Carnets botaniques

1. Bref rappel des connaissances de sa présence en France et en Occitanie

Cyrtomium falcatum (L. f.) C. Presl, 1836 est une fougère originaire du Sud-Est asiatique (Prelli & Boudrie, 2021), assez couramment vendue en Europe comme plante ornementale. Depuis plus d’une vingtaine d’années, l’espèce a commencé à se naturaliser ici et là en France, de façon très dispersée mais quasi exclusivement à proximité du littoral, dans des habitats souvent urbains. Les premières observations de cette fougère en Europe remontent même au début des années 1970 dans les environs de Biarritz (Parrot, 1982).

La répartition actuelle des données dans le pays montre une aire plutôt axée sur le pourtour méditerranéen d’une part et l’ouest/sud-ouest de la France d’autre part, avec même au nord deux points vers Dunkerque (sources : INPN, Tela-Botanica, Prelli & Boudrie, 2021).

En région Occitanie C. falcatum ne paraît que très peu signalé jusqu’à présent. L’INPN pointe ce taxon dans les Pyrénées-Orientales vers Perpignan et Banyuls-sur-Mer d’une part, tandis que d’assez nombreuses données sont récoltées dans Toulouse (obs. pers. Boris Presseq, Pierre-Olivier Cochard). Une quinzaine de données sont actuellement répertoriées dans la région (source web : OC’NAT, C. falcatum). Prelli et Boudrie (2021) mentionnent aussi sa présence dans l’Aude, à Carcassonne.

Les conditions d’installation de cette fougère sont très souvent les mêmes : murs anciens ou récents avec fissures, offrant une humidité importante au moins saisonnière (derrière une gouttière, sous un rebord de toit, angle avec infiltrations…).

2. Circonstance de la découverte dans le Gers

Le 15 octobre 2024, C. falcatum a été découvert pour la première fois dans le Gers (obs. A. Santalucia), dans la commune de Condom, en rive gauche de la Baïse. La station se situe entre le 10 et le 12 rue de la République, à 2 m de hauteur derrière une gouttière en aluminium (photo 1) qui borde un mur de pierre blanche exposé au sud. La présence de mousses sur le mur indique un milieu au moins en partie humide. L’unique pied semble en bonne santé, avec plusieurs frondes vertes et de taille plutôt faible (10 à 20 cm). La présence de frondes fertiles n’a pas été observée. L’exploitation des photographies disponibles dans l’outil Street View de Google Maps révèle que le spécimen était déjà présent et de taille identique en septembre 2021.

Avec cette première mention pour le Gers, quatre départements d’Occitanie sont désormais connus pour avoir au moins une mention de cette espèce. L’origine de cette station est, comme par exemple pour toutes les autres notées à Toulouse, inconnue. Il est probable que, ce qui est le cas pour beaucoup de fougères apparaissant dans les villes, des spores puissent être dispersées sur de longues distances et en grandes quantités. Notons que la donnée la plus proche connue pourrait être celle d’Agen, dans le Tarn-et-Garonne, située à environ 35 km au nord-est de Condom (signalée par Prelli & Boudrie, 2021).

Cyrtomium falcatum est probablement déjà présent ailleurs, dans d’autres villes de taille moyenne au moins (plus grandes surfaces favorables), mais certainement sous-prospecté en raison du désintérêt assez marqué pour la flore urbaine et plus encore pour les fougères en ville, peu notées (surtout que les pieds poussent souvent en hauteur et peuvent passer inaperçus).

Photo 1. Cyrtomium falcatum, pied découvert et photographié à Condom (Gers) le 21 septembre 2025 ; A. Santalucia, CC-BY-NC-ND.

3. À qui le tour ?

D’autres fougères de répartition tropicale ou asiatique apparues récemment et en expansion dans l’agglomération toulousaine sont à rechercher ailleurs dans les villes de la région. Ainsi, une autre espèce de Cyrtomium, C. fortunei J. Sm., 1866, commence aussi à s’installer. Pour l’instant les données semblent rarissimes (trois stations connues en Occitanie, à Toulouse et sa banlieue ; source web : OC’NAT, C. fortunei).

Pteris vittata L., 1753, autre fougère plutôt tropicale cosmopolite (indigène dans le sud de l’Europe, par ex. au sud de l’Espagne et de l’Italie), commence peut-être aussi une phase d’expansion en Occitanie : deux stations ont été découvertes en centre-ville de Toulouse ces dernières années (source web : OC’NAT, P. vittata). Sa présence, déjà signalée actuellement dans des zones plus tempérées d’Europe comme l’Angleterre ou la Belgique, laisse à penser qu’une colonisation rapide pourrait avoir lieu dans les villes occitanes, surtout dans le contexte de réchauffement climatique extrême.