Redécouverte de Buxbaumia aphylla en Haute-Savoie et révision écologique
Title
Rediscovery of Buxbaumia aphylla in Haute-Savoie and ecological revision
Résumé
Deux populations de Buxbaumia aphylla ont été découvertes en Haute-Savoie. Cette espèce, inconnue du département jusqu’en 2021, a été trouvée en pessière subalpine, habitat jusqu’alors non documenté pour cette espèce. Cet article présente l’espèce et l’écologie des stations découvertes.
Abstract
Two populations of Buxbaumia aphylla were discovered in Haute-Savoie. This species, unknown in Haute-Savoie until 2021, has been found in subalpine spruce forest, habitat previously undocumented for this species. This note presents the species and the ecology of discovered stations.
1. Préambule
D’après la bibliographie et les relevés de terrain existants, Buxbaumia aphylla Hedw., 1801 est une espèce se développant principalement sur les talus forestiers, en châtaigneraie ou chênaie pédonculée, en plaine. L’espèce a récemment été découverte en Haute-Savoie, département pour lequel il n’existait pas de mentions récentes. D’autre part, ces nouvelles stations localisées en pessière élargissent les possibilités de prospections ciblées sur cette espèce.
2. Critères de reconnaissance
Très discrète et de petite taille, Buxbaumia aphylla Hedw., 1801 est une bryophyte acrocarpe passant facilement inaperçue (Charissou & Happe, 2016). Quasi invisible à l’œil nu durant la phase gamétophytique, elle est plutôt à rechercher en fin d’hiver-début de printemps, période durant laquelle elle produit une capsule brillante, brun jaunâtre à brun rougeâtre à maturité, ovoïde à face supérieure aplatie. Celle-ci est portée, à l’oblique, par une soie d’environ 5 mm. Les dents de l’exostome sont disposées sur un seul rang (Atherton et al., 2010).
Il existe des risques de confusion avec Buxbaumia viridis (Moug. ex Lam. & DC.) Brid. ex Moug. & Nestl., espèce protégée au niveau national, inféodée au bois mort pourrissant et souvent bien présente dans les forêts de montagne. Les deux espèces se distinguent par la couleur de la capsule et la disposition des dents de l’exostome. Chez B. viridis la capsule est jaune verdâtre à brun pâle et mate à maturité et l’exostome est composé de dents disposées sur quatre rangs (Hugonnot et al., 2023).
3. Statut de protection
À la différence de Buxbaumia viridis, B. aphylla ne bénéficie pas de protection à l’échelle nationale. En revanche, elle est présente sur deux listes rouges régionales :
- statut en danger (EN) sur la liste rouge Auvergne-Rhône-Alpes,
- statut en danger critique d’extinction (CR) sur la liste rouge des Hauts-de-France.
4. Répartition
En France métropolitaine, Buxbaumia aphylla est connue essentiellement sur la moitié est du territoire (carte 1). Sur la région Auvergne-Rhône-Alpes, la grande majorité des stations récentes est concentrée sur le département de l’Ain où l’espèce occupe des talus limono-argileux en chênaie pédonculée acidiphile, entre 200 et 400 m d’altitude. Une mention récente existe également en Isère, dans un contexte écologique similaire.
Elle se développe souvent en mélange avec d’autres bryophytes et hépatiques typiques de ces milieux comme Atrichum undulatum, Dicranella heteromalla, Diplophyllum albicans, Campylopus introflexus, Polytrichum formosum, Pogonatum aloides, ainsi que des lichens terricoles du genre Cladonia et Baeomyces rufus.
La seule mention de Buxbaumia aphylla pour la Haute-Savoie remonte à 1846, avec une observation d’Auguste Guinet au Petit Salève, sur la commune de Monnetier-Mornex (Guinet, 1888). En 2021, une station haut-savoyarde a été découverte par Patrick Perret (ASTERS) sur la commune des Contamines-Montjoie. En 2024, une seconde station a été découverte par Pauline Debay (Conservatoire botanique national alpin) sur la commune de Praz-sur-Arly.
5. Écologie des stations découvertes
Les populations observées en Haute-Savoie se développent en pessière subalpine, en orientation ouest à nord-ouest, sur accumulations humifères en sommet de talus (photo 1). L’altitude de ces deux stations est remarquable : 1 460 m pour celle des Contamines-Montjoie et 1 554 m pour celle de Praz-sur-Arly.
On retrouve le cortège de bryophytes classiquement associé à l’espèce : Dicranella heteromalla, Diplophyllum albicans, Campylopus introflexus, Pogonatum aloides, Polytrichum formosum.
Ces deux observations ont été faites plus tard dans la saison (juillet) qu’en plaine où l’espèce est plutôt à rechercher en fin d’hiver-début de printemps. Sept sporophytes ont été dénombrés sur la station des Contamines-Montjoie et deux sur celle de Praz-sur-Arly. Il n’y a pas eu de second passage effectué.
6. Conclusion
De par sa discrétion et sa petite taille, Buxbaumia aphylla est probablement sous-observée. La découverte de ces deux nouvelles stations élargit le champ des recherches possibles. Des prospections seraient à mener dans les milieux qui lui sont favorables, notamment en Savoie, département pour lequel l’espèce n’est pas encore connue.
Bibliographie
Atherton I., Bosanquet S. & Lawley M., 2010. Mosses and liverworts of Britain and Ireland, a field guide. British Bryological Society, 848 p.
Charissou I. & Happe D., 2016. Buxbaumia aphylla Hedw. en France et en Europe. Bulletin de la Société botanique du Centre-Ouest, n. s., 47 : 67- 88.
Hugonnot V., Pépin F. & Bichon V., 2023. Révision chorologique et écologique de Buxbaumia viridis, espèce protégée en France. Carnets botaniques 128 : 1-9, https://doi.org/10.34971/aqef-9m56.
OpenObs, 2024. Portail français d’accès aux données d’observation sur les espèces, https://openobs.mnhn.fr/ [15/10/2024].