Carnets de montagne n° 2 : à la découverte de Saleix, du col d’Agnes en Ariège et du Néouvielle, 20 juin 2021 [2/7]

Title

Mountain notebooks n° 2: discovering Saleix, the Agnes pass in Ariège and the Néouvielle, June 20, 2021 [2/7]

Résumé

Cet article décrit une semaine de randonnée botanique dans les montagnes pyrénéennes à la découverte d’une flore et de paysages spectaculaires. Entre reportage photographique et histoire narrative, cette aventure alpine s’inscrit dans une série de sept épisodes.

Abstract

This publication tells about a week of botanical hike in the Pyrenees mountains to discover spectacular flora and landscapes. Between photographic report and narrative story, this alpine adventure is part of a series of seven episodes.

Au lendemain de notre visite dans la vallée d’Eyne [voir Carnets botaniques 80, Carnets de montagne n° 1], nous nous réveillons dans le pays ariégeois, près de l’étang de Lers où nous avons bivouaqué la veille. Les vaches sont de nature curieuse et matinale, visitant les vestiges de notre campement. Une rapide collation dans le tumulte des cloches et nous sommes sur le départ pour notre seconde journée botanique dans les Pyrénées.

Carte 1. Aller et et retour sur la crête de la serre de Bège (7,1 km et 630 m D+/-) ; source IGN.

Les Saxifraga aretioides sont nombreuses sur les parois bordant la route en direction d’Auzat, bien que les floraisons soient passées, seuls quelques pétales sporadiques sont encore en place. En redescendant dans le village, nous roulons au pas et scrutons le moindre interstice à la recherche de quelques surprises botaniques. Seules les belles touffes d’Asplenium septentrionale gagnent à ce que l’on stationne le véhicule.

Franck nous attend au pied de son gîte. Notre aventure pyrénéenne à la recherche de trésors botaniques durera une semaine. Et le premier d’entre eux s’appelle Erodium lucidum. Cette espèce est extrêmement rare en France, on la trouve uniquement sur quelques affleurements rocheux ariégeois. Relativement proche d’Erodium foetidum, elle s’en distingue par son feuillage non glanduleux. En direction du charmant village de Saleix et du Roc de Paillère où nous entamons à pied une piste forestière, Teucrium pyrenaicum en ourlet calcaire nous invite à refaire son portrait.

Planche 1. Asplenium septentrionale (1), Saxifraga aretioides (2) et Teucrium pyrenaicum (3) ; © B. Gilbert.

Le temps est maussade, nous revêtons rapidement notre équipement imperméable et protégeons les appareils photos. Pendant la quinzaine de minutes qui nous sépare de la crête de la serre de Bège, nous arpentons les sentiers plus ou moins praticables des coteaux forestiers. Là-haut, la plante vedette ne tarde pas à faire son apparition. Elle abonde sur les affleurements rocheux calcaires. Nous attendons l’un après l’autre de passer outre les nuages menaçants pour photographier un Erodium lucidum sous les rares halos de lumière. Pendant ce temps, la pluie se densifie et Benjamin examine la végétation compagne de la pelouse basiphile mésoxérophile et relève Sedum album, Chaenorrhinum origanifolium, Thymus vulgaris, Coronilla minima, Phyteuma orbiculare, la délicate Apiaceae Trinia glauca, Koeleria vallesiana, que l’on reconnaît aisément à ses gaines basales entourées de fibres formant une chaussette, et une autre poaceae du genre Festuca. Franck confirme Ononis striata avec les dents des folioles et le pétiolule de la dernière, ainsi que la ramification des inflorescences de Thesium pyrenaicum subsp. pyrenaicum. La découverte de ce milieu est plaisante et le mauvais temps ne nous dérange finalement que peu.

Planche 2. Erodium lucidum (série de photos en 1), Trinia glauca (2) et Thesium pyrenaicum subsp. pyrenaicum ; © B. Gilbert.

