbascum pulverulentum etV. sinuatum : peut-être une variété de V. sinuatum, comme thapsoides est une variété de V. lychnitis tel que Linné pensait autrefois.
1 un pied = env. 30 cm.
2 un pouce = env. 25 mm.
3 une ligne = env. 2,2 mm.

 

Quelques années plus tard, Roemer et Schultes (1819) reprennent la description de Brotero, ainsi que l’hypothèse qu’il s’agisse d’un variant de Verbascum sinuatum. Dans sa Flore du bassin sous-pyrénéen, Noulet (1837) signale l’hybride pour la première fois en France, tout en apportant une description succincte (photo 3).

Photo 3. Description de l’hybride V. pulverulentum × V. sinuatum par Noulet (1837).

Grenier et Godron (1850) reprennent cette description et la complètent sur la base d’observations réalisées près de Montpellier (photo 4).

Photo 4. Description de l’hybride V. pulverulentum × V. sinuatum par Grenier & Godron (1850).

En 1878, Freyn fournit une caractérisation relativement détaillée à partir de quelques observations réalisées en Croatie.

D’autres stations héraultaises sont citées par Loret & Barrandon (1887). Ces auteurs fournissent une description sommaire de l’hybride basée sur la précédente, mais mettent en évidence la forme des bractées qui représente en effet un critère de détermination intéressant (photo 5 ; voir aussi tableau 1).

Photo 5. Description de l’hybride Verbascum ×hybridum par Loret & Barrandon (1887).

La seule station gardoise actuellement connue est citée par Cabanès (1891). Il s’agit d’une observation réalisée en 1860 à Avèze près du Vigan par l’illustre Dr. Diomède Tuczkiewicz.

En 1902, Neyraut distribue une centurie de Verbascum ×hybridum récoltée près de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques). Celle-ci est publiée sous le n° 4367 par Dörfler (1909 ; photo 6).

Photo 6. Publication de la centurie de Verbascum ×hybridum récoltée par Neyraut (in Dörfler (éd.), 1902 : 104).

Peu après, Rouy (1909) fournit une synthèse des données connues en France continentale (photo 7).

Photo 7. Description de Verbascum ×hybridum par Rouy (1909).

Dans sa monographie du genre, Murbeck (1933) ne fournit pas de description de l’hybride, mais rassemble toutefois des informations sur un certain nombre de parts d’herbiers qu’il a pu étudier, parmi lesquels la provenance de Bayonne qui correspond à la centurie de Neyraut (in Dörfler (éd.), 1902 : 104 ; n° 4367). Murbeck suppose par ailleurs que l’hybride se rencontre « partout où les espèces parentes poussent ensemble » (photo 8).

Photo 8. Verbascum ×hybridum (en bas à gauche) entre ses espèces parentes, V. sinuatum en haut à gauche, V. pulverulentum à droite (Lattes, 26 novembre 2022) ; la règle mesure 15 cm ; M. Klesczewski (image sous licence CC-BY-NC-ND).

En résumé, on peut constater que Verbascum ×hybridum est non seulement l’hybride le plus anciennement décrit du genre, mais aussi probablement l’un des mieux connus car mentionné par plus d’une dizaine d’auteurs. Toutefois, il n’a jamais fait l’objet d’illustrations, seuls les scans de planches d’herbiers disponibles sur E-RECOLNAT et le GBIF permettent de se faire une idée approximative de l’apparence de ce nothotaxon. C’est pourquoi nous proposons ci-dessous (cf. 2.4) une comparaison illustrée de l’hybride et de ses espèces parentes.

 

2.2. Recherche d’un échantillon type

D’après Figueiredo et al. (2018 : 247), l’herbier personnel de Brotero à Coimbra a sans doute été fortement endommagé, voire détruit en 1807, suite à l’invasion du Portugal par les troupes napoléoniennes. En effet, malgré des recherches approfondies via les différentes bases de données disponibles sur internet, nous n’avons pas réussi à identifier un échantillon de Verbascum récolté par Brotero. De ce fait, nous devons considérer que le type de Verbascum ×hybridum a disparu.

Par ailleurs, à notre connaissance, aucun auteur n’a depuis désigné un néotype de Verbascum ×hybridum. Au vu de ces éléments et de notre objectif d’amélioration des connaissances des molènes et de leurs hybrides en France, il nous a semblé pertinent de procéder à la néotypification de ce nothotaxon (Art. 9.8 du Code de Shenzhen, Turland et al. (eds.), 2019).

On trouve un certain nombre de spécimens scannés sur GBIF (GBIF Secretariat, 2023) et E-RECOLNAT (https://www.recolnat.org/fr/) Certains sont sans doute erronés, d’autres sont incomplets, ainsi le groupe des parts d’herbiers candidates à la néotypification est relativement restreint. Seules quatre parts non douteuses paraissent relativement complètes, comprenant notamment une feuille basale (LY0456363 ; LY0456367 ; CHE016454 ; LY0456372). Ces quatre spécimens proviennent d’ailleurs de la centurie prélevée en 1902 par Neyraut à Bayonne, évoquée plus haut. Afin de suivre au mieux la recommandation 9B du Code de Shenzhen qui stipule « d’exercer un soin particulier et une connaissance critique pour discerner ce qui s’accorde le mieux avec le protologue », nous choisissons parmi ces échantillons celui qui paraît le plus complet, avec feuille basale, feuille caulinaire et inflorescence entière.

Au vu de ces éléments, nous désignons ici le spécimen LY0456363 comme néotype de l’hybride Verbascum ×hybridum Brot. 1804 (photo 9).

Photo 9. Néotype (désigné ici) de Verbascum ×hybridum Brot. 1804 ; spécimen LY0456363 ; © Herbier de Lyon – LY, Université Claude Bernard – Lyon I – UCB. Mise en ligne par E-RECOLNAT (ANR-11-INBS-0004) (licensed under http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/).

2.3. Synthèse des données taxonomiques

Nom valide : Verbascum ×hybridum Brot. 1804

Formule hybride : V. pulverulentum Vill. × V. sinuatum L.

Synonymes :  Verbascum sinuatum-pulverulentum Noulet 1837

Verbascum gussonei Ten. ap. Gussone 1844 (d’après Murbeck, 1933)

   Verbascum floccoso × sinuatum Debeaux 1878

   Verbascum pulverulento-sinuatum Loret & Barrandon 1887

   Verbascum floccosum × sinuatum (Formánek 1895 : 139 ; voir aussi Murbeck 1933)

   Verbascum sinuato × floccosum Debeaux 1896

   Verbascum ×loreti G. Gaut. 1897

Verbascum pulverulento × sinuatum Freyn 1878 (d’après Béguinot 1900-1902)

Néotype (désigné ici) : LY0456363

 

2.4. Comparaison morphologique illustrée

Ci-dessous, les critères morphologiques distinctifs sont présentés sous forme de tableau illustré, incluant une comparaison avec les deux taxons parents (tableau 1).

Tableau 1a. Comparaison des critères morphologiques majeurs de Verbascum ×hybridum et de ses parents, V. pulverulentum Vill. et V. sinuatum L. ; Aspect général ; M. Klesczewski (image sous licence CC-BY-NC-ND).
Tableau 1b. Comparaison des critères morphologiques majeurs de Verbascum ×hybridum et de ses parents, V. pulverulentum Vill. et V. sinuatum L. ; Rosette basale (automne) ; M. Klesczewski (image sous licence CC-BY-NC-ND).
Tableau 1c. Comparaison des critères morphologiques majeurs de Verbascum ×hybridum et de ses parents, V. pulverulentum Vill. et V. sinuatum L. ; Feuilles caulinaires ; M. Klesczewski (image sous licence CC-BY-NC-ND).
Tableau 1d. Comparaison des critères morphologiques majeurs de Verbascum ×hybridum et de ses parents, V. pulverulentum Vill. et V. sinuatum L. ; Base des feuilles caulinaires ; M. Klesczewski (image sous licence CC-BY-NC-ND).
Tableau 1e. Comparaison des critères morphologiques majeurs de Verbascum ×hybridum et de ses parents, V. pulverulentum Vill. et V. sinuatum L. ; Bractées des rameaux ; M. Klesczewski (image sous licence CC-BY-NC-ND).
Tableau 1f. Comparaison des critères morphologiques majeurs de Verbascum ×hybridum et de ses parents, V. pulverulentum Vill. et V. sinuatum L. ; Fleurs ; M. Klesczewski (image sous licence CC-BY-NC-ND).