Encore sous les averses, nous bouclons notre itinéraire en empruntant les pistes forestières menant au col de la Crouzette. Les appareils photos sont bien protégés sous nos vestes de pluie et nous en faisons rapidement usage pour quelques Thymelaea dioica, Chaenorrhinum origanifolium, Anacamptis coriophora subsp. coriophora. De retour à la voiture, nous nous arrêtons au restaurant pour faire le point sur notre prochaine étape compte tenu de cette météo capricieuse.

Planche 3. Thymelaea dioica (1) et Chaenorrhinum origanifolium (2) ; © B. Gilbert.

Après concertation, nous nous décidons à prendre la route pour le Néouvielle, mais une accalmie nous donne quelques espoirs de balade en début d’après-midi. En passant à nouveau vers le col de Lers, nous nous arrêtons peu avant le col d’Agnes, le long de falaises calcaires où nous notons Campanula precatoria, les fruits de Ranunculus thora, Asperula hirta, Tractema umbellata, Kernera saxatilis, Salix pyrenaica, encore une fois Chaenorrhinum origanifolium et surtout Gentiana occidentalis, la vicariante pyrénéenne de G. angustifolia qui partage la même particularité en formant des touffes denses.

Carte 2. Parcours en voiture de l’étang de Lers jusqu’au col d’Agnes ; source IGN.
Planche 4. Tractema umbellata (1), Ranunculus thora (2), Gentiana occidentalis (3), Asperula hirta (4) et Salix pyrenaica (5) ; © B. Gilbert.

Maintenant que le soleil fait son retour, nous profitons d’être au col d’Agnes pour prospecter confortablement les pelouses du Tuc de la Cahude, culminant à 1 665 m, à la recherche de Thymelaea calycina observée de manière hasardeuse par un ami de Franck il y a quelques années. Après trois quarts d’heure de recherche sous les Rhododendron ferrugineum et sur les roches en surface, nous abandonnons la chasse au trésor. Dommage ! Nous reprenons une longue route sans escale jusqu’à Aragnouet dans les Hautes-Pyrénées.

En direction du lac Cap-de-Long, nous nous arrêtons à la bifurcation du lac d’Orédon. Les falaises surplombant la route depuis les lacets des Edelweiss suintent considérablement et nous y observons quelques espèces comme Valeriana apula, Reseda glauca, Anemonastrum narcissiflorum mais surtout les énormes rosettes de Saxifraga cotyledon. Cette arctico-alpine monocarpique, principalement présente en Norvège, se retrouve dans les Alpes et dans quelques rares stations des Pyrénées centrales. Cependant, il nous semble probable que les plantes fleuries et accessibles aient été le résultat d’une introgression (pénétration d’un génome d’une population par des gènes d’un autre taxon après hybridation et recombinaison [définition issue du Dictionnaire illustré de botanique d’Alain Jouy et Bruno de Foucault]) de Saxifraga paniculata, donnant cet hybride particulier Saxifraga ×gaudinii. En revanche, à plusieurs mètres au-dessus de nous, les individus types nous semblent être bien installés, un seul étant en boutons. Pas de chance pour nous autres observateurs, nous y reviendrons peut-être une autre année.

Carte 3. Falaises au-dessus des lacets des Edelweiss ; source IGN.
Planche 5. Franck photographiant quelques plantes le long des falaises calcaires proches du col d’Agnes (1) et Flavien en quête de Thymelaea calycina sur le Tuc de la Cahude (2) ; © B. Gilbert.

La fin de journée touche à sa fin, Benjamin et Flavien trouvent un bivouac proche de la route alors que Franck retourne en ville pour gagner son hébergement. Le feu de camp sèche toutes les affaires mouillées et remonte le moral pour les plantes que nous n’avons pas vues. Mais tout de même, quelle journée ! [à suivre].

Remerciements

Merci à Sarah Corre pour la relecture du document.