À signaler par ailleurs que certains individus de V. ×hybridum peuvent dépasser les 150 cm, tout comme le fait – rarement – V. sinuatum.

Le résumé proposé par Arts-Damler (1960 : 242) s’avère pertinent aussi pour V. ×hybridum : l’hybride, à morphologie globalement intermédiaire, possède des tiges florifères plus allongées, avec plus de ramifications et de fleurs.

En résumé, V. ×hybridum s’identifie à l’aide de ses feuilles basales ovales-ondulées, son port très ramifié dès la base, ses feuilles caulinaires courtement décurrentes, ses bractées apparentes ovales-acuminées et ses filets staminaux à poils blancs et violets.

 

3. Variabilité morphologique observée

La variabilité observée chez V. ×hybridum concerne principalement la couleur des poils staminaux. Toutes les fleurs contiennent des mélanges de poils blancs et violets, mais la coloration violette varie de très clair, peu visible à l’œil nu (photo 10) à très nette (photo 11).

Photo 10. Fleur de Verbascum ×hybridum (Viols-en-Laval, 18 juin 2022) ; M. Klesczewski (image sous licence CC-BY-NC-ND).
Photo 11. Fleur de Verbascum ×hybridum (Lattes, 23 juin 2022) ; M. Klesczewski (image sous licence CC-BY-NC-ND).

Un autre type de variabilité observée est saisonnière dans la mesure où elle concerne la forme des feuilles basales. Celles-ci sont de forme plus étroite et allongée en été (photo 12) qu’en hiver (photo 13).

Photo 12. Rosette de Verbascum ×hybridum (Lattes, 23 juin 2022) ; M. Klesczewski (image sous licence CC-BY-NC-ND).
Photo 13. Rosettes de Verbascum ×hybridum (Lattes, 26 novembre 2022) ; M. Klesczewski (image sous licence CC-BY-NC-ND).

Dans la mesure où les rosettes automnales à printanières de Verbascum ×hybridum nous ont paru caractéristiques et donc a priori reconnaissables, nous avons tenté de formuler le critère décisif de façon objective : les feuilles de l’hybride sont ondulées et les sinus n’atteignent pas la moitié de la distance vers la nervure centrale du limbe (photo 14) ; chez V. sinuatum, certains sinus dépassent clairement la moitié de cette distance (photo 15).

Photo 14. Feuille de rosette automnale de Verbascum ×hybridum (Lattes, 26 novembre 2022) ; M. Klesczewski (image sous licence CC-BY-NC-ND).
Photo 15. Feuilles de rosette automnale de Verbascum sinuatum (Fabrègues, 14 octobre 2022) ; M. Klesczewski (image sous licence CC-BY-NC-ND).

4. Stations historiques avérées

De façon assez étonnante, cet hybride aux parents pourtant largement répandus en Europe méditerranéenne et Asie occidentale n’a été que rarement recensé. Par exemple, la cartographie en ligne du Système mondial d’information sur la biodiversité (GBIF Secretariat, 2023) n’affiche que huit données géolocalisées. L’étude des parts d’herbiers disponibles sur ce même site révèle toutefois des données supplémentaires (non cartographiées malgré la présence d’indications géographiques sur les étiquettes). Le tableau 2 présente la synthèse des données historiques avérées grâce à (au moins) un échantillon non douteux conservé, par ordre chronologique croissant.

Historiquement, le nothotaxon était connu de douze localités du Portugal (Coimbra, Brotero 1804), d’Espagne, de France et d’Italie. La centurie récoltée par Neyraut à Bayonne (Dörfler, 1909) est encore très bien représentée dans les différents herbiers, notamment en France.

Tableau 2. Données historiques avérées de Verbascum ×hybridum recensées via les scans de parts d’herbiers disponibles sur GBIF (GBIF Secretariat, 2023) et E-RECOLNAT (https://explore.recolnat.org/search/botanique/type=index).

5. Stations actuelles

En France, nos prospections au cours de la saison 2022 ont permis le recensement d’un total de 64 individus de Verbascum ×hybridum répartis sur six stations héraultaises et deux stations en Haute-Corse (tableau 3). Il s’agit là des premières données du nothotaxon pour la Corse, d’après Jeanmonod & Gamisans (2007) qui ne le mentionnent pas. Au vu de ces résultats obtenus en une seule saison (voir aussi Klesczewski & Rossi, 2023), on peut soupçonner que certains hybrides de Verbascum sont plus méconnus que rares.

Tableau 3. Données de Verbascum ×hybridum recensées en 2022. Les coordonnées géographiques sont indiquées en projection WGS84.

Verbascum ×hybridum apparaît soit en groupes (par dizaines parfois), soit par pieds isolés. Quatre échantillons ont été intégrés à l’herbier général de l’Herbier de l’Université de Montpellier (MPU).

Photo 16. Station avec individus nombreux de V. ×hybridum (Lattes, Fromiga, 16 juin 2022) ; M. Klesczewski (image sous licence CC-BY-NC-ND).

6. Répartition : synthèse actualisée

L’aire de répartition actuellement connue de Verbascum ×hybridum est relativement restreinte et ne comprend que quelques pays de la Méditerranée occidentale (carte 1).

Carte 1. Répartition connue de Verbascum ×hybridum, à l’échelle des pays. L’hybride est nouveau pour la Corse. Source fond cartographique : ESRI Satellite ; S. Rossi (image sous licence CC-BY-NC-ND).

Initialement décrit des environs de Coimbra (Portugal), l’hybride a ensuite été signalé notamment en France et en Italie. Murbeck (1933) ajoute l’Espagne (voir aussi Benedi, 2009), le Monténégro et l’Albanie comme zones de présence avérées. À noter par ailleurs que Dimopoulos et al. (2013) le mentionnent comme potentiellement présent mais non recherché en Grèce.

En France, les stations connues de Verbascum ×hybridum sont situées dans les régions Occitanie, Nouvelle-Aquitaine et Haute-Corse. Au vu du nombre de localités inventoriées en une seule saison, l’hybride semble se former facilement. Les critères de reconnaissance mis en évidence ci-dessus pourraient permettre de détecter d’autres stations en France méridionale.

Un recoupement des zones de présence avérée des deux espèces parentes (données GBIF Secretariat, 2023) est présenté en carte 2. Ce résultat est proche de la répartition par pays déjà connue (carte 1), mais V. ×hybridum pourrait encore être trouvé dans plusieurs secteurs comme la Croatie, la Grèce, la Sicile et la Sardaigne. L’hybride est par ailleurs potentiellement présent sur une maille sur la côte est des États-Unis (Philadelphie).

Carte 2. Zones de présence simultanée des espèces parentes de Verbascum ×hybridum en Europe. Source fond cartographique : ESRI Satellite, mailles de 100 km * 100 km ; S. Rossi (image sous licence CC-BY-NC-ND).

7. Fertilité de l’hybride et dynamique des populations

Malgré l’impression de stérilité de l’hybride au vu de ses capsules non ou mal formées, nous avons récolté les capsules d’une dizaine d’inflorescences sèches en fin d’été et semé le matériel ainsi obtenu en conditions contrôlées. Après plusieurs mois d’observation, aucune germination n’a été observée.

Nous avons par ailleurs revisité les deux populations bien fournies (Gramenet et Fromiga) au cours de l’automne 2022 et observé une reprise de plusieurs individus ayant fleuri, à l’image du parent V. sinuatum dont le mode de vie peut être pérennant (photo 17 ; voir aussi Klesczewski & Rossi, 2023). Ces individus adultes se trouvaient en mélange avec des rosettes plus jeunes n’ayant pas encore fleuri, sans doute issues d’hybridation récurrente.

Photo 17. Plusieurs individus de V. ×hybridum après reprise automnale (Lattes, Fromiga, 26 novembre 2022) ; M. Klesczewski (image sous licence CC-BY-NC-ND).

Ainsi, et comme d’autres hybrides de Verbascum (Klesczewski & Rossi, 2023), V. ×hybridum peut occuper certaines stations plusieurs années de suite. Il convient de citer dans ce contexte les très intéressantes observations de Franchet (1868 : 104) qui constatait « que les hybrides me paraissent affectionner certaines localités de préférence à d’autres, et qu’on les y retrouve souvent durant une période de plusieurs années […] ». Force est donc de constater que certains hybrides de Verbascum ont une nette préférence stationnelle dont les mécanismes sont totalement inconnus et qu’ils arrivent parfois à occuper leur station sur une période de plus de dix ans (Franchet, 1868 : 105).

Préaubert et Bouvet (1899 : 84) confirment ces observations : « […] le plus souvent, les stations d’hybrides continuent à se maintenir, tout en présentant d’une année à l’autre des variations quant au nombre des sujets ». Ces auteurs fournissent par ailleurs plusieurs explications à ces faits de terrain : la production récurrente de « descendance illégitime », une germination supposée plus facile ou encore une durée de conservation plus longue pour les graines hybridées. De notre point de vue, ces phénomènes mériteraient d’être examinés plus en détail.

 

8. Risques de confusion

Verbascum ×hybridum est probablement souvent confondu avec son parent V. sinuatum. Un examen attentif de la forme des feuilles basales (ovales-ondulées, non sinuées-incisées), des feuilles caulinaires (peu décurrentes) ou encore des fleurs (à poils blancs et violets) et fruits (capsules vides) devrait permettre d’éviter ce type de confusions.

 

9. Perspectives

Notre article tente d’affiner la connaissance de cet hybride connu depuis deux siècles, mais tout de même relativement peu observé. Les éléments descriptifs fournis devraient faciliter le recensement de ce nothotaxon sur l’ensemble de son aire de répartition.

Même à l’état végétatif, l’hybride paraît assez caractéristique et par conséquent identifiable avec un niveau de certitude qui pourrait être satisfaisant. Si jamais le groupe Verbascum au sein de la Société botanique d’Occitanie réussissait à rassembler des photos de tous les hybrides à l’état végétatif, on pourrait inclure ces stades non fleuris à la clé de détermination (à venir) des Verbascum de France incluant les hybrides.

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Sites internet

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POWO, 2023. Plants of the World Online. Facilitated by the Royal Botanic Gardens, Kew. Published on the Internet; http://www.plantsoftheworldonline.org/ Consulté le 14 janvier 2023.

Remerciements

Nous remercions les personnes suivantes pour leur aide importante : Caroline Loup (Herbier de l’Université de Montpellier, MPU ; recherche et gestion de spécimens), Elodie Klesczewski (intendance, relecture et gestion graphique sous GIMP), Vasco Silva (Cooperativa de Ensino Superior Egas Moniz), Julien Geslin (Conservatoire botanique national de Brest), Ghislain Huyghe et Eric Mosnier pour l’envoi de bibliographie, Christophe Girod (relecture). Merci aussi à E-RECOLNAT (ANR-11-INBS-0004 ; https://www.recolnat.org/fr/) qui a permis la recherche efficace de spécimens en ligne, ainsi qu’à la Biodiversity Heritage Library (BHL) at Smithsonian Libraries and Archives (Washington, D.C., USA) dont le site www.biodiversitylibrary.org rend les références bibliographiques anciennes si facilement et librement accessibles